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14/09/2022 | FRANCE | N°19/01963

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 14 septembre 2022, 19/01963


5ème Chambre





ARRÊT N°-243



N° RG 19/01963 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PUGS













EURL JANBAR



C/

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE SITUE [Adresse 3] ET [Adresse 2]



















Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à

:











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

As...

5ème Chambre

ARRÊT N°-243

N° RG 19/01963 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PUGS

EURL JANBAR

C/

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE SITUE [Adresse 3] ET [Adresse 2]

Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Mai 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

EURL JANBAR agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Philippe RIOU de la SELARL PARTHEMA, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Tiphaine LE BERRE BOIVIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE SITUE [Adresse 3] ET [Adresse 2] représenté par son Syndic HEMON-CAMUS

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Gilles APCHER de la SELARL GILLES APCHER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

Suivant acte sous seing privé du 5 janvier 1999, la SACabinet Blandin, syndic de la copropriété de l'immeuble situé [Adresse 3] et [Adresse 2] et la SARL Café du Bon Pasteur ont signé une convention d'occupation précaire d'une terrasse contiguë au commerce, qui constitue une partie commune de l'immeuble, pour une durée de un an renouvelable à compter du 1er janvier 1999 moyennant un loyer de 4 910,76 francs outre le droit au bail, les taxes et impôts, alors que cette société était par ailleurs titulaire de deux baux commerciaux pour deux lots privatifs de l'immeuble consentis par les consorts [S] et les consorts [H].

Selon acte dressé le 30 novembre 2005 par la SCP Xavier Cassou et Laurence Picart-Rajalu, notaires associés à [Localité 4], M. [X] [J], venant aux droits de la SARL Café du Bon Pasteur, a cédé son fonds de commerce à l'EURL Janbar avec l'accord exprès du syndic pour le transfert de la convention locative au bénéfice du cessionnaire donné par courrier du 28 novembre 2005.

La copropriété a fait signifier un congé le 22 juin 2011 à la SARL Café du Bon Pasteur pour le 31 décembre 2011.

Des pourparlers ont été engagés entre les parties en vue de la régularisation d'une convention d'occupation avec révision du montant de la contrepartie financière.

Le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, a fait signifier le 17 octobre 2013 à l'EURL Janbar une sommation de déguerpir avec dénonciation d'une note technique du 8 juillet 2013 du bureau d'étude Serba concluant à un dépassement de la capacité de résistance du plancher de la terrasse.

Se plaignant de l'occupation de la terrasse litigieuse, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble du [Adresse 2] et [Adresse 3] pris en son syndic la SAS Foncia Loire Atlantique a fait assigner l'EURL Janbar par acte d'huissier du 22 avril 2014 devant le tribunal de grande instance de Nantes.

Par jugement en date du 4 septembre 2018, le tribunal a :

- débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] et [Adresse 2] de sa demande,

- rejeté la demande reconventionnelle de l'EURL Janbar ainsi que de toutes autres prétentions amples ou contraires,

- condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] et [Adresse 2] aux dépens.

Le 21 mars 2019, l'EURL Janbar a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 21 avril 2022, elle demande à la cour de :

- recevoir l'appel, le dire bien fondé et y faire droit,

- rejeter l'appel incident, le dire mal fondé,

- dire et juger que les congés délivrés à la requête du "syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 2] et [Adresse 3]" à la société dénommée "SARL Café du Bon Pasteur" suivant exploits de Maître [L] [Y], huissier de justice à [Localité 4], en date des 22 juin 2011 et 8 mars 2019 sont nuls.

