4ème Chambre
ARRÊT N° 290
N° RG 19/02846
N°Portalis DBVL-V-B7D-PXMQ
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Françoise BERNARD, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 31 Mai 2022
devant Madame Nathalie MALARDEL, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SARL ATELIER MARTIN
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Claire LE QUERE de la SELARL MARLOT, DAUGAN, LE QUERE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Madame [W] [M] épouse [L]
née le 06 Février 1971 à JUVISY-sur-ORGE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Sandra GROSSET-GRANGE de la SELARL KERDONIS AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Agathe LUCOT de la SELARL DNL AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LYON
Monsieur [Z] [P] époux [L]
né le 08 Juin 1972 à [Localité 4]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Sandra GROSSET-GRANGE de la SELARL KERDONIS AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représenté par Me Agathe LUCOT de la SELARL DNL AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de LYON
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant devis du 19 septembre 2016, M. et Mme [L] ont confié à la société Atelier Martin le remplacement du garde-corps sur un escalier et sur un balcon, la réparation de la porte de garage ouvrant à l'anglaise, la révision et la repose de deux paires de persiennes en bois de leur résidence secondaire, située [Adresse 2], pour un montant de 9 749,88 euros TTC.
Ils ont versé un acompte de 2 925 euros à la date de la commande.
Le 29 novembre 2016, la société Atelier Martin est intervenue en urgence réparer la porte de leur jardin.
Invoquant des défauts affectant les travaux réalisés, M. et Mme [L] n'ont pas réglé à la société Atelier Martin la facture de 6 824, 88 euros du 22 février 2017 et celle de 203,14 euros du 29 novembre 2016 (porte de jardin).
Après plusieurs échanges entre les parties, la réception des travaux devisés a été prononcée le 28 mars 2017 avec des réserves.
Par ordonnance du 25 août 2017, le juge d'instance du tribunal de Rennes a enjoint à M. et Mme [L] de payer la somme de 6 824,88 euros à la société Atelier Martin, outre intérêts à compter de la signification de l'ordonnance.
M. et Mme [L] ont formé opposition à cette ordonnance.
Par un jugement assorti de l'exécution provisoire en date du 25 mars 2019, le tribunal d'instance de Rennes a :
- condamné la société Atelier Martin à payer à M. et Mme [L] la somme de 1 375 euros à titre de dommages-intérêts ;
- condamné solidairement M. et Mme [L] à payer à la société Atelier Martin la somme de 203,14 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement ;
- condamné la société Atelier Martin à payer à M. et Mme [L] la somme de 222,04 euros au titre de la moitié du coût du constat d'huissier du 19 octobre 2017 ;
- constaté que le principe de la compensation s'opère entre les créances réciproques des parties ;
- rejeté toutes les conclusions plus amples ou contraires ;
- condamné la société Atelier Martin à payer à M. et Mme [L] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
La société Atelier Martin a interjeté appel de cette décision le 29 avril 2019.
Par un arrêt avant dire droit en date du 17 juin 2021, la cour d'appel de Rennes a ordonné une expertise et commis pour y procéder, M. [T] [U].
L'expert a déposé son rapport le 7 janvier 2022.
L'instruction a été clôturée le 5 mai 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions en date du 29 avril 2022, au visa des articles 1104, 1231-1, 1240 et 1241 du code civil, la société Atelier Martin demande à la cour de :
Réformant le jugement déféré,
- condamner M. et Mme [L] solidairement au paiement d'une somme de 6 824,88 euros au titre de la facture n°2017-99 du 22 février 2017 ;
- condamner M. et Mme [L] solidairement au paiement d'une somme de 1 000 euros pour résistance abusive à paiement ;
- dire que ces sommes produiront intérêts ;
- débouter M. et Mme [L] de toute demande de dommages-intérêts et de remboursement du coût du procès-verbal de constat d'huissier de justice en date du 19 octobre 2017 ;
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. et Mme [L] solidairement au paiement de la somme de 203,14 euros avec intérêts au taux légal au titre de la facture n°2017-47 du 29 novembre 2016 ;
- dire et juger que la société Atelier Martin n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité à l'endroit de M. et Mme [L] et, en conséquence, les débouter de toute demande indemnitaire à ce titre ;
- à titre éminemment subsidiaire, s'agissant du poste de désordre relatif au contact des poteaux bois avec le support béton, limiter à 10 % la part de responsabilité de la société Atelier Martin et, en conséquence, à la somme de 265,50 euros HT la quote-part imputable au titre des travaux de reprise nécessaires ;
- débouter M. et Mme [L] de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires ;
- condamner M. et Mme [L] solidairement au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter M. et Mme [L] de toute demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel ;
- condamner solidairement M. et Mme [L] aux entiers dépens, en ce compris les frais relatifs à la procédure d'injonction de payer.
Dans leurs dernières conclusions en date du 1er avril 2022, M. et Mme [L] demandent à la cour de :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;
- débouter la société Atelier Martin de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société Atelier Martin à payer à M. et Mme [L] une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
MOTIFS :
Il convient à titre liminaire de constater qu'en l'absence de demande d'infirmation de la condamnation de M. et Mme [L] à payer à la société Atelier Martin la somme de 203,14 euros, cette condamnation est définitive.
Sur l'exception d'inexécution
La société Atelier Martin conteste la décision qui l'a déboutée de sa demande en paiement du solde des travaux qu'elle a réalisés au profit de M. et Mme [L]. Elle fait valoir que les réserves ont été levées et qu'il n'est pas démontré d'autres désordres dont elle serait responsable.
M. et Mme [L] répliquent qu'ils sont fondés à invoquer l'inexécution de ses obligations par la société Atelier Martin pour ne pas régler le solde des travaux compte tenu des désordres persistants.
La réception marque la fin du contrat d'entreprise. Elle constate l'extinction des obligations contractuelles des constructeurs et l'exécution des travaux commandés. En conséquence, M. et Mme [L] ne pouvaient plus bénéficier de l'exception d'inexécution que pour les réserves non levées.
Le procès-verbal de réception mentionne les réserves suivantes :
Garde-corps :
-affleurage complémentaire et ponçage sinto bois,
-nettoyage du béton après peinture,
-ajustement des traces des anciens poteaux,
Porte de garage :
-remplacement de la serrure (poignée fournie par vos soins),
-raboter le dessous du vantail de gauche,
-ajout d'une baguette chêne, près de la gâche,
-petites reprises sintobois complémentaire,
Persiennes :
-ajout d'une pièce 60*60 balcon du 1er,
-ajout (à titre gracieux) les arrêts marseillais sur persiennes, salon et chambre.
L'expert a exposé qu'au regard des pièces transmises par les deux parties, confirmées par les discussions lors des réunions d'expertise, la société Atelier Martin est intervenue le 30 mars 2017 pour lever les réserves.
Il a constaté que l'ensemble des réserves portées au procès-verbal de réception du 28 mars 2017 étaient levées puisqu'il n'y avait pas de désaffleurement ou pâte à bois à poncer, qu'il n'y a pas de traces de peinture sur le béton ni de traces des anciens poteaux, qu'une baguette en chêne avait été ajoutée près de la gâche, que des reprises en sintobois avaient été réalisées, que la pièce 60*60 et les arrêts marseillais avaient été ajoutés.
Il a noté qu'une serrure neuve avait été posée sur la porte de garage même si son sens de man'uvre est critiquable.
M. et Mme [L] ne contestent pas que les travaux de reprise des désordres réservés, listés par l'expert, ont été exécutés le 30 mars 2017.
Ils sont donc mal fondés à invoquer des désordres non réservés à la réception pour soutenir que les réserves n'ont pas été levées et refuser de régler le solde des travaux.
Dès lors, ils seront condamnés à payer à l'appelante la somme de 6 824,88 euros et aux frais de l'injonction de payer. Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur les désordres non réservés
Sur les garde-corps
M. et Mme [L] ont dénoncé des désordres affectant les garde-corps postérieurement à la réception. Les garde-corps sont des éléments d'équipement. L'expert n'a pas constaté d'atteinte à la solidité ou d'impropriété à destination ce qui n'est ni discuté ni discutable. M. et Mme [L] sont donc fondés à rechercher la responsabilité de la société Atelier Martin sur le fondement de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, applicable au litige.
Les fissures
L'expert a constaté des gerces dans le bois pour la plupart de 0,3 à 0,6 mm voire de 1,2 pour certaines permises par la norme NF B53-621-1.
M. et Mme [L] invoquent un courrier du 25 novembre 2021 de la société établissement Hamon, menuisier, à laquelle ils ont demandé d'examiner l'état du bois des garde-corps, qui écrit avoir constaté des fissurations et un devis du 25 octobre 2021 de la société Fougeray, qu'ils ont requise pour deviser des travaux de peinture des poteaux, laquelle a constaté que sur le haut des poteaux apparait des fissures, pour soutenir qu'il ne s'agit pas de simples gerces, mais des fissures. Ils en déduisent que les règles de l'art n'ont pas été respectées.
La circonstance que des sociétés interrogées par Mme [L] mentionnent des fissurations ou fissures n'est pas de nature à contredire les constatations de l'expert, seules les mesures des fentes permettant d'être précis sur le terme à employer et de dire si leur largeur reste dans les tolérances admises par le DTU, ce que ne renseigne aucune de ces sociétés.
De plus, l'absence de peinture sur les bois du garde-corps, laquelle était à la charge des époux [L], a empêché toute protection du bois aggravant le phénomène de gerces depuis la réception du 28 mars 2017. La société Hamon mandatée par les maîtres de l'ouvrage a ainsi également constaté le manque de protection en l'absence de peinture.
Ce désordre n'est donc pas démontré et l'aggravation des gerces n'est due qu'à l'absence de protection par une peinture définitive, la première impression ayant été réalisée par la société Atelier Martin conformément à la commande.
Le tanin
L'expert a constaté que les coulures brunes initiales de tanins inesthétiques n'existent plus depuis longtemps contrairement à ce que soutiennent les maîtres de l'ouvrage sans le démontrer.
M. et Mme [L] ne démontrent pas l'existence de ce désordre.
La pose des poteaux
L'expert a constaté que tous les pieds des poteaux des garde-corps sont directement au contact du béton. Il indique que cette pose est contraire au DTU 36.3 et que cela compromet leur pérennité.
La société Atelier Martin soutient qu'elle a réalisé les travaux conformément au devis et que Mme [L], architecte de profession, leur a donné des croquis du garde-corps et s'est comporté comme un maître d''uvre de sorte qu'elle n'avait d'autre alternative que de s'exécuter.
L'eau stagnante au sol qui s'infiltre dans les pieds du balcon caractérise un dommage.
Il est indifférent que les gardes corps anciens soient posés à même le sol et qu'il ait été commandée par les maîtres de l'ouvrage une installation à l'identique puisque la société Atelier Martin aurait dû a minima informer M. et Mme [L] des dispositions techniques du DTU 36.3 et des risques à terme sur la dégradation du bois du fait de la pose des poteaux dans cette configuration, ce qu'elle n'a pas fait.
Si Mme [L] a été architecte, il n'est pas contesté qu'elle n'exerce plus depuis dix années.
Ainsi que le rappelle l'expert, les dessins envoyés ne sont que des esquisses, mais ne constituent pas des documents techniques de travail. De plus, l'appelante ne démontre pas que Mme [L] ait conçu, suivi et dirigé les travaux, ni même qu'elle se soit immiscée dans la conception ou la réalisation des travaux. Il appartenait en tout état de cause au menuisier de rappeler aux époux [L] la règlementation applicable, ce qu'elle n'a pas fait.
Dès lors, la cour ne suivra pas l'avis de l'expert qui a proposé un partage de responsabilité au regard de la profession de Mme [L]. La société Atelier Martin est seule responsable. Elle sera condamnée à indemniser les époux [L] des travaux d'adaptation des poteaux.
