2ème Chambre
ARRÊT N°458
N° RG 19/03951
N° Portalis DBVL-V-B7D-P3LS
(2)
Mme [H] [E]
C/
M. [B] [J]
SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS
SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE PAYS DE LOIRE
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me VELLY-LE GUEN
- Me GUILLOTIN
- Me NAUX
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 Juin 2022
ARRÊT :
Rendue par défaut, prononcé publiquement le 16 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [H] [E]
née le [Date naissance 4] 1985 à [Localité 10]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Mathilde VELLY-LE GUEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
INTIMÉS :
Monsieur [B] [J]
né le [Date naissance 5] 1980 à [Localité 11]
[Adresse 9]
[Localité 7]
Assigné par acte d'huissier en date du 11/10/2019, délivré à domicile, n'ayant pas constitué
SA COMPAGNIE EUROPEENNE DE GARANTIES ET CAUTIONS
[Adresse 2]
[Localité 8]
Représentée par Me Stéphanie GUILLOTIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
SA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE BRETAGNE PAYS DE LOIRE
[Adresse 3]
[Localité 11]
Représentée par Me Louis NAUX de la SELARL LRB, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant offre acceptée le 3 juin 2009, la société Caisse d'épargne de Bretagne Pays de Loire a consenti à M. [J] [B] et Mme [H] [E] un prêt immobilier n° 7538497 d'un montant de 56 637,50 € au taux de 5,04 % remboursable en 360 mensualités, un prêt immobilier n° 7538496 d'un montant de 29 311,11 € au taux de 4,82 % remboursable en 216 mensualités et un prêt à taux zéro n° 7538495 d'un montant de 14 250 € remboursable en 264 mensualités.
La société Compagnie européenne de garanties et cautions dite la société CEGC est intervenue en qualité de caution pour les trois prêts.
Au mois de décembre 2013, les consorts [B]-[E] ont procédé à la vente du bien immobilier leur appartenant. La société Caisse d'épargne de Bretagne Pays de Loire a été remboursée en totalité des prêts n° 7538495 et n° 7538496 et partiellement du prêt n° 7538497.
Suivant lettre recommandée en date du 18 février 2014, la société Caisse d'épargne de Bretagne Pays de Loire a prononcé la déchéance du terme concernant le prêt n° 7538497 et mis les débiteurs en demeure de payer la somme restant due.
Cette demande étant restée infructueuse, la société CEGC a payé à la banque la somme de 36 091,75 €.
Suivant acte d'huissier en date des 27 octobre et 10 novembre 2014, la société CEGC a assigné les consorts [B]-[E] en paiement devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire.
Suivant d'huissier en date du 25 août 2016, les consorts [B]-[E] ont assigné la société Caisse d'épargne de Bretagne Pays de Loire devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire.
Les procédures ont été jointes.
Suivant jugement en date du 25 avril 2019, le tribunal a :
Condamné solidairement M. [J] [B] et Mme [H] [E] à payer à la société CEGC la somme de 38 707,88 € outre les intérêts au taux contractuel de 5,04 % sur la somme de 36 091,75 € et au taux légal sur la somme de 2 526,42 € à compter du 8 août 2014.
Dit que les intérêts dus pour une année entière seraient capitalisés et porteraient intérêt au taux de la créance à laquelle ils se rapportent.
Débouté M. [J] [B] et Mme [H] [E] de leurs demandes.
Condamné solidairement M. [J] [B] et Mme [H] [E] à payer à la société CEGC la somme de 1 000 € et à la société Caisse d'épargne de Bretagne Pays de Loire la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamné solidairement M. [J] [B] et Mme [H] [E] aux dépens à recouvrer selon les dispositions de la loi sur l'aide juridictionnelle et en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Stéphanie Guillotin.
Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Suivant déclaration en date du 18 juin 2019, Mme [H] [E] a interjeté appel.
