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16/09/2022 | FRANCE | N°19/03970

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 16 septembre 2022, 19/03970


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°381



N° RG 19/03970 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-P3NR













- SAS GIFI

- SARL GROUPE [N] [R] - GPG



C/



Mme [J] [H]



- Me [O] [F] (co-mandataire liquidateur de la SAS LILNAT GIGA STORE)

- Me [X] [G] (co-mandataire liquidateur de la SAS LILNAT GIGA STORE)



Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS, CGEA Ile De France EST

















Infirmation partiell

e













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DON...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°381

N° RG 19/03970 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-P3NR

- SAS GIFI

- SARL GROUPE [N] [R] - GPG

C/

Mme [J] [H]

- Me [O] [F] (co-mandataire liquidateur de la SAS LILNAT GIGA STORE)

- Me [X] [G] (co-mandataire liquidateur de la SAS LILNAT GIGA STORE)

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS, CGEA Ile De France EST

Infirmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 19 Mai 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 16 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTES et intimées à titre incident :

La SAS GIFI prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 12]

[Localité 6]

La SARL GROUPE [N] [R] - GPG prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

[Adresse 13]

[Localité 6]

AYANT TOUTES DEUX Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et représentées à l'audience par Me François HUBERT, Avocat plaidant du Barreau de PARIS

INTIMÉE et appelante à titre incident :

Madame [J] [H]

née le 13 Juin 1980 à [Localité 10] (44)

demeurant [Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Avocat postulant du Barreau de RENNES et ayant Me Sandrine PARIS, Avocat au Barreau de NANTES, pour conseil

.../...

AUTRES INTIMÉES, de la cause :

Maître [O] [F], Mandataire Judiciaire es qualités de co-mandataire liquidateur de la SAS LILNAT GIGA STORE

[Adresse 3]

[Localité 9]

Ayant Me Peggy CUGERONE de l'ASSOCIATION EPITOGE, Avocat au Barreau de NANTES, pour Avocat constitué

La SELAFA de Mandataires Judiciaires MJA prise en la personne de Maître [X] [G] ès qualités de co-mandataire liquidateur de la SAS LILNAT GIGA STORE

[Adresse 1]

[Localité 7]

Ayant Me Peggy CUGERONE de l'ASSOCIATION EPITOGE, Avocat au Barreau de NANTES, pour Avocat constitué

L'Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS - CGEA Ile De France EST prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

[Adresse 2]

[Localité 8]

Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU de la SELARL AVOLITIS, Avocat au Barreau de RENNES

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

Mme [J] [H] a été engagée par la SASU ORVAL (exploitant un fonds de commerce sous l'enseigne GIGA STORE), à compter du 4 juillet 2005, en qualité d'employée libre-service auxiliaire, par un contrat à durée déterminée, qui s'est poursuivi à durée indéterminée à compter du 28 août 2005.

Le 1er avril 2012, Mme [H] a régularisé un contrat de travail avec la société LILNAT (GIGA [Localité 10]), devenant ainsi directrice du 'GIGA STORE' situé à [Localité 11].

Le 4 mai 2017, la société LILNAT GIGA STORE a été placée en redressement judiciaire.

Le 26 juin 2017, la société LILNAT a été cédée à la SARL GROUPE [N] [R] (GPG) et le contrat de travail de Mme [H] a été transféré au repreneur. Dans le cadre de cette cession, le repreneur s'est engagé à reprendre plusieurs fonds de commerce sous les enseignes notamment GIGA STORE et TATI.

Le magasin dirigé par Mme [H] jusqu'alors sous l'enseigne GIGA STORE passait sous l'enseigne TATI.

Le 10 juillet 2017, [Z] [H] a saisi le Conseil de Prud'hommes de NANTES d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur.

Le 1er mars 2018, Mme [H] a été déclarée inapte en une seule visite par le médecin du travail.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 3 avril 2018, la société TATI MAG a convoqué Mme [H] à un entretien préalable de licenciement fixé le 13 avril 2018.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 19 avril 2018, la société LILNAT a notifié à Mme [H] son licenciement pour inaptitude physique d'origine professionnelle.