- annuler les deux congés, subsidiairement recevoir la concluante en son exception de nullité,

- dire et juger que le congé délivré à la requête du "syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 2] et [Adresse 3]" à la société dénommée "SARL Café du Bon Pasteur" suivant exploit de maître [L] [Y], huissier de justice à [Localité 4], en date du 22 juin 2011 est inopposable à l'EURL Janbar,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

* débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] et [Adresse 2] de sa demande,

* condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 3] et [Adresse 2] aux dépens,

- réformer le jugement en ce qu'il a :

* débouté l'EURL Janbar de ses demandes tendant à voir :

° constater le caractère illicite de la clause d'exclusion du bénéfice du statut des baux commerciaux contenue dans la convention d'occupation d'une terrasse conclue entre le syndicat des copropriétaires et la société dénommée EURL Janbar à effet du 1er janvier 2011,

° dire et juger que cette dérogation est réputée non écrite et que l'EURL Janbar est bien fondée à se prévaloir de cette nullité par voie d'exception,

° requalifier le contrat litigieux en bail commercial,

* débouté l'EURL Janbar de sa demande de condamnation du syndicat des copropriétaires à lui verser une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- en conséquence, débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] et [Adresse 3] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- constater le caractère illicite la clause d'exclusion du bénéfice du statut des baux commerciaux contenue dans la convention d'occupation d'une terrasse conclue entre le syndicat des copropriétaires et la société dénommée EURL Janbar à effet du 1er janvier 2011,

- dire et juger que cette dérogation est réputée non écrite. Subsidiairement, dire et juger l'EURL Janbar bien fondée à se prévaloir de cette nullité par voie d'exception,

- constater en conséquence que l'EURL Janbar et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] et [Adresse 3] sont liés par un bail commercial,

- dire et juger en conséquence que les congés délivrés les 22 juin 2011 et 8 mars 2019 sont nuls pour défaut de respect des prescriptions de l'article L 145-9 du cfode de commerce,

- annuler les deux congés, subsidiairement recevoir la concluante en son exception de nullité.

- en conséquence, débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] et [Adresse 3] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, subsidiairement le condamner à payer à l'EURL Janbar une indemnité d'éviction, commettre tel expert qu'il plaira à la cour avec la mission de donner son avis sur le montant de ladite indemnité, surseoir à statuer dans l'attente du dépôt de ce rapport,

- à titre infiniment subsidiaire, désigner tel expert qu'il plaira à la cour avec la mission de recueillir tous éléments techniques, particulièrement commerciaux et financiers, à l'effet de permettre à la cour d'apprécier si, à défaut d'être un local principal, le local en litige est un local accessoire dont la « privation serait de nature à compromettre l'exploitation du fonds »,

- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] et [Adresse 3] à payer à la société dénommée EURL Janbar la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] et [Adresse 3] en tous les dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- rejeter toutes demandes, fins et conclusions autres ou contraires aux présentes.

Par dernières conclusions notifiées le 25 avril 2022, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 2] demande à la cour de :

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Nantes en date du 4 septembre 2018 en ce qu'il a :

* débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 2] de sa demande de validation du congé délivré le 22 juin 2011 à effet au 31 décembre 2011,

* débouté le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 2] de sa demande de condamnation de l'EURL Janbar à la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

Puis, statuant à nouveau :

Sur la validation du congé de la convention d'occupation précaire :

- valider le congé délivré à l'occupant de la terrasse commune située au-dessus des lots n° 37, 38 et 39 en date du 22 juin 2011 à effet du 31 décembre 2011,

- constater la résiliation de l'acte sous seing privé en date du 5 janvier 1999 dénommé «convention d'occupation d'une terrasse » à compter du 31 décembre 2011,

- en tant que de besoin, ordonner l'expulsion de l'EURL Janbar, occupant sans droit ni titre, ainsi que de tous occupants sans droit ni titre de son chef, de la terrasse située au-dessus des lots 37, 38 et 39 de la copropriété sise [Adresse 2] et [Adresse 3], et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision à intervenir,

A tout le moins,

- dire et juger que le congé du 8 mars 2019 est valide,

- constater la résiliation de l'acte sous seing privé en date du 5 janvier 1999 dénommé « convention d'occupation d'une terrasse » à compter du 31 décembre 2019,

- en tant que de besoin, ordonner l'expulsion de l'EURL Janbar, occupant sans droit ni titre, ainsi que de tous occupants sans droit ni titre de son chef, de la terrasse située au-dessus des lots 37, 38 et 39 de la copropriété sise [Adresse 2] et [Adresse 3], et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la présente décision à intervenir,

Sur la nature de la convention :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nantes en ce qu'il a dit et jugé que la convention d'occupation précaire ne saurait être qualifiée de bail commercial,

- débouter l'EURL Janbar de toutes ses demandes, fins et conclusions,

En toute hypothèse :

- condamner l'EURL Janbar à payer au syndicat de copropriété requérant la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'EURL Janbar aux entiers dépens d'instance dont distraction au profit de la SELARL Gilles Apcher (Maître Gilles Apcher).

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la validité des congés délivrés par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 2]

L'EURL Janbar soutient que le congé délivré par acte d'huissier du 22 juin 2011 à la SARL Café du Bon Pasteur lui est inopposable puisqu'elle n'est pas la SARL Café du Bon Pasteur. Elle indique que le syndicat des copropriétaires a considéré que le congé était destiné à cette seule SARL et non à l'EURL Janbar. Elle ajoute que la tentative de délivrance de l'acte ne pourrait être, en tout état de cause, opposable qu'à son gérant M. [C] puisque l'huissier s'est adressé à lui. Elle ajoute que l'erreur de dénomination ne peut être considérée comme un vice de forme au motif que le Syndicat des copropriétaires n'a entendu signifier le congé qu'à la SARL Café du Bon Pasteur et qu'ainsi le congé est donc non seulement inopposable mais de surcroît nul.

S'agissant du second congé délivré le 8 mars 2019, l'EURL Janbar rappelle que non seulement la cour n'est pas une chambre d'enregistrement de donner acte mais que les demandes de validité de ce congé constitue une prétention nouvelle qui est irrecevable et qu'en tout état de cause ce second congé, comme le premier, a été délivré en violation des droits du preneur.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 2] critique le jugement entrepris en ce qu'il a retenu un défaut de qualité du signifié pour retenir une irrégularité de fond alors qu'il ne s'agit pas d'un des éléments de la liste limitative édictée par l'article 117 du code de procédure civile.

Il fait valoir que le congé délivré le 22 juin 2011 l'a été à la bonne adresse et au gérant de l'EURL Janbar et que la mauvaise dénomination du destinataire doit s'analyser en une simple erreur entraînée par la certitude pour l'huissier de s'adresser au locataire de la terrasse au regard du nom inscrit sur la façade de l'établissement (Café du Bon Pasteur) et par le fait que le destinataire de l'acte n'a pas signalé cette erreur de dénomination. Il en déduit que le congé ne présente aucune irrégularité de fond. Il ajoute que si la cour devait retenir un vice de fond du congé, l'irrégularité aurait été couverte et régularisée par la signification de la sommation de déguerpir à l'EURL Janbar et par la signification de l'assignation devant le tribunal de grande instance.

Si la cour venait à dire que l'acte était entaché d'un vice de forme, l'intimé soutient que l'EURL Janbar ne justifie d'aucun grief en ce qu'elle a pu établir sa défense et même présenter une demande reconventionnelle de requalification de la convention d'occupation en bail commercial.

A tout le moins, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 2] demande à la cour de valider le congé délivré le 8 mars 2019 à effet au 31 décembre 2019 en indiquant que cette demande ne peut être considérée comme nouvelle.

Aux termes des dispositions de l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

Aux termes des dispositions de l'article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :

Le défaut de capacité d'ester en justice ;

Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;

Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.

Comme le relève à juste titre le conseil du syndicat des copropriétaires dans ses écritures, cette liste est limitative et hormis ces cas précités, il ne peut s'agir que d'un vice de forme qui ne peut entraîner la nullité de l'acte que sur justification d'un grief.

Le jugement entrepris a retenu le défaut de qualité du signifié pour retenir l'irrégularité de fond. Cette notion n'étant pas visée par les dispositions de l'article 117 du code de procédure civile précitées ne peut constituer une irrégularité de fond.

