La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/09/2022 | FRANCE | N°19/02206

France | France, Cour d'appel de Rennes, 4ème chambre, 15 septembre 2022, 19/02206


4ème Chambre





ARRÊT N° 304



N° RG 19/02206 -

N° Portalis

DBVL-V-B7D-PVGJ









































Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022









COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉ

LIBÉRÉ :



Président : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,





GREFFIER :



Madame Juliette VANHERSEL, lors des débats, et Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors du prononcé,







DÉBATS :



A l'aud...

4ème Chambre

ARRÊT N° 304

N° RG 19/02206 -

N° Portalis

DBVL-V-B7D-PVGJ

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Hélène RAULINE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Nathalie MALARDEL, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Juliette VANHERSEL, lors des débats, et Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Juin 2022, devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Madame [K] [R]

née le 10 Septembre 1941 à [Localité 3]

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Monsieur [E] [R], domicilié [Adresse 1], en qualité de tuteur (suivant jugement rendu par le Juge des tutelles de Vannes en date du 14 février 2017)

Représentée par Me Vincent GICQUEL de la SCP GICQUEL - DESPREZ, avocat au barreau de VANNES

INTIMÉ :

Monsieur [Z] [V]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Grégory SVITOUXHKOFF de la SELARL SELARL D'AVOCATS MAIRE - TANGUY - SVITOUXHKOFF - HUVELIN - G OURDIN - NIVAULT - GOMBAUD, avocat au barreau de VANNES

****

Exposé du litige :

Mme [K] [R] est propriétaire d'une maison d'habitation située [Adresse 2].

Suivant devis accepté le 8 février 2015, elle a confié à M. [Z] [V] la réfection de la toiture de sa maison pour un montant de 9 673,40 euros TTC, travaux réalisés un an plus tard.

Par un jugement en date du 14 février 2017, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Vannes a placé Mme [R] sous tutelle et désigné M. [E] [R], son fils, en qualité de tuteur.

Par acte d'huissier en date du 26 février 2018, M. [Z] [V] a fait assigner Mme [R], représentée par M. [R] son tuteur, devant le tribunal d'instance de Vannes en paiement du montant des travaux.

Par jugement en date du 28 février 2019, le tribunal d'instance de Vannes a :

- débouté Mme [R], représentée par son tuteur M. [R], de sa demande d'annulation de la convention passée avec M. [V] ;

- débouté la même de sa demande d'expertise judiciaire ;

- condamné avec exécution provisoire Mme [R] à payer à M. [V] les sommes de :

- 9 673,40 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2018 ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;

- débouté Mme [R] de sa demande de dommages-intérêts ;

- condamné Mme [R] aux dépens.

Mme [R], représentée par M. [R], son tuteur, a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 2 avril 2019.

Par un arrêt avant dire droit en date du 20 mai 2021, la cour d'appel de Rennes a :

- confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du contrat conclu le 8 février 2015 ;

- sur la demande en paiement des travaux, avant dire droit, ordonné une expertise et désigné pour y procéder M. [U] [C], avec pour mission d'examiner les désordres dénoncés, les décrire en indiquer la nature, la date d'apparition et rechercher la ou les causes, dire s'ils compromettent la solidité de l'ouvrage ou le rendent impropre à sa destination ; s'ils proviennent d'une non conformité aux documents contractuels, aux règles de l'art ou aux prescriptions d'utilisation des matériaux ou éléments d'ouvrage mis en 'uvre, d'un défaut de conception, d'une exécution défectueuse, ou d'un vice des matériaux, ou de toute autre cause ; fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre de statuer sur les responsabilités encourues ; décrire les travaux de reprise nécessaires pour remédier aux désordres, préciser leur durée et évaluer les préjudices subis ou à subir par Mme [R].

L'expert a déposé son rapport le 21 décembre 2021.

Dans ses dernières conclusions transmise par voie électronique le 2 mai 2022, Mme [R], représentée par son tuteur M. [R] au visa de l'article 1134 ancien du code civil, demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné Mme [K] [R] à verser à M. [V] les sommes de :

- 9 673,40 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 février 2018 ;

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

- débouter M. [V] de l'ensemble des ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner M. [V] à verser à Mme [R] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance ;

- condamner le même à lui verser la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, ainsi qu'aux dépens d'appel.

Se fondant sur les conclusions de l'expert, qui a considéré que l'origine des ardoises était douteuse même pour des ardoises de second choix, que les travaux n'étaient pas conformes aux règles de l'art et que M. [V] aurait dû conseiller le remplacement des chevrons et des voliges abîmés, de sorte que les travaux étaient sans apport qualitatif par rapport à l'état antérieur, l'appelante s'estime fondée à opposer l'exception d'inexécution prévue par l'article 1219 du code civil pour refuser de payer les travaux. Elle rappelle que la réception n'étant pas intervenue, M. [V] était tenu d'une obligation de résultat, qui n'est pas remplie.

En réponse à l'argumentation de l'intimé, Mme [R] fait valoir qu'il ne peut prétendre à la lecture du rapport d'expertise que l'expert n'a pas expliqué en quoi les ardoises posées n'étaient pas conformes aux normes en vigueur, ni qu'il n'a pas répondu à son dire. Elle conteste par ailleurs avoir refusé un premier devis incluant la pose de chevrons neufs et relève que M. [V] ne produit aucune pièce en démontrant la réalité.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 février 2022, M. [V] demande à la cour de :

- dire et juger Mme [R], représentée par M. [R], mal fondée en son appel ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- condamner Mme [R] à verser à M. [V] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

M. [V] demande la confirmation du jugement. Il soutient que l'exception d'inexécution ne peut lui être opposée, puisque la fourniture d'ardoise de second choix résulte de la décision de Mme [R] de limiter le coût. Il soutient que les ardoises posées sont conformes au contrat et à la norme NF 228 Ardoises, contrairement à ce qu'a indiqué l'expert sans s'en expliquer et sans répondre à son dire. Il relève que l'expert n'a émis aucune critique sur la durabilité, l'imperméabilité, la résistance mécanique ou la tenue au gel des ardoises, qu'il a seulement relevé des occlusions métalliques ce qui n'est pas de nature à remettre en cause leur classement puisque l'oxydation est acceptée à l'exception des inclusions de pyrite traversante et des coulures de rouille, que l'expert n'a pas relevées. Il fait observer que l'étanchéité de la toiture n'est pas remise en cause, alors qu'elle a été réalisée depuis plus de cinq ans.

S'agissant du remplacement de l'ensemble des chevrons et des voliges, il soutient avoir adressé à Mme [R] un devis incluant cette prestation, refusé en raison de son coût, précisant ne plus disposer de ce document, transmis à l'appelante.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère aux écritures visées ci-dessus.

L'instruction a été clôturée le 19 mai 2022.

Motifs :

-Sur l'exception d'inexécution:

Le contrat ayant été conclu le 8 février 2015, Mme [R], ne peut fonder l'exception d'inexécution qu'elle oppose sur l'article 1219 du code civil, issu de l'ordonnance du 10 février 2016, applicable à compter du 1er octobre suivant. Elle doit être appréciée au regard de la jurisprudence antérieure à cette ordonnance.

Cette exception permet à une partie, dans un contrat synallagmatique, de ne pas exécuter son obligation tant qu'elle n'a pas reçu la prestation qui lui était due en vertu de la convention. Elle suppose une inexécution totale ou une inexécution partielle grave de la part du cocontractant de la partie qui l' oppose. Il appartient, en conséquence, à Mme [R] de rapporter la preuve d'un manquement grave de M. [V] dans l'exécution des travaux justifiant son refus de paiement dès lors que celui-ci justifie détenir une créance à son encontre suite à l'exécution de la toiture.

Il est constant que les travaux de toiture n'ont pas été réceptionnés, M. [V] était donc tenu à l'égard de Mme [R] d'une obligation de résultat, laquelle lui imposait de réaliser des travaux exempts de vices et de défauts.

Les constatations de l'aspect de la couverture datant de cinq ans à la date de l'expertise ont conduit l'expert à s'interroger sur l'origine des ardoises en raison des défauts qu'elle présente. Le devis signé par Mme [R] prévoyait la pose d'ardoise NF second choix. L'expert a rappelé que l'apposition de la norme NF sur le devis donne la certitude au maître d'ouvrage, en l'espèce profane en matière de construction, de disposer d'ardoises de la meilleure catégorie en termes d'oxydation et de changement d'aspect, de tenue au gel-dégel, de comportement vis à vis des atmosphères acides et d'absorption d'eau ainsi que de la constance de cette qualité.

M. [V] rappelle à juste titre que selon les règles de certification (Afnor NF 228), s'agissant des inclusions métalliques, l'examen macroscopique ne doit pas montrer d'inclusions de pyrite traversante dans une zone correspondant à une bande axiale située au centre de l'ardoise et qu'il ne doit pas être constaté de coulures de rouille.

Toutefois, si l'expert n'a pas constaté de pyrite traversante ni de coulures de rouille, il a néanmoins relevé que les ardoises présentent d'importantes inclusions de pyrites d'origine qui en modifient l'aspect et qu'elles sont extrêmement effeuillées (discontinues dans leur épaisseur), ce dont témoignent les photographies annexées au rapport, défauts qui auraient dû conduire le professionnel à les mettre au rebut.

Il a, par ailleurs, relevé que sur le versant jardin exposé au vent dominant de sud-ouest, la toiture présente une importante bosse avec un désaffleurement du plan de pose laissant craindre un arrachement en cas de tempête. M. [V] ne fournit aucune explication sur ce défaut de pose, à tout le moins inesthétique.

Il se déduit de ces constatations que la toiture présente un défaut d'aspect certain et ne correspond pas sur ce point à ce que Mme [R] pouvait légitimement attendre de la réfection de la toiture, même réalisée à l'aide d'ardoises de second choix. L'expert, à cet égard, a en effet relevé que, par comparaison avec la toiture de la maison accolée refaite en 1996, il est difficile d'apprécier que les travaux réalisés par M. [V] datent seulement de 5ans.

En outre, l'expert a constaté, sans être contredit techniquement sur ce point, que M. [V] avait posé un écran sous-toiture sans prévoir de ventilation, configuration qui a pour conséquence de compromettre la pérennité de l'ouvrage soit par surchauffe du support, soit par condensation sur les bois de la charpente en fonction des saisons.

Il n'est, par ailleurs, pas non plus discuté que M. [V] a réalisé la pose de la toiture sur des chevrons et solives dépassant à l'extérieur dont la résistance mécanique était amoindrie par des attaques xylophages, ce qui génère un risque d'affaissement des parties en porte à faux. L'état de ces éléments de bois était parfaitement visible pour l'intimé qui devait en prévoir le changement, prestation qui doit être réalisée rapidement selon l'expert dans le cadre d'une réfection pérenne de la couverture.

A tout le moins, il lui appartenait d'attirer l'attention du maître d'ouvrage sur ce point et de faire des réserves sur le choix éventuel de ce dernier de s'opposer au changement des éléments de charpente. Or, M. [V] ne démontre pas avoir averti Mme [R] des points de faiblesse du support et des conséquences possibles du fait de la diminution de résistance. S'il indique qu'il a présenté un devis prévoyant le changement de chevrons et de solives qui aurait été refusé en raison de son coût, il n'en justifie pas.

Sont dès lors caractérisés des défauts graves d'aspect et d'exécution de l'ouvrage imputables à M. [V], de même qu'un défaut de conseil. Cet ensemble de manquements a conduit l'expert a considéré que les travaux réalisés par l'intimé étaient sans apport qualitatif par rapport à l'ancienne couverture, vétuste mais non fuyarde, les traces d'infiltrations trouvées dans la maison résultant de l'arrachement en 2020 du faîtage de la nouvelle couverture exécutée par M. [V] suite à une tempête, à l'origine d'une réparation à la charge de Mme [R] de 712€.

Au regard de ces défauts, qui impliquent une réfection de l'ouvrage, Mme [R] est fondée à opposer l'exception d'inexécution pour refuser le paiement. Le jugement est en conséquence réformé et M. [V] débouté de sa demande en paiement.

-Sur les demandes annexes :

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens sont réformées. M. [V] sera condamné à verser à Mme [R] représentée par son tuteur M. [E] [R] une indemnité de 5000€ au titre des frais de procédure de première instance et d'appel.

Il sera condamné aux dépens de première instance et d'appel comprenant les frais d'expertise. Il n'y a pas lieu d'y inclure le coût du constat d'huissier du 23 mai 2019, qui relève des frais de procédure. Les dépens seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ces motifs:

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort,

Infirme le jugement s'agissant des condamnations prononcées à l'encontre de Mme [R] représentée par son tuteur M. [E] [R].

Statuant à nouveau,

Déboute M. [V] de sa demande en paiement,

Condamne M. [V] à verser à Mme [R] représentée par son tuteur M. [E] [R] une indemnité de 5000€ au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne M. [V] aux dépens de première instance et d'appel qui comprendront les frais d'expertise, mais non le coût du constat d'huissier et seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/02206
Date de la décision : 15/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-15;19.02206 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award