En ses dernières conclusions en date du 2 novembre 2021, Mme [H] [E] demande à la cour de :
Vu les articles 2305 et suivants du code civil,
Vu l'article 1252 du code civil,
Vu l'article 1134 du code civil,
Vu les articles L. 313-1 et R. 313-1 du code de la consommation,
Vu l'article 1343-5 du code civil,
La recevoir en son appel et le dire bien-fondé.
Infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
En conséquence, à titre principal,
Débouter la société CEGC et la société Caisse d'épargne de Bretagne Pays de Loire de leurs demandes, fins et conclusions.
Constater que la société Caisse d'épargne de Bretagne Pays de Loire a fautivement prononcé la déchéance du terme du prêt n° 7538497 le 18 février 2014 et qu'en conséquence aucune somme n'était exigible au jour du paiement par la société CEGC.
Constater le manquement de la société Caisse d'épargne de Bretagne Pays de Loire à son devoir de mise en garde lors de la souscription du prêt immobilier n° 7538497 et dire cette exception opposable à la société CEGC.
Constater la faute de la société CEGC qui a payé spontanément la banque sans avertir préalablement les débiteurs principaux.
Dire la société CEGC déchue de son recours à l'encontre des débiteurs principaux au titre du prêt n° 7538497 à la fois en raison de sa faute et de l'opposabilité de la faute de la société Caisse d'épargne de Bretagne Pays de Loire.
À titre subsidiaire,
Constater l'irrégularité de la clause relative au mode de calcul des intérêts dans le contrat de prêt immobilier n° 7538497 et dire cette exception opposable à la société CEGC.
Prononcer la nullité de la clause de stipulation d'intérêt du prêt n° 7538497 et substituer le taux légal au taux conventionnel.
Condamner la société Caisse d'épargne de Bretagne Pays de Loire à éditer un nouveau tableau d'amortissement en tenant compte des échéances mensuelles acquittées.
À titre très subsidiaire,
Condamner la société Caisse d'épargne de Bretagne Pays de Loire à lui payer 99 % des sommes allouées à la société CEGC correspondant à sa perte de chance de ne pas contracter.
Dire qu'elle s'acquittera des sommes mises à sa charge en 23 échéances mensuelles de 250 € et une 24ème échéance correspondant au solde.
En toute hypothèse,
Condamner solidairement la société Caisse d'épargne de Bretagne Pays de Loire et la société CEGC à lui payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamner solidairement la société Caisse d'épargne de Bretagne Pays de Loire et la société CEGC aux dépens.
En ses dernières conclusions en date du 17 décembre 2019, la société CEGC demande à la cour de :
Vu les articles 1103 et suivants, 1231-6 et 1231-7, 1342-10 et 2305 et suivants du code civil,
Vu les articles 514 alinéa 1, 699 et 700 du code de procédure civile,
Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamner M. [J] [B] et Mme [H] [E] conjointement et solidairement à lui payer la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les condamner conjointement et solidairement à supporter les dépens de première instance et d'appel, après en avoir fait masse, dont distraction au profit de Maître Stéphanie Guillotin.
En ses dernières conclusions en date du 21 décembre 2020, la société Caisse d'épargne de Bretagne Pays de Loire demande à la cour de :
Vu les articles L. 312-4 et suivants du code de la consommation,
Vu les articles L. 313-1 et suivants du code de la consommation,
Vu l'article 122 du code de procédure civile,
Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.
Dire prescrite l'action de Mme [H] [E] tant en ce qui concerne le devoir de mise en garde qu'en ce qui concerne le calcul des intérêts.
Constater la carence de la demanderesse dans l'administration de la preuve d'une erreur de calcul et d'un préjudice.
Subsidiairement, débouter Mme [H] [E] de ses demandes, fins et conclusions.
La condamner à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La condamner aux dépens.
M. [J] [B] n'a pas constitué avocat.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2022.
MOTIFS DE LA DECISION :
Mme [H] [E], se fondant sur les dispositions de l'article 2308 du code civil, prétend que la société CEGC a manqué à ses obligations. Ainsi elle indique que la caution ne justifie d'aucune poursuite à son égard, qu'elle a payé sans en avertir préalablement les débiteurs principaux et qu'elle a commis une faute en les privant de la possibilité de soulever des moyens pour faire déclarer la créance éteinte. Elle soutient en effet que la banque a prononcé fautivement la déchéance du terme, qu'elle a manqué à son devoir de mise en garde et que la stipulation d'intérêt était nulle.
La société CEGC rappelle que les conditions de l'article 2308 doivent être réunies de manière cumulative pour priver la caution de son recours. Elle indique que la banque l'a mise en demeure de payer, elle produit la demande de prise en charge date du 21 avril 2014, que les débiteurs principaux ne pouvaient ignorer son intervention laquelle était rappelée par les conditions générales de l'offre de prêt et que les moyens dont ils se prévalent ne tendaient pas à voir déclarer la dette éteinte mais à obtenir des dommages intérêts ou à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts du prêteur.
Il est en effet établi que le 21 avril 2014, la banque a adressé à la caution une lettre portant « demande de remboursement » à laquelle était annexée « un formulaire de demande de prise en charge ». En outre, Mme [H] [E] ne justifie en réalité d'aucun moyen, au moment du paiement, tendant à voir déclarer la dette éteinte. Il convient d'écarter l'application des dispositions de l'article 2308 alinéa 2 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause.
La société CEGC justifie qu'elle a désintéressé la banque à hauteur de la somme de 36 091,75 € suivant quittance subrogatoire en date du 24 juillet 2014.
Il convient de rappeler que le débiteur peut opposer les exceptions inhérentes à la dette à la caution exerçant le recours subrogatoire mais pas quand elle exerce le recours personnel. La société CEGC exerce tout à la fois un recours subrogatoire et un recours personnel. De ce fait, elle ne peut se voir opposer les fautes commises par la banque notamment dans le prononcé de la déchéance du terme alors que les débiteurs bénéficiaient d'un report de l'exigibilité de leurs dettes dans le cadre d'une procédure de surendettement.
Le premier juge a considéré que la caution pouvait prétendre aux intérêts aux taux conventionnel. Or sauf convention contraire conclue entre la caution et le débiteur, ils sont dus au taux légal. Il n'est pas justifié en l'espèce d'une telle convention conclue entre la caution et les débiteurs.
Le premier juge a également condamné les consorts [B]-[E] à payer à la société CEGC la somme de 2 526,42 € au titre de la clause pénale. Or le subrogé ne recueille que les droits dont le subrogeant était titulaire dans la limite de ce qu'il a payé. La société CEGC n'est pas fondée à solliciter le paiement de l'indemnité de résiliation anticipée de 7 % qu'elle n'a pas elle-même payée à la banque.
Les consorts [B]-[E] étaient solidairement redevables de la somme de 36 091,75 € outre les intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2015 si l'on tient compte du moratoire accordé aux débiteurs le 30 octobre 2013, la mise en demeure de payer étant quant à elle intervenue le 8 août 2014. Mme [H] [E] a bénéficié, dans le cadre d'une nouvelle procédure de surendettement, de la suspension de l'exigibilité de ses dettes pour une durée de 18 mois sans intérêt à compter du 8 juillet 2014. La société CEGC est fondée à solliciter sa condamnation à lui payer la somme de 36 091,75 € outre les intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2016.
Le jugement déféré sera partiellement infirmé sur ce point.
Mme [H] [E] reproche à la banque de lui avoir accordé trois prêts alors qu'avec son compagnon, elle n'aurait manifestement pas été en mesure de faire face aux échéances de ces emprunts. Elle en veut pour preuve que moins d'un an après le début du remboursement des prêts, ils ont saisi la commission de surendettement. Elle soutient que l'action n'est pas prescrite puisque le risque s'est réalisé en 2013, date de la saisine de cette commission de surendettement.