Sur la porte du garage
M. et Mme [L] soutiennent que la porte de garage s'ouvre de manière aléatoire en fonction des conditions météorologiques.
L'expert indique que les vantaux ouvraient normalement lors de l'accedit n°1 et que les quelques ajustements qui pourraient être nécessaires après bientôt 5 ans et sans peinture après leur réfection relèvent de l'entretien.
Il indique que la serrure fonctionne bien en ouverture comme en fermeture, mais que le sens de fonctionnement de la clé est inhabituel sans en empêcher le bon fonctionnement.
M. et Mme [L] ne démontrent pas l'existence de désordres affectant le fonctionnement des vantaux de la porte de garage ayant pour origine les travaux de la société Atelier Martin.
Ils ne justifient pas davantage que l'expert d'une norme sur le sens de rotation de la clé dans la serrure. Il n'y a donc pas de désordre sur ce point qui relève du devoir de conseil de l'entrepreneur. Les époux [L] ne fondant leur demande que sur l'existence d'un désordre, ils seront déboutés de leur demande.
Sur l'indemnisation
Le tribunal a alloué la somme de 1 375 euros à M. et Mme [L] au titre du préjudice matériel subi après avoir opéré une compensation entre le coût des travaux et celui des travaux de reprise en se référant à la facture du 22 février 2017.
La société Atelier Martin conteste sa condamnation à cette somme. Elle fait valoir qu'il n'est pas établi qu'elle a commis de fautes et qu'au contraire c'est elle qui n'a reçu que 30% du montant des travaux réalisés.
M. et Mme [L] fondent leur demande au visa de l'article 1217 du code civil. Ils font plaider que cette somme vient réparer un préjudice matériel.
Le contrat de louage d'ouvrage ayant été signé en septembre 2016, il y a lieu d'appliquer les règles antérieures à la réforme de 2016, l'article 1217 du code civil n'étant entré en vigueur qu'au 1er octobre 2017.
L'expert a chiffré l'adaptation des garde-corps à 2 655 euros HT.
M. et Mme [L] chiffrent les travaux de reprise à hauteur de 14 322,37 euros TTC. Ce montant recouvre la reprise de désordres qui n'ont pas été retenus par la cour.
La société Atelier Martin sera condamnée à payer à M. et Mme [L] la somme de 2 655 euros HT pour que les poteaux ne touchent plus le sol outre la TVA à 10% soit 2 920,50 euros TTC par voie d'infirmation.
Sur la résistance abusive
La société Atelier Martin soutient que la résistance abusive au paiement caractérise une faute des époux [L] qui lui a été préjudiciable puisqu'elle lui a occasionné des tracas et une atteinte à son image et à sa réputation.
L'appelante qui succombe partiellement en ses demandes est mal fondée à invoquer une résistance abusive. Elle sera déboutée de sa demande.
Sur les autres demandes
Les dispositions prononcées par le tribunal au titre des frais irrépétibles et des dépens sont confirmées.
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Les parties succombant toutes deux en leurs prétentions en cause d'appel, elles seront condamnées à payer par moitié les dépens d'appel en ce compris les frais d'expertise et le constat d'huissier du 19 octobre 2017.
PAR CES MOTIFS
La cour
CONFIRME le jugement entrepris dans ses dispositions soumises à la cour en ce qu'il a dit que la compensation s'opère entre les créances réciproques des parties, sur le partage des frais du constat d'huissier et en ses dispositions au titre des frais irrépétibles et dépens,
L'INFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE M. et Mme [L] à payer la somme de 6 824,88 euros TTC à la société atelier Martin au titre du solde des travaux avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
CONDAMNE la société Atelier Martin à payer à M. et Mme [L] la somme de 2 920,50 euros TTC au titre des travaux de reprise.
Y ajoutant
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. et Mme [L] aux frais de l'injonction de payer,
CONDAMNE M. et Mme [L] et la société Atelier Martin à hauteur de 50% chacun aux dépens de l'appel qui comprendront les frais d'expertise.
Le Greffier, Le Président,