En l'espèce, le congé a été signifié par acte d'huissier du 22 juin 2011 à la SARL Le Café du Bon Pasteur, [Adresse 2]. L'huissier a indiqué que le nom figurait sur l'enseigne et que la signification à la personne même du destinataire de l'acte s'est avérée impossible parce que la personne présente a refusé de prendre l'acte.

Il est constant que l'erreur relative à la dénomination d'une partie dans un acte de procédure n'affecte pas la capacité d'ester en justice qui est rattachée à la personne quelle que soit sa désignation et ne constitue qu'un vice de forme qui ne peut entraîner la nullité de l'acte que sur justification d'un grief.

Il n'est pas contesté que l'EURL Janbar exerce son activité sous l'enseigne 'Le Bon Pasteur' à l'adresse mentionnée dans l'acte d'huissier et que la personne présente lors de la signification était M. [C], le gérant de l'EURL Janbar. Par ailleurs, il ne peut être contesté que le syndicat des copropriétaires avait l'intention de délivrer le congé au preneur occupant la terrasse via la convention d'occupation puisque le représentant du syndicat de copropriétaires avait donné son accord le 28 novembre 2005 au transfert de la convention d'occupation de la terrasse à l'acquéreur du café du Bon Pasteur (pièce n°5 du syndicat des copropriétaires) étant rappelé que la SARL Le Café du Bon Pasteur avait cédé son fonds de commerce à l'EURL Janbar suivant acte du 30 novembre 2005.

Il résulte de ces éléments que l'erreur dans la dénomination du preneur dans le congé délivré le 22 juin 201, en l'absence de doute sur son identification, constitue un vice de forme pour lequel l'EURL Janbar ne justifie d'aucun grief au visa des articles 648, 649 et 112 du code de procédure civile. Au contraire, l'EURL Janbar a pu faire valoir sa défense dans la présente procédure notamment en sollicitant la requalification de la convention d'occupation en bail commercial.

Par conséquent, le congé délivré le 22 juin 2011 à effet du 31 décembre 2011 est valide. Il n'y a, dès lors, pas lieu d'examiner la validité du congé délivré le 8 mars 2019. Avant d'examiner les autres demandes du bailleur, il convient d'examiner la demande de nullité du congé délivré soulevée par l'EURL Janbar.

- Sur la demande de nullité des congés délivrés en violation des droits du preneur

L'EURL Janbar soutient à titre principal que les congés délivrés en 2011 et 2019 sont fondés sur une convention d'occupation illicite en ce que la relation contractuelle est de plein droit assujettie aux dispositions d'ordre public du statut des baux commerciaux. A ce titre, elle fait valoir qu'aux termes des dispositions de l'article L.145-1 du code de commerce, le statut des baux commerciaux s'applique de manière impérative à la location qui porte sur un immeuble ou un local et indique qu'une terrasse constitue bien un local. Elle ajoute que ce local a une activité commerciale et soutient que le local doit être considéré comme ayant un caractère principal en ce que l'activité y est pleinement exercée, la clientèle étant majoritairement accueillie sur la terrasse.

Si le caractère principal du local n'était pas retenu, elle indique que le local présente, à tout le moins, un caractère accessoire et indispensable au local en ce que la surface commerciale de la terrasse est plus importante que la surface commerciale située en lots privatifs du fonds et que l'analyse du chiffre d'affaire qu'elle produit permet d'établir le caractère fondamental de la terrasse. L'EURL Janbar déduit de ces éléments que la dérogation au statut des baux commerciaux doit être réputée non écrite et que la convention liant les parties doit être qualifiée de bail commercial.

Subsidiairement, l'appelante argue que la nullité des stipulations écartant le bénéfice du statut des baux commerciaux peut être invoquée par voie d'exception et invoque l'existence du bail commercial par voie d'exception et sollicite la nullité des congés délivrés.