La cour est saisie d'un appel formé le19 juin 2019 par la SAS GIFI et la SARL GROUPE [N] [R] à l'encontre du jugement du 20 mai 2019, par lequel le conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Dit se déclarer compétent pour juger de l'affaire,

' Déclaré l'AGS CGEA hors de cause au titre des créances éventuelles,

' Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [H] aux torts de la Société GPG-GIFI, venant aux droits de la SAS LILNAT GIGA STORE,

' Dit nulle la convention de forfait jours,

' Dit que la SAS LILNAT GIGA STORE et par extension la Société GPG-GIFI s'est rendue coupable de travail dissimulé,

' Dit que la SAS LILNAT GIGA STORE et par extension la Société GPG-GIFI a manqué à son obligation de sécurité,

' Condamné la Société GPG-GIFI, venant aux droits de la SAS LILNAT GIGA STORE à payer à Mme [H] les sommes suivantes :

- 38.045,76 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 4.111,44 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 411,14 € au titre des congés payés afférents,

- 66.786,79 € au titre des heures supplémentaires,

- 6.678,67 € au titre des congés payés afférents,

- 19.022,88 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 38.045,76 € à titre de dommages-intérêts pour les manquements à l'obligation de sécurité,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Lesdites condamnations étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2017, date de saisine du conseil, pour les sommes à caractère salarial et du prononcé du jugement pour celles à caractère indemnitaire,

' Ordonné à la Société GPG-GIFI, venant aux droits de la SAS LILNAT GIGA STORE, à remettre à Mme [H] les documents de fin de contrat conformes au présent jugement,

' Ordonné l'exécution provisoire du jugement pour la totalité des condamnations,

' Condamné la Société GPG-GIFI, venant aux droits de la SAS LILNAT GIGA STORE, aux dépens éventuels.

Par ordonnance d'incident du 2 octobre 2020, le conseiller de la mise en état a :

' Prononcé l'irrecevabilité des conclusions du 23 décembre 2019 de la SELAFA MJA prise en la personne de Me [G] et de Me [F] ès-qualités de co-liquidateurs de la SAS LILNAT GIGA STORE,

' Condamné in solidum la SELAFA MJA prise en la personne de Me [G] et de Me [F] ès-qualités de co-liquidateurs de la SAS LILNAT GIGA STORE aux dépens de l'incident,

' Condamné in solidum la SELAFA MJA prise en la personne de Me [G] et de Me [F] ès-qualités de co-liquidateurs de la SAS LILNAT GIGA STORE à verser à Mme [H] la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 23 février 2022, suivant lesquelles la SAS GIFI et la SARL GROUPE [N] [R] (GPG) demandent à la cour de :

' Les dire recevables et bien fondées en leur appel et y faisant droit,

A titre principal,

' Dire que l'acte introductif d'instance du 10 juillet 2017 et le jugement entrepris visent la 'société GPG-GIFI' qui est une société inexistante et ne mentionnent pas la société GROUPE [N] [R] et la société GIFI, de sorte qu'ils sont affectés d'un vice de fond, insusceptible de régularisation,

' Prononcer la nullité de l'acte introductif d'instance du 10 juillet 2017 et du jugement entrepris en toutes ses dispositions,

' Dire que cette irrégularité ne peut être couverte,

' Dire que l'effet dévolutif ne joue pas dès lors que la nullité affecte l'acte introductif d'instance,

' Renvoyer les parties à mieux se pourvoir, sans autrement examiner le fond du litige,

A titre subsidiaire, si la cour venait à écarter la nullité de l'acte introductif d'instance et par là même du jugement, et devait statuer au fond en raison de l'effet dévolutif de l'appel,

' Dire Mme [H] irrecevable à former des prétentions à l'encontre de la 'société GPG-GIFI', société inexistante,

' Dire Mme [H] irrecevable à former des prétentions à l'encontre de la société GROUPE [N] [R] et de la société GIFI, en l'absence de tout contrat de travail les ayant liées,

' Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En toute hypothèse,

' Dire Mme [H] irrecevable et mal fondée en son appel incident et l'en débouter,

' Rejeter toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre des sociétés GROUPE [N] [R] et GIFI,

' Dire irrecevables et infondés l'ensemble des appels incidents formés par les intimés,

' Rejeter toutes demandes, fins et conclusions formées par le CGEA et les liquidateurs judiciaires de la société LILNAT à l'encontre des sociétés GROUPE [N] [R] et GIFI,

' Condamner Mme [H] à verser à la société GROUPE [N] [R] et à la société GIFI la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner aux entiers dépens recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 25 avril 2022, suivant lesquelles Mme [H] demande à la cour de :

' Constater que la société GPG-GIFI a été déclarée sur son offre repreneur de la société LILNAT GIGA STORE,

