3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°445
N° RG 19/07408 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QH4U
SARL MAT LO
C/
SAS ARMOR RESINE CONCEPT
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me DEMIDOFF
Me BOURGES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 13 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 14 Juin 2022
devant Monsieur Alexis CONTAMINE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SARL MAT LO, immatriculée au RCS de VANNES sous le n° 325 919 900,
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Christian MAIRE de la SELARL SELARL D'AVOCATS MAIRE - TANGUY - SVITOUXHKOFF - HUVELIN - G OURDIN - NIVAULT - GOMBAUD, Plaidant, avocat au barreau de VANNES
Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
SAS ARMOR RÉSINE CONCEPT, immatriculée au RCS de SAINT-BRIEUC sous le n° 812 990 141, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Yulia BOCHIKHINA substituant Me Hervé DARDY de la SELARL KOVALEX, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
FAITS ET PROCÉDURE :
Dans le cadre de l'aménagement de la toiture de son entrepôt, la société Mat Lo a fait appel à la société Armor Résine Concept (la société ARC) pour la réalisation des travaux d'étanchéité.
La société ARC a établi deux devis, les 14 juin et 30 juillet 2018, d'un montant de 66.663,49 euros TTC pour le premier et 12.114,12 euros TTC pour le second. La société Mat Lo a accepté ces devis.
Les parties se sont en outre accordées sur le calendrier de réalisation des travaux et les modalités de paiement des prestations en quatre phases.
Des difficultés étant apparues lors de la réalisation des travaux, le calendrier n'a pas pu être respecté.
Le 11 septembre 2018, la société ARC a adressé deux factures à la société Mat Lo, d'un montant global de 15.755,52 euros TTC, correspondantes à la phase trois de facturation.
Par ordonnance portant injonction de payer du 29 avril 2019, signifiée le 14 mai 2019, le président du tribunal de commerce de Vannes a enjoint à la société Mat Lo de régler les sommes suivantes à la société ARC :
- 15.755,52 euros en principal correspondant aux factures impayées,
- 675,77 euros au titre de la pénalité contractuelle de retard calculée à compter du 11 septembre 2018 et arrêtée au 15 mars 2019,
- 80 euros d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
- 35,21 euros au titre des dépens.
La société Mat Lo a formé opposition le 5 juin 2019.
Par jugement du 9 septembre 2019, le tribunal de commerce de Saint-Brieuc a :
- Constaté la non comparution de la société Mat Lo, et donc l'absence d'arguments pour soutenir son opposition,
- Condamné la société Mat Lo à payer à la société ARC les sommes suivantes :
- 15.755,52 euros en principal correspondant aux factures impayées,
- 675,77 euros au titre de la pénalité contractuelle de retard calculée à compter du 11 septembre 2018 et arrêtée au 15 mars 2019,
- 80 euros d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
- Condamné la société Mat Lo aux entiers dépens,
- Dit les parties mal fondées en leurs demandes plus amples ou contraires, et les en a débouté respectivement.
La société Mat Lo a interjeté appel le 12 novembre 2019.
Les dernières conclusions de la société Mat Lo sont en date du 31 mai 2022. Les dernières conclusions de la société ARC sont en date du 18 mai 2022.
Par ordonnance du 9 décembre 2021, le conseiller de la mise en état a :
- Déclaré recevables les prétentions formulées par l'appelante dans ses conclusions du 11 février 2020,
- Déclaré irrecevables les prétentions formulées par l'appelante dans ses conclusions du 13 octobre 2020 qui n'étaient pas contenues dans ses conclusions du 11 février 2020,
- Rejeté la demande d'expertise formée par la société Mat Lo,
- Rejeté le surplus des demandes,
- Dit que les dépens de l'incident suivront le sort des dépens de l'arrêt rendu au fond,
- Rejeté les demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 juin 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS :
La société Mat Lo demande à la cour de :
- Dire la société Mat Lo recevable en son appel,
En conséquence :
- Infirmer le jugement en ce qu'il a :
- Condamné la société Mat Lo à payer à la société ARC les sommes suivantes :
- 15.755,52 euros en principal correspondant aux factures impayées,
- 675,77 euros au titre de la pénalité contractuelle de retard calculée à compter du 11 septembre 2018 et arrêtée au 15 mars 2019,
- 80 euros d'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement,
- Condamné la société Mat Lo aux entiers dépens,
Statuant à nouveau :
- Débouter en tout premier lieu la société ARC de sa demande tendant à voir écarter des débats les pièces n°2l à 24 produites par la société Mat Lo ainsi que les conclusions prises par cette dernière,
- Dire et juger la société Mat Lo recevable et bien fondée en ses demandes dirigées contre la société ARC,
- Dire et juger que la société ARC ne justifie pas d'une créance certaine, liquide et exigible à l'égard de la société Mat Lo,
- Débouter la société ARC de ses demandes de paiement dirigées contre la société Mat Lo,
- Accueillir la société Mat Lo en ses demandes reconventionnelles et les dire bien fondées,
En conséquence :
- Dire et juger que la société ARC a manqué à l'obligation de résultat pesant sur elle au titre des contrats de louage d'ouvrage convenus avec la société Mat Lo, dès lors que ses travaux présentent des malfaçons, défauts et désordres et que l'ouvrage n'a pas à ce jour donné lieu à une réception dans les termes de l'alinéa 1er de l'article 1792-6 du code civil,
- Dire et juger ainsi la société ARC contractuellement responsable des désordres et malfaçons affectant les travaux effectués par elle sur la toiture de l'entrepôt de la société Mat Lo,
- Dire et juger que la société ARC a manqué à l'obligation d'ordre public d'assurance instaurée par l'article L241-l du code des assurances pesant sur elle au titre des contrats de louage d'ouvrage convenus avec la société Mat Lo,
En conséquence :
- Condamner la société ARC au paiement de la somme de 35.000 euros TTC, à parfaire, correspondant au montant évalué par l'expert [H] [Y] des travaux rendus nécessaires afin de remédier de manière pérenne et définitive aux désordres constatés,
- Dire et juger que le montant des travaux tel que sollicités à titre de dommages-intérêts sera indexé sur l'indice INSEE du coût de la construction, en retenant comme indice de référence, le dernier publié au jour du dépôt du rapport du cabinet SARETEC (3e trimestre 2009 : 1746), et, comme indice de comparaison le dernier indice qui sera publié au jour où l'arrêt à intervenir sera devenu définitif dès lors que le second de ces indices sera supérieur au premier,
- Dire et juger que la société ARC a fait preuve d'une attitude déloyale et de mauvaise foi dans le cadre de l'exécution du contrat de louage d'ouvrage concerné ainsi que dans le cadre des procédures judiciaires engagées,
- Condamner ainsi la société ARC à payer à la société Mat Lo une somme de 8.000 euros à titre de justes dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de cette attitude déloyale et de mauvaise foi adoptée à son égard,
- Dire et juger qu'il serait particulièrement inéquitable de laisser à la charge de la société Mat Lo les frais non répétibles que celle-ci a dû exposer pour faire assurer la défense de ses intérêts,
- Condamner dès lors la société ARC à payer à la société Mat Lo une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code procédure civile,
- Condamner la société ARC au paiement des dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- Débouter la société ARC de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires.
La société ARC demande à la cour de :
À titre liminaire :
- Écarter des débats :
- les nouvelles pièces de 21 à 24 produits pas la société Mat Lo le 12 mai 2022,
- les conclusions de la société Mat Lo n°3 et n°4, de moins, en ce qu'elles font référence aux pièces de 21 à 24 (pages de 8 à 11),
À titre principal :
- Dire et juger irrecevables des demandes, fins et prétentions de la société Mat Lo,
À titre subsidiaire :
- Dire et juger mal fondées des demandes, fins et prétentions de la société Mat Lo,
- Débouter la société Mat Lo de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
En tout état de cause :
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- Condamner la société Mat Lo à payer à la société ARC la somme de 20.000 euros au titre de dommages et intérêts,
- Condamner la société Mat Lo à payer à la société ARC la somme de
15.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Mat Lo aux dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières conclusions visées supra.
DISCUSSION :
Sur le maintien dans les débats des pièces et conclusions déposées le 12 mai 2022 par la société Mat Lo :
La société ARC reproche à la société Mat Lo d'avoir déposé de nouvelles conclusions et pièces (n°21 à 24) le 12 mai 2022, soit seulement 7 jours avant la clôture de la mise en état.
Le juge doit, en toutes circonstances, faire respecter le principe de la contradiction :
Article 16 du code de procédure civile :
Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.
À la demande de la société ARC, l'ordonnance de clôture, qui devait initialement intervenir le 19 mai 2022, a été reportée au 2 juin 2022. Un temps suffisant a donc été laissé à l'intimée pour prendre connaissance et débattre contradictoirement des pièces et conclusions litigieuses. Ces dernières avaient d'ailleurs trait à des éléments dont la société ARC avait déjà connaissance avant le 22 mai 2022, à savoir les malfaçons qui lui étaient imputées par la société Mat Lo.
Le principe du contradictoire a été respecté.
Il y a lieu de maintenir dans les débats les pièces (n°21 à 24) et conclusions déposées par l'appelant le 12 mai 2022.
La société ARC sollicite, à titre subsidiaire, que les pièces n°21 et 22 de l'appelant soient écartées des débats non en raison de leur tardiveté mais en raison de leur absence de valeur probante. Or, une telle absence, à la supposer caractérisée, n'est pas de nature à entraîner la mise à l'écart de pièces déposées en temps utile par une partie.
La demande de mise à l'écart formée par la société ARC sera rejetée.
Sur la recevabilité des demandes de la société Mat Lo :
Devant la cour, la société ARC fait valoir que les demandes de la société Mat Lot seraient irrecevable.
Cette question a cependant été réglée par le conseiller de la mise en état. Aux termes de son ordonnance du 9 décembre 2021, le magistrat a notamment déclaré recevables les prétentions formulées par la société Mat Lo dans ses conclusions du 11 février 2020 et déclaré irrecevables celles formulées postérieurement.
Il n'est pas justifiée que cette ordonnance ait été déférée. Du fait de l'autorité de la chose ainsi jugée, la demande de la société ARC tendant à faire juger irrecevables les demandes et prétention de la société Mat Lo est irrecevable.
Sur la demande en paiement formée par la société ARC :
Le prix global du chantier a été fixé à la somme de 65.648 euros HT, soit 78.777,60 euros TTC par le contrat de commande du 8 août 2018, conformément aux devis établis par la société ARC les 14 juin et 30 juillet 2018 sur des marchés respectifs de 55.552,91 et 10.095,10 euros. Le contrat prévoyait un mode de facturation progressif en quatre tranches :
- 30% du prix à l'enclenchement du chantier,
- 20% du prix à la fin de la phase résine,
- 20% du prix à l'enclenchement de la phase de pose des couvertines,
- 30% du prix à la fin de la pose des couvertines.
Il était convenu que les paiements devaient intervenir dès la réception des factures.
Les parties ne contestent pas que la société Mat Lo a procédé au règlement des deux premières phases de facturation (factures n°386 à n°389 en date des 28 août 2018 et 5 septembre 2018).
Les parties ne contestent pas non plus qu'à ce jour, le chantier n'est pas terminé et qu'aucune réception en bonne et due forme des travaux n'est intervenue.
Les factures correspondantes au 3ème acompte n'ont pas été payées.
Enfin, les parties ne contestent pas que le chantier a été retardé au moment de l'enclenchement de la phase de pose des couvertines, le rouleau d'herbe synthétique de 8 tonnes qui devait être positionné sur le toit ayant été dégradé lors de son déplacement, compromettant ainsi la pose des couvertines.
Le contrat de commande ne précise à aucun moment à laquelle des deux parties le déplacement du rouleau incombe.
Dans sa lettre du 21 mars 2019, la société Mat Lo reconnaît expressément qu'elle a pris l'initiative de déplacer elle-même le rouleau d'herbe et que, ce faisant, elle l'a abîmé et mal positionné. Elle y indique qu'elle n'avait alors pas trouvé de solution technique et qu'elle avait demandé à la société ARC de ne pas commander les couvertines tant que des solutions n'avaient pas été trouvées, en vain, la société ARC faisant livrer les couvertines alors qu'il n'existait pas de zone de stockage sur le chantier.
La société Mat Lo est donc seule à l'origine du retard du chantier.
Par lettre du 15 mai 2019, la société Mat Lo a indiqué à la société ARC qu'elle
avait réussi début mai à repositionner le tapis d'herbe synthétique, que la situation était redevenue normale à 80% et qu'elle lui proposait de venir mettre en place les couvertines, hors juillet et août pour éviter les problèmes de voisinage.
Les pièces produites par les parties, et notamment l'expertise unilatérale réalisée le 10 décembre 2019 et le constat d'huissier établi le 18 avril 2022, démontrent que, malgré le retard, la phase de pose des couvertines a été enclenchée, ne fût-ce que partiellement.
En conséquence, la société ARC pouvait demander le paiement des 20% du prix du chantier dus dès l'enclenchement de la phase de pose des couvertines.
Sur la responsabilité contractuelle de la société ARC :
À titre liminaire, il convient d'observer que la société Mat Lo fonde son action en responsabilité sur le régime de droit commun de la responsabilité contractuelle. Elle n'invoque pas la garantie décennale de plein droit du constructeur prévue à l'article 1792 du code civil.
Au soutien de sa demande indemnitaire, la société Mat Lo invoque le manquement de la société ARC à son obligation d'ordre public d'assurance instaurée par l'article L241-l du code des assurances. Il a cependant été établi devant le conseiller de la mise en état que la société ARC était régulièrement assurée, ce que la société Mat Lo ne pouvait ignorer compte tenu de la lettre qui lui avait été adressée le 20 novembre 2019.
Devant la cour, la société Mat Lo affirme que l'assurance de la société April ne garantissait pas le chantier litigieux. Une attestation annuelle d'assurance est toutefois annexée au contrat de commande du 8 août 2018.
Par ailleurs, suite à la liquidation de la société CBL Insurance, la société ARC s'est assurée auprès des sociétés April et QBE. L'attestation versée aux débats indique que le contrat d'assurance n°18091657545 a pris effet le 7 novembre 2018. Ainsi, la période de validité mentionnée dans l'attestation (du 1er janvier au 31 décembre 2019) ne concerne que la validité de l'attestation annuelle. Cette dernière n'exclue d'ailleurs pas que des travaux commencés avant le 1er janvier 2019 puisse être garantis, le document précisant simplement qu'en pareil cas, l'assuré doit en informer l'assureur (p. 2).
Un contractant peut être condamné à réparer les conséquences de son inexécution ou de son exécution imparfaite :
Article 1217 du code civil :
La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter.
Article 1231-1 du code civil :
Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
Article 1231-2 du code civil :
Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.
Dès avant réception des travaux, le professionnel de la construction est tenu d'une obligation de résultat vis-à-vis du maître de l'ouvrage. Il doit livrer à celui-ci un ouvrage conforme aux stipulations contractuelles et exempt de vices.
L'entrepreneur ne peut être exonéré de sa responsabilité que s'il démontre :
- qu'il a réalisé son travail dans les règles de l'art,
- que l'inexécution provient d'une cause étrangère,
- qu'il a été empêché d'exécuter par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit.
Sur l'inexécution contractuelle :
M. [Y], l'expert mandaté par la société Mat Lo relève une pose parcellaire et de mauvaise qualité des couvertines ainsi que des infiltrations d'eau, lesquelles proviennent, selon lui :
- du décollement des pieds d'entoilage,
- du décollement de la résine d'étanchéité, imputable à une erreur d'exécution dans la phase de préparation du support d'application de la résine.
Il estime à 35.000 euros le coût de reprise des malfaçons et désordres.
La société Mat Lo produit un devis émis le 20 avril 2021 par la société Société européenne application protection (la société SEAP). Les travaux d'étanchéité du toit y sont évalués à la somme de 79.411,56 euros HT, soit 87.352,71 euros TTC.
L'huissier de justice, dans son constat du 18 avril 2022, critique la qualité de la pose des couvertines : certaines sont décrites comme gondolées et partiellement dévissées, non uniformes et posées les unes sur les autres de façon aléatoire. Il constate l'existence d'infiltrations en sous-sol. Il relève l'existence de cinq fissures, d'une ligne de rouille, d'un trou et de deux cloques sur le revêtement du toit.
Au delà des appréciations portées par l'expert et l'huissier mandaté par la société Mat Lo, il résulte des photographies produites que les couvertines mises en place l'ont été de façon pour le moins approximative et incomplète.
Dans ses lettres des 21 mars et 15 mai 2019, la société Mat Lo a invité la société ARC à reprendre le chantier. Elle ne conteste pourtant pas l'affirmation selon laquelle elle a refusé l'accès au chantier à la société ARC à plusieurs reprises. Elle a en outre refusé de procéder au versement de la troisième tranche
du prix, malgré les relances de la société ARC par courriels des 11 septembre, 18 septembre, 13 novembre et 23 novembre 2018.
Force est de constater que les deux parties sont restées sourdes aux demandes de l'autre, la société ARC ignorant les lettres de la société Mat Lo et la société Mat Lo ignorant les demandes de paiement de la société ARC.
Toujours est-il que les pièces produites par la société Mat Lo démontrent la méconnaissance par la société ARC de son obligation de résultat, et caractérisent l'exécution imparfaite des travaux de couvertine entamés. La facturation de la troisième phase du marché n'avait de sens qu'à la condition que les travaux de couvertines entamés l'aient été dans un respect minimum des règles de l'art. Il apparait que tel n'a pas été le cas et que les travaux de couvertine entamés étaient en grande partie à reprendre.
La socété ARC ne peut donc pas demander le paiement des factures afférentes à cette troisième phase. Le jugement sera infirmé sur ce point.
En revanche, la mauvaise exécution des travaux antérieurs d'étanchéité, phases de facturation une et deux, n'est pas établie. Le rapport d'expertise non contradictoire n'est pas conforté par d'autres éléments de preuve pertinents et le constat de l'huissier ne permet pas de recueillir un avis technique pertinent et contradictoire.
En outre, il est constant que la société ARC a du quitter le chantier à la suite d'une erreur de manipulation de la société Mat Lo et qu'elle n'a donc pas pu achever les travaux en cause. Dans ces conditions, l'imputabilité à la société ARC des défauts d'étanchéité n'est pas établie.
La demande de dommages-intérêts formée au titre de la mauvaise exécution des travaux des phases une et deux sera rejetée.
Sur la déloyauté et la mauvaise foi de la société ARC :
Il n'est ainsi pas justifié que l'existence ou non d'une assurance garantissant les éventuels dommages ait pu occasionner un préjudice à la société Mat Lo.
La société Mat Lo a elle-même commis une faute en détériorant le rouleau d'herbe synthétique et en ne payant pas à son cocontractant la fraction du prix convenu au démarrage de la phase de pose des couvertines. Si la société ARC a elle-même commis une inexécution contractuelle, il n'est pas démontré que cette inexécution ait été commise de mauvaise foi ou de façon déloyale.
La demande de dommages-intérêts formées par la société Mat Lo à ce titre sera rejetée.
Sur la demande indemnitaire formée par la société ARC :
La société ARC fonde sa demande indemnitaire sur la mauvaise foi de la société Mat Lo dans l'exécution du contrat de louage, ainsi que sur le caractère abusif de l'appel interjeté par cette dernière et l'absence de justification de sa non comparution en première instance.
Sur la bonne foi :
La bonne foi dans l'exécution du contrat est une exigence d'ordre public :
Article 1104 du code civil :
Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d'ordre public.
En l'espèce, la société ARC fait valoir de nombreux éléments qui relèvent de la procédure contentieuse et n'ont donc pas trait à l'exécution du contrat de louage en elle-même.
Si la société Mat Lo a commis une faute en détériorant le rouleau d'herbe synthétique et en ne payant pas à son cocontractant la fraction du prix convenu au démarrage de la phase de pose des couvertines, il n'est pas démontré que ce comportement ait été adopté de mauvaise foi. Il n'est pas établi que la société Mat Lo a méconnu son devoir général de bonne foi.
Il convient au surplus d'observer que la société ARC a elle-même commis une inexécution contractuelle.
Il y a lieu de rejeter la demande de dommages-intérêts formée de ce chef.
Sur l'appel abusif et l'absence de justification de la non comparution :
L'appelant peut être condamné à des dommages-intérêts si son appel est dilatoire ou abusif ou s'il intervient après une non comparution injustifiée en première instance :
Article 559 du code de procédure civile :
En cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui lui seraient réclamés. Cette amende, perçue séparément des droits d'enregistrement de la décision qui l'a prononcée, ne peut être réclamée aux intimés. Ceux-ci peuvent obtenir une expédition de la décision revêtue de la formule exécutoire sans que le non-paiement de l'amende puisse y faire obstacle.
Article 560 du code de procédure civile :
Le juge d'appel peut condamner à des dommages-intérêts celui qui forme un appel principal après s'être abstenu, sans motif légitime, de comparaître en première instance.
Il n'est pas justifié que la société Mat Lo ait interjeté appel dans un but autre que celui de faire valoir ses droits en justice. De même, elle obtient pour partie gain de cause. Elle n'a pas commis de faute en interjetant appel quoique n'ayant pas comparu en première instance. Il y a lieu de rejeter la demande de dommages-intérêts correspondante.
Sur les frais et dépens :
Chacune des parties succombant partiellement en ses demandes, il y a lieu de
laisser à leur charge les dépens qu'elles ont respectivement exposés en première instance et en cause d'appel et de rejeter les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
- Rejette la demande de la société Armor Résine Concept tendant à faire écarter des débats les nouvelles pièces de 21 à 24 produits pas la société Mat Lo le 12 mai 2022 et les conclusions de la société Mat Lo n°3 et n°4, de moins, en ce qu'elles font référence aux pièces de 21 à 24 (pages de 8 à 11),
- Déclare irrecevable la demande de la société Armor Résine Concept tendant à faire juger irrecevables les demandes et prétention de la société Mat Lo,
- Infirme le jugement,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
- Rejette les demandes des parties,
- Dit que chacune des parties supportera les dépens de première instance et d'appel par elle engagés.
Le Greffier, Le Président,