Très subsidiairement, l'EURL Janbar demande s'il fallait donner effet à l'un des congés, de condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer une indemnité d'éviction et d'ordonner une expertise pour fixer ce montant.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 2] rétorque que la convention d'occupation de la terrasse est de nature civile et ne peut être assimilée à un bail commercial de part la lettre et l'esprit de la convention, cette location ayant été faite à titre civil et personnel.

Il s'oppose à la requalification de la convention d'occupation de la terrasse en bail commercial au motif que selon lui, la terrasse ne peut être qualifiée de local commercial principal en ce qu'elle sert actuellement au service de l'exploitation du fonds de commerce, que les préparations des boissons et repas se font dans le local commercial principal qui est un lot de copropriété privé, que son accès ne peut se faire que par l'intérieur du local commercial principal et qu'elle ne peut disposer d'une clientèle propre. Le syndicat des copropriétaires ajoute que la terrasse ne peut pas non plus être considérée comme un local accessoire en ce que le preneur ne démontre pas que l'exploitation de la terrasse est de nature à compromettre l'exploitation du fonds, celui-ci pouvant être exploité sans accès à la terrasse. Il ajoute que l'appelant ne démontre pas non plus que les locaux accessoires ont été loués au vu et au su du bailleur en vue d'une utilisation jointe en cas de pluralité de bailleurs, le syndicat des copropriétaires, bailleur de la terrasse, ayant accepté la location uniquement à titre civil.

Il ajoute que l'exploitation de la terrasse est dangereuse au vu de l'étude béton commandée par la copropriété auprès d'un bureau d'études structure et que l'EURL Janbar fait courir un risque certain à la copropriété et aux propres occupants de la terrasse en continuant à l'exploiter. Elle demande de voir constater la résiliation de la convention d'occupation de la terrasse à compter du 31 décembre 2011 et d'ordonner en tant que de besoin l'expulsion de l'EURL Janbar sous astreinte.

Aux termes des dispositions de l'article L. 145-1 I du code de commerce, le statut des baux commerciaux s'applique aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d'une entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce et en outre :

1° Aux baux de locaux ou d'immeubles accessoires à l'exploitation d'un fonds de commerce quand leur privation est de nature à compromettre l'exploitation du fonds et qu'ils appartiennent au propriétaire du local ou de l'immeuble où est situé l'établissement principal. En cas de pluralité de propriétaires, les locaux accessoires doivent avoir été loués au vu et au su du bailleur en vue de l'utilisation jointe.

En l'espèce, l'EURL Janbar exploite un bar- brasserie au sein de l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 1] en vertu d'un premier bail commercial consenti par un copropriétaire sur un lot privatif, d'un second bail commercial consenti par un autre copropriétaire sur un lot privatif et d'une convention d'occupation de la terrasse contiguë au commerce de café qui constitue une partie commune de la copropriété.

Cette convention d'occupation a été consentie par acte sous seing privé du 5 janvier 1999 par la copropriété de l'immeuble représentée par le cabinet Blandin à titre onéreux à M. [M], preneur et mentionne 'la location est faite à titre civil et personnel : elle ne peut être cédée sans l'accord du propriétaire et le preneur s'interdit toute sous-location même à titre gratuit. Elle prendra fin sans aucune formalité en cas de changement de destination des lieux loués comme en cas de non-paiement de loyer à son échéance' et les parties conviennent expressément qu'elle n'est pas soumise aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 et aux textes subséquents. Aux termes des conditions générales, il est indiqué que le présent engagement est consenti et accepté sous les conditions suivantes notamment :

1° - de n'user les lieux loués que pour un usage de terrasse, en conséquence s'interdire tout usage artisanal de quelque nature que ce soit ni entreposer aucune marchandise...

2° - (....) La couverture de la terrasse par une véranda est interdite, seule l'installation de tables, chaises et parasols seront autorisés sous réserve qu'il n'en résulte aucune gêne ni aucun trouble pour les occupants des étages. L'accès à la terrasse ne sera pas autorisé après 22 heures.

L'acte de cession de fonds de commerce du 30 novembre 2005 par M. [J] au profit de l'EURL Janbar rappelle cette convention d'occupation d'une terrasse et précise que, par courrier du 28 novembre 2005, le cabinet Blandin, syndic de copropriété, a accepté le cessionnaire comme nouvel occupant de la terrasse. Une copie de ce courrier est produite et mentionne 'accord pour transférer la convention d'occupation de la terrasse à l'acquéreur du café du Bon Pasteur'.

Le statut des baux commerciaux est applicable, nonobstant la qualification des parties données au contrat, à tout local stable et permanent, disposant d'une clientèle personnelle et régulière et jouissant d'une autonomie de gestion.

Si la terrasse peut être considérée comme un local stable et permanent, il n'en demeure pas moins qu'il ne peut être soutenu qu'elle dispose d'une clientèle propre et jouit d'une autonomie de gestion. En effet, la terrasse, qui se trouve en surplomb de la rue comme en atteste les photographies produites est enclavée et son accès ne peut se faire que par le local de bar-brasserie que la clientèle doit traverser pour se rendre sur la terrasse. De plus, il n'est pas contesté que la préparation des boissons et repas servis sur la terrasse s'effectue depuis les locaux du fonds de commerce. En outre, elle subit une contrainte particulière imposée par le bailleur en ce que son accès n'est pas autorisé après 22 heures. Il en résulte que l'activité commerciale invoquée ne peut être exercée pleinement sans le local commercial constituant le bar-brasserie. La terrasse ne peut, dans ces conditions, être qualifiée de local principal.

Le preneur sollicite à titre subsidiaire que la terrasse soit considérée comme un local accessoire à l'exploitation du fonds de commerce. L'article L.145-1 I 2° du code de commerce précédemment cité exige la réunion de deux conditions cumulatives pour permettre la requalification en bail commercial étant rappelé que la jurisprudence impose au preneur de justifier de ces deux conditions cumulatives.

En premier lieu, il appartient au preneur de démontrer que la privation de la terrasse est de nature à compromettre l'exploitation du fonds de bar-brasserie.

L'EURL Janbar a produit une attestation de son expert comptable M. [P] de la SAS Sareco en date du 8 juillet 2019 qui indique qu'entre le 1er janvier et le 30 juin 2019, 'le chiffre d'affaire Brasserie a été de 201 633 euros HT dont 95 095 euros HT (47%) a été réalisé en terrasse. Sur cette même période, l'activité 'limonade' (bar) s'est élevée à la somme de 113 791 euros HT mais nous n'avons pas de répartition entre l'intérieur et l'extérieur. Toutefois, pour rappel, l'établissement bénéficie de 50 places intérieures et 80 places extérieures et pour rappel l'activité limonade est assurée toute l'année'.

Ces éléments comptables ne permettent pas de considérer que la privation de la terrasse est de nature à compromettre l'exploitation du fonds, au contraire ils établissent que le chiffre d'affaires de l'activité 'brasserie' est réalisé majoritairement dans le fonds bar-brasserie et non sur la terrasse.

L'EURL Janbar verse aux débats deux constats d'huissier, l'un du 23 novembre 2019 à 17h15 constatant la présence de 27 personnes à l'intérieur et 60 personnes en terrasse en précisant que lors de son passage, il a constaté la présence d'une légère bruine ainsi qu'une température fraîche et l'autre du 6 décembre 2019 à 18h constatant la présence de 12 personnes à l'intérieur et 34 personnes en terrasse en précisant que lors de son passage, il a constaté la présence d'un temps légèrement pluvieux bruine et d'une température fraîche. Il a joint à ce second constat un document chiffre d'affaires entre septembre et décembre 2018 qui fait état d'un chiffre d'affaires brasserie en terrasse de 57 104,2 euros et en intérieur de 67 727,4 euros et un chiffre d'affaires limonade de 72 189,4 euros et un document chiffre d'affaires pour l'année 2019 qui fait état d'un chiffre d'affaires brasserie en terrasse de 193 508 euros et en intérieur de 152 300,5 euros et un chiffre d'affaires limonade de 199 623,25 euros.

Les constatations réalisées sur deux journées par l'huissier ne sont guères probantes en ce qu'il s'agit de simples constatations ponctuelles. S'agissant des données chiffrées récoltées, il apparaît que pour l'année 2018, le chiffre d'affaires réalisé en brasserie en intérieur est plus important que celui en terrasse et pour l'année 2019, si le chiffre d'affaires réalisé en terrasse est supérieur à celui réalisé en intérieur, il n'en demeure pas moins que le preneur ne justifie pas que la privation de la terrasse serait de nature à compromettre l'exploitation du fonds de commerce étant rappelé que même si les conditions d'exploitation sont rendues plus difficiles par la perte de la terrasse, cela est insuffisant à caractériser le premier critère exigé par les dispositions de l'article L.145-1 I 2° du code de commerce. Ce premier n'étant pas rempli et les conditions étant cumulatives, il n'y a pas lieu d'examiner le second critère.

Par conséquent, le preneur échoue à démontrer le caractère accessoire de la terrasse. Il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise pour apprécier si la terrasse est un local principal ou accessoire comme le sollicite l'appelant dans le corps de ses écritures dans la mesure où il n'appartient pas à la cour de pallier la carence du preneur dans l'administration de la preuve qui lui incombe. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de requalification de la convention d'occupation en bail commercial que ce soit à titre principal ou à titre d'exception. De même, la demande d'indemnité d'éviction présentée par le preneur sera écartée en ce qu'il n'est pas soumis aux statuts des baux commerciaux.

Il convient de constater la résiliation de l'acte sous seing privé du 5 janvier 1999 dénommé convention d'occupation d'une terrasse à compter du 31 décembre 2011, le congé délivré le 22 juin 2011 avec effet au 31 décembre 2011 ayant été précédemment validé et ne peut être annulé sur le fondement des dispositions du code de commerce et notamment son article L145-9 comme tente de la soutenir l'EURL Janbar. Le preneur sera débouté de toutes ses demandes à ce titre.

L'EURL Janbar étant désormais occupant sans droit ni titre de la terrasse située au-dessus des lots 37,38 et 39 de la copropriété, et le syndicat des copropriétaires justifiant par la production étude béton qui retient un dépassement de 61% de la capacité résistante du plancher, il convient d'ordonner, en tant que de besoin son expulsion.

Cependant, compte tenu de la durée de la tolérance accordée quant à l'usage de la terrasse, il n'y a pas lieu d'ordonner une astreinte et il sera accordé un délai avant que le syndicat des copropriétaires ne puisse procéder à l'expulsion afin de permettre à l'EURL Janbar de prendre ses dispositions pour libérer les lieux dont les modalités seront précisées dans le dispositif de la présente décision.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant en son appel, l'EURL Janbar sera condamnée à verser la somme de 1 500 euros au Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 2] au titre des frais irrépétibles en cause d'appel et aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles seront confirmées. En revanche, les dispositions relatives aux dépens seront réformées et l'EURL Janbar sera tenu aux dépens de première instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf celles relatives aux frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau,

Valide le congé délivré par le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 2] à l'EURL Janbar occupant de la terrasse commune située au-dessus des lots 37, 38 et 39 de la copropriété en date du 22 juin 2011 à effet du 31 décembre 2011 ;

Constate la résiliation de l'acte sous seing privé en date du 5 janvier 1999 dénommé convention d'occupation d'une terrasse à compter du 31 décembre 2011 ;

Ordonne, en tant que de besoin, l'expulsion de l'EURL Janbar, occupant sans droit ni titre ainsi que de touts occupants sans droit ni titre de son chef, de la terrasse commune située au dessus des lots 37, 38 et 39 de la copropriété sise [Adresse 3] et [Adresse 2] dans un délai de 4 mois à compter de signification du présent arrêt ;

Condamne l'EURL Janbar à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] et [Adresse 2] la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne l'EURL Janbar aux entiers dépens de première instance et en cause d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/01963
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;19.01963 ?
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