1ère Chambre
ARRÊT N°277/2022
N° RG 20/01856 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QSCG
M. [E] [P]
C/
M. [W] [C] [P]
Mme [N] [P] épouse [H]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 03 Mai 2022
ARRÊT :
contradictoire, prononcé publiquement le 06 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 28 juin 2022 à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [E] [P]
né le 16 Avril 1958 à [Localité 7] (56)
[Localité 12]
[Localité 7]
Représenté par Me Nathalie TROMEUR de la SCP LARMIER - TROMEUR-DUSSUD, avocat au barreau de QUIMPER
INTIMÉS :
Monsieur [W] [C] [P]
né le 04 Février 1952 à [Localité 7] (56)
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Luc FURET, avocat au barreau de LORIENT
Madame [N] [P] épouse [H]
née le 09 Février 1955 à [Localité 7] (56)
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 3]
Représentée par Me Laëtitia QUINTARD-PLAYE de la SELARL GRAIC - QUINTARD-PLAYE - JUILLAN, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [B] [D] veuve [P], née le 2 février 1932, est décédée le 6 mars 2015, laissant pour lui succéder ses trois enfants issus de son union avec M. [J] [P] :
- M. [W] [P] (né le 4 février 1952)
- Mme [N] [P], épouse [H] (née le 9 juin 1955)
- M. [E] [P] (né le 16 avril 1958).
Par testament olographe du 19 décembre 2012 déposé au rang des minutes de Me [S] [M], notaire à [Localité 11], Mme [B] [P] a légué la quotité disponible en parts égales à M. [W] [P] et à Mme [N] [P] épouse [H].
Il dépend de l'actif successoral les biens immobiliers suivants :
-une maison à usage d'habitation située [Adresse 6] à [Localité 7] (56), cadastrée section BL n°[Cadastre 8], d'une contenance de 5 a 82 ca, évaluée 84.100 euros par Me [M], notaire à [Localité 11],
-un terrain non bâti situé [Adresse 1] à [Localité 3] (22) cadastré section BE n°[Cadastre 9], d'une contenance de 5 a 69 ca, évalué 5.000 euros par Me [M],
-une maison à usage d'habitation située au lieudit [Localité 12] à [Localité 7]), cadastrée section ZC n°[Cadastre 5], sur un terrain d'une contenance de 12 ha 80 ca, évaluée 98.300 euros par Me [M].
Faute de règlement amiable de la succession, suivant exploit d'huissier du 20 février 2018, MM. [W] et [E] [P] ont fait assigner Mme [N] [P] devant le tribunal de grande instance de Brest afin que soient ordonnées les opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Mme [B] [P].
Dans ce contexte, les demandeurs s'estimaient également créanciers sur la succession, chacun, au titre d'une créance de salaire différé :
-pour [W] [P] pour avoir travaillé sur l'exploitation du 1er janvier 1988 au 30 mai 1991 : 45.151,25 euros,
-pour [E] [P] pour avoir travaillé sur l'exploitation du 1er mai 1976 au 2 novembre 1977 : 19.822,50 euros.
Les parties n'étant pas parvenues à un accord lors de la médiation ordonnée par le juge de la mise en état, c'est par jugement en date du 4 décembre 2019 que le tribunal de grande instance de Brest a :
-ordonné les opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de Mme [B] [P],
-commis pour y procéder Me [S] [M], notaire à [Localité 11],
-dit que M. [E] [P] est redevable à l'égard de l'indivision d'une indemnité d'occupation depuis le décès de Mme [B] [D] veuve [P] pour la jouissance du bien situé à [Localité 12] à [Localité 7] (56), cadastré section ZC n°[Cadastre 5], pour approximativement un hectare et des terres agricoles situées à [Localité 7] cadastrées section ZC n°[Cadastre 5] pour approximativement 11 Ha et 80 a,
-fixé à 19.822,50 euros le montant de la créance de salaire différé de M. [W] [P] à l'égard de la succession de Mme [B] [P],
-débouté M. [E] [P] de sa demande de fixation d'une créance de salaire différé,
-débouté MM. [E] et [W] [P] du surplus de leurs demandes,
-débouté Mme [N] [P] du surplus de ses demandes.
M. [E] [P] a interjeté appel du jugement de première instance le 26 décembre 2019, n'intimant que Mme [N] [P] (RG n°19/08339). Il a ensuite formé un nouvel appel de ce jugement le 17 mars 2020 (RG n°20/01856), intimant cette fois ses deux cohéritiers, Mme [N] [P] et M. [W] [P].
Le 23 mars 2020, il a sollicité la jonction des déclarations d'appel portant les numéros RG 19/08339 et 20/01856.
Mme [N] [P] a soulevé un incident concernant l'irrecevabilité du premier appel, faute d'intimation de toutes les parties et de la deuxième déclaration d'appel en ce qu'elle est dirigée à son encontre.
Par une ordonnance du 14 décembre 2020, le conseiller de la mise en état a :
-ordonné la jonction des procédures enregistrées sous les numéros RG 19/08339 et RG 20/01856,
-constaté que la première déclaration d'appel a été régularisée par l'appel à la cause de [W] [P] de sorte qu'elle n'est pas irrecevable,
-dit n'y avoir lieu à irrecevabilité de la seconde déclaration d'appel,
-rejeté en conséquence la demande formulée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
-dit que les dépens des incidents suivront le sort de ceux de l'instance au fond.
Dans ses dernières conclusions au fond transmises le 9 juillet 2021, M. [E] [P] demande à la cour de :
-Déclarer irrecevable, par application de l'article 122 du Code de procédure civile, la demande tendant à ce qu'il soit mis à la charge de M. [E] [P] le règlement d'une indemnité d'occupation,
-Condamner M. [W] [P] et Mme [N] [P] in solidum à payer à M. [E] [P] la somme de 3.000 euros, en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
-Condamner M. [W] [P] et Mme [N] [P] in solidum en tous les dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Larmier Tromeur Dussus, avocats.
Dans ses dernières conclusions au fond transmises le 25 mai 2021, Mme [N] [P] épouse [H] demande à la cour de :
-Déclarer irrecevable la demande relative à la nullité du testament olographe,
-Confirmer le jugement dont appel et débouter M. [E] [P] de l'ensemble de ses demandes,
-Décerner acte à Mme [P] de ce qu'elle s'en rapporte à la justice sur la demande d'indemnité au titre des travaux de conservation présentée en cause d'appel par M. [W] [P],
-Condamner M. [E] [P] à payer à Mme [N] [P] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions au fond transmises le 5 janvier 2021, M. [W] [P] demande à la cour de :
-Déclarer irrecevable la demande relative à la nullité du testament olographe en ce qu'elle ne figure pas dans les chefs du jugement critiqués,
Confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,
-Débouter M. [E] [P] de toutes ses demandes plus amples ou contraires,
-Dire et juger que M. [W] [P] est titulaire d'une créance de 1.300 euros sur la succession de feue Mme [B] [P] au titre des dépenses de conservation réalisées sur le bien situé au lieudit [Localité 12] à [Localité 7]), cadastré section ZC, n°[Cadastre 5],
-Dire et juger que le notaire en charge de la succession procèdera aux opérations de compte, liquidation et partage sur la base des dispositions du jugement,
-Condamner M. [E] [P] à verser à M. [W] [P] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
-Condamner M. [E] [P] à supporter les entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Il est renvoyé aux conclusions susvisées pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions des parties, en application de l'article 455 alinéa 1er du Code de procédure civile.
SUR CE,
1°/ Sur la nullité du testament olographe :
Aux termes de l'article 954 al 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.
En l'espèce, il n' y a pas lieu de statuer sur la validité du testament olographe de [B] [D] veuve [P] en date du 19 décembre 2012 dès lors que dans le dispositif de ses dernières conclusions, M. [E] [P] n'a formé aucune demande en nullité de cet acte.
N'étant saisie d'aucune demande, la cour n'a pas davantage à statuer sur la fin de non recevoir fondée sur l'article 901 du code de procédure civile opposée par M. [W] [P] et Mme [N] [P] épouse [H].
2°/ Sur la créance de salaire différé de M. [E] [P]
M. [E] [P] revendique une créance de salaire différé d'un montant de 45.152,25 euros au titre de sa participation à l'exploitation de sa mère, entre le 1er janvier 1988 et le 30 mai 1991, date à laquelle il s'est établi en qualité d'exploitant.
Force est cependant de constater qu'aux termes du dispositif de ses conclusions, l'appelant ne forme aucune demande tendant à la réformation du jugement et à la fixation d'une créance de salaire différé.
Les intimés sollicitent quant à eux la confirmation du jugement.
Par conséquent, le jugement déféré ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a débouté M. [E] [P] de sa demande de fixation d'une créance de salaire différé.
3°/ Sur l'indemnité d'occupation due par M. [E] [P]
En cause d'appel, M. [E] [P] soulève l'irrecevabilité de la demande tendant à ce que soit mise à sa charge une indemnité d'occupation au titre de la jouissance exclusive du bien indivis situé [Localité 12] à [Localité 7], celle-ci n'étant pas chiffrée.
Mme [N] [P] épouse [H] et M. [W] [P] concluent à la confirmation du jugement de ce chef.
Aux termes de l'article 815-9 alinéa 2 du Code civil : « l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité ».
En l'espèce, il est constant que M. [E] [P] jouit de manière exclusive des terres agricoles (11ha80 ca) et de la maison d'habitation attenante (1ha), cadastrées section ZC n°[Cadastre 5] lieu dit [Localité 12] à [Localité 7].
Contrairement à ce que soutient M. [E] [P], il est constant qu'une demande en justice non chiffrée n'est pas de ce seul fait, irrecevable ( Civ 2ème 14 décembre 2006, n°05-20.304)
Ainsi, la demande au titre de l'indemnité d'occupation, formée en première instance par Mme [N] [P] épouse [H] est-elle parfaitement recevable, bien que non chiffrée.
Il est d'ailleurs observé qu'aux termes de ses conclusions de première instance, M. [E] [P] demandait lui-même au tribunal de renvoyer au notaire le chiffrage de l'indemnité dont il se reconnaissait redevable à l'égard de l'indivision.
La fin de non recevoir soulevée par M. [E] [P] ne peut qu'être rejetée.
Force est de constater qu'aux termes du dispositif de ses conclusions, l'appelant ne forme aucune demande subsidiaire au fond tendant à la réformation du jugement, que ce soit dans le sens d'un débouté ou de la fixation du montant de l'indemnité d'occupation.
Les intimés sollicitent quant à eux la confirmation du jugement.
Par conséquent, le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a dit que M. [E] [P] est redevable à l'égard de l'indivision d'une indemnité d'occupation depuis le décès de Mme [B] [D] veuve [P] pour la jouissance du bien situé à [Localité 12] à [Localité 7] (56), cadastré section ZC n°[Cadastre 5], pour approximativement un hectare et des terres agricoles situées à [Localité 7] cadastrées section ZC n°[Cadastre 5] pour approximativement 11 Ha et 80 a, en renvoyant le chiffrage de cette indemnité d'occupation au notaire.
4)/ Sur la créance de M. [W] [P] :
M. [W] [P] s'estime créancier à l'égard de la succession à hauteur de 1.300 euros au titre des travaux conservatoires réalisés sur la toiture du bien indivis de Kernevo.
M. [E] [P] soutient que cette demande d'indemnité est mal-fondée, en ce qu'elle ne concerne pas la partie du bien qu'il occupe. Il ajoute qu'au vu de la faiblesse des sommes engagées et de la dégradation avancée des toitures, il ne peut s'agir de travaux ayant permis la conservation des bâtiments.
Mme [N] [P] épouse [H] indique qu'elle s'en rapporte à justice sur le bien-fondé de cette demande, en précisant qu'elle est nouvelle en cause d'appel.
Il est admis qu'en matière de partage de succession, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse ( Civ 1ère, 25 septembre 2013, n°12-21.280).
Il en résulte que la demande de M. [W] [P] ne se heurte à aucune irrecevabilité sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile.
Par ailleurs, aux termes de l'article 815-13 du Code civil : « lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés. Inversement, l'indivisaire répond des dégradations et détériorations qui ont diminué la valeur des biens indivis par son fait ou par sa faute ».
En l'espèce, M. [W] [P] justifie avoir réglé la somme de 1.300 euros pour des travaux sur la toiture d'un bâtiment du bien situé à [Localