3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°438
N° RG 21/03252 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RVNJ
M. [E] [T]
C/
S.A. CIC OUEST
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me RINEAU
Me VIGNERON
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 20 Juin 2022 devant Monsieur Dominique GARET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [E] [T]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Bernard RINEAU de la SELARL RINEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES substitué par Me Tangi NOEL, avocat au barreau de RENNES
INTIMEE :
S.A. CIC OUEST, immatriculée au RCS de NANTES sous le n° 855 801 072, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-Louis VIGNERON de la SELARL ASKE 3, avocat au barreau de NANTES substitué par Me Quentin PELLETIER, avocat au barreau de NANTES
FAITS ET PROCÉDURE :
Le 20 octobre 2005, la société 3C Finances a souscrit auprès de la société CIC Banque CIO, aujourd'hui société Banque CIC Ouest (le CIC Ouest), un contrat de prêt, d'un montant principal de 250.000 euros, remboursable en 92 mensualités au taux d'intérêt nominal annuel de 3,8%.
Le même jour, M. [T], gérant de la société 3C Finances, s'est porté caution solidaire au titre de ce prêt dans la limite de la somme de 100.000 euros, couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour une durée de 116 mois.
Le 17 juin 2009, la société 3C Finances a bénéficié d'une procédure de sauvegarde.
Le 6 août 2009, le CIC Ouest a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire.
Le 19 décembre 2012, la société 3C Finances a été placée en redressement judiciaire.
Les 18 novembre 2013, 11 février 2014 et 27 mars 2018, le CIC Ouest a mis en demeure M. [T] d'honorer son engagement de caution pour un montant de 41.957,08 euros.
Le 14 octobre 2015, la société 3C Finances a été placée en liquidation judiciaire.
Le 1er avril 2019, le CIC Ouest a assigné M. [T] en paiement.
Par jugement du 21 avril 2021, le tribunal de commerce de Saint-Nazaire a :
- Rejetté la demande de M. [T] sur un manquement du CIC Ouest quant à son obligation d'information sur le fonctionnement de la garantie accordée par Oseo Sofaris,
- Débouté M. [T] sur sa demande de nullité de son engagement de caution du 20 octobre 2005 d'un montant de 100.000 euros,
- Débouté M. [T] de sa demande de constat du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de caution signé le 20 octobre 2005, en faveur du CIC Ouest,
- Condamné M. [T] à payer au CIC Ouest la somme de 43.207,15 euros, augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 11 mars 2019,
- Rejette la demande de délai de paiement de M. [T],
- Débouté M. [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- Condamné M. [T] à payer au CIC Ouest, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Débouté le CIC Ouest du surplus de sa demande à ce titre,
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- Condamné M. [T] aux entiers dépens de l'instance,
- Liquidé les frais de greffe.
M. [T] a interjeté appel le 27 mai 2021.
M. [T] a déposé ses dernières conclusions le 25 mai 2022. Le CIC Ouest a déposé ses dernières conclusions le 28 octobre 2021.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 juin 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
M. [T] demande à la cour de :
- Juger M. [T] recevable et bien fondé en son appel,
Y faisant droit :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement,
Et statuant à nouveau :
A titre principal :
- Constater le manquement du CIC Ouest à son obligation d'information sur le fonctionnement de la garantie accordée par Oseo Sofaris,
- Prononcer la nullité de l'engagement de caution de M. [T] du 20 octobre 2005 d'un montant de 100.000 euros,
A titre subsidiaire :
- Constater le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de caution consenti par M. [T] au CIC Ouest le 20 octobre 2005,
- Débouter le CIC Ouest de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
A titre plus subsidiaire :
- Constater la faute commise par le CIC Ouest ayant manqué à son obligation d'information relative au fonctionnement de la garantie accordée par Oseo Sofaris,
- Condamner le CIC Ouest à verser à M. [T] la somme de 50.000 euros, à titre de dommages et intérêts en réparation de la perte de chance subie par ce dernier,
A titre très subsidiaire :
- Constater le manquement du CIC Ouest à son obligation d'information annuelle de la caution,
- Prononcer la déchéance du CIC Ouest de tout droit aux pénalités ou intérêts de retards échus à compter du 31 décembre 2012,
- Enjoindre au CIC Ouest de produire des décomptes actualisés,
A titre infiniment subsidiaire :
- Accorder à M. [T] les plus larges délais de paiement, par un report de deux années de l'obligation de régler,
En tout état de cause :
- Débouter le CIC Ouest de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- Condamner le CIC Ouest à payer à M. [T] la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,
- Condamner le CIC Ouest aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le CIC Ouest demande à la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement ayant :
- Débouté M. [T] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamné M. [T] à payer au CIC Ouest la somme de 43.207,15 euros augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 11 mars 2019,
Y ajoutant :
- Dire et juger abusif l'appel interjeté par M. [T],
- Condamner M. [T] au paiement d'une amende civile dont la cour appréciera le juste montant ainsi qu'au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts à titre de réparation du préjudice subi par le CIC Ouest,
- Condamner M. [T] à payer au CIC Ouest la somme de 7.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
DISCUSSION :
Sur la nullité du cautionnement pour erreur et dol :
L'erreur est une cause de nullité de la convention si elle a été déterminante du consentement du contractant.
Article 1110 du code civil (rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et applicable en l'espèce) :
L'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet.
Elle n'est point une cause de nullité lorsqu'elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention.
Le dol est une cause de nullité de la convention. Il se caractérise par des manoeuvres d'une partie sans lesquelles l'autre partie n'aurait pas contracté. Le dol a ainsi une composante matérielle et un composante intentionnelle.
Article 1116 du code civil (rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 et applicable en l'espèce) :
Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il ne se présume pas et doit être prouvé.
Pour qu'un agissement d'une des parties au contrat puisse constituer une manoeuvre dolosive, il est nécessaire d'établir que leur auteur, quoi qu'en ayant eu connaissance, a dissimulées des informations au cocontractant et que ce dernier n'aurait pas contracté ou à des conditions différentes s'il en avait eu connaissance. La réticence dolosive peut être sanctionnée de la nullité de la convention mais n'est caractérisée que s'il est établi que son auteur a volontairement dissimulé une information à l'acquéreur.
M. [T] soutient qu'il n'aurait reçu aucune information concernant le fonctionnement de la garantie Oseo Sofaris et qu'ainsi, il aurait pu croire que son propre engagement ne serait mis en oeuvre qu'après la garantie Oseo Sofaris. Il affirme que le caractère subsidiaire de son engagement de caution était une condition déterminante de son engagement. Estimant que la banque avait manqué à son obligation d'information, il fait valoir que son consentement a été vicié et que l'erreur résultant de la réticence dolosive de la banque devrait entraîner la nullité de son cautionnement.
Le CIC Ouest produit devant la cour un exemplaire des conditions générales de la la garantie de Oseo Sofaris de mai 2005. Cet exemplaire n'est pas signé par M. [T] et cette production ne permet donc pas d'établir qu'il en a eu connaissance.
L'acte de caution stipule cependant que la caution renonce au bénéfice de division et qu'ainsi, 'Dans la limite en montant de son engagement la caution est tenue de ce paiement sans que la banque ait (...) à exercer des poursuites contre les autres personnes qui se seront portées caution du cautionné'.
L'acte de caution ajoute ensuite que 'La caution ne fait pas de la situation du cautionné ainsi que de l'existence et du maintien d'autres cautions la condition déterminante de son cautionnemen' et que 'Le présent cautionnement s'ajoute et s'ajoutera à toutes garanties réelles et personnelles qui ont pu ou pourront être fournies au profit de la banque par la caution, par le cautionné ou par tout tiers'. M. [T] ne pouvait donc ignorer que les différents cautionnements pris en garantie du prêt étaient indépendants les uns des autres.
L'acte prévoit en outre qu'en cas de cautionnement consenti par une société ou un organisme professionnel dont l'activité habituelle ou accessoire est de garantir le remboursement de concours financiers (établissements financiers ou de crédit, sociétés de caution mutuelle...), la caution renonce à exercer tout recours à l'encontre de cet organisme et à se prévaloir des dispositions de l'article 2033 du code civil tant à l'égard de cet organisme qu'à l'égard de la banque'.
En interdisant ainsi à la caution de se retourner, après avoir payé, contre la société de caution mutuelle, l'acte de caution discuté a clairement défini l'ordre d'appel des garanties. M. [T] ne pouvait se méprendre sur le caractère subsidiaire de la contre-garantie Oseo Sofaris, ce, quand bien même il n'aurait pas été informé en détail de ses modalités de fonctionnement.
M. [T] ne justifie pas qu'il ait pu comprendre que son engagement n'était que subsidiaire à celui de la garantie Oseo Sofaris. Il n'établit pas que son consentement a été vicié par une erreur ou une réticence dolosive.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la disproportion manifeste :
L'article L 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction en vigueur du 5 août 2003 au 1er juillet 2016 et applicable en l'espèce, prévoit que :
Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses bien et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
C'est sur la caution que pèse la charge d'établir cette éventuelle disproportion manifeste.
Cet article n'impose pas au créancier professionnel de s'enquérir de la situation financière de la caution préalablement à la souscription de son engagement. La fiche de renseignements que les banques ont l'usage de transmettre aux futures cautions n'est, en droit, ni obligatoire ni indispensable. En revanche, en l'absence de fiche de renseignements, les éléments de preuve produits par la caution doivent être pris en compte.
Ce n'est que lorsque le cautionnement est considéré comme manifestement disproportionné au moment de sa conclusion qu'il revient au créancier professionnel d'établir qu'au moment où il appelle la caution, le patrimoine de celle-ci lui permet à nouveau de faire face à son obligation.
La fiche de renseignements remplie par la caution lie cette dernière quant aux biens et revenus qu'elle y déclare, le créancier n'ayant pas, sauf anomalie apparente, à en vérifier l'exactitude.
La disproportion manifeste de l'engagement de la caution commune en biens s'apprécie par rapport aux biens et revenus de celle-ci, sans distinction et sans qu'il y ait lieu de tenir compte du consentement exprès du conjoint donné conformément à l'article 1415 du code civil, qui détermine seulement le gage du créancier, de sorte que doivent être pris en considération tant les biens propres et les revenus de la caution que les biens communs, incluant les revenus de son conjoint.
Pour apprécier la proportionnalité de l'engagement d'une caution au regard de ses biens et revenus, il convient de retenir la valeur nette des biens, même grevés de sûretés, déduction faite des sommes restant dues au titre de leur acquisition.
M. [T] a rempli une fiche de renseignements lors de son engagement de caution.
Il y a indiqué être marié, avoir trois personnes à charge et percevoir un revenu annuel de 55.000 euros, soit environ 4.583 euros par mois. M. [T] est tenu par cette indication de la fiche de renseignement et ne peut utilement se prévaloir de revenus en fait inférieurs pour l'année 2005.
Il a précisé être propriétaire d'un bien immobilier sis à [Localité 5], estimé à 300.000 euros et dont l'achat en juin 2005 avait nécessité la souscription d'un prêt de 245.000 euros amortissable sur 20 ans en cours. La charge de l'emprunt était de 1.520 euros par mois. La valeur nette d'emprunt de ce bient était de 62.600 euros.
Si la fiche de renseignements remplie par la caution lie cette dernière quant aux biens et revenus qu'elle y déclare, elle ne fait pas obstacle à ce que les éléments d'actif ou de passif dont le créancier ne pouvait ignorer l'existence soient pris en compte, ce, quand bien même ils n'auraient pas été déclarés.
La fiche de renseignement mentionnait que son signataire certifiait sur l'honneur l'exactitude des renseignemnets donnés et ne pas avoir d'autres engagements que ceux-ci.
M. [T] fait valoir que le CIC Ouest ne pouvait ignorer son engagement de caution consenti auprès de la société Banque Populaire Atlantique le 20 octobre 2005 pour un montant de 120.000 euros puisqu'il a été pris dans le cadre du financement accordé par un pool bancaire regroupant notamment le CIC Ouest.
Il apparait en effet que le prêt cautionné en date du 20 octobre 2005 fait mention d'un financement partiel d'une opération de 854.560 euros. L'acte de prêt indique comme garantie le nantissement de 475 parts sociales, soit 95% du capital, de la société Garage de la Cote de jade et que ce nantissement est pris par le CIC pour compte commun du CIC et de la Banque Populaire Atlantique. Seule cette garantie de la Banque Populaire était ainsi mentionnée dans des documents auxquels il est justifié que le CIC avait eu accès et ne pouvait donc pas ingnorer.
Il n'est en tout état de cause pas justifié que le CIC Ouest ait été informé, ou n'ait pas pu ignorer, que la société Banque Populaire Atlantique avait demandé un engagement de caution de M. [T] ni pour quel montant.
Le fait que ce contrat de prêt cautionné ait mentionné que l'emprunteur déclarait qu'il n'existait pas de garanties réelles ou personnelles autres que celles consenties ou déclarées dans le cadre de l'opération ne permettait pas au CIC Ouest d'avoir connaissance de ce que la société Banque Populaire Atlantique allait pour sa part demander une caution de personnelle de M. [T].
M. [T] fait valoir qu'il conviendrait d'exclure de son patrimoine la valeur des parts sociales qu'il détenait dans la société cautionnée ou du moins de ne tenir compte que de la valeur nominale de ces parts s'agissant d'une société venant d'être créée.
La valeur de ces parts sociales doit cependant être prise en compte alors que le CIC ne pouvait pas ignorer que M. [T] était titulaire de parts sociales de la société financée. M. [T] ne justifie pas de la valeur réelle des parts sociales qu'il détenait au jour de son engagement de caution alors qu'il lui revient de justifier de l'existence de la disproportion manifeste qu'il allègue et que le tribunal a retenu que la valeur des 70% de la société qu'il détenait était de 113.501 euros. C'est d'ailleurs de cette valeur que M. [T] s'est prévalu devant le tribunal de commerce de Saint Nazaire dans le cadre d'un litige ayant donné lieu à un jugement du 31 janvier 2018 portant sur un engagement de caution en date du 25 juillet 2005, décision de justice que M. [T] produit devant la cour.
Il apparait ainsi que M. [T] n'établit par que son engagement de 100.000 euros était manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
Partant, il n'y a pas lieu d'examiner la proportionnalité de ce cautionnement au jour où M. [T] a été appelé. Le jugement sera confirmé de ce chef. Il en serait de même à supposer qu'il ait du être tenu compte de l'engagement de caution de 120.000 euros consenti à la Banque Populaire.
Sur le défaut d'information du CIC Ouest relative à la garantie Oseo Sofaris :
M. [T] invoque la faute commise par le CIC Ouest au titre de ses obligations d'information et présente une demande d'indemnisation du préjudice résultant, pour lui, de sa perte de chance de ne pas se porter caution.
Il ne précise pas en quoi consisterait cette obligation et quel en est le fondement. En matière de cautionnement contracté par une personne physique dans le cadre de son activité professionnelle, il n'existe pas d'obligation générale d'information de la caution préalable à l'engagement de celle-ci, si ce n'est l'obligation de faire connaître à la caution la portée et les modalités de son engagement, ce qui n'est pas en cause ici. Les seules obligations d'information auxquelles les établissements de crédit sont tenus envers la caution sont en effet celles édictées à l'ancien article 2016 du code civil (en vigueur du 31 juillet 1998 au 24 mars 2006), et à l'article L 313-22 du code monétaire et financier (dans sa version en vigueur du 07 mai 2005 au 1er janvier 2014).
En outre, comme il a été vu supra, le CIC Ouest n'a commis aucune réticence dolosive et M. [T] n'établit pas avoir pu commettre une erreur quant à l'ordre d'appel des différentes garanties du prêt.
Il y a lieu de rejeter sa demande de dommages-intérêts.
Sur l'information annuelle de la caution :
L'établissement prêteur est tenu d'une obligation d'information annuelle de la caution :
Article L 313-22 du code monétaire et financier, dans sa rédaction en vigueur du 7 mai 2005 au 1er janvier 2014 et applicable en l'espèce :
Les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.
L'établissement n'est pas tenu de prouver que les lettres d'information ont été reçues. Il doit établir qu'il a envoyé des lettres contenant les informations fixées par ce texte.
Le CIC Ouest produit des copies de lettres d'information destinées à M. [T] en date des 20 février 2006, 19 février 2007, 18 février 2008, 18 février 2009, 17 février 2010, 16 février 2011, 16 février 2012, 18 février 2013.
Il produit en outre des copies de procès-verbaux d'huissiers de justice pour les années 2007 à 2019. Ces procès-verbaux attestent que le CIC Ouest a envoyé des lettres d'information, conformes aux prescriptions légales, à un certain nombre de cautions. Le procès verbal de 2007 indique que la liste des destinataires de ces lettres figure sur quatre CD rom, deux ont été placés dans une enveloppe fermée et scellée pour être placée dans un coffre du CIC, les deux autres sont conservés à l'étude de l'huissier. Le procesus est le même pour les années suivantes. Le CIC Ouest ne produit pas devant la cour d'appel d'extrait de ces CD rom démontrant que M. [T] était bien destinataire des envois.
Le CIC Ouest invoque également, pour prouver le respect de son obligation d'information annuelle, les mises en demeure envoyées par lettre recommandée avec accusé de réception à M. [T] les 18 novembre 2013, 11 février 2014, 5 octobre 2017 et 27 mars 2018. Si ces lettres rappellent à M. [T] son engagement de caution solidaire, ils ne comportent pas l'intégralité des mentions prescrites par l'article L 313-22 du code monétaire et financier.
Il n'est ainsi pas justifié de l'envoi à M. [T] des lettres d'information annuelle. Le CIC Ouest est donc déchu du droit aux intérêts.
Le prêt du 20 octobre 2005, d'un montant de 250.000 euros, a été payé jusqu'à l'échéance du 20 juin 2008 incluse. Au vu du tableau d'amortissement du prêt versé aux débats, le débiteur principal a payé pour ce prêt la somme de 24.119.63 euros au titre des intérêts.. Il convient, pour ce qui concerne la caution, de déduire cette somme de celles restant dues par le débiteur principal.
Le CIC a déclaré une créance pour 185.099,71 euros au titre du capital restant dû, montant qui a fait l'objet de l'admission de créance.
Il reste dû par le débiteur principal la somme opposable à la caution de 185.099,71 - 24.119.63 = 160.980,08 euros. L'engagement de M. [T] étant limité à 20% de l'encours du crédit en application de la contre-garantie Oseo Sofaris, il devra payer au CIC Ouest la somme de 32.196,016 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2013, date de la première mise en demeure.
Sur les délais de paiement :
M. [T] a déjà, de fait, bénéficié d'importants délais de paiement. Il n'y a pas lieu de lui en accorder de nouveaux.
Sur le caractère abusif de la procédure :
Article 559 du code de procédure civile :
En cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés. Cette amende, perçue séparément des droits d'enregistrement de la décision qui l'a prononcée, ne peut être réclamée aux intimés. Ceux-ci peuvent obtenir une expédition de la décision revêtue de la formule exécutoire sans que le non-paiement de l'amende puisse y faire obstacle.
Il n'est pas justifié que M. [T] ait interjeté appel dans un but autre que celui de faire valoir ses droits en justice. Il y a lieu de rejeter la demande de dommages-intérêts correspondante.
Sur les frais et dépens :
Il y a lieu de condamner M. [T] aux dépens de première instance et d'appel et de rejeter les demandes formées en appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
- Infirme le jugement en ce qu'il a fixé la condamnation de M. [T] au profit de la société Banque CIC Ouest à la somme de 43.207,15 euros augmentée des intérêts au taux contractuel à compter du 11 mars 2019,
- Confirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- Condamne M. [T] à payer la société Banque CIC Ouest à la somme de 32.196,016 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2013, au titre de son engagement de caution du 20 octobre 2005,
- Rejette les autres demandes des parties,
- Condamne M. [T] aux dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT