La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/09/2022 | FRANCE | N°19/04017

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 16 septembre 2022, 19/04017


2ème Chambre





ARRÊT N°460



N° RG 19/04017

N° Portalis DBVL-V-B7D-P3P5





(2)







SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE



C/



M. [G] [I]

Mme [H] [J]

SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire déli

vrée



le :



à :

- Me NAUX

- Me BOITTIN

- Me GUILLOTIN





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président ...

2ème Chambre

ARRÊT N°460

N° RG 19/04017

N° Portalis DBVL-V-B7D-P3P5

(2)

SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE

C/

M. [G] [I]

Mme [H] [J]

SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me NAUX

- Me BOITTIN

- Me GUILLOTIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Juin 2022

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 16 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représentée par Me Louis NAUX de la SELARL LRB, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

INTIMÉS :

Monsieur [G] [I]

né le [Date naissance 3] 1991 à [Localité 13]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Etienne BOITTIN de la SELARL AVOCATLANTIC, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

Madame [H] [J]

née le [Date naissance 5] 1987 à [Localité 12]

[Adresse 9]

[Localité 8]

Assigné par acte d'huissier en date du 14/10/2019, délivré à personne, n'ayant pas constitué

SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représentée par Me Stéphanie GUILLOTIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

EXPOSE DU LITIGE

Suivant offre acceptée le 25 octobre 2011, M. [G] [I] et Mme [H] [J] ont souscrit auprès de la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie :

Un prêt immobilier n° 8056246 d'un montant de 10 500 € remboursable en 360 mensualités au taux de 0 %.

Un prêt immobilier n° 8056247 d'un montant de 20 000 € remboursable en 180 mensualités au taux de 4,10 %.

Un prêt immobilier n° 8056248 d'un montant de 83 963,47 € remboursable en 360 mensualités au taux de 4,55 %.

La société Compagnie européenne de garanties et de cautions dite la société CEGC s'est portée caution solidaire des engagements des emprunteurs.

Suivant lettre recommandée en date du 11 juin 2014, la banque a prononcé la déchéance du terme.

Suivant quittance subrogatoire en date du 22 août 2014, la société CEGC a payé à la banque la somme de 107 477,38 €.

Suivant acte d'huissier en date du 5 février 2015, la société CEGC a assigné M. [G] [I] et Mme [H] [J] en paiement devant le tribunal de grande instance de Nantes.

Suivants acte d'huissier en date du 24 février 2016, M. [G] [I] a assigné la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie devant le tribunal de grande instance de Nantes.

Les procédures ont été jointes.

Suivant jugement en date du 28 mai 2019, le tribunal a :

Débouté M. [G] [I] de ses demandes fondées sur un défaut de mise en garde de la banque.

Jugé, dans les rapports entre la société CEGC, M. [G] [I] et la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie que la clause d'intérêt des prêts n° 8056247 et 8056248 était nulle et que le taux légal devait être substitué au taux conventionnel depuis l'origine.

Avant dire droit sur les autres demandes des parties,

Ordonné la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture.

Invité la société CEGC et la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie à produire un nouveau tableau d'amortissement pour les prêts n° 8056247 et 8056248 en substituant le taux légal avec ses variations périodiques au taux conventionnel.

Invité M. [G] [I] à produire toutes pièces de nature à établir l'identité du titulaire du compte n° [XXXXXXXXXX02].

Renvoyé l'affaire à une audience de plaidoirie.

Suivant déclaration en date du 19 juin 2019, la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie a interjeté appel.

Suivant déclaration en date du 8 juillet 2019, la société CEGC a interjeté appel.

Suivant conclusions en date en date du 16 décembre 2019, la société CEGC a interjeté appel incident sur l'appel interjeté par la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie.

Suivant conclusions en date du 6 janvier 2020, M. [G] [I] a interjeté appel incident sur l'appel interjeté par la société CEGC.

Les procédures ont été jointes.

En ses dernières conclusions en date du 16 mars 2022, la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie demande à la cour de :

Vu l'article 1353 du code civil,

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu l'article R. 313-1 du code de la consommation,

Vu l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation,

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [G] [I] de ses demandes fondées sur un défaut de mise en garde qui lui serait imputable.

