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14/09/2022 | FRANCE | N°19/02091

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 14 septembre 2022, 19/02091


5ème Chambre





ARRÊT N°-246



N° RG 19/02091 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PUV3













M. [C] [T]

Mme [H] [A] épouse [T]



C/



Association LES GENETS D'OR

Organisme LA CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA SNCF



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours














r>Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

...

5ème Chambre

ARRÊT N°-246

N° RG 19/02091 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PUV3

M. [C] [T]

Mme [H] [A] épouse [T]

C/

Association LES GENETS D'OR

Organisme LA CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA SNCF

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 Mai 2022

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 14 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [C] [T]

né le [Date naissance 1] 1958 à [Localité 10]

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représenté par Me Mélanie HEURTEL de la SELARL HEURTEL-RATES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

Madame [H] [A] épouse [T]

née le [Date naissance 3] 1964 à [Localité 9]

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentée par Me Mélanie HEURTEL de la SELARL HEURTEL-RATES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

INTIMÉES :

Association LES GENETS D'OR Prise en la personne de son Président, domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 14]

[Localité 6]

Représentée par Me Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Organisme LA CAISSE DE PREVOYANCE ET DE RETRAITE DU PERSONNEL DE LA SNCF, ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à personne habilitée à le recevoir, n'ayant pas constitué avocat

[Adresse 4]

[Localité 2]

************

Le 26 mai 1997 à [Localité 9] est né [N] [T], fils de M. [C] [T] et de Mme [H] [T] née [A].

Depuis ses quatre mois, M. [N] [T] souffrait du syndrome de West, aussi connu sous le nom de spasme infantile. ll s'agit d'une forme rare d'épilepsie du nourrisson.

M. [N] [T] était invalide à 80 %.

En 2005, il a intégré l'institut médico éducatif (IME) [11] situé à [Localité 13] et géré par l'association les Genets d'Or. Il était externe et rentrait au domicile de ses parents chaque soir.

Durant l'année 2014, M. [N] [T] a intégré l'internat une nuit par semaine, du lundi au mardi ainsi qu'une fin de semaine par mois.

Le jeudi 23 avril 2015, alors qu'il était en vacances au domicile de ses parents, M. [N] [T] a subi une intervention de chirurgie dentaire pour l'extraction de quatre dents sous anesthésie générale.

Le lundi 27 avril 2015, il a réintégré l'IME.

Son décès y a été constaté suivant certificat établi par le Docteur [V], médecin généraliste, qui relevait un décès survenu le [Date décès 5] 2015 à 8h30.

Les époux [T] ont déposé une plainte pour homicide involontaire. Le procureur de la République a commis le docteur [K] en qualité d'expert. Cette plainte a fait l'objet d'un classement sans suite, suivant notification du 7 octobre 201, à l'issue d'une enquête de la Gendarmerie Nationale au motif que l'infraction n'était pas suffisamment caractérisée.

Par actes d'huissiers des 29 novembre et du 1er décembre 2017, les époux [T] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Brest l'association les Genets d'Or et la Caisse de Prévoyance et de Retraite du personnel de la SNCF aux fins voir juger que l'association Les Genets d'Or a commis des fautes ayant conduit à une perte de chance pour [N] [T] d'être pris en charge médicalement et de survivre à sa crise d'épilepsie et en conséquence d'obtenir la condamnation de celle-ci à les indemniser des préjudices subis.

Par jugement en date du 30 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Brest a :

- débouté M. et Mme [T] de leurs demandes ;

- débouté toutes les parties de leurs autres demandes ;

- laissé les dépens à la charge de M. et Mme [T] ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Le 27 mars 2019, M. [C] [T] et Mme [H] [T] née [A] ont interjeté appel de cette décision et aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 10 mai 2022, ils demandent à la cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Brest le 30 janvier 2019,

Statuant à nouveau en cause d'appel :

- dire et juger que l'association les Genets d'Or a commis des fautes de nature contractuelle ayant conduit à une perte de chance pour M. [N] [T] d'être pris en charge médicalement et de survivre à sa crise d'épilepsie,

En conséquence,

- condamner l'association les Genets d'Or à leur régler une somme de

99 453,72 euros, somme répartie comme suit :

* préjudice de M. [N] [T] lié à sa perte de chance de survie : 10 000 euros

* frais d'obsèques : 9 453,72 euros

* préjudice moral de Mme [H] [T] : 40 000 euros

* préjudice moral de M. [C] [T] : 40 000 euros,

- débouter l'association les Genets d'Or de ses demandes, fins et conclusions contraires,

- condamner l'association les Genets d'Or à leur payer la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de 1ère instance, et celle de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel,

- condamner l'association les Genets d'Or aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel,

- débouter l'association les Genets d'Or de ses demandes, fins et conclusions contraires.

Par dernières conclusions notifiées le 23 mai 2021, l'association les Genets d'Or demande à la cour de :

- débouter les époux [T] de leur appel et le déclarer non fondé,

- débouter les époux [T] de l'intégralité de leurs demandes,

- débouter la Caisse de Prévoyance et de Retraite du Personnel de la SNCF de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Brest du 30 janvier 2019 en toutes ses dispositions,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que le préjudice subi s'analyse en une perte de chance de survie pour M. [N] [T] et en tirer toutes conséquences sur la quote-part d'indemnisation à retenir,

- débouter les époux [T] de leur demande d'indemnisation relative au préjudice lié à la perte de chance de survie de M. [N] [T],

- réduire les autres demandes indemnitaires à de plus justes proportions,

Y additant

- condamner solidairement les époux [T] au paiement de la somme de

2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

- condamner solidairement les époux [T] aux entiers dépens lesquels seront recouvrés par la Selarl Bazille Tessier Preneux conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions d'appelant ont été signifiées à une personne habilitée le 4 juillet 2019.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 25 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité de l'association les Genets d'Or

Se fondant sur les dispositions des articles 1134, 1147 anciens du code civil et 1231-1 nouveau du code civil, les époux [T] demandent à la cour de retenir la responsabilité de l'association les Genets d'Or, pour avoir manqué à son obligation de sécurité, et avoir notamment commis des négligences dans la surveillance et la prise en charge de leur fils [N] [T], qui sont à l'origine d'une perte de chance de survivre à la crise d'épilepsie qu'il a faite dans la nuit du 27 au [Date décès 5] 2015.

Leurs griefs portent sur la prise en charge et la surveillance durant la journée du 27 avril et dans la nuit qui a suivi.

S'agissant de la journée, ils reprochent à l'IME, au regard d'un état de fatigue inhabituelle de [N], de s'être abstenu d'une consultation médicale et d'une information des parents. Ils critiquent aussi l'absence de toute prise de constantes, possibles même par un infirmier (température, pouls, tension artérielle), et ce, alors que l'enfant était atteint d'épilepsie.

Ils relèvent également qu'il a été prescrit un brossage de dents alors que [N] venait de subir des extractions dentaires.

En ce qui concerne la nuit du 27 au [Date décès 5] 2015, ils notent que ce n'est pas l'infirmière qui a effectué la ronde de surveillance auprès de [N], mais une surveillante de nuit, non qualifiée, que le contrôle effectué à 7h10 a été défaillant, car, selon eux, il est établi que l'enfant était déjà décédé à cette heure là, qu'ainsi, il n'a pas été vérifié si leur enfant respirait.

Ils rappellent que l'IME s'engage à une surveillance active et médicale 24h/24 et à faire procéder à des rondes régulières, et considèrent qu'au regard de l'état de [N] durant la journée, cette surveillance se devait d'être renforcée.

Ils indiquent également avoir appris que le poste de surveillance de nuit avait changé d'emplacement, sans qu'ils en soient informés, alors que la prise en charge de [N] à l'IME la nuit avait été acceptée car le poste de surveillance se trouvait à côté de sa chambre.

Ils soutiennent dès lors que si cette surveillance avait été effective, l'infirmière aurait entendu [N] faire une crise d'épilepsie, de telles crises étant très sonores.

Ils voient encore dans la réorganisation informatique qui a été décidée suite au décès (mention désormais informatique des heures de ronde et de l'état du sommeil des patients), la reconnaissance d'une défaillance de cette surveillance.

L'association les Genets d'Or conclut à la confirmation du jugement, contestant toute faute en lien direct et certain avec le décès de M. [N] [T].

S'agissant de la fatigue de ce dernier, elle estime qu'elle était déjà présente lorsque les parents l'ont laissé à l'IME, de sorte que même pour eux, elle n'était pas alarmante, que cet état, habituel chez M. [N] [T], n'avait donc rien d'anormal et n'impliquait pas la prise de constantes. Elle souligne que celui-ci avait mangé de bon appétit, n'était ni fébrile, ni malade et qu'ainsi son état ne nécessitait ni consultation médicale ni information particulière des parents. Elle précise qu'il n'y a pas eu brossage de dents mais uniquement bain de bouche, l'information sur ce point ayant mal été retranscrite.

S'agissant de la chambre, elle conteste formellement que celle-ci ait été à un quelconque moment à côté d'un poste spécifique de surveillance, qui n'a d'ailleurs jamais existé et ajoute que le seul aménagement (une découpe dans la porte de la chambre) avait été validé par les époux [T].

Elle conteste tout manquement dans la surveillance durant la nuit, confirmant avoir procédé à des rondes régulières.

Elle estime qu'il n'y a aucune certitude sur l'heure du décès qui a pu selon les éléments médicaux produits intervenir de façon rapide.

Elle fait valoir que n'existe aucun lien entre le décès de M. [N] [T] et la nouvelle organisation informatique mise en place, car l'IME s'était de longue date (octobre 2011) porté candidat pour la mise en place d'un logiciel en ce sens dit 'vision locale', dont l'installation a été achevée en décembre 2016.

Conformément aux dispositions de l'article 1147 ancien du code civil, pèse sur l'association les Genets d'Or qui gère un institut médico-éducatif, une obligation de sécurité et une obligation de surveillance à l'égard de ses usagers.

Le respect de ces obligations s'apprécie au regard des contrats de séjour liant les parties datés du 16 mai 2007 et du 19 novembre 2009, du projet individualisé d'accompagnement validé par les époux [T] et du règlement intérieur de l'IME.

Ce règlement prévoit que l'IME s'engage à assurer la sécurité de chaque usager par la présence d'un personnel soignant en journée, de surveillants de nuit et de personnel d'astreinte 24 heures sur 24. Il rappelle également que tout enfant présentant un état fébrile, une maladie déclarée, de la fièvre etc... doit être pris en charge par ses parents et en cas de nécessité, l'établissement pourra appeler les parents pour qu'ils viennent chercher leur enfant souffrant.

Les parties admettent que des modalités particulières avaient été mises en place concernant la surveillance de M. [N] [T] en ce qui concerne la nuit, étant convenu qu'il dormait sur un matelas au sol, pour éviter les chutes et que la porte de chambre était une demi-porte, ouverte dans sa partie haute, permettant une surveillance sans avoir à le déranger ou le réveiller. M. [R] [U], responsable de service décrit ces modalités, précisant que l'idée de cette chambre sécurisée avait été finalisée par l'équipe et validée par les parents, le principe en ayant été clairement consigné.( cf sa déclaration devant les gendarmes le 24 novembre 2015).

Les époux [T] ne peuvent faire grief à l'IME de n'avoir pas maintenu une salle de surveillance à proximité de la chambre de leur fils, un tel dispositif, n'ayant pas été contractuellement convenu entre les parties. Au demeurant, un tel dispositif de surveillance n'apparaît pas avoir existé, le témoignage versé au soutien de leurs affirmations en ce sens évoquant la proximité en 2013 d'une pièce de vie, ce qui est insuffisant pour prétendre à la mise en place d'une surveillance spécifique.

Le projet individualisé d'accompagnement enfin note la fatigabilité de M. [N] [T], et détermine les activités susceptibles de lui être proposées et les moments de pause nécessaires.

L'expert judiciaire a conclu que les conditions de survenue du décès de M. [N] [T] sont évocatrices soit d'une mort subite inexpliquée dans l'épilepsie soit d'une asphyxie posturale ; il rappelle que s'agissant de la pathologie épileptique, les crises convulsives lesquelles durent quelques minutes- moins de dix- surviennent de manière aléatoire, qu'on ne peut prédire leurs survenues, et a donc conclu que le décès de [N] [T] était imprévisible. Une telle imprévisibilité du décès est décrite également par le docteur [P], médecin de l'établissement qui explique : on aurait beau avoir une surveillance toutes les demi-heures, ceci, n'aurait peut-être pas empêché le décès de [N]... en ce qui concerne les enfants épileptiques, il est connu que les crises graves peuvent arriver à tout moment.

Dans ces circonstances, il convient donc d'examiner l'argumentation des époux [T] tendant à voir reconnue une faute de surveillance de l'établissement à l'origine d'une perte de chance de survie de leur enfant.

- sur la journée du 27 avril 2015

Le premier juge a rappelé à raison les consignes données par les parents lors de son entrée à l'IME, à savoir en particulier qu'il avait subi une anesthésie le jeudi à l'hôpital [12] pour soigner les dents et 4 extractions, qu'il avait été 'dans le gaz' le reste de la semaine, avec prise de morphine et de codéine. Il était noté qu'il était en forme et demandé la prise d'anti-douleurs pour ne pas laisser la douleur s'installer.

Un état de fatigue a été constaté par le personnel de l'IME durant la journée, amenant notamment l'équipe à ne pas lui proposer son activité de l'après-midi.

Toutefois, la directrice adjointe dans un rapport établi le 18 mai 2015, mentionne que le déjeuner se passe bien, que [N] s'alimente correctement et boit bien, qu'à l'issue du repas, il bénéficie d'un temps de repos dans l'espace sécurisé qu'il investit souvent. Elle note aussi que la soirée se déroule bien, que vers 18h30, il passe à table, mange de bon appétit.

Ces éléments sont confirmés par les témoignages, et il n'est pas établi que le jeune [N] [T] était souffrant ou aurait présenté un quelconque état de fébrilité nécessitant un appel aux parents, comme prévu dans le règlement, ou encore une consultation médicale ou la prise de constante.

S'il est exact que ce dernier souffrait d'épilepsie, et avait pu d'ailleurs déjà quelques années auparavant présenter une telle crise au sein de l'établissement, ce qui était donc parfaitement connu de l'établissement, son état de fatigue constaté durant la journée du 27 avril 2015, ne pouvait pas être considéré comme alarmant, au regard d'une part de sa fatigabilité signalée d'une manière générale, et d'autre part des indications données par la famille elle-même qui avait relevé que suite à une intervention dentaire sous anesthésie 4 jours avant, il avait été 'dans le gaz'.

Ainsi Mme [M] [S], infirmière, devant les gendarmes, explique : nous avons vu arriver [N] comme ça - je veux dire au ralenti- j'ai trouvé que son état s'inscrivait dans la continuité de celui décrit par sa mère... Il était fatigué. Une anesthésie générale, ce n'est jamais anodin et il faut du temps pour récupérer, surtout avec les antalgiques morphiniques, ajoutés à la maladie de [N].

Concernant la prise en charge en soirée, il est noté par la directrice qu'après le repas, il a été accompagné dans la salle de bains pour la mise en pyjama et les soins de bouche. Le carnet de liaison mentionne à 20h55 : fatigué toute la soirée, marche difficilement jusqu'à sa chambre pour le coucher. Très opposant au brossage des dents.

Ce point est discuté par les parties, en ce que l'association des Genets d'or, prétend à une erreur de retranscription, dans la mesure où seul un bain de bouche lui a été proposé.

Quant bien même il s'agirait d'un brossage de dents qui aurait été proposé à M. [N] [T], ce qui n'était sans doute pas approprié, les parents ayant alerté sur la nécessité de ne pas laisser s'installer la douleur suite aux récentes extractions dentaires, un tel brossage n'a pas été effectué, compte tenu de l'opposition de ce dernier et cet élément ne saurait traduire un manquement dans la prise en charge.

Il est acquis que l'intéressé s'est vu administré à 20h57 1g de Doliprane conformément aux préconisations données par les parents. La directrice mentionne dans son rapport qu'il s'endort à 21h40.

La cour note également que l'expert le docteur [K] indique qu'au vu des éléments en sa possession à savoir les auditions des différents acteurs, l'état de santé de M. [N] [T] ne nécessitait pas de surveillance médicale renforcée.

- sur la nuit du 27 au [Date décès 5] 2015

Les pièces du dossier établissent que durant cette nuit, deux personnels étaient présents pour surveiller sept enfants : Mme [B] [J], infirmière et Mme [B] [O], remplaçante éducative, veilleuse de nuit.

Le docteur [K], a précisé qu'il n'existait pas de normes pour équiper en personnel les établissements selon le code de l'action sociale et des familles et que le soir des faits, l'équipement en personnel était correct.

S'il est constant que les heures précises des rondes n'ont pas été toutes consignées, il ressort des déclarations concordantes des personnels que les rondes étaient habituellement faites toutes les deux heures.

Mme [J] a déclaré que les rondes avaient été effectuées vers 21h30, 23h30, 1h30, 3h30, 5h30 puis vers 7 heures, que pour sa part elle a vu [N] pour la dernière fois à 5h30, la ronde de 7 heures ayant été effectuée par Mme [O] seule, l'infirmière étant occupée à ce moment là à administrer un soin infirmier à un autre jeune.

Elle explique que la surveillance consistait à s'assurer que la personne dormait bien, ce qu'elle a pu constater à chacune de ses rondes, en entendant M. [T] respirer et en constatant ses changements de position.

Les constatations sur place des gendarmes permettent de confirmer les allégations des personnels de l'IME entendus en ce que la configuration de la chambre de M. [N] [T] permettait une surveillance visuelle de l'intérieur de la pièce à partir du couloir au dessus du battant sans avoir à pénétrer dans la chambre. Les photographies jointes à l'enquête, mais aussi un schéma signé par les gendarmes et le docteur [W] [V], médecin généraliste (qui a rédigé le certificat de décès) font également apparaître que la pièce dont s'agit n'est pas de grande surface et que le matelas était immédiatement situé à proximité de la porte.

Dès lors, il ne peut être fait grief d'une insuffisance de surveillance du seul fait que les personnels ne pénétraient pas dans la chambre, alors que le contrôle depuis la porte était possible et avait en outre été validé par les parties.

Le seul fait que la ronde de 7h ait été effectuée par Mme [O], qui n'est pas infirmière, alors que sa collègue était occupée, ne traduit pas un manquement de l'établissement, étant observé que le règlement intérieur, s'il mentionne la présence d'un personnel soignant en journée, prévoit une surveillance nocturne par des surveillants de nuit et des personnels d'astreinte.

Mme [O] a, comme sa collègue, indiqué avoir pu constater lors de cette ronde vers 7h, que [N] faisait des petits bruits et de temps en temps changeait de position.

S'il est exact que le docteur [K] dans le cadre de l'expertise judiciaire conclut que compte tenu des éléments très partiels en sa possession, elle peut établir avec certitude que le délai-post mortem est de plus de deux heures et de moins de six heures pouvant aller à moins de douze heures avant l'arrivée du SAMU (8h50), ce qui laisserait supposer un décès au plus tard à 6h50, l'expert précise aussi que l'estimation du délai post-mortem est une estimation approximative pour laquelle de très nombreux facteurs sont à prendre en compte et qui entraînent de variabilités d'un cas à l'autre tels que température du corps au moment du décès, la température ambiante, la corpulence, l'âge, la quantité de vêtements ou de couvertures...

Il n'est pas établi que l'ensemble de ces facteurs étaient tous connus de l'expert ; dès lors, la cour considère qu'il ne peut être affirmé sans risque d'erreur que le décès était déjà survenu à 6h50 et donc de mettre en doute les constatations de la surveillante à 7 heures du matin. Il ne peut être fait le reproche à l'infirmière Mme [J], comme justement relevé par les premiers juges, d'avoir consigné à cette heure ' bonne nuit pour [N]'

(ce qui a posteriori est en effet douloureusement ressenti au regard du décès de ce dernier), cette analyse résultant sur l'instant des différentes constatations opérées durant la nuit.

La mise en place d'une nouvelle organisation informatique de suivi de la surveillance, fruit d'une étude engagée de longue date(ce qui n'est pas contestée), n'apparaît pas liée au décès de M [N] [T], et ne traduit pas en tout état de cause, une quelconque reconnaissance de responsabilité.

Au vu des l'ensemble de ces éléments il n'est pas caractérisé, en l'espèce, une quelconque faute de l'association les Genets d'Or dans la prise en charge et la surveillance de M. [T] durant la journée du 27 avril 2015 et la nuit qui a suivi ; les appelants ne sont pas fondés en leurs demandes indemnitaires formées contre elle au titre d'un de perte de chance de survie de leur enfant.

La cour confirme le rejet de l'ensemble des prétentions de M. et Mme [T].

Sur les autres demandes

Les dispositions du jugement concernant les frais irrépétibles et les dépens seront confirmées.

L'équité ne commande pas de faire application de dispositions de l'article l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants qui succombent en leur appel, supporteront en revanche les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [C] [T] et Mme [H] [T] aux dépens d'appel, recouvrés par la Selarl Bazille Tessier Preneux conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/02091
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;19.02091 ?
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