' Rejeter comme non fondés les moyens de nullité soulevés devant la cour par les appelantes,

' Dire la requête prud'homale du 10 juillet 2017 valide,

' Dire le jugement du 20 mai 2019 valide,

A titre subsidiaire,

' Dire que les sociétés GPG et GIFI sont dépourvues d'intérêt à agir,

' Dire leurs demandes présentées en cause d'appel irrecevables et les en débouter,

En tout état de cause,

' Réformer le jugement entrepris des chefs de l'indemnité conventionnelle de licenciement, du chef de l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,

' Confirmer le jugement entrepris en ses autres dispositions et notamment en ce qu'il a écarté l'exception d'incompétence,

' Débouter les appelantes ainsi que les mandataires liquidateurs de la société LILNAT de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

' Fixer le salaire mensuel moyen de Mme [H] à hauteur de 3.170,48 €,

' Constater que la société GPG GIFI (GROUPE [N] [R]) représentée M. [R] venant aux droits de la société LILNAT a commis de graves manquements à l'égard de Mme [H],

' Dire que ces graves manquements rendaient strictement impossible la poursuite du contrat de travail de Mme [H] dans de telles conditions,

' Prononcer la résiliation du contrat de travail liant Mme [H] à la société GPG GIFI (GROUPE [N] [R]) représentée M. [R] venant aux droits de la société LILNAT aux torts exclusifs de cette dernière,

' Dire que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' Dire que la convention de forfait jours est nulle,

' Dire que toutes les heures supplémentaires n'ont pas été payées et que la société GPG GIFI s'est rendue coupable de travail dissimulé,

' Dire que la société GPG GIFI a manqué à son obligation de sécurité,

' Condamner la société GPG GIFI (GROUPE [N] [R]) représentée par M. [R], venant aux droits de la société LILNAT, à payer à Mme [H] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal :

- 38.045,76 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 9.511,44 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 9.511,44 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 951,14 € au titre des congés payés afférents,

- 66.786,79 € au titre des heures supplémentaires,

- 6.678,67 € au titre des congés payés afférents,

- 19.022,88 € à titre d'indemnité forfaitaire au titre du travail dissimulé,

- 38.045,76 € à titre de dommages-intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et frais d'exécution forcée,

A titre subsidiaire,

' Déclarer le plafond d'indemnité du licenciement sans cause réelle et sérieuse inadéquat et non conforme à l'article 24 de la Charte sociale européenne révisée et de l'article 10 de la convention de l'OIT,

' Ecarter ce plafond au profit d'une appréciation souveraine de la cour,

' Fixer le salaire mensuel moyen de Mme [H] à la somme de 3.170,48 €,

' Dire que la société GPG GIFI (GROUPE [N] [R]) représentée M. [R] venant aux droits de la société LILNAT a manqué à son obligation de sécurité à l'égard de Mme [H],

' Dire que le licenciement de Mme [H] est dénué de toute cause réelle et sérieuse,

' Décerner acte de leur intervention volontaire aux sociétés GPG et GIFI,

' Fixer la créance de Mme [H] aux sommes suivantes :

- 38.045,76 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 105,33 € au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 4.111,44 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 411,14 € au titre des congés payés afférents,

' Condamner in solidum les sociétés venant aux droits de la société LILNAT à savoir la société GPG GIFI, la société GPG (GROUPE [N] [R]), la société GIFI, à payer à Mme [H] les sommes suivantes :

- 38.045,76 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 105,33 € au titre de l'indemnité spéciale de licenciement,

- 4.111,44 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 411,14 € au titre des congés payés afférents,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens et frais d'exécution forcée,

' Rejeter toutes demandes fins et conclusions autres ou contraires aux présentes.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 26 novembre 2019, suivant lesquelles le CGEA IDF EST demande à la cour de :

' Rejeter les moyens de nullité soulevés par les sociétés GPG et GIFI,

' Dire infondé l'appel interjeté par les sociétés GPG et GIFI à l'encontre du CGEA IDF EST,

' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a mis hors de cause l'AGS-CGEA IDF EST,

' Mettre hors de cause l'AGS-CGEA IDF EST,

En toute hypothèse,

' Dire que l'AGS ne saurait garantir les créances résultant de la rupture du contrat de travail,

' Débouter Mme [H] de toutes ses demandes qui seraient dirigées à l'encontre de l'AGS,

' Décerner acte à l'AGS de ce qu'elle ne consentira d'avance au mandataire judiciaire que dans la mesure où la demande entrera bien dans le cadre des dispositions des articles L.3253-6 et suivants du code du travail,

' Dire que l'indemnité éventuellement allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile n'a pas la nature de créance salariale,

' Dire que l'AGS ne pourra être amenée à faire des avances, toutes créances du salarié confondues, que dans la limite des plafonds applicables prévus aux articles

L.3253-17 et suivants du code du travail,

' Dépens comme de droit.

Il sera rappelé que par ordonnance d'incident du 2 octobre 2020, les conclusions du 23 décembre 2019 de la SELAFA MJA prise en la personne de Me [G] et de Me [F] ès-qualités de co-liquidateurs de la SAS LILNAT GIGA STORE ont été déclarées irrecevables.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 mai 2022.

Par application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties à leurs dernières conclusions sus-visées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de l'acte introductif d'instance du 10 juillet 2017 et du jugement du conseil de prud'hommes de Nantes du 20 mai 2019 ainsi que sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes

In limine litis, les appelants soutiennent que les premiers juges ont condamné la 'Société GPG-GIFI' alors qu'elle n'existe pas.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 26 juin 2017 ordonne expressément la cession de la société Lilnat Giga Store, employeur de Mme [H], à la SAS GPG GIFI, représentée par M. [N] [R], avec faculté de substitution au profit d'une ou plusieurs filiales à constituer dont GPG (GROUPE [N] [R]) qui détiendrait directement ou indirectement la majorité du capital précisant que 'la société GPG et M. [N] [R] demeurent solidairement responsables des engagements pris'.

Il ne peut être sérieusement soutenu dans ces conditions que la SAS GPG GIFI est dépourvue de personnalité juridique.

Et il importe peu que la société GROUPE [N] [R] se soit présentée sous le nom commercial de l'un de ses établissements car cette circonstance ne la prive pas de la capacité d'ester en justice sous l'une ou l'autre de ces dénominations.

Il s'ensuit que la SAS GIFI et la SARL GROUPE [N] [R] seront déboutés de leurs demandes touchant à :

- l'annulation de l'acte introductif d'instance du 10 juillet 2017 et du jugement du conseil de prud'hommes de Nantes du 20 mai 2019 ;

- la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes formées à leurs encontre.

***

Sur l'exécution du contrat de travail

Sur l'opposabilité de la convention de forfait jours

C'est par une exacte appréciation des éléments du dossier que les premiers juges ont estimé que Mme [H] n'était pas un cadre autonome et qu'elle était soumise à l'horaire collectif en ce que les pièces fournies par Mme [H], qui avait la responsabilité de l'alarme durant la journée, permettent d'identifier la présence de salariés dans le magasin avant et après les heures d'ouverture à la clientèle ainsi que les relevés de la société MODERNE ASSISTANCE en charge de la sécurité alarme du magasin.

Par ailleurs, l'employeur ne produit aucun élément sur les entretiens individuels de Mme [H].

La décision entreprise sera donc confirmée

Sur le rappel d'heures supplémentaires

Mme [H] revendique la somme de 66.786,79 € à titre de rappels d'heures supplémentaires sans préciser la période de rappel et 6.678,67 € bruts à titre de congés payés afférents.

Le SAS GIFI et la SARL GROUPE [N] [R] réplique que Mme [H] était directrice de magasin ; qu'elle était censée gérer de manière autonome son temps de travail et l'organisation du magasin et qu'en conséquence elle ne peut 'se prévaloir devant la Cour de ses propres turpitudes'.

En l'absence de convention individuelle de forfait en jours, le salarié est soumis aux règles de droit commun de calcul de la durée du travail et peut donc solliciter le paiement des heures supplémentaires qu'il aurait accomplies.

Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

A l'appui de sa demande de rappel d'heures supplémentaires, Mme [H] a notamment versé aux débats :

- une copie des horaires du magasin Giga Store Orvault issue du site internet 'Pages jaunes professionnelles' à la date du 22 juin 2017 (pièce n°49) ;

- les 'historiques du transmetteur' issus de la société de surveillance MODERNE ASSISTANCE pour les mois de juillet 2016 et mars 2017 qui renseignent que Mme [H] arrivait, sur ces deux mois, avant l'ouverture du magasin et repartait peu de temps après sa fermeture (pièce n°48).

Ces pièces sont suffisamment précises pour que l'employeur puisse répondre en fournissant ses propres éléments.

En premier lieu et en application des règles probatoires rappelées ci dessus, il n'appartient pas à Mme [H] de rapporter la preuve d'heures supplémentaires.

En second lieu, force est de constater que si l'employeur auquel il incombe d'assurer le contrôle des heures de travail effectuées, critique les éléments avancés par la salariée, il n'en fournit aucun de nature à justifier les horaires qui, selon lui, auraient réellement été suivis par Mme [H] alors qu'il lui appartient d'établir les documents nécessaires au décompte de la durée de travail.

Par conséquent, au vu de l'ensemble des éléments ainsi soumis à la cour par chacune des parties, il apparaît que la salariée a bien accompli des heures supplémentaires, mais toutefois dans une proportion moindre.

Ainsi, le montant des heures supplémentaires doit être fixé à la somme de 11.459,67 € bruts et 1.145,96 € bruts au titre des congés payés afférents. Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur le travail dissimulé

L'article L 8221- 5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de mentionner intentionnellement sur un bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Mme [H] expose que l'employeur avait une parfaite connaissance de l'irrégularité de la clause de forfait jour et de l'exécution d'heures supplémentaires.

Toutefois, le manquement de l'employeur à son obligation de contrôle des horaires effectués par un salarié dans le cadre d'un forfait jour ne caractérise pas à lui seul l'intentionnalité visée par le texte rappelé précédemment.

Dès lors, la décision entreprise sera infirmée à ce titre.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

In limine litis, il sera rappelé que la juridiction prud'homale est compétente pour apprécier une demande indemnitaire liée à un manquement à une obligation de sécurité. C'est donc en vain comme le prétendent les mandataires liquidateurs, pour soulever l'incompétence de la juridiction, qu'il s'agit d'indemniser Mme [H] pour son accident de travail. Le jugement sera confirmé à ce titre.

En application de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

En application des dispositions de l'article L. 1222-1 du Code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l'exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l'invoque.

En l'espèce, outre les développements précédents concernant la durée du travail, Mme [H] produit de nombreuses pièces concernant les actes de violence physique ou morale à son encontre dans le cadre de son activité professionnelle (pièces 15 à 27), le rapport de l'inspecteur du travail en date du 15 février 2017 lequel invitait l'employeur à prendre les mesures immédiates et nécessaires afin de faire cesser la situation d'insécurité (pièce n°29), le courrier du seul vigile présent à l'entrée du magasin, lui-même victime de violences sur son lieu de travail, dénonçant les agressions au magasin (pièce n°38), la main courante qu'elle a déposée pour coups et blessure le 7 mars 2017 (pièce n°31), son certificat médical faisant état d'une ITT de 5 jours (pièce n°32) et le jugement du tribunal correctionnel, en comparution immédiate, où l'agresseur était condamné à 6 mois de prison avec sursis avec mise à l'épreuve d'une durée de 2 ans (pièce n°37).

Il sera relevé qu'à compter du 28 mars 2017, Mme [H] a été mise en arrêt maladie jusqu'au 31janvier 2018 aboutissant le 28 février à une inaptitude prononcée par le médecin du travail, conséquence de l'accident du travail du 27 mars 2017. Par ailleurs, il lui a été reconnu la qualité de travailleur handicapé pour la période du 27 juillet 2018 au 31 juillet 2021.

Il résulte des développements qui précèdent que l'employeur ne peut sérieusement contester l'existence des problèmes de sécurité et des conséquences médicales sur la salariée, de sorte que la carence de l'employeur concernant son obligation de sécurité à l'égard de Mme [H] est établie, en ce qu'il ne justifie pas s'être préoccupé de la mise ne place de moyen et dispositif nécessaire pour assurer la sécurité du personnel et des clients.

Il y a lieu en conséquence de réformer le jugement entrepris de ce chef et de condamner l'employeur à verser à Mme [H] la somme de 10.000 € à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

En droit, par application des articles L.1231-1 et suivants du code du travail, le contrat de travail peut être résilié en cas de manquements graves de l'employeur dans l'exécution de ses obligations, qu'il appartient au salarié de démontrer.

La résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour où le juge la prononce, dès lors qu'à cette date le salarié est toujours au service de son employeur.

Lorsque le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce et suivant la situation, au jour du licenciement, de la prise d'acte de rupture ou au jour à partir duquel le salarié a cessé de se tenir à la disposition de l'employeur.

La demande de résiliation judiciaire maintenue par Mme [H] depuis sa requête initiale devant le conseil de prud'hommes doit en conséquence être examinée quand bien même le contrat de travail a été rompu en cours d'instance par l'employeur.

A cet égard, il résulte bien des précédents développements que la salariée démontre avoir accomplie des heures supplémentaires non rémunérées et avoir été confrontée quotidiennement à des agressions, des menaces et violences sur son lieu de travail et n'avoir reçu aucune réponse à ses interrogations et alertes adressées à l'employeur, alors que son état de santé se dégradait.

Les pièces déjà visées plus haut démontrent les conséquences de cette situation et de l'absence de réponse de la part de l'employeur, sur l'état de santé de Mme [H] en début d'année 2017, sans que la situation évolue favorablement à une date postérieure.

Il résulte des éléments ainsi produits, non seulement que l'employeur a gravement manqué à ses obligations envers Mme [H], mais en outre que ces manquements étaient d'une gravité telle qu'ils rendaient en fait impossible la poursuite du contrat de travail et justifiaient la demande de résiliation judiciaire formée par la salariée suivant sa requête du 10 juillet 2017.

Cette résiliation judiciaire du contrat doit, en conséquence, produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date d'effet du licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle prononcé par l'employeur, soit le 19 avril 2018.

Le jugement entrepris sera donc confirmé à ce titre.

Dès lors que la résiliation judiciaire du contrat de travail prononcée aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [H] n'en a pas moins droit à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à trois mois de travail, outre les congés payés afférents.

Au vu des éléments produits, le salaire de référence s'élève à 3.170,48 € brut par mois, la créance de Mme [H] s'établit ainsi à :

- 9.511,44 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis dont à déduire la somme de 5.400 € déjà perçue par la salariée, soit un solde restant dû de 4.111,44 € brut,

- 411,14 € brut au titre des congés payés afférents.

Le jugement sera confirmé à ce titre.

Compte tenu de son ancienneté supérieure à 12 ans et 2 mois, Mme [H] est fondée à réclamer une indemnité spéciale de licenciement s'élevant à la somme de 20.417,90 € net dont il convient de déduire la somme de 20.312,57 € déjà perçue : le solde restant dû s'élève ainsi au montant de 105,33 €. Le jugement sera également confirmé à ce titre.

Par ailleurs, en application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date d'effet de la résiliation judiciaire du contrat, Mme [H] dont l'ancienneté était de 12 ans a droit à une indemnité comprise entre 3 et 11 mois de salaire brut.

Agée de 38 ans au moment de la rupture du contrat et en tenant compte d'un salaire de référence s'élevant à 3.170,48 € brut par mois ainsi que des conséquences morales et financières de la rupture du contrat intervenue dans les circonstances rapportées, il conviendra de reformer le jugement entrepris et d'allouer à la salariée une indemnité de 34.875,28 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

***

Sur les frais irrépétibles

L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

REJETTE les demandes de nullité de l'acte introductif d'instance du 10 juillet 2017 et du jugement du conseil de prud'hommes de Nantes du 20 mai 2019 ainsi que de la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des demandes formulées par les appelants ;

INFIRME partiellement le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

DEBOUTE Mme [J] [H] de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé ;

FIXE la créance de Mme [J] [H] sur la liquidation de la Société GROUPE [N] [R] et de la SAS GIFI, venant aux droits de la SAS LILNAT GIGA STORE aux sommes de :

- 34.875,28 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 11.459,67 € brut au titre des heures supplémentaires,

- 1.145,96 € brut au titre des congés payés afférents,

- 10.000 € à titre de dommages-intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les autres sommes à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les prononce ;

CONFIRME le jugement entrepris en ses autres dispositions ;

Y ajoutant,

FIXE la créance de Mme [J] [H] sur la liquidation de Société GROUPE [N] [R] et de la SAS GIFI, venant aux droits de la SAS LILNAT GIGA STORE au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, au montant de 3.000 € ;

DIT que les dépens de l'instance d'appel seront portés au passif de la liquidation de la Société GROUPE [N] [R] et de la SAS GIFI, venant aux droits de la SAS LILNAT GIGA STORE.

LE GREFFIER,P/LE PRÉSIDENT empêché.

Ph. BELLOIR, Conseiller


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/03970
Date de la décision : 16/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-16;19.03970 ?
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