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé nulle la clause d'intérêt conventionnel, ordonné la réouverture des débats et invité les parties à produire de nouveaux tableaux d'amortissement pour les prêts litigieux en y substituant le taux légal avec ses variations périodiques au taux conventionnel, puis sursis à statuer.

Statuant à nouveau,

Dire irrecevable la demande de nullité de la clause d'intérêt des prêts n° 8056247 et 8056248.

Constater la carence du demandeur dans l'administration de la preuve d'une erreur, d'un préjudice en raison d'une modification du taux effectif global au-delà de la décimale autorisée.

Dire que M. [G] [I] échoue à démontrer un quelconque préjudice.

Dire que les intérêts conventionnels ont bien été calculés sur la base d'une année civile.

Constater que la clause d'intérêt conventionnel litigieuse n'est pas une clause abusive.

Débouter purement et simplement M. [G] [I] de ses demandes, fins et conclusion.

Subsidiairement, à supposer que la cour retienne une erreur dans le calcul des intérêts conventionnels,

Dire que cette hypothétique erreur aurait été commise au stade de l'exécution du contrat de prêt.

Dire que les frais de cette période n'ont pas à être pris en compte dans le calcul du taux effectif global car ils ne sont pas déterminés ou déterminables et nécessaires à l'octroi du crédit.

Dire que cette éventuelle erreur n'impacte donc nullement le taux effectif global.

Très subsidiairement,

La condamner à payer à M. [G] [I] la somme de 1,09 € en réparation du seul préjudice subi.

Dire que les intérêts déjà payés devront être imputés sur le capital restant dû.

En tout état de cause,

Condamner M. [G] [I] à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner M. [G] [I] aux dépens qui seront recouvrés par la société LRB avocats conseils représentée par Maître Louis Naux conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En ses dernières conclusions en date du 18 mars 2022, la société CEGC demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et suivants, 1153 et 1154, 1250, 1251, 2305 et suivants du code civil,

Vu les articles 367, 514 alinéa 1, 699 et 700 du code de procédure civile,

La recevoir en ce son appel principal et incident et la déclarer recevable et bien fondée.

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a jugé nulle la clause d'intérêt conventionnel, ordonné la réouverture des débats et invité les parties à produire de nouveaux tableaux d'amortissement pour les prêts litigieux en y substituant le taux légal avec ses variations périodiques au taux conventionnel, puis sursis à statuer.

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [G] [I] de ses demandes fondées sur un défaut de mise en garde de la banque.

Statuant à nouveau,

Dire que les conditions cumulatives exigées par l'article 2308 du code civil ne sont pas réunies et qu'elle dispose de ses recours subrogatoire et personnel à l'encontre de M. [G] [I] et de Mme [H] [J].

Condamner M. [G] [I] et Mme [H] [J] conjointement et solidairement à lui payer la somme de 115 646,20 € suivant décomptes arrêtés au 13 octobre 2014 outre les intérêts postérieurs au taux contractuel de 4,55 % sur la somme de 86 296,66 € et au taux contractuel de 4,10 % sur la somme de 18 786,07 €.

Ordonner la capitalisation des intérêts échus par année entière.

Rejeter toutes demandes, fins et conclusions contraires.

Condamner M. [G] [I] et Mme [H] [J] conjointement et solidairement à lui payer la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les condamner conjointement et solidairement à supporter les dépens de première instance et d'appel, après en avoir fait masse, donc distraction au profit de Maître Stéphanie Guillotin.

En ses dernières conclusions en date du 1er mars 2022, M. [G] [I] demande à la cour de :

Vu les articles 562 et 901 du code de procédure civile,

Vu les articles 815-3, 815-11, 1152, 1244-1, 1382, 1907, 2308 du code civil,

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation dans sa rédaction en vigueur au moment de la souscription du contrat de prêt,

Vu les articles L. 311-8, L. 312-1, L. 312-2, L. 312-8, L. 312-33 et R. 313-1 du code de la consommation,

A titre principal,

Le déclarer recevable et bien fondé en ses écritures.

Constater que la cour n'est saisie d'aucune demande de la société CEGC et, en conséquence, confirmer la décision de première instance à son égard et renvoyer les parties devant le tribunal de grande instance de Nantes afin qu'il statue sur le surplus de leurs prétentions.

Débouter la société CEGC et la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie de toutes leurs demandes, fins et conclusions.

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité de la stipulation d'intérêts.

Infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande tendant au rejet du recours de la société CEGC.

Dire que la clause relative à la déchéance du terme et à l'exigibilité du capital restant dû en cas de vente de l'immeuble présente un caractère abusif et la réputer non écrite.

Dire que la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie ne pouvait réclamer le remboursement immédiat du capital restant dû après la vente de l'immeuble.

Dire que la société CEGC, au titre de son recours subrogatoire, doit se voir opposer la non-exigibilité du capital restant dû.

Dire que la société CEGC est privée de son recours personnel pour avoir payé sans être poursuivie par la banque et ne l'avoir pas informé au préalable alors même qu'il pouvait contester l'exigibilité de la dette.

En conséquence, rejeter la demande paiement formée par la société CEGC.

A titre subsidiaire,

Dire que la clause relative à la déchéance du terme et à l'exigibilité du capital restant dû en cas de vente de l'immeuble présente un caractère abusif et la réputer non écrite.

Dire que la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie ne pouvait réclamer le remboursement immédiat du capital restant dû après la vente de l'immeuble.

Dire que la société CEGC a commis une faute en payant la banque.

En conséquence, condamner la société CEGC à lui verser la somme de 107 477,38 € et ordonner la compensation des sommes dues entre les parties.

A titre très subsidiaire,

Dire que la clause relative aux intérêts présente un caractère abusif et la réputer non écrite.

Dire que la société CEGC, au titre de son recours subrogatoire, doit se voir opposer le caractère abusif et réputé non écrit de la clause relative aux intérêts.

Dire que la société CEGC a commis une faute en payant à la banque la somme de 107 477,38 € et la condamner à lui payer une somme de 11 199,01 € à titre de dommages et intérêts.

En conséquence, limiter sa condamnation et celle de Mme [H] [J], à payer à la société CEGC la somme de 96 278,37 €.

A titre infiniment subsidiaire,

Prononcer la nullité de la clause relative aux intérêts.

Dire que la société CEGC, au titre de son recours subrogatoire, doit se voir opposer la nullité de la clause relative aux intérêts.

Dire que la société CEGC a commis une faute en payant à la banque la somme de 107 477,38 € et la condamner à lui payer une somme de 11 199,01 € à titre de dommages et intérêts.

En conséquence, limiter sa condamnation et celle de Mme [H] [J] à payer à la société CEGC la somme de 96 278,37 €.

En tout état de cause,

Rejeter la demande de la société CEGC au titre des intérêts au taux contractuel, de la clause pénale et de l'anatocisme.

Ordonner la compensation des sommes éventuellement dues entre les parties.

Dire qu'il s'acquittera des sommes mises à sa charge par 23 échéances mensuelles de 75,00 € et le solde restant dû à la 24ème échéance.

Condamner Mme [H] [J] à le garantir des condamnations prononcées à son encontre.

Condamner solidairement la société CEGC et la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamner solidairement la société CEGC et Mme [H] [J] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Mme [H] [J] n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

M. [G] [I] fait valoir que la déclaration d'appel de la société CEGC est un appel général sans limitation. Il demande à la cour de constater qu'elle n'est saisie d'aucune demande.

La société CEGC réplique que son appel n'est pas général mais qu'il est limité à certains chefs de la décision critiquée.

Il résulte des articles 562 et 901 du code de procédure civile que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La déclaration d'appel régularisée le 5 juillet 2019 par voie électronique par la société CEGC mentionne dans la rubrique Objet/portée de l'appel : Chefs de jugement critiqués dans la pièce jointe faisant corps avec la déclaration d'appel. Les chefs du jugement expressément critiqués sont effectivement précisés dans la pièce jointe à la déclaration d'appel. La société CEGC a demandé l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a jugé, dans les rapports entre la société CEGC, M. [G] [I] et la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie, que la clause d'intérêt des prêts n° 8056247 et 8056248 était nulle et que le taux légal devait être substitué au taux conventionnel depuis l'origine, ordonné la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture et invité la société CEGC et la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie à produire un nouveau tableau d'amortissement pour les prêts n° 8056247 et 8056248 en substituant le taux légal avec ses variations périodiques au taux conventionnel. La cour est donc valablement saisie de l'appel de la société CEGC.

Concernant le recours personnel, pour s'opposer à la demande en paiement de la société CEGC, M. [G] [I] fait valoir qu'elle s'est acquittée spontanément, sans poursuites préalables, des sommes dont elle poursuit aujourd'hui le recouvrement et qu'elle ne justifie pas avoir averti avant tout paiement les débiteurs principaux alors qu'ils disposaient de moyens de nature à faire déclarer la dette éteinte. Il se prévaut du caractère abusif de la clause de déchéance du terme et de sa non-opposabilité.

Concernant le recours subrogatoire, il fait valoir que le solde du capital emprunté n'était pas exigible et que le quantum de la dette est contestable puisque la clause d'intérêt était nulle. Il soutient que la banque a prononcé la déchéance du terme de façon discrétionnaire, immédiate et sans avertissement préalable, que la clause de déchéance du terme présentait un caractère abusif et qu'elle est de ce fait réputée non écrite. Il reproche à la caution de s'être acquittée d'une somme qui n'était pas exigible. Il soutient encore que la clause dite lombarde de calcul des intérêts est abusive et qu'il est fondé à opposer à la caution la créance dont il aurait pu se prévaloir à l'encontre de la banque au titre des intérêts indûment versés.

La société CEGC rappelle qu'elle a désintéressé la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie et qu'elle détient un recours personnel et un recours subrogatoire contre les débiteurs principaux. Elle soutient qu'elle a payé la banque après avoir été appelée, que les emprunteurs étaient informés aux termes des conditions générales du prêt qu'en cas de défaillance, elle serait amenée à exécuter son obligation de règlement, et qu'ils ne pouvaient, au moment du paiement, se prévaloir de moyens tendant à faire déclarer la dette éteinte. Elle considère que les moyens soulevés par M. [G] [I] ne lui sont pas opposables. Elle ajoute que son action est également subrogatoire et qu'elle est fondée à obtenir l'application du taux conventionnel.

Au sens de l'article 2308 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, la caution, pour être privée de son recours, doit avoir payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal alors que celui-ci avait, au moment du paiement, des moyens pour faire déclarer la dette éteinte. Les conditions doivent être réunies de manière cumulative.

La société CEGC justifie que le 24 juillet 2014, la banque lui a adressé une lettre portant « demande de remboursement » à laquelle était annexée « un formulaire de demande de prise en charge ». En outre, M. [G] [I] ne justifie en réalité d'aucun moyen, au moment du paiement, qui aurait pu lui permettre de voir déclarer la dette éteinte. La non-opposabilité ou la nullité éventuelle de la clause de déchéance du terme ne pouvait avoir pour effet que d'affecter la date d'exigibilité de la dette. Il lui appartenait au moment où la banque a prononcé la déchéance du terme d'en contester la validité et non d'opposer après paiement ce moyen à la caution.

La société CEGC justifie qu'elle a désintéressé la banque à hauteur de la somme de 107 477,38 € suivant quittance subrogatoire en date du 22 août 2014.

Il convient de rappeler que le débiteur peut opposer les exceptions inhérentes à la dette à la caution exerçant le recours subrogatoire mais pas quand elle exerce le recours personnel. La société CEGC exerce tout à la fois un recours subrogatoire et un recours personnel. A ce dernier titre, elle ne peut se voir opposer les fautes commises par la banque quand elle réclame paiement de la somme qu'elle a elle-même payée.

C'est d'ailleurs ce qu'admet M. [G] [I] quand il écrit que si la caution n'était pas déchue de son recours personnel, il devrait s'acquitter sur ce fondement de la somme de 107 477,38 € sans pouvoir opposer les moyens de défense qu'il aurait pu invoquer l'encontre de la banque. Pour faire échec cependant à l'action de la caution, il lui impute une faute délictuelle consistant dans le fait d'avoir payé la banque alors qu'elle ne pouvait ignorer les irrégularités affectant les contrats de prêt.

La société CEGC rappelle à bon droit que la caution n'a aucune obligation de soulever les moyens de contestation inhérents à la dette. Et comme rappelé infra, les débiteurs auraient pu contester l'exigibilité ou le quantum de la dette au moment où ils ont été appelés en paiement par la banque. Il ne peut être reproché à la caution son inaction alors que les débiteurs eux-mêmes se sont abstenus d'agir. En l'absence de faute de la caution, les demandes de M. [G] [I] à son égard ne sauraient prospérer.

En revanche, la société CEGC soutient à tort qu'elle pourrait prétendre aux intérêts au taux conventionnel en vertu de son recours subrogatoire. Sauf convention contraire conclue entre la caution et le débiteur, ils sont dus au taux légal. Il n'est pas justifié en l'espèce d'une telle convention conclue entre la caution et les débiteurs.

De même, le subrogé ne recueille que les droits dont le subrogeant était titulaire dans la limite de ce qu'il a payé. La société CEGC n'est pas fondée à solliciter le paiement de l'indemnité de résiliation anticipée de 7 % qu'elle n'a pas elle-même payée à la banque.

La société CEGC est fondée à solliciter la condamnation solidaire des consorts [I]-[J] à lui payer la somme de 107 477,38 € outre les intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de payer en date du 21 août 2014.

La caution qui exerce un recours personnel est fondée à solliciter le bénéfice des dispositions de l'article 1154 devenu 1343-2 du code civil sans pouvoir se voir opposer les dispositions des articles L. 312'22 et L. 312'23 du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la cause qui concernent le prêteur.

Le premier juge a dit, dans les rapports entre la société CEGC, M. [G] [I] et la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie, que la clause d'intérêt des prêts n° 8056247 et 8056248 basée sur une année bancaire de 360 jours était nulle et que le taux légal devait être substitué au taux conventionnel depuis l'origine.

Il ressort des énonciations du contrat que durant la phase de préfinancement et d'amortissement, les intérêts devaient être calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours.

Il convient de rappeler qu'il appartient aux emprunteurs de démontrer que l'application de la clause litigieuse a été de nature à provoquer une erreur de taux effectif global au-delà de la marge d'erreur d'une décimale prévue par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, ou, en tous les cas, un écart d'intérêt suffisamment significatif pour générer un préjudice indemnisable. L'existence d'une erreur au-delà de la décimale n'est pas démontrée ni même alléguée. La preuve d'un écart d'intérêt suffisamment significatif pour générer un préjudice indemnisable n'est pas rapportée.

M. [G] [I] ne démontre pas que la clause litigieuse a créé un déséquilibre significatif à son détriment de sorte qu'elle ne saurait être qualifiée d'abusive. Il n'y a donc pas lieu d'écarter cette clause.

Le jugement déféré sera infirmé sauf en ce qu'il a débouté M. [G] [I] de ses demandes fondées sur un défaut de mise en garde de la banque.

M. [G] [I] a bénéficié en raison de la durée de la procédure de larges délais. Il n'y a pas lieu de lui accorder des délais supplémentaires.

Il ne peut non plus solliciter la condamnation de Mme [H] [J] à le garantir des condamnations prononcées au profit de la société CEGC au motif qu'elle aurait détourné le produit de la vente du bien immobilier financé par les prêts litigieux alors qu'ils sont dans leurs rapports entre eux, sauf convention contraire, engagés à part égale.

Il n'est pas inéquitable de condamner M. [G] [I] à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de condamner solidairement les consorts [I]-[J] à payer à la société CEGC la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [I]-[J] seront condamnés solidairement aux dépens de première instance et d'appel. Il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la société LRB avocats conseils représentée par Maître Louis Naux et de Maître Stéphanie Guillotin.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Nantes en date du 28 mai 2019 sauf en ce qu'il a débouté M. [G] [I] de ses demandes fondées sur un défaut de mise en garde de la banque.

Statuant à nouveau,

Condamne M. [G] [I] et Mme [H] [J] solidairement à payer à la société Compagnie européenne de garanties et de cautions la somme de 107 477,38 € outre les intérêts au taux légal à compter du 21 août 2014.

Dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt à compter de la présente décision.

Condamne M. [G] [I] à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Normandie la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne solidairement M. [G] [I] et Mme [H] [J] à payer à la société Compagnie européenne de garanties et de cautions la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne solidairement M. [G] [I] et Mme [H] [J] aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la société LRB avocats conseils représentée par Maître Louis Naux et de Maître Stéphanie Guillotin.

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/04017
Date de la décision : 16/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-16;19.04017 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award