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14/09/2022 | FRANCE | N°19/02079

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 14 septembre 2022, 19/02079


5ème Chambre





ARRÊT N°-245



N° RG 19/02079 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PUUV













SCI LA BOURGOGNE



C/



M. [C] [P]

Mme [J] [X] épouse [P]

M. [F] [B]

Mme [O] [V]

M. [D] [M]

Mme [G] [I] épouse [M]

M. [Y] [P]

Mme [L] [B]

Melle [T] [M]

SA PACIFICA

Compagnie d'assurances SURAVENIR ASSURANCES

SA GMF ASSURANCES



















Confirme la décision

déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA C...

5ème Chambre

ARRÊT N°-245

N° RG 19/02079 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PUUV

SCI LA BOURGOGNE

C/

M. [C] [P]

Mme [J] [X] épouse [P]

M. [F] [B]

Mme [O] [V]

M. [D] [M]

Mme [G] [I] épouse [M]

M. [Y] [P]

Mme [L] [B]

Melle [T] [M]

SA PACIFICA

Compagnie d'assurances SURAVENIR ASSURANCES

SA GMF ASSURANCES

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 25 Mai 2022

ARRÊT :

Rendu par défaut, prononcé publiquement le 14 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SCI LA BOURGOGNE Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au dit siège

[Adresse 10]

[Localité 12]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Marc MANCIET de la SELEURL MBS Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

Monsieur [C] [P] ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à l'étude d'huissier, n'ayant pas constitué avocat

[Adresse 18]

[Localité 6]

Madame [J] [X] épouse [P] ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à l'étude d'huissier, n'ayant pas constitué avocat

[Adresse 18]

[Localité 6]

Monsieur [Y] [P] ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à l'étude d'huissier, n'ayant pas constitué avocat

né le [Date naissance 8] 2001

[Adresse 18]

[Localité 6]

Monsieur [F] [B]

né le [Date naissance 9] 1976 à [Localité 19]

[Adresse 14]

[Localité 20]

Représenté par Me Christophe DAVID de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Madame [O] [V],

née le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 23]

[Adresse 14]

[Localité 20]

Représentée par Me Christophe DAVID de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Madame [L] [B]

INTERVENANTE VOLONTAIRE

née le [Date naissance 7] 2001 à [Localité 21]

[Adresse 15]

[Localité 20]

Représentée par Me Christophe DAVID de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Société SURAVENIR ASSURANCES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 4]

SAINT HERBLAIN

[Localité 11]

Représentée par Me Christophe DAVID de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [D] [M]

[Adresse 22]

[Localité 5]

Représenté par Me Annaïc LAVOLE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Madame [G] [M]

[Adresse 22]

[Localité 5]

Représentée par Me Annaïc LAVOLE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Mademoiselle [T] [M]

née le [Date naissance 1] 2001

[Adresse 22]

[Localité 5]

Représentée par Me Annaïc LAVOLE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

SA PACIFICA

[Adresse 16]

[Localité 13]

Représentée par Me Annaïc LAVOLE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

SA GMF ASSURANCES

[Adresse 3]

[Localité 17]

Représentée par Me David QUINTIN de la SELARL ARMOR AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

********

Le 4 octobre 2014, un incendie est survenu dans une aile d'un manoir situé au lieudit Bourgogne sur la commune de [Localité 20].

L'enquête de Gendarmerie a permis d'établir que le feu avait démarré vers 20 h 40 et que trois mineurs s'étaient trouvés dans la bâtisse en milieu d'après-midi.

Un classement sans suite est intervenu le 28 janvier 2016, motivé comme suit : « à la suite des faits dont vous vous êtes plaint le parquet a sanctionné le mineur, auteur des faits, en lui ordonnant de réparer les conséquences de ses agissements au lieu de le faire juger ».

Le 29 juin 2017, la SCI La Bourgogne a assigné en référé les civilement responsables des trois mineurs et leurs assureurs aux fins de les voir condamner in solidum au paiement de la somme de 468 764,40 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnité de réparation et 46 876,44 euros à titre de provision à valoir sur les honoraires du cabinet d'expertise.

Suivant ordonnance du 12 octobre 2017, le juge des référés a rejeté les demandes estimant qu'il existait une contestation sérieuse.

Par actes des 23, 24, 29 novembre, 1er, 22 et 23 décembre 2017, la SCI La Bourgogne a saisi le tribunal de grande instance de Saint Brieuc.