L'action en responsabilité à l'égard de la banque ne peut être considérée comme prescrite si l'on considère que le délai de prescription quinquennal court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime. Le délai a couru en l'espèce à compter de la date à laquelle les consorts [B]-[E] ont saisi la commission de surendettement soit le 9 avril 2013.
Le premier juge a relevé que les consorts [B]-[E] avaient déclaré percevoir des revenus de l'ordre de 2 760 € outre les prestations sociales pour 500 €. Ces éléments ne sont pas discutés. Le remboursement des prêts représentait une dépense mensuelle maximale de 549,23 € sans autres charges notables qu'un crédit à la consommation remboursable par mensualités de 182 €. Le risque d'endettement excessif n'était pas avéré et il ne peut être reproché à la banque un manquement à son obligation de mise en garde alors au surplus qu'il ressort des pièces produites à la procédure que la situation de surendettement des emprunteurs a résulté de la perte de son emploi par M. [J] [B].
Mme [H] [E] fait valoir encore la nullité de la stipulation d'intérêt des prêts puisque les conditions particulières des prêts prévoyaient que durant la phase d'amortissement, les intérêts seraient calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours.
Il ressort des énonciations du contrat que durant la phase de différé total et d'amortissement, les intérêts devaient être calculés sur la base d'une année bancaire de 360 jours, d'un semestre de 180 jours, d'un trimestre de 90 jours et d'un mois de 30 jours. Les emprunteurs étaient à même dès l'acceptation de l'offre d'exciper de l'irrégularité invoquée. C'est par de justes motifs que le premier juge a retenu que le point de départ du délai de prescription était la date de l'acceptation de l'offre et que l'action était prescrite pour avoir été engagée par assignation en date du 25 août 2016.
En toute hypothèse, il convient de rappeler qu'il appartient aux emprunteurs, en pareille matière, de démontrer que l'application de la clause litigieuse a été de nature à provoquer une erreur de taux effectif global au-delà de la marge d'erreur d'une décimale prévue par l'annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, ou, en tous les cas, un écart d'intérêts suffisamment significatif pour générer un préjudice indemnisable. L'existence d'un préjudice n'est ici ni démontrée ni même alléguée.
Les demandes à l'égard de la banque ne sauraient donc prospérer.
Mme [H] [E] ayant bénéficié de larges délais en raison de la durée de la procédure, il ne sera pas fait droit à sa demande délai de grâce.
Il n'est pas inéquitable de condamner Mme [H] [E] à payer à la société Caisse d'épargne de Bretagne Pays de Loire la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.
L'équité commande de rejeter les autres demandes au titre des frais irrépétibles.
Mme [H] [E] sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel. Il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de Maître Stéphanie Guillotin.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
Statuant dans les limites de l'appel,
Infirme le jugement en date du 25 avril 2019 du tribunal de grande instance de Saint-Nazaire en ce qu'il a condamné Mme [H] [E], solidairement avec M. [J] [B], à payer à la société Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 38 707,88 € outre les intérêts au taux contractuel de 5,04 % sur la somme de 36 091,75 € et au taux légal sur la somme de 2 526,42 € à compter du 8 août 2014.
Statuant à nouveau,
Condamne Mme [H] [E], solidairement avec M. [J] [B] dans la limite indiquée, à payer à la société Compagnie européenne de garanties et cautions la somme de 36 091,75 € outre les intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2016.
Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions.
Y ajoutant,
Condamne Mme [H] [E] à payer à la société Caisse d'épargne de Bretagne Pays de Loire la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.
Condamne Mme [H] [E] aux dépens de la procédure d'appel et dit qu'il sera fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de Maître Stéphanie Guillotin.
Rejette toute demande plus ample ou contraire.
LE GREFFIERLE PRESIDENT