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14/09/2022 | FRANCE | N°19/01710

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 14 septembre 2022, 19/01710


5ème Chambre





ARRÊT N°-240



N° RG 19/01710 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PTNC













SA AXERIA PREVOYANCE



C/



M. [B] [T]

M. [O] [T]

Mme [S] [T] épouse [P]

M. [V] [T]



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :


>à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Vir...

5ème Chambre

ARRÊT N°-240

N° RG 19/01710 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PTNC

SA AXERIA PREVOYANCE

C/

M. [B] [T]

M. [O] [T]

Mme [S] [T] épouse [P]

M. [V] [T]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 18 Mai 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 14 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SA AXERIA PREVOYANCE agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Eric ANDRES, Plaidant, avocat au barreau de LYON

INTIMÉS :

Monsieur [B] [T] (décédé le 19 novembre 2022)

né le 27 Septembre 1950 à SAINT BRIAC

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [O] [T]

INTERVENANT VOLONTAIRE ès qualités d'ayant droit de [B] [T] décédé le 19 novembre 2021

né le 12 Février 1974 à [Localité 8]

Mettelen 10

[Localité 10]

[Localité 10]

Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Madame [S] [T] épouse [P]

INTERVENANTE VOLONTAIRE ès qualités d'ayant droit de [B] [T] décédé le 19 novembre 2021

née le 12 Février 1974 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Localité 6] (ALLEMAGNE)

Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur [V] [T]

INTERVENANT VOLONTAIRE ès qualités d'ayant droit de [B] [T] décédé le 19 novembre 2021

né le 10 Juillet 1976 à [Localité 9]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Par contrat du 22 mars 2003, M. [B] [T], exerçant en libéral, a souscrit une assurance de groupe à adhésion facultative auprès d'April Prévoyance, couvrant notamment :

- l'incapacité temporaire totale jusqu'au 90ème jour pour 2 PASS (Plafond Annuel de la Sécurité Sociale) avec versement d'une indemnité journalière de 160 euros par jour jusqu'à la consolidation de l'état de santé de l'assuré,

- l'invalidité permanente partielle de travail et l'invalidité permanente de travail pour 2 PASS, soit 58 400 euros.

A l'occasion de cette souscription, il répondait par la négative à l'ensemble des questions faisant l'objet du questionnaire de santé.

M. [B] [T] a été placé en arrêt de travail à compter du 2 avril 2011, avec reprise d'activité fin de l'été 2011 et rechute le 20 octobre 2011.

La société April Prévoyance a servi des indemnités journalières à compter du 1er juin 2011 après application de la franchise jusqu'au 29 août 2011, puis du 20 octobre 2011 au 11 décembre 2012.

Le 13 mars 2012, le docteur [L], mandaté par la société April Prévoyance concluait à une incapacité temporaire totale en cours, sans consolidation.

Puis le 11 décembre 2012, le docteur [L] concluait à la consolidation de l'état de santé de M. [B] [T] au 11 décembre 2012, avec un taux d'invalidité de 10% en professionnel et 50% en fonctionnel, soit un taux croisé de 63%. Ce docteur notait que le questionnaire médical rempli à l'ouverture du contrat comportait une omission médicale.

Par lettre recommandée du 5 février 2013, la société April Prévoyance écrivait à M. [B] [T] qu'au-delà du 11 décembre 2012, elle mettait en place la rente d'invalidité prévue par son contrat. Par ailleurs, elle l'informait qu'elle faisait application des dispositions relatives à la fausse déclaration non intentionnelle, en vertu desquelles l'indemnité est réduite en proportion du taux des cotisations payées par rapport au taux des cotisations qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés. En conséquence, elle réduisait de 50% l'indemnisation à verser pour le sinistre en cours.

En outre, afin de maintenir le contrat en vigueur, elle proposait de nouvelles conditions d'acceptation, excluant toute incapacité temporaire totale et invalidité en rapport avec toute affection oesogastrique, avec une majoration de 25% des cotisations des garanties incapacité temporaire totale, invalidité et décès/invalidité absolue et définitive. L'assuré y souscrivait le 11 mars 2013.

L'assuré a contesté l'application de la règle proportionnelle par son assureur.

Un nouveau certificat d'adhésion a été signé le 15 avril 2013, modifiant notamment le montant de la garantie à partir du 1er janvier 2011 à 1,5 PASS au lieu de 2 PASS.

Par acte du 25 novembre 2016, M. [B] [T] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Saint-Malo, la SA April Santé Prévoyance afin de solliciter, à titre principal, sa condamnation à lui verser la somme annuelle de 67 486,96 euros, à titre de rente jusqu'à son 65ème anniversaire sous déduction de la rente effectivement perçue par lui sur cette même période.

Par jugement en date du 21 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Saint-Malo a :

- dit que April Santé Prévoyance doit être mis hors de cause,

- donné acte de l'intervention volontaire de la société Axeria Prévoyance,

- débouté la société Axeria Prévoyance du moyen tiré de la prescription de l'action,

- condamné la société Axeria Prévoyance à verser à M. [B] [T] la somme annuelle de 67 486,96 euros, à titre de rente jusqu'à son 65ème anniversaire sous déduction de la rente effectivement perçue par lui sur cette même période,

- condamné la société Axeria Prévoyance à verser à M. [B] [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 Code de procédure civile,

- condamné la société Axeria Prévoyance aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le 12 mars 2019, la SA Axeria Prévoyance a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance de référé rendue par le premier président de la cour de Rennes en date du 14 mai 2019, elle a été déboutée de sa demande tendant à être autorisée à consigner les sommes objets des condamnations précitées.

M. [B] [T] est décédé le 19 novembre 2021.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 10 mars 2022, la SA Axeria Prévoyance demande à la cour de :

- constater le décès de M. [B] [T] et prendre acte de la poursuite de l'instance par ses trois enfants, Mme [S] [P] née [T], M. [O] [T] et M. [V] [T], dans la cause,

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Malo du 21 janvier 2019 en ce qu'il l'a :

* déboutée du moyen tiré de la prescription de l'action,

* condamnée à verser à M. [B] [T] la somme annuelle de

67 486,96 euros à titre de rente jusqu'à son 65ème anniversaire sous déduction de la rente effectivement perçue par lui sur cette même période,

* condamnée à verser à M. [B] [T] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens de l'instance,

En conséquence, et statuant à nouveau,

A titre liminaire,

- déclarer irrecevable l'action de Mme [S] [P] née [T], M. [O] [T] et de M. [V] [T] ès-qualités d'ayants-droit de feu M. [B] [T] en ce qu'elle est prescrite,

Principalement,

- rejeter la totalité des demandes de ces derniers en raison des fausses déclarations non intentionnelles de feu M. [B] [T] au moment de son adhésion en 2003, en application des dispositions de l'article L113-9 du Code des assurances,

Subsidiairement,

- ramener les indemnités sollicitées à de plus justes proportions et sur la base annuelle contractuelle de 50 615,22 euros, correspondant à 1,5 PASS, déduction faite des sommes déjà versées à hauteur de 33 743,48 euros par an depuis le 12 décembre 2012,

- fixer le taux de réduction proportionnelle au regard des fausses déclarations non intentionnelles réalisées par M. [B] [T],

En tout état de cause,

- condamner Mme [S] [P] née [T], M. [O] [T] et M. [V] [T] ès-qualités d'ayants-droit de feu M. [B] [T] à payer à la société Axeria Prévoyance la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner Mme [S] [P] née [T], M. [O] [T] et M. [V] [T] ès-qualités d'ayants-droit de feu M. [B] [T] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions notifiées le 22 février 2022, Mme [S] [P] née [T], M. [O] [T] et M. [V] [T], agissant tous trois ès- qualités d'ayants-droit leur père M. [B] [T] décédé, demandent à la cour de :

- leur décerner acte de leur intervention volontaire à la procédure en leur qualité d'ayants-droit de feu M. [B] [T],

- leur décerner acte de ce qu'ils concluront en cette qualité désormais aux lieu et place de leur auteur.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 avril 2022.

Mme [S] [P] née [T], M. [O] [T] et M. [V] [T], ès-qualités d'ayants droit de leur père M. [B] [T], ont notifié des conclusions le 12 mai 2022. La révocation de l'ordonnance de clôture était ainsi sollicitée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En préliminaire, il convient de prendre acte de l'intervention volontaire de Mme [S] [P] née [T], M. [O] [T] et M. [V] [T], venant aux droits de leur père M. [B] [T], partie appelante, décédé le 19 novembre 2021 en cours d'instance.

Sur la demande de révocation de la clôture

L'article 907 du code de procédure civile prévoit qu'à moins qu'il ne soit fait application de l'article 905, l'affaire est instruite sous le contrôle d'un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée, dans les conditions prévues par les articles 780 à 807 et sous réserve des dispositions qui suivent.

L'article 803 alinéa du code de procédure civile dispose que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

L'article 15 du code de procédure civile dispose que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

L'article 16 poursuit en mentionnant que le juge doit, en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

En l'espèce, les consorts [T] sont intervenus volontairement à l'instance ès-qualités d'ayants droit de leur père par conclusions notifiées le 22 février 2022.

Ils n'ont entendu conclure sur le fond que le 12 mai 2022 soit un mois après la clôture prononcée le 7 avril 2022 et quelques jours avant l'audience de plaidoiries fixée le 18 mai 2022.

Les décès de leurs parents survenus pour Mme [C] [T] le 9 novembre 2021 des suites d'une longue maladie, pour M. [B] [T] demandeur initial, le 19 novembre 2021 par autolyse, sont certes des événements tragiques dans la vie de ces derniers ; pour autant, étant intervenus dès février 2022 à la présente instance, les consorts [T] ne justifient d'aucune cause grave survenue depuis le 7 avril 2022, expliquant leur carence à conclure dans les délais fixés.

La cour rejette la demande de révocation de la clôture et écarte en conséquence des débats les conclusions des consorts [T] notifiées le 12 mai 2022 et pièces annexées à celles-ci.

Les consorts [T] n'ayant pas conclu dans le délai imparti, ne peuvent que solliciter la confirmation du jugement entrepris et sont réputés s'en approprier les motifs aux termes des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile.

La mise hors de cause de la société April Santé Prévoyance au regard de l'intervention volontaire de la société Axeria Prévoyance n'est pas discutée, de sorte que le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la prescription

La société Axeria Prévoyance soulève l'irrecevabilité de l'action et conclut à l'infirmation du jugement sur ce point.

Elle fait valoir que M. [T] devait agir à compter du 11 décembre 2012 date de sa consolidation, date à compter de laquelle la garantie sollicitée invalidité permanente aurait pu être mise en place. Or, elle relève que ce dernier a introduit l'instance par acte d'huissier du 25 novembre 2016, de sorte qu'en application de l'article L 114-1 du code des assurances, l'action est irrecevable, puisque prescrite, conformément à l'article 122 du code de procédure civile.

Elle critique l'analyse du premier juge qui considère que les courriers de M. [T] du 25 février 2013 et 20 janvier 2015 ont interrompu la prescription ; elle demande donc de constater l'absence de toute demande formée par courrier recommandé avec accusé réception, valant interruption de prescription, soutenant qu'un courrier interruptif doit impérativement constituer de manière explicite une demande d'indemnisation conforme à une garantie contractuelle et pour un montant chiffré.

Elle ajoute que la prescription était connue de l'assurée, pour être rappelée clairement dans l'article 10 des conditions générales et lui est donc parfaitement opposable.

L'article 114-1 du code des assurances prévoit que toutes actions dérivant d'un contrat d'assurance sont prescrites par deux ans à compter de l'événement qui y donne naissance.

L'article L 114-2 du même code dispose :

La prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'experts à la suite d'un sinistre. L'interruption de la prescription de l'action peut, en outre, résulter de l'envoi d'une lettre recommandée ou d'un envoi recommandé électronique, avec accusé de réception, adressés par l'assureur à l'assuré en ce qui concerne l'action en paiement de la prime et par l'assuré à l'assureur en ce qui concerne le règlement de l'indemnité.

L'opposabilité de cette prescription en l'espèce est indiscutable, dans la mesure où les conditions générales du contrat dont M. [T] a déclaré avoir pris connaissance, mentionnent bien les causes d'interruption de celle-ci et en l'occurrence l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception en ce qui concerne le règlement des prestations s'agissant du bénéficiaire.

Par courrier du 5 février 2013, la société d'assurance informait M. [T] qu'elle cessait l'indemnisation de sa garantie incapacité temporaire totale de travail à la date du 11 décembre 2012, date de consolidation, et mettait en place au delà de cette date la rente d'invalidité prévue par le contrat, mais appliquait en raison d'une fausse déclaration non intentionnelle une réduction de l'indemnité à hauteur de 50%.

Aux termes de son acte introductif d'instance en date du 25 novembre 2016, M. [T] sollicitait paiement d'une somme annuelle de 67 486,96 euros, à titre de rente, soit postérieurement à sa consolidation survenue le 11 décembre 2012, sous déduction des sommes perçues à ce titre ; il contestait la réduction de l'indemnisation par l'assureur à hauteur de 50% en application de l'article L 113-9 du code des assurances. Le point de départ du délai pour agir de ce dernier est donc la date de consolidation.

M. [T] a adressé plusieurs courriers. Il convient de vérifier si ces courriers ont pu avoir un effet interruptif, étant rappelé que pour ce faire, ils doivent impérativement et de manière explicite concerner le règlement de l'indemnité.

Contrairement à ce qui est prétendu, il n'est pas nécessaire de justifier d'un courrier présentant une demande chiffrée, mais le courrier doit clairement traduire la volonté de l'assuré d'être indemnisé.

Les courriers échangés sont les suivants :

- par courrier du 7 février 2013, le médecin conseil de l'assurance indique à M. [T] que son dossier lui a été transmis suite à sa demande d'indemnisation, que suite à l'arrêt de travail du 20 octobre 2011, il a sollicité la mise en jeu des garanties, que suite à des éléments complémentaires sollicités, il ressort qu'il a eu un rhumatisme goutteux et une hernie hiatale traitée et surveillée par gastroscopie, éléments non mentionnées dans le questionnaire de santé, de sorte que si ces éléments avaient été connus, une surprime de 25% aurait été mise en place sur toutes les garanties pour le rhumatisme goutteux ainsi qu'une exclusion de toute affection oeso-gastrique, suite et conséquence pour la hernie hiatale sur les garanties ITT-ITP.

- par courrier en réponse du 25 février 2013, adressé au médecin conseil de l'assurance, M. [T] a contesté les diagnostics de rhumatisme goutteux et de hernie hiatale relevés par le médecin, affirmé qu'il n'y avait aucune raison de signaler quoi que ce soit dans le questionnaire médical de 2003 et a demandé à revoir sa position.

Il est à tort prétendu par la société appelante que le courrier du 25 février 2013 ne concerne pas le règlement de l'indemnité ; en effet, il porte bien sur le règlement des prestations et sur la demande de mise en jeu des garanties formée par M. [T], puisque ce dernier entend contester toute réduction ou exclusion de son droit à indemnisation, telle que relevée par le médecin conseil et traduit donc bien la volonté de M. [T] d'être pleinement indemnisé. Il a donc interrompu valablement la prescription.

Le courrier adressé par le conseil de M. [T] le 20 janvier 2015 à la société d'assurance rappelle que par LRAR du 5 février 2013, la société April Prévoyance a notifié à M. [T] l'application de la règle proportionnelle aux termes de l'article L 113-9 du code des assurances, et limité à 50% la rente annuelle à 33 743,48 euros, que M. [T] a contesté cette prise de position par LRAR du 25 février 2013 ; le conseil de M. [T] mettait en demeure la société April de revoir sa position du mois de février 2013.

De toute évidence, cette correspondance concerne le règlement de l'indemnité, dont la réduction à 50% est contestée.

La cour considère comme le premier juge que ce courrier a également interrompu la prescription.

C'est donc à bon droit que le moyen tiré de la prescription de l'action a été écarté et la cour confirme le jugement de ce chef.

Sur les fausses déclarations non intentionnelles

La société Axeria Prévoyance conteste l'analyse du premier juge selon laquelle elle ne démontrerait pas 'que les données qu'elle énonce constituant une prétendue fausse déclaration eussent changé l'opinion du risque qu'elle s'apprêtait à assurer'.

Elle affirme qu'en omettant de déclarer dans le questionnaire de santé qu'il souffrait de rhumatisme goutteux, d'une part et d'une hernie hiatale d'autre part, M. [T] a fait de fausses déclarations non intentionnelles. Elle considère qu'il s'agit là de maladies ayant donné lieu à traitement qui devaient être déclarées, et ajoute que le rapport du docteur [E] retenu par le tribunal n'est pas contradictoire et ne peut lui être opposé, et qu'en tout état de cause, les affirmations de celui-ci sont contredites par le médecin traitant de M. [T].

Elle soutient donc que la dissimulation de ces pathologies a impacté son opinion, représentent un facteur de risques supplémentaires indéniable, et qu'elle pouvait donc appliquer conformément à l'article L 113-9 du code des assurances, un taux de réduction.

L'article L113-9 du code des assurances dispose :

L'omission ou la déclaration inexacte de la part de l'assuré dont la mauvaise foi n'est pas établie n'entraîne pas la nullité de l'assurance.

....

Dans le cas où la constatation n'a lieu qu'après un sinistre, l'indemnité est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarés.

M. [T] lors de son adhésion a rempli et signé un questionnaire de santé le 22 décembre 2003.

Il a répondu par la négative aux questions suivantes :

- question 2 : prenez-vous régulièrement ou épisodiquement des médicaments spécifiques ' Avez-vous subi ou suivez-vous une radiothérapie ou une chimiothérapie '

- question 3 : êtes vous atteint d'une maladie chronique, d'une infirmité, d'une invalidité (rente accident du travail, pension d'invalidité) êtes vous pris en charge à 100% par votre régime obligatoire (hors grossesse) '

- question 9 : avez vous d'autres maladies (diabète, maladie de la peau, infectieuses, digestive, sanguine, infirmité congénitale ou acquise, troubles de la vision ou de l'audition, maladie du système génital ou des seins, du système urinaire, excès de cholestérol, affection thyroïdienne.. etc) '

M. [T] écrit dans son courrier du 25 février 2013, s'agissant de l'existence d'un rhumatisme goutteux qu'on lui reproche de ne pas avoir déclaré, qu'il n'a jamais eu de rhumatisme, qu'il a juste un peu d'acide urique qui justifie la prise d'ALLOPURINOL à faible dose.

Le médecin traitant de M. [T] dans un certificat médical du 28 janvier 2013 indique suivre le patient depuis le 1er août 2012, qu'il est traité par ALLOPURINOL depuis plus de quinze ans, la posologie étant de un par jour (ALLOPURINOL 100).

0

Il est constant que l'ALLOPURINOL est un médicament. M. [T] ne pouvait donc pas répondre par la négative à la question n° 2.

Dans un second certificat médical du 28 janvier 2013, le médecin traitant de M. [T] mentionne que l'intéressé a eu une hernie hiatale opérée en 2005, que les premiers symptômes d'un reflux gastro-oesophagien sont apparus en 1980, qu'il subit un traitement continu depuis cette date, que la dernière fibroscopie date de décembre 2010, qu'il subit des fibroscopies régulières.

Ces éléments, émanant d'un médecin suivant le patient depuis 2012, doivent être privilégiés aux constatations faites par le docteur [E], saisi par la société d'assurances MACIF, dans un cadre non contradictoire, qui en 2014 concluait que le reflux gastro oesophagien n'avait jamais été traité antérieurement au contrat du 22 décembre 2003.

Si l'existence d'une hernie hiatale survenue en 2005 ne pouvait être déclarée en 2003, tel n'est donc pas le cas d'un traitement continu pris depuis 1980 pour un reflux gastro-oesophagien, de sorte que M. [T] a également fait à ce titre une réponse inexacte à la question n° 2.

L'existence de fausses déclarations non intentionnelles est donc établie.

Lorsque l'irrégularité a été constatée après sinistre, et tel est le cas en l'espèce, l'assureur ne peut qu'appliquer la règle proportionnelle de prime prévue par le troisième alinéa de l'article L 113-9. Selon cette règle, l'indemnité due par l'assureur correspond au montant de l'indemnité qui aurait été dûe en l'absence de déclaration anormale multipliée par le rapport de la prime payée sur la prime due. Le tribunal ne pouvait donc écarter le principe de la réduction entreprise.

Le montant de réduction opérée, explicité dans le courrier de l'assurance du 5 février 2013, comme étant l'indemnité due divisée par 1,50 n'est pas discuté dans le cadre de la présente instance.

S'agissant du montant de l'indemnité due, le tribunal a, à tort appliqué une base de garantie de 2 PASS (plafond annuel de la sécurité sociale), correspondant à 67 648,96 euros, alors que les conditions générales limitent l'indemnisation aux revenus professionnels arrondis au 1/2 PASS supérieur, soit 1,5.

En l'espèce les revenus professionnels de M. [T] en 2011 étaient de

44 883 euros. Il n'est pas discuté que le PASS 2011 était de 35 352 euros, de sorte que le plafond de garantie applicable était de 35 352 x 1,5 = 53 028 euros.

Au regard du taux croisé d'invalidité permanente à retenir de 63 %, de l'article 3.1.2 des conditions générales prévoyant que si N est compris entre 33 et 66, l'invalidité permanente est considérée comme partielle et le coefficient N/66 est appliqué au montant de la rente, la société Axeria Prévoyance justifie d'un montant de rente due de 53 028 x (63%/66) soit 50 615,22 euros, et donc, après application du taux de réduction proportionnelle de 50 %, un droit à indemnisation, au titre de la rente annuelle de : 50 615,22 x 1, 5 soit 33 743,48 euros, somme qui a été servie à l'assuré.

La cour infirme en conséquence le jugement qui condamne la société Axeria Prévoyance au paiement de la somme annuelle de 67 486,96 euros, sous déduction de la rente effectivement perçue par lui et déboutera les consorts [T] de leur demande, formée à ce titre, en leur qualité d'ayants droit de M. [B] [T].

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La cour infirme le jugement en ce qu'il condamne la société Axiera Prévoyance au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dit n'y avoir lieu à application de ces dispositions et condamnera les consorts [T] aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Prend acte de l'intervention volontaire de Mme [S] [P] née [T], M. [O] [T] et M. [V] [T], venant aux droits de leur père M. [B] [T] ;

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ;

Ecarte des débats les conclusions des consorts [T] notifiées le 12 mai 2022 et pièces annexées à celles-ci ;

Confirme le jugement déféré en ce qu'il dit que la société April Santé Prévoyance doit être mise hors de cause, donne acte de l'intervention volontaire de la société Axeria Prévoyance et déboute celle-ci du moyen tiré de la prescription ;

L'infirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,

Déboute Mme [S] [P] née [T], M. [O] [T] et M. [V] [T], venant aux droits de leur père M. [B] [T] de l'intégralité de leurs demandes ;

Y ajoutant,

Rejette la demande formée par la société Axeria Prévoyance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [S] [P] née [T], M. [O] [T] et M. [V] [T], venant aux droits de leur père M. [B] [T] aux dépens de première instance et d'appel.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/01710
Date de la décision : 14/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-14;19.01710 ?
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