La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/09/2022 | FRANCE | N°19/01724

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 07 septembre 2022, 19/01724


5ème Chambre





ARRÊT N°-236



N° RG 19/01724 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PTOT













Mme [F] [W]



C/



SA GMF ASSURANCES

Mutuelle VITTAVI MUTUELLE

SAMCV MACIF

MUTUELLE NATIONALE DES HOSPITALIERS

Organisme CPAM DU FINISTERE



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Co

pie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame...

5ème Chambre

ARRÊT N°-236

N° RG 19/01724 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PTOT

Mme [F] [W]

C/

SA GMF ASSURANCES

Mutuelle VITTAVI MUTUELLE

SAMCV MACIF

MUTUELLE NATIONALE DES HOSPITALIERS

Organisme CPAM DU FINISTERE

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 Mai 2022

ARRÊT :

Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 07 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [F] [W]

née le [Date naissance 1] 1991 à [Localité 8]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Gildas JANVIER de la SELARL SIAM CONSEIL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST

INTIMÉES :

SA GMF ASSURANCES, S.A, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 398 972 901 prise en la personne de son représentant légal domicilié de droit en cette qualité au dit siège.

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me François-Xavier GOSSELIN de la SCP CABINET GOSSELIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Mutuelle VITTAVI MUTUELLE ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à personne habilitée à le recevoir, n'ayant pas constitué avocat

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

SAMCV MACIF prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

MUTUELLE NATIONALE DES HOSPITALIERS (Assuré : Mr [M] [W])ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à personne habilitée à le recevoir, n'ayant pas constitué avocat

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Organisme CPAM DU FINISTERE

ayant fait l'objet des significations prévues par les articles 902 et 911 du code de procédure civile par remise de l'acte à personne habilitée à le recevoir, n'ayant pas constitué avocat

[Adresse 2]

[Adresse 2]

*********

Le 26 février 1993, Mme [F] [W], âgée de 20 mois, a été victime d'un grave accident de la circulation alors qu'elle était passagère du

véhicule conduit par son père, qui a été heurté par le véhicule de M. [C] alors que celui de M. [B] entrait dans la voie de circulation de M. [C].

Par jugement du 25 octobre 1993, confirmé par arrêt du 11 avril 1994, suivi d'un pourvoi en cassation rejeté, M. [C] et M. [B] dont les véhicules ont été impliqués dans la collision ont été déclarés responsables de l'accident.

Plusieurs provisions ont été versées par les sociétés GMF Assurances et MACIF en leur qualité d'assurance respectivement de M. [C] et de M. [B] pour le compte de Mme [F] [W], avant la consolidation.

Une expertise en vue de constater cette consolidation a été mise en oeuvre dans le cadre d'un protocole d'arbitrage amiable et le rapport a été déposé le 20 octobre 2015.

La société GMF Assurances agissant pour son compte et celui de la société MACIF faisait une offre de 1 200 000 euros par courrier du 8 février 2016.

Mme [F] [W] sollicitait devant le juge des référés une provision complémentaire de 200 000 euros que la société GMF Assurances et la société MACIF étaient condamnées in solidum à lui verser par ordonnance du 13 juin 2006.

Selon un procès-verbal du 5 janvier 2017, le préjudice de M. [W] père a été transigé.

Exposant qu'aucun accord sur l'indemnisation définitive de ses préjudices n'a pu aboutir, Mme [F] [W], par actes d'huissier des 11, 12 et 21 juillet 2017 a assigné devant le tribunal de grande instance de Brest la société GMF Assurances, la société MACIF et la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) pour voir liquider l'ensemble de ses préjudices.

Par acte des 14 et 18 décembre 2017, Mme [F] [W] a appelé à la cause en déclaration de jugement commun la Mutuelle nationale des hospitaliers et la Vittavi Mutuelle.

Les deux instances ont été jointes par le juge de la mise en état par mention au dossier.

Par jugement en date du 6 février 2019, le tribunal a :

- fixé les préjudices de Mme [F] [W] à la suite de l'accident dont

elle a été victime le 26 février 1993 comme suit :

- préjudices patrimoniaux :

* préjudices patrimoniaux temporaires :

* frais divers : 4 420 euros

* tierce personne 268 752 euros

* préjudices patrimoniaux temporaires :

* frais de logement : réservé

* frais d'aménagement du lieu de travail : réservé

* tierce personne 733 543,26 euros

* incidence professionnelle : 100 000 euros

* préjudice scolaire et de formation : 30 000 euros

- préjudices extra-patrimoniaux :

* préjudices extra-patrimoniaux temporaires :

* déficit fonctionnel temporaire :149 006 euros

* souffrances endurées : 40 000 euros

* préjudice esthétique temporaire : 10 000 euros

* préjudices extra-patrimoniaux permanents

* déficit fonctionnel permanent : 400 000 euros

* préjudice d'agrément : 30 000 euros

* préjudice esthétique permanent : 35 000 euros

* préjudice sexuel : 30 000 euros

* préjudice d'établissement : 15 000 euros

- total : 1 845 721,26 euros,

* provision : 769 439,40 euros

* 1 076 281,86 euros

- condamné in solidum la GMF Assurances et la MACIF à verser à Mme [F] [W] la somme de 1 076 281,86 euros, déduction faite des provisions, et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la décision,

- ordonné la capitalisation des intérêts dus, échus au moins pour une année

entière conformément à l'article 1343-1 du Code civil,

- condamné in solidum la GMF Assurances et la MACIF à verser à Mme [F] [W] la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [F] [W] du surplus de ses demandes,

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur de 300 000 euros du montant de la somme principale mise a la charge de la GMF Assurances et la MACIF,

- condamné in solidum la GMF Assurances et la MACIF aux entiers dépens en ce compris l'expertise judiciaire.

Le 13 mars 2019, Mme [F] [W] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 7 avril 2022, elle demande à la cour de :

- réformer partiellement le jugement

Statuant à nouveau,

- fixer comme suit ses préjudices concernés par l'appel :

* consommables avant consolidation : 31 984 euros

* aides techniques avant consolidation : 11 976 euros

* aides techniques après consolidation : 134 793 euros

* consommables après consolidation : 106 657 euros

* pertes de gains professionnels futurs :

° à titre principal : rente indexée 1 500 euros net à effet du 6 juin 2016,

° à titre subsidiaire : néant

° à titre très subsidiaire tarder à statuer sur les PGPF et IP dans l'attente du

complément d'expertise ordonnée selon la mission détaillée plus bas,

* incidence professionnelle :

° à titre principal 100 000 euros

° à titre subsidiaire 100 000 euros au titre de dévalorisation sur le marché du travail, l'impossibilité d'accès à certaines professions et pénibilité accrue, outre rente indexée 1 350 euros nets, à effet du 6 juin 2016 au titre du préjudice de carrière,

° à titre très subsidiaire 100 000 euros au titre de dévalorisation sur le marché du travail, l'impossibilité d'accès à certaines professions et pénibilité accrue et tarder à statuer sur préjudice de carrière et complément d'expertise avant dire droit comme il est dit ci après,

' condamner les sociétés GMF et la MACIF in solidum au paiement desdites sommes,

' très subsidiairement sur les PGPF et l'IP ordonner un complément d'expertise et commettre pour y procéder le docteur [T], la mission proposée étant la suivante :

. préalablement à la réunion d'expertise, recueillir dans la mesure du possible, les convenances des parties et de leurs représentants avant de fixer une date pour le déroulement des opérations d'expertise. Leur rappeler qu'elles peuvent se faire assister par un médecin-conseil et toute personne de leur choix. Après avoir recueilli les renseignements nécessaires sur l'identité de la victime et sa situation, son statut et/ou sa formation, et sa situation actuelle. À partir des déclarations de la victime, au besoin de ses proches et de tout sachant, et des documents médicaux fournis, décrire en détail les soins, traitements et hospitalisations, formations et études depuis le précédent examen du 5 janvier 2015,

. recueillir les doléances de la victime et au besoin de ses proches et les transcrire fidèlement, l'interroger sur la gêne fonctionnelle et les douleurs subies et leurs conséquences,

. procéder contradictoirement à un examen clinique détaillé en fonction des lésions initiales et des doléances exprimées par la victime,

. fixer la date de consolidation situationnelle (professionnelle et sociale) et, en l'absence de consolidation, dire à quelle date il conviendra de revoir la victime ; préciser dans ce cas les dommages prévisibles pour l'évaluation d'une éventuelle provision,

Pertes de gains professionnels futurs :

. indiquer si le déficit fonctionnel permanent entraîne l'obligation pour la victime de renoncer totalement ou partiellement à une activité professionnelle ; dans le cas où elle serait capable d'exercer une activité professionnelle, en préciser les conditions d'exercice et les éventuelles restrictions ou contre-indications,

Incidence professionnelle :

. indiquer si le déficit fonctionnel permanent entraîne un préjudice de carrière constitutif d'une perte de chance,

. dire que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé du contrôle des expertises,

. dire que l'expert devra communiquer un pré-rapport aux représentants des parties en leur impartissant un délai raisonnable (non inférieur à un mois) pour la production de leurs dires écrits,

. dire que l'expert, après avoir répondu aux dires des parties devra transmettre aux représentants de ces dernières et à la juridiction qui a procédé à sa désignation, son rapport définitif,

° réserver les frais de véhicule et aménagements,

° ordonner une expertise pour les frais de logement aménagé confiée à tel architecte il plaira à la cour,

' rejeter toutes les demandes, fins et conclusions des sociétés MACIF et GMF, par conséquent confirmer le jugement dont appel sur les autres postes

de préjudices,

' condamner les sociétés GMF et la MACIF sous la même solidarité à la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner les mêmes et sous la même solidarité aux entiers dépens,

' ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de

l'article 1343-2 (ancien 1154) du Code Civil à effet de la demande qui en a été faite en première instance,

' dire et juger la décision à intervenir commune et opposable aux organismes sociaux et tiers payeurs défendeurs.

Par dernières conclusions notifiées le 25 février 2020, la société MACIF demande à la cour de :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Brest en date du 6 février 2018 et statuant sur l'appel limité de Mme [F] [W], l'en débouter,

- dire et juger n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en lui décernant acte de ce qu'elle ne revendique pas le bénéfice du texte en appel,

- condamner Mme [F] [W] aux entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées le 20 février 2020, la société GMF Assurances demande à la cour de :

- débouter Mme [F] [W] de son appel,

- la déclarer recevable en son appel incident,

- y faire droit.

- réformer le jugement et déclarer ses offres satisfactoires,

- réformer le jugement et juger n'y avoir lieu à capitalisation des postes de préjudice qui ne peuvent être réglés que sous forme de rente,

- subsidiairement, si la cour ordonnait une capitalisation, réformer le jugement et juger n'y avoir lieu à application du barème paru à la Gazette du palais en 2018 et juger que seul le barème BRCIV 2018 serait justifié et susceptible d'être appliqué,

- réformer le jugement, débouter Mme [F] [W] de son appel et rejeter les demandes présentées par Mme [F] [W],

- juger ses demandes au titre des pertes de gains professionnels irrecevables

comme nouvelles en application de l'article 564 Code de procédure civile.

- juger Mme [F] [W] irrecevable en son appel au titre de l'incidence professionnelle,

- subsidiairement, juger ses demandes subsidiaires au titre de l'incidence professionnelle irrecevables comme nouvelles en application de l'article 564 code de procédure civile,

- confirmer le jugement sur les postes suivants :

* assistance médecin-conseil : 4 420 euros,

* frais consommables avant et après consolidation : débouter Mme [F] [W] de son appel et de ses demandes,

* aides techniques avant et après consolidation : débouter Mme [F] [W] de son appel et de ses demandes,

* frais de logement adaptés : réservé,

* frais de véhicule adapté : réservé,

* perte de gains professionnels après consolidation : débouter Mme [F] [W] de son appel et de ses demandes,

* incidence professionnelle : juger Mme [F] [W] irrecevable en

son appel de ce chef et juger n'y avoir lieu à faire droit à l'appel en tant que Mme [F] [W] avait demandé 100 000 euros de ce chef et a obtenu entièrement satisfaction,

Subsidiairement

° juger que l'incidence professionnelle ne peut être indemnisée que de façon forfaitaire et rejeter toute autre demande d'indemnisation y compris sous forme de rente,

° juger qu'il n'y a pas lieu à indemniser une perte de chance d'intégration,

° rejeter la demande de sursis à statuer,

* confirmer le jugement en tant qu'il a alloué une somme acceptée de 100 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, et la débouter de son appel et de toutes demandes plus amples ou contraires,

* préjudice scolaire, universitaire et de formation : 30 000 euros,

- réformer le jugement sur les postes ci-après et les évaluer comme suit, rejetant toutes demandes plus amples ou contraires :

* dépenses de santé restées à charge : mémoire.

* tierce personne avant consolidation 12 juin 2012 : 235 158 euros,

* dépenses de santé futures : rejet,

* frais de lieu de travail adapté : rejet,

* tierce personne après consolidation :

° arrérages échus : du 11 juin 2012 au 31 décembre 2018 (2 395 jours) : 2 395 x 2 h x 16 euros = 76 640 euros,

° puis rente payable à compter du 1 janvier 2019 d'un montant annuel de 2 h x 16 euros x 400 jours soit 12 800 euros payable par trimestre échu, revalorisée selon les obligations légales et suspendue en cas de placement en institution ou d'hospitalisation supérieure à 30 jours,

* déficit fonctionnel temporaire : 131 918 euros,

* souffrances endurées : 40 000 euros

* préjudice esthétique temporaire : la somme de 10 000 euros sera réduite en de plus justes proportions,

* déficit fonctionnel permanent : 300 000 euros,

* préjudice d'agrément : 15 000 euros,

* préjudice esthétique définitif : 25 000 euros,

* préjudice sexuel : 15 000 euros,

* préjudice d'établissement : rejet

- réformer le jugement et déduire les provisions versées par la GMF à concurrence de 899 577,77 euros, sauf à parfaire ou compléter, et dont le montant n'était pas discuté par la requérante, outre le règlement de 300 000 euros au titre de l'exécution provisoire,

- réformer le jugement et juger n'y avoir lieu à capitalisation des intérêts et

rejeter toutes demandes à cet égard,

- ordonner la restitution des sommes trop perçues et réglées au titre des provisions et de l'exécution provisoire,

- rejeter la demande présentée au titre de l'article 700 du code de procédure

civile,

- dépens comme de droit

La CPAM du Finistère n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions d'appelant ont été signifiées à une personne habilitée 13 juin 2019.

La Mutuelle nationale des hospitaliers n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions d'appelant ont été signifiées à une personne habilitée le 13 juin 2019.

La Vittavi Mutuelle n'a pas constitué avocat dans le délai prescrit. La déclaration d'appel ainsi que les conclusions d'appelant ont été signifiées à une personne habilitée le 13 juin 2019.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

'Sur la recevabilité de la demande au titre des pertes et gains professionnels et de la demande au titre de l'incidence professionnelle.

La SA GMF Assurances considère que la demande au titre des pertes et gains professionnels est une demande nouvelle et donc sont irrecevable.

La SA GMF Assurances critique les conclusions de Mme [W] au titre de l'incidence professionnelle et considère que la demande subsidiaire d'une somme de 100 000 euros outre une rente est irrecevable car elle est nouvelle.

Mme [W] conteste l'irrecevabilité soulevée par la société GMF au titre de l'article 564 du code de procédure civile.

Au visa de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Mme [W] avait demandé au tribunal de réserver les pertes de gains professionnels futurs en considérant qu'elle avait perdu une chance de bénéficier d'une rémunération supérieure. Le tribunal a débouté l'intéressée de sa demande.

Concernant l'incidence professionnelle, Mme [W] a réclamé le paiement d'une somme de 100 000 euros (qui a été accordée).

La situation de Mme [W] a évolué depuis le jugement car elle n'a pu mener à terme ses études.

En fonction de cette évolution, elle a formé des demandes au titre des pertes de gains professionnels à titre principal, à titre subsidiaire au titre d'une perte de chance et à titre très subsidiaire en sursis à statuer sur les pertes de gains et l'incidence professionnelle dans l'attente d'une expertise.

Toutes ces demandes tendent aux mêmes fins à savoir l'indemnisation du préjudice de Mme [W] de sorte qu'elles ne peuvent être jugées irrecevables.

En conséquence, il convient de rejeter la fin de non recevoir soulevée par la SA GMF Assurances au visa de l'article 564 du code de procédure civile.

'Sur la recevabilité de la demande au titre de l'aménagement du domicile.

La MACIF estime que la demande à ce titre, ou la demande subsidiaire d'expertise, est irrecevable parce que Mme [W] et la SA GMF Assurances n'ont pas interjeté appel sur les dispositions du jugement à ce titre.

Mme [W] n'a pas conclu sur ce point.

La cour constate que Mme [W] n'a pas interjeté appel sur les dispositions du jugement qui a réservé le préjudice lié à l'aménagement du domicile.

La SA GMF Assurances n'a pas formé un appel incident sur ce préjudice.

La cour n'est pas saisie de ce chef de préjudice.

La demande de Mme [W] en expertise architecturale est irrecevable.

Concernant la demande subsidiaire de paiement d'une somme de 84 738 euros, elle n'a pas été reprise dans le dispositif des conclusions de l'appelante, de sorte que la cour ne statuera pas sur cette demande en application de l'article 954 du code de procédure civile.

' Sur le préjudice.

A la suite de l'accident, Mme [W] a présenté ;

- une très importante atteinte du rachis cervical avec une dislocation C1 C2 avec bascule de l'arc antérieur de C1 et de la dent de l'odontoïde, avec fracture de l'odontoïde, responsable d'une paraplégie au niveau sensitif remontant au niveau des mamelons,

- une contusion pulmonaire avec un épanchement pleural.

Les conclusions du rapport d'expertise sont les suivantes :

- déficit fonctionnel permanent : 75 %,

- périodes de déficit fonctionnel temporaire totale :

- du 26 février 1993 au 17 octobre 1993

- du 28 août 2000 au 10 novembre 2000,

- du 2 mai 2001 au 6 novembre 2011,

- périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel :

- du 18 octobre 1993 au 27 août 2000 : 80 %,

- du 11 novembre 2000 au 1er mai 2001 et du 7 novembre 2001 au 11 juin 2002 : 80 %

- du 7 novembre 2001 au 10 juin 2012 : 80 %,

- consolidation : au 10 juin 2012,

- souffrances endurées : 6/7,

- préjudice esthétique :

- préjudice temporaire : 5/7,

- préjudice permanent : 5/7,

- préjudice d'agrément : il est bien évident que son handicap ne lui permet pas de pratiquer facilement des activités sportives ou de loisirs habituelles à son âge. Ces activités sont limitées par son handicap.

- préjudice scolaire : elle a poursuivi sa scolarité notamment avec une aide scolaire totale pendant les années de lycée, de 2006 à 2009, puis elle a débuté un cursus universitaire, avec changement d'option. On peut admettre que son cursus universitaire soit rallongé du fait des difficultés liées à son handicap,

- aide au déplacement, au ménage et aux courses : il y a une nécessité d'une aide humaine évaluée à 2 heures par jour,

- soins nécessaires actuels : le traitement médicamenteux suivi, 2 injections par an de toxine botulique. Ce chef de préjudice devra être réévalué en fonction de l'évolution clinique de la blessée,

- les appareillages ont été décrits dans le rapport et résumé dans la discussion médico-légale,

- le père de [F] a fait construire à Veyrines une maison de plein pied avec des accès et des ouvertures rendues nécessaires par le handicap de [F]. Le père doit justifier du surcoût d'accès avec pente, des largeurs de portes internes et externes, d'accessibilité aux poignets et/ou systèmes d'ouverture et d'accessibilité aux meubles. Par ailleurs, le niveau de la maison, il y aura nécessité d'un fauteuil de douche.

[F] loge actuellement dans un appartement en location provisoire qui n'est pas adapté. Elle ne l'a équipé que d'Aquatec. Il sera à prévoir l'adaptation en temps utile de son logement,

- retentissement sexuel : [F] dit avoir la possibilité d'une activité sexuelle avec les contraintes liées à son handicap et à celui de son compagnon,

- pour le préjudice professionnel : son handicap lui permet de travailler dans un milieu ordinaire, cependant celui-ci devra être adapté à son handicap.

1°) Sur les préjudices patrimoniaux.

A) Sur les préjudices patrimoniaux temporaires.

- Sur les dépenses de santé.

La SA GMF Assurances indique qu'il ne revient rien à la victime après déduction de la créance de l'organisme social.

Les dépenses de santé sont constituées par les frais médicaux et pharmaceutiques, non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais aussi les frais payés par des tiers (sécurité sociale, mutuelle...), les frais d'hospitalisation et tous les frais paramédicaux (infirmiers, kinésithérapie... etc).

Les organismes sociaux n'ont transmis aucun décompte concernant les dépenses de santé.

Aucune somme n'est réclamée à ce titre.

Le jugement n'a retenu aucune somme de ce chef ; il est confirmé à ce titre.

- Sur l'assistance du médecin-conseil.

La SA GMF Assurances et la MACIF acceptent la prise en charge de ce poste de préjudice pour la somme de 4 420 euros telle qu'évaluée par les premiers juges.

- Sur les consommables.

Mme [W] explique que la Sécurité sociale ne prend pas en charge le remboursement des changes et lingettes.

Elle considère que ce préjudice doit être réparé et qu'elle ne peut produire les justificatifs de paiement de ces consommables sur plusieurs années.

La SA GMF Assurances signale que Mme [W] ne produit aucun justificatif de dépense. Elle indique que le principe selon lequel il faut indemniser un besoin et non une dépense ne s'applique qu'à l'indemnisation de la tierce personne.

La MACIF expose que l'évaluation de Mme [W] est réalisée sur la base de devis ou de documentation et s'interroge sur l'existence de lingettes avant 1993.

Il résulte du rapport d'expertise que Mme [W] doit procéder à des auto-sondages 5 à 6 fois par jours, avec nécessité de couches pour les incontinences d'urine ou de selles.

Ces auto-sondages impliquent un nettoyage, qui peut être réalisé par des lingettes.

Il appartient à Mme [W] de justifier sa demande.

Or il est impossible de déterminer, à la lecture des pièces versées au dossier, si les organismes sociaux (notamment sa mutuelle) prennent en charge au moins partiellement ces protections et/ou lingettes.

Mme [W] ne produit pas de factures d'achats de protections et de lingettes et les documentations versées au dossier sont insuffisantes pour déterminer le préjudice de l'intéressée.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [W] de ce chef de préjudice.

- La tierce personne.

La société GMF évalue le taux horaire de ce préjudice à 14 euros.

Mme [W] demande la confirmation du jugement.

Il s'agit des dépenses liées à la réduction d'autonomie, qui peuvent être temporaires entre le dommage et la consolidation.

L'expert a retenu 3 heures d'aide humaine par jour jusqu'au déménagement de septembre 2004, puis de 2 heures par jour soit :

- du 26 février 1993 au 1er septembre 2004 (4 205 jours, dont il convient de déduire les périodes d'hospitalisation soit 3 707 jours),

- du 2 septembre 2004 au 11 juin 2012 (soit pour 2 839 jours).

Ce préjudice s'évalue donc à la somme de 177 936 euros pour la première période (3 707 x 3 x 16), et de 90 816 euros pour la seconde (2 838 x 2 x 16) soit un total de 268 752 euros.

Le jugement est confirmé à ce titre.

- Les aides techniques.

Mme [W] évalue ses préjudices au titre du fauteuil, de la 3ème roue, de l'aide électrique à la propulsion, du verticalisateur, du lit électrique, du siège douche.

La SA GMF Assurances estime que ce poste de préjudice contient les dépenses de santé actuelles et qu'il n'est pas démontré que les aides techniques ne sont pas pris en charge par les organismes sociaux.

La MACIF fait état de l'absence de justificatif de l'acquisition des matériels ainsi que de leur possible prise en charge par les organismes sociaux.

L'expert judiciaire a indiqué dans son rapport de 2011 qu'il faut retenir : un fauteuil roulant, une table de verticalisation, un coussin anti-esquarre, une ceinture lombaire et des alèses plastiques.

Il a expliqué dans son dernier rapport : il est à noter que le fauteuil roulant, présenté actuellement, est minimum et que celui-ci manuel auto-bock avangarde, qu'il faut renouveler tous les 5 ans, avec un coussin anti-esquarre.

En vue de la verticalisation, on peut envisager un système de type standing mécanique qui est renouvelé tous les 10 ans.

Pour le lit qui n'est pas aménagé, on peut envisager l'utilisation d'un sommier électrique triple fonction, avec en particulier un relève buste et une hauteur variable, afin d'optimiser les transferts, faciliter l'habillage et le déshabillage au lit.

Pour faciliter les déplacements à l'extérieur, sur terrain accidenté, on peut évoquer l'intérêt d'une 3ème roue, de type Stricker, de chez Lomo.

Pour l'instant, [F] ne voit pas l'intérêt d'une motorisation électrique, qui pourrait cependant à distance être envisagée, montable sur le fauteuil manuel avec éventuellement un système [X] qui coûte environ 4 000 euros, à renouveler tous les 5 ans.

Par ailleurs au niveau de la maison, il y aura nécessité d'un fauteuil de douche et d'un rehausseur de toilettes.

Il appartient à Mme [W] de justifier du montant de son préjudice.

Les pièces versées au dossier ne permettent pas de déterminer la prise en charge éventuelle partielle ou totale des matériels techniques par les organismes sociaux (tels que la mutuelle). Mme [W] communique de la documentation sur les matériels mais ne produit aucune facture.

Le jugement est confirmé de ce chef de préjudice.

B) Sur les préjudices patrimoniaux après consolidation.

- Les dépenses de santé futures.

La SA GMF demande que les demandes à ce titre fassent l'objet d'un rejet, aucune somme ne revenant à la victime. Elle indique que le jugement n'a prononcé aucune condamnation au profit de la CPAM.

Rien n'est réclamé à ce titre. Le tribunal n'a retenu aucune somme.

- Les consommables.

Mme [W] fait part de ses besoins pour des consommables nécessaires par une incontinence totale.

La SA GMF Assurances et la MACIF font état de l'absence de justificatif de dépense effective de la part de Mme [W].

L'état de santé de Mme [W] est consolidé depuis le 10 juin 2012.

Elle ne justifie ni de l'absence de prise en charge de ces consommables par sa mutuelle, ni de leur acquisition.

Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [W] de ce poste de préjudice.

- Les frais de lieu de travail adapté.

Mme [W] demande que ce poste soit réservé.

La SA GMF Assurances estime que ce poste de préjudice doit être rejeté.

La MACIF indique qu'il n'existe aucun élément quant au devenir socio-professionnel de Mme [W].

L'expert a précisé que Mme [W] peut exercer une activité professionnelle en milieu ordinaire avec une nécessité d'adaptation à son handicap (activité compatible avec des déplacements en fauteuil roulant et avec son niveau d'atteinte médullaire).

Les possibilités de travailler existent.

Il n'y pas lieu d'écarter ce préjudice et ce poste est réservé.

- Les frais de véhicule adapté.

Mme [W] demande que ce poste soit réservé dans l'attente du résultat à l'examen du permis de conduire.

La SA GMF Assurances formule la même demande.

Le jugement n'est pas critiqué sur ce poste de préjudice. Il est confirmé.

- Les aides techniques.

Mme [W] réclame l'indemnisation de ses préjudices pour la prise en charge d'un fauteuil, de la 3ème roue, de l'aide électrique à la propulsion, du lit électrique, du verticalisateur, du siège douche.

La SA GMF Assurances précise que ce poste de préjudice concerne des dépenses de santé actuelles et qu'il n'est pas démontré l'absence de leur prise en charge par les organismes sociaux.

La MACIF souligne que Mme [W] procède à une capitalisation à partir de la date de devis et non pas à la date d'une véritable acquisition. Elle souligne l'absence d'élément sur les possibilités d'intervention des organismes sociaux.

À défaut de justifier d'une absence de prise en charge par les organismes sociaux(notamment par une mutuelle), à défaut de justifier de dépenses sur les aides techniques réclamées (Mme [W] ne communiquant qu'une facture d'un fauteuil roulant du 7 juin 2011) alors que son état de santé est consolidé depuis le 10 juin 2012, Mme [W] est déboutée de sa demande.

- La tierce personne.

Mme [W], qui n'a pas interjeté appel sur ce chef de préjudice, s'oppose à la réparation de ce préjudice sous forme d'une rente et demande la confirmation du jugement.

La SA GMF Assurances discute le montant du taux horaire. Elle soutient que Mme [W] n'a jamais eu recours à des prestataires.

La SA GMF Assurances et la MACIF sollicitent le paiement de ce préjudice sous forme de rente.

Il s'agit d'indemniser la perte d'autonomie en fonction des besoins.

L'expert a retenu le besoin d'une aide de deux heures par jour ; cette aide n'est ni médicalisée ni spécialisée.

Il convient de retenir, comme l'ont fait les premiers juges, un coût horaire de 16 euros.

Pour la période du 11 juin 2012 au 6 février 2019, ce préjudice est évalué au titre des arrérages échus à la somme de 2 432 jours x 2 h X 16 euros soit 77 824 euros.

Pour une année entière à laquelle il convient d'ajouter 46 jours complémentaires correspondant aux jours fériés et aux congés, soit 411 jours, le coût de l'assistance par tierce personne est de 13 152 euros.

Aucun texte n'oblige une victime à accepter le versement d'une rente aux lieu et place d'un capital. Aucun élément du dossier ne justifie l'octroi d'une rente à la place d'un capital.

Le barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2018 est retenu car il est mieux adapté à la situation présente.

Au jour du jugement, Mme [W] était âgée de 27 ans.

Le préjudice est donc évalué à la somme de 655 719,26 euros à compter du jugement.

Le préjudice total est donc de 733 543,26 euros.

Le jugement est confirmé.

- Les pertes de gains professionnels.

Mme [W] conteste la motivation des premiers juges. Elle explique que la situation a évolué depuis le jugement, qu'elle n'a pu mener ses études à leur terme à cause d'une fatigabilité accrue, de douleurs, des difficultés de déplacement.

Elle fait état de son projet d'exploiter une librairie qu'elle qualifie actuellement d'utopique. Elle a abandonné l'idée d'un travail salarié au regard de son handicap et de ses conséquences.

Elle indique bénéficier actuellement de l'AAH.

Elle demande que ce préjudice soit liquidé sur la base de la perte d'une possibilité d'un emploi rémunéré, en milieu ordinaire, au mieux un emploi en milieu protégé qui conduit à 45 % du SMIC et à une baisse de l'ordre de 100 de l'AAH. Mme [W] évalue à 1 800 euros nets par mois, le revenu qu'elle aurait pu percevoir, soit une rente de 1 500 euros nets.

La SA GMF Assurances indique que Mme [W] n'est pas inapte à toute activité et peut travailler en milieu ordinaire. Elle considère que l'âge de la victime exclut toute indemnisation.

La MACIF discute la demande de Mme [W]. Elle estime que Mme [W] doit justifier a minima de sa situation au cours des 4 dernières années et que l'éventail des choix professionnels n'est pas totalement fermé.

Elle conteste la notion de pertes de gains futurs.

Mme [W] a obtenu son baccalauréat. Elle s'est inscrite en 1ère année de japonais, puis en IUT 'métier du livre', puis en 1ère année de japonais, puis en 1ère année d'anglais et en 2ème année. Elle précise avoir abandonné un cursus universitaire en raison de son état séquellaire.

Il a été dit que l'expert avait conclu à une possibilité de travail en milieu ordinaire avec un aménagement. Il n'y a donc pas, comme l'indique Mme [W], une perte de possibilité d'emploi rémunéré.

Mme [W] ne justifie d'aucune démarche professionnelle.

À défaut d'élément probant, Mme [W] est déboutée de sa demande sans qu'il y ait lieu à ordonner une expertise sur ce préjudice.

- L'incidence professionnelle.

L'appelante demande le paiement d'une somme de 100 000 euros.

Mme [W] demande une rente de 1 350 euros, dans l'hypothèse où le préjudice relève de la perte de chance (en tenant compte d'un taux de perte de chance de 90 %) et doit être abordé au titre de l'incidence professionnelle.

La SA GMF Assurances offre une somme de 100 000 euros. Elle estime l'appel de Mme [W] sans objet et que l'évolution des demandes de cette dernière est illisible.

Elle s'oppose à une nouvelle expertise.

La MACIF précise qu'un choix doit être opéré entre les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle.

Ce préjudice a pour but d'indemniser, non pas la perte de revenus liée à l'invalidité permanente, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi en raison d'une dévalorisation sur le marché du travail, d'une perte de chance professionnelle ou de l'augmentation de la fatigabilité au travail (même pour un faible taux d'incapacité), cette fatigabilité fragilisant la permanence de l'emploi et la concrétisation d'un nouvel emploi éventuel.

La demande de rente de Mme [W] au titre d'une perte de chance vise à obtenir indirectement une perte de revenus futurs dont il a été dit qu'elle n'était pas motivée et fondée. Cette demande ne peut être retenue.

Il en est de même de la demande en expertise, Mme [W] supportant la charge de la preuve de ses demandes.

Il est avéré que le handicap de Mme [W] l'empêche de postuler à certains emplois et qu'il provoque une pénibilité certaine dans son futur emploi.

La somme de 100 000 euros telle que retenue par les premiers juges indemnise très justement ce poste de préjudice.

Le jugement est confirmé.

- Le préjudice scolaire, universitaire et de formation.

La SA GMF Assurances accepte l'évaluation de ce préjudice à la somme de 30 000 euros.

Mme [W] souhaite que le jugement soit confirmé.

Ce préjudice tend à indemniser le retard scolaire, universitaire ou de formation.

L'expert a noté que Mme [W] a suivi une scolarité normalement (avec une assistance) jusqu'au baccalauréat. Le handicap de Mme [W] a été source de difficulté et d'un allongement du cursus universitaire.

C'est par une juste appréciation que les premiers juges ont évalué ce préjudice à la somme de 30 000 euros.

2°) Sur les préjudices extra-patrimoniaux.

A) Les préjudices temporaires.

- Le déficit fonctionnel temporaire.

Mme [W] soutient qu'aucun accord n'est intervenu et sollicite la confirmation du jugement.

La SA GMF Assurances offre une somme de 131 918 euros qui a, selon elle, fait l'objet d'un accord de la part de la victime.

Il s'agit d'indemniser l'aspect non économique de l'incapacité temporaire, soit la gêne dans les actes de la vie courante rencontrée par la victime pendant la vie traumatique.

Ce préjudice s'établit comme suit :

- périodes de déficit fonctionnel temporaire totale :

- du 26 février 1993 au 17 octobre 1993 (233 jours)

- du 28 août 2000 au 10 novembre 2000 (74 jours)

- du 2 mai 2001 au 6 novembre 2011 (188 jours)

Soit 495 jours x 26 euros = 12 870 euros

- périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel :

- du 18 octobre 1993 au 27 août 2000 : 80 % (2 505 jours)

- du 11 novembre 2000 au 1er mai 2001 et du 7 novembre 2001 au 11 juin 2002 : 80 % (171 jours)

- du 7 novembre 2001 au 10 juin 2012 : 80 % (3 869 jours)

Soit 6 445 jours x 26 x 80 % = 136 136 euros.

C'est par une juste appréciation que les premiers juges ont évalué ce préjudice à la somme de 149 006 euros.

- Les souffrances endurées.

Il s'agit d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la vie traumatique et jusqu'à la consolidation.

La SA GMF Assurances offre une somme de 40 000 euros. Mme [W] a réclamé une somme de 40 000 euros.

.

Les premiers juges ont évalué ce préjudice à la somme de 40 000 euros.

Le jugement entrepris est confirmé.

- Le préjudice esthétique temporaire.

Mme [W] demande la confirmation du jugement.

La SA GMF Assurances propose une somme de 5 000 euros.

Ce préjudice résulte notamment de l'altération de l'image de Mme [W] pendant la vie traumatique.

C'est par une juste appréciation que les premiers juges ont évalué ce chef de préjudice à la somme de 10 000 euros.

B) Les préjudices permanents.

- Le déficit fonctionnel permanent.

Mme [W] conteste toute acceptation de l'offre de la société GMF Assurances et sollicite la confirmation du jugement.

La SA GMF Assurances indique qu'elle avait proposé une somme de 300 000 euros, qui avait été acceptée par la victime.

Il s'agit, selon le rapport [Z], de 'la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, appréciable par un examen clinique approprié complété par l'étude des examens complémentaires produits, à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l'atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours'.

L'expert a retenu un taux de 75 %. Mme [W] avait 21 ans au moment de sa consolidation.

C'est par une juste appréciation que les premiers juges ont évalué ce préjudice à la somme de 400 000 euros.

- Le préjudice d'agrément.

Mme [W] demande la confirmation du jugement.

La SA GMF Assurances offre une somme de 15 000 euros et souligne que la victime n'apporte aucun justificatif de la pratique régulière d'activité spécifique avant la survenance de l'accident à cause de son jeune âge. Elle indique que l'indemnisation de ce préjudice est conditionnée par le caractère spécifique de l'activité.

Le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité ou la limitation pour la victime de continuer à pratiquer une activité sportive ou de loisirs.

Il convient de le distinguer du déficit fonctionnel permanent qui indemnise non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, mais aussi la douleur permanente qu'elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence qu'elle rencontre au quotidien après sa consolidation à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques.

Pour bénéficier d'une indemnisation au titre d'un préjudice d'agrément, la victime doit justifier de la pratique de loisirs ou d'activités sportives spécifiques et de son impossibilité ou de sa limitation à les pratiquer de nouveau.

Les limitations apportées à une vie sociale, les difficultés à profiter de certains loisirs classiques telles les promenades en famille, marche, course à pied ne font plus l'objet d'une indemnisation au titre du préjudice d'agrément mais sont indemnisées au titre du poste de préjudice de déficit fonctionnel temporaire et permanent qui implique la perte de la qualité de vie.

S'il est évident que la paraplégie de Mme [W] entraîne une impossibilité pour l'intéressée de s'adonner à de nombreux sports et loisirs, ce préjudice est réparé dans le cadre du déficit fonctionnel.

L'offre de la SA GMF Assurances est retenue.

Le jugement est infirmé à ce titre.

- Le préjudice esthétique définitif.

Mme [W] sollicite la confirmation du jugement.

La SA GMF Assurances offre une somme de 25 000 euros.

Ce préjudice est constitué par l'utilisation constante d'un fauteuil roulant, altérant l'image de l'intéressée ainsi que par l'obligation de porter des protections.

C'est par une juste appréciation que les premiers juges ont évalué ce préjudice à la somme de 35 000 euros.

Le jugement est confirmé.

- Le préjudice sexuel.

Mme [W] évalue ce préjudice à la somme de 30 000 euros.

La SA GMF Assurances propose une somme de 15 000 euros.

Ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : l'aspect morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l'acte sexuel(libido, perte de capacité physique, frigidité), et la fertilité (fonction de reproduction).

L'acte sexuel n'est pas impossible pour Mme [W]. L'expert a précisé qu'il est plus difficile en raison de la paraplégie. A été notée une perte totale de sensibilité de la région périnéale et des organes génitaux externes.

La somme de 30 000 euros telle qu'évaluée par les premiers juges constitue une juste évaluation de ce préjudice.

Le jugement est confirmé.

- Le préjudice d'établissement.

Mme [W] souhaite que le jugement soit confirmé.

La SA GMF Assurances indique que Mme [W] vit en couple depuis plusieurs années et que rien ne s'oppose à une vie intime et familiale pérenne. Elle s'oppose à la demande au titre de ce préjudice.

Ce préjudice peut être défini comme un préjudice important en ce qu'il fait perdre l'espoir de réaliser tout projet personnel de vie, notamment de fonder une famille, élever ses enfants, en raison de la gravité de son handicap.

La gravité du handicap de Mme [W] est évidente.

Il n'est pas contesté que la victime vit en couple depuis plusieurs années.

Le préjudice n'a pas été objectivé par l'expert ; il a été dit que les capacités de procréation sont existantes ; Mme [W] ne verse au dossier aucun élément répondant à la définition précitée.

Mme [W] est déboutée de sa demande.

Le jugement est infirmé.

'Sur le montant des provisions versées.

Mme [W] et la SA GMF Assurances sont en désaccord sur le montant des provisions déjà versées.

Ont été versées à Mme [W] les sommes suivantes :

- jugement du 25 octobre 1993 : 35 000 francs ou 5 339 euros

- ordonnance de référé du 6 septembre 1993 : 20 000 francs ou

3 048,98 euros,

- ordonnance du 30 décembre 1994 : 125 000 francs ou 19 056,13 euros,

- quittance de novembre 1998 : 1 852,36 euros,

- ordonnance du 17 décembre 1999 : 100 000 francs ou 15 244,90 euros (il n'est pas tenu compte de la somme de 200 000 francs versée à M. [W] pour l'aménagement de sa maison),

- décision du 8 janvier 2002 : 2 000 000 francs ou 304 898,03 euros,

- ordonnance du 7 décembre 2009 : 20 000 euros,

- provision amiable du 7 juillet 2011 : 100 000 euros,

- ordonnance du 13 juin 2016 : 200 000 euros,

- ordonnance du juge de la mise en état du 6 mars 2018 : 100 000 euros,

soit un total de 769 439,40 euros.

'Récapitulatif :

1°) Sur les préjudices patrimoniaux.

A) Sur les préjudices patrimoniaux temporaires.

- Sur les dépenses de santé : 0 euro

- Sur l'assistance du médecin-conseil : 4 420 euros

- Les consommables : débouté

- La tierce personne : 268 752 euros

- Les aides techniques : débouté

B) Sur les préjudices patrimoniaux permanents.

- Les dépenses de santé : 0 euro

- Les consommables : débouté

- Les frais de logement adapté: demande irrecevable

- Les frais d'aménagement du lieu de travail : poste réservé

- Les frais de véhicule adapté : poste réservé

- Les aides techniques : débouté

- La tierce personne : 733 543,26 euros

- La perte de gains professionnels futurs : débouté

- L'incidence professionnelle : 100 000 euros

- Le préjudice scolaire, universitaire et de formation : 30 000 euros

2°) Sur les préjudices extra-patrimoniaux.

A) Sur les préjudices extra-patrimoniaux temporaires.

- Le déficit fonctionnel temporaire : 149 006 euros

- Les souffrances endurées : 40 000 euros

- Le préjudice esthétique temporaire : 10 000 euros

B) Les préjudices extra-patrimoniaux permanents.

- Le déficit fonctionnel permanent : 400 000 euros

- Le préjudice d'agrément : 15 000 euros

- Le préjudice esthétique : 35 000 euros

- Le préjudice sexuel : 30 000 euros

- Le préjudice d'établissement : 0 euro

Soit un total (sauf postes réservés) de 1 810 721,26 euros.

Après déduction des provisions, il convient de condamner in solidum la SA GMF Assurances et la MACIF à payer à Mme [W] la somme de

1 041 281,86 euros.

En application de l'article 1343-2 du code civil (ancien article 1154 du code civil), les intérêts échus pour une année à compter du 6 février 2019 seront capitalisés.

La SA GMF France est déboutée de sa demande en remboursement de sommes trop perçues.

' Sur les autres demandes.

Mme [W] ayant au moins partiellement succombé en son recours, il n'est pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'instance présente est la conséquence de l'accident du 26 février 1993 ; la SA GMF et la MACIF en supporteront les dépens.

Les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe :

Rejette la fin de non recevoir soulevée par la SA GMF Assurances au visa de l'article 564 du code de procédure civile ;

Juge irrecevable la demande de Mme [F] [W] en expertise architecturale ;

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf pour les dispositions relatives au préjudice d'agrément, et celles relatives au préjudice d'établissement, sur le montant total des préjudices et la condamnation à paiement ;

Statuant à nouveau,

Fixe le préjudice d'agrément à la somme de 15 000 euros ;

Déboute Mme [W] de sa demande au titre du préjudice d'établissement ;

Fixe le préjudice de Mme [W] à un total (sauf postes réservés) de

1 810 721,26 euros ;

Condamne in solidum, après déduction des provisions, la SA GMF Assurances et la MACIF à payer à Mme [W] la somme de

1 041 281,86 euros avec intérêts au taux légal à compter du jugement entrepris ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [W] de sa demande en expertise au titre de la perte de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle ;

Déboute Mme [W] de sa demande en paiement d'une rente de 1500 euros au titre de rente pour les pertes de gains professionnels futurs et d'une rente de 1 350 euros au titre du préjudice de carrière ;

Déboute la SA GMF Assurances de sa demande en remboursement de sommes trop perçues ;

Déboute Mme [W] de sa demande en frais irrépétibles ;

Condamne la SA GMF Assurances et la MACIF aux dépens d'appel.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/01724
Date de la décision : 07/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-07;19.01724 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award