Par jugement du 4 février 2019, le tribunal a :

- débouté la SCI La Bourgogne de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de M. [D] [M], Mme [G] [M] née [I] ès- qualités de représentants légaux de leur fille mineure [T] [M] et la SA Pacifica, M. [F] [B], Mme [O] [V] ès-qualités de représentants légaux de leur fille mineure [L] [B] et la SA Suravenir Assurances, M. et Mme [P] et la SA GMF Assurances,

- condamné la SCI La Bourgogne à payer à M. [D] [M], Mme [G] [M] née [I] en leurs noms personnels et ès-qualités de représentants légaux de leur fille mineure [T] [M] et la SA Pacifica, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI La Bourgogne à payer à M. [F] [B], Mme [O] [V], ès-qualités de représentants légaux de leur fille mineure [L] [B], et la SA Suravenir la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI La Bourgogne à payer à M. et Mme [P] et la SA GMF Assurances la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI La Bourgogne aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 de Code de procédure civile au profit de la SELEURL Glon et la SELARL Le Porzou Davis Ergan.

Le 27 mars 2019, la SCI La Bourgogne a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 23 Novembre 2020, elle demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel et y faisant droit,

- infirmer purement et simplement le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- dire et juger que M. [Y] [P], Mme [L] [B], Mme [T] [M] et leurs parents sont responsables de l'incendie survenu le 4 octobre 2014 dans le manoir de Bourgogne, situé dans la commune de [Localité 20],

- en conséquence, condamner solidairement ou in solidum ou l'un à défaut de l'autre, M. [C] [P], Mme [J] [P] née [X], M. [Y] [P], M. [F] [B], Mme [O] [V] et Mme [L] [B], M. [D] [M], Mme [G] [M] née [I] et Mme [T] [M], la société Pacifica, la société Suravenir et la société GMF à lui payer :

* 468 764,40 euros TTC d'indemnité de réparation des dommages matériels causés par l'incendie,

* les intérêts légaux de ces sommes à compter de l'assignation en référé du 29 juin 2017,

* 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* les dépens de la présente instance et de ses suites, dont distraction au profit de la SCP Gauthier-Lhermite, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- débouter les intimés de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

Par dernières conclusions notifiées le 7 mars 2022, M. [D] [M], Mme [G] [M] née [I] et Mme [T] [M], et la société Pacifica demandent à la cour de :

A titre principal,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de Saint Brieuc du 4 février 2019,

- débouter la SCI La Bourgogne de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la SCI La Bourgogne au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel,

A titre subsidiaire,

- débouter la SCI La Bourgogne de l'ensemble de ses demandes dirigées à leur encontre,

- condamner la SCI La Bourgogne au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel

A titre très subsidiaire,

- fixer la contribution à la dette des consorts [M] et de leur assureur Pacifica à 5%,

- dire et juger que la faute de la SCI La Bourgogne exonère partiellement les civilement responsables et leurs assureurs respectifs de leur responsabilité dans une proportion qui ne saurait être inférieure à 50 % des conséquences dommageables du sinistre,

- condamner les civilement responsables de Mme [L] [B] et M. [Y] [P] et leurs assureurs respectifs à les garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées contre eux en principal, intérêts, frais, accessoires et dépens

- rejeter les demandes indemnitaires de la SCI La Bourgogne faute de justification de ses préjudices,

- débouter la SCI La Bourgogne et la GMF de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- condamner la SCI La Bourgogne au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par dernières conclusions notifiées le 14 décembre 2021, la SA GMF Assurances demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 4 février 2019 par le tribunal de Saint Brieuc,

- en tant que de besoin, débouter la SCI La Bourgogne de toutes ses demandes, fins et conclusions,

* subsidiairement,

° dire que la SCI La Bourgogne a commis une faute à l'origine exclusive de son dommage,

° encore plus subsidiairement, dire la SCI La Bourgogne a commis une faute ayant concouru à la survenance de son dommage à hauteur de 80 %,

° dire que les sommes allouées seront assorties de la TVA au taux réduit

applicable aux travaux du bâtiment,

° dire que dans leurs rapports, les civilement responsables des mineurs et leurs assureurs se devront mutuellement garantie à hauteur d'un tiers chacun ; en tant de besoin les y condamner,

- condamner la SCI La Bourgogne au paiement d'une indemnité de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- la condamner aux entiers dépens, comprenant ceux de première instance, dont distraction au profit de la SELARL Armor Avocats,

- débouter toute partie de ses demandes plus amples ou contraires.

Par dernières conclusions notifiées le 10 mai 2022, M. [F] [B], Mme [O] [V] et Mme [L] [B] et Suravenir Assurances demandent à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

En conséquence,

- débouter la SCI La Bourgogne de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner la SCI La Bourgogne au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Le Porzou Davis Ergan, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [C] [P], Mme [J] [P] née [X] et M. [Y] [P] n'ont pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions d'appelant ont été signifiées à l'étude le 19 juillet 2019.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur les responsabilités dans l'incendie.

Au soutien de son appel, la SCI La Bourgogne explique que l'incendie de l'aile Est du manoir a détruit tout projet de développement commercial à venir.

Elle précise que [Y] [P], [L] [B] et [T] [M] ont pénétré par effraction dans le bâtiment quelques heures avant l'incendie et ont allumé deux feux dans le grenier directement sur le plancher, à l'endroit d'où a démarré l'incendie.

Elle indique que les experts des différentes sociétés d'assurance ont signé un procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages, aux termes duquel les dommages matériels ont été évalués à la somme de 390 637 euros HT.

La SCI La Bourgogne soutient que le tribunal a inversé la charge de la preuve.

Elle indique que rien ne prouve que le feu aurait pu être mis par une autre personne que par les trois mineurs. Elle discute les déclarations de ces trois derniers.

Elle entend se prévaloir d'un rapport de Mme [A], expert incendie-explosion, qui précise que le feu a pris naissance au 2ème étage de l'aile Est, que la combustion était de type lente au départ avec propagation des fumées et gaz chauds dans le volume confiné de la toiture. Selon l'appelant, Mme [A] a conclu à un incendie d'origine humaine mais accidentelle, et que l'incendie allumé par les trois mineurs soit celui détecté par le voisin, une fois bien développé.

Elle soutient que la responsabilité des trois mineurs est incontestable.

La SCI La Bourgogne prétend que le manoir était inoccupé mais n'était pas à l'abandon, et qu'un gardien était présent.

Elle prétend que la cause de l'incendie n'est pas l'absence de dispositions pour empêcher les intrusions, ni l'importance de la végétation mais l'intrusion par effraction des trois mineurs et le fait d'allumer un feu sur du parquet. Elle fait part du défaut de surveillance des parents des trois mineurs.

En réponse, la SA GMF Assurances, assureur de la famille [P], signale que le bâtiment sinistré n'était plus assuré à la date de l'incendie. Elle explique que le procès-verbal régularisé entre les différents assureurs ne concerne que l'évaluation des dommages et non les causes du sinistre.

Elle fait état d'une deuxième incendie du manoir le 20 avril 2017.

Elle rappelle que doit être rapportée la preuve d'un lien de causalité entre l'action des mineurs et la survenance du dommage, dont la charge incombe à la SCI Le Bourgogne.

La SA GMF Assurances estime que le manoir était à l'abandon, que les enfants ont quitté le manoir vers14 h 30-15 h et que l'incendie a été constaté à 20 h 30.

Elle estime suspecte la mise en vente immédiate du bien au lendemain de l'incendie.

Elle avance que, régulièrement, de nombreuses personnes, notamment des mineurs, allaient dans le manoir.

Elle rappelle que les trois mineurs ont indiqué avoir éteint le feu avant de quitter le manoir et que la présence d'autres 'visiteurs' est plausible.

Elle conteste la force probante du rapport de Mme [A] établi à la demande de la SCI La Bourgogne.

Subsidiairement, la SA GMF Assurances soutient que la SCI La Bourgogne, en ne prenant pas toutes les diligences nécessaires pour assurer la sécurité du bien dont elle a la garde, a concouru à la survenance du dommage.

La SA PACIFCA, M. et Mme [M] et leur fille [T] critiquent le rapport de Mme [A] établi à la demande de l'appelante 5 années après les faits.

Ils considèrent que les éléments du dossier ne permettent pas d'incriminer les trois mineurs dans l'incendie du manoir.

Subsidiairement, ils soulignent que [T] n'a pas allumé le feu et ne l'a pas alimenté.

À titre infiniment subsidiaire, ils affirment que la part de responsabilité de [T] ne peut excéder 5 % des sommes qui pourraient être allouées à la SCI La Bourgogne.

Pour eux, les négligences et imprudences du propriétaire constituent une faute, qui a contribué à la réalisation du dommage.

La société Suravenir Assurances, M. et Mme [B] et leur fille [L], s'associent à l'argumentation développée par la société GMF Assurances.

Ils estiment que la SCI La Bourgogne ne rapporte pas la preuve d'un fait des mineurs ayant directement et exclusivement causé l'incendie dont elle demande réparation.

Ils critiquent le rapport de Mme [A], mandaté par le propriétaire du manoir, 5 ans après les faits.

Ils entendent souligner les carences de l'enquête pénale.

Ils expliquent que les fautes commises par la SCI La Bourgogne ont contribué à la réalisation du dommage, en laissant le manoir à l'abandon en proie à de multiples intrusions, en n'entretenant pas l'accès au manoir retardant l'arrivée des pompiers.

La SCI La Bourgogne fonde son action sur les articles 1240 et 1242 alinéa 4 du code civil.

Selon le premier texte, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer. La SCI La Bourgogne doit démontrer l'existence d'une faute imputable aux 3 mineurs.

En application de l'article 1384 du code civil, devenu l'article 1242, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. (...) Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

Selon ce texte, pour que soit présumée la responsabilité des père et mère d'un mineur, il suffit que celui-ci ait commis un acte qui soit la cause directe du dommage invoqué par la SCI La Bourgogne, sans que cet acte soit fautif.

La SCI La Bourgogne supporte la charge de la preuve de cet acte, cause directe du dommage.

Cette dernière entend invoquer un procès-verbal intitulé 'constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages' rédigé par l'expert désigné par la SCI La Bourgogne et celui désigné par chacun des assureurs.

Ce procès-verbal prévoit que :

- ce document n'a pour but que d'établir les constations et observations des experts présents pour donner aux assureurs intéressés les éléments objectifs nécessaires à la gestion du sinistre.

- il ne peut être considéré par aucune des parties intéressées comme une reconnaissance des garanties stipulées par les contrats d'assurances ou comme une acceptation des responsabilités éventuelles. Il n'implique donc pas la prise en charge par tel ou tel des assureurs concernés des indemnités qui lui sont réclamées.

Ce document est clair et ne peut servir à la SCI La Bourgogne comme élément démontrant la reconnaissance de responsabilité de l'une ou l'autre des parties.

L'appelante indique que 'deux instances judiciaires ont reconnu la responsabilité des enfants'.

Certes le juge des référés dans l'ordonnance du 12 octobre 2017 a indiqué ' l'implication de [Y] [P], [L] [B] et [T] [M] dans la survenance de l'incendie n'est pas sérieusement contestable' mais il convient de rappeler qu'au visa de l'article 488 du code de procédure civile, cette décision n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée et peut être modifiée par une décision au fond.

Le parquet a procédé à un avis de classement sans suite avec la mention 'a sanctionné le mineur des faits en lui ordonnance de réparer les conséquences de ses agissements'. Cette décision ne peut être considérée comme une décision pénale juridictionnelle motivée permettant d'asseoir la responsabilité des mineurs.

De l'enquête pénale, il résulte les faits constants suivants :

- le manoir sinistré est une demeure laissée à l'abandon (elle n'est pas seulement inoccupée) ; le terrain est recouvert de végétation sauvage ; les accès normaux pour les véhicules sont impraticables,

- les lieux sont fortement dégradés de part des visites récurrentes des lieux, notamment pour y effectuer des vols de cuivre (câblages électriques), de fonte (radiateurs), ou de cloisons,

- l'incendie a été constaté à 20 h 15 par un voisin (M. [H]),

- le feu est localisé dans le plancher du second étage principalement de l'aile Est du manoir,

- [L] [B], [T] [M] et [Y] [P] sont allés au manoir en début d'après-midi. Ils y sont entrés en passant par l'encadrement du carreau de la porte principale qui était cassée,

- [Y] [P] a allumé le feu sur un bout de tapisserie, posé sur des ardoises posées sur le plancher ; du polystyrène et des morceaux de bois sont mis dans le feu,

- après avoir constaté de la fumée et des flammes importantes, les mineurs ont posé des planches humides sur le feu, ont sauté sur lesdites planches,

- après avoir constaté qu'il n'y avait plus de flammes, les trois mineurs sont partis

- des ardoises du toit avaient été démontées avant le 4 octobre 2014,

- les mineurs ont quitté les lieux vers 14 h 45,

Concernant la météo, un bulletin de Météo France fait état d'un ensoleillement de 2 heures et une hauteur de précipitations de 3,4 mm.

Ainsi il est évident que les trois mineurs ont pénétré dans le manoir le 4 octobre 2014 et y ont allumé un feu dans le grenier en début d'après-midi.

Ils précisent tous les trois qu'à leur départ, le feu était éteint.

Les gendarmes ont constaté plusieurs traces de départ de feu dans et en dehors des cheminées mais qui ne peuvent être datés.

Ils ont indiqué que les dégradations observées sont caractéristiques de celles provoquées par un feu couvant. Ils précisent également qu''aucun élément matériel susceptible de le corroborer n'a été découvert' et estiment que l'existence d'un seul foyer à une extrémité du bâtiment ne paraît pas correspondre à un mode opératoire de mise à feu volontaire avec une intention criminelle. Le technicien en identification criminelle de la gendarmerie précise qu''il lui semble que l'hypothèse d'une origine humaine involontaire peut être raisonnablement privilégiée'.

Les services de gendarmerie n'ont pas ainsi établi, sans doute possible, que le feu allumé par [T] [M], [Y] [P] et [L] [B] est celui qui a détruit partiellement l'aile du manoir.

La cour déplore, comme le premier juge, l'absence d'une expertise judiciaire.

Le rapport de Mme [A] est sujet à discussion. Tout d'abord, il a été établi à la demande de la SCI La Bourgogne. Ce rapport est daté du 6 juin 2019 pour des investigations non contradictoires du 21 mai 2019 soit près de 4 ans et demi après l'incendie alors que le bâtiment n'est pas protégé et a fait l'objet d'un autre incendie en 2017.

Si les compétences de Mme [A] ne sont pas mises en cause et n'ont pas à l'être, sa 'note technique' contient une appréciation subjective du déroulement des faits concernant les trois mineurs ainsi qu'une critique tout aussi personnelle de l'avis d'autres techniciens.

Dans son rapport, Mme [A] explique les différents modes de combustion. Elle utilise beaucoup le conditionnel, utilise des termes tels que 'probablement' ou 'a pu'. Elle affirme de manière péremptoire que 'il n'est certes pas exclu que d'autres personnes se soient aussi rendues dans le manoir en fin d'après-midi du 4 octobre 2014, mais l'incendie avait déjà commencé son développement dans le volume de sous toiture' alors que l'une des difficultés du présent litige est de savoir si un tiers a pénétré dans le manoir et y a mis le feu après le départ des trois mineurs.

Ce rapport et la note technique ne peuvent être prises en compte au titre d'élément probant.

Si plusieurs contradictions existent dans les déclarations des mineurs, elles sont insuffisantes pour prouver le rôle causal de chacun d'eux dans la survenance de l'incendie qui a détruit l'aile du manoir, rôle causal dont la charge de la preuve, la cour le rappelle, pèse sur l'appelante.

Selon certaines rumeurs rapportées par messieurs [U] [K], [Z] [W] ou [L] [B], un certain [S] [E] serait entré dans le manoir le jour de l'incendie après le départ des trois mineurs. Aucune investigation n'a été réalisée sur ce point, ni sur l'éventualité de l'intervention d'une autre personne.

C'est donc par des motifs pertinents, que la cour adopte, que le premier juge a débouté la SCI La Bourgogne de toutes ses demandes.

- Sur les autres demandes.

Succombant en son recours, la SCI La Bourgogne est déboutée de sa demande en frais irrépétibles et est condamnée aux dépens et à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à :

- la SA GMF Assurances la somme de 3 000 euros,

- la SA Pacifica, M. [D] [M], Mme [G] [I] épouse [M] et Mme [T] [M] la somme de 3 000 euros,

- la SA Suravenir Assurances, M. [F] [B], Mme [O] [V] et Mme [L] [B] la somme de 3 000 euros.

Les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne la SCI La Bourgogne à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à :

- la SA GMF Assurances la somme de 3 000 euros,

- la SA Pacifica, M. [D] [M], Mme [G] [I] épouse [M] et Mme [T] [M] la somme de 3 000 euros,

- la SA Suravenir Assurances, M. [F] [B], Mme [O] [V] et Mme [L] [B] la somme de 3 000 euros ;

Condamne la SCI La Bourgnogne aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/02079
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;19.02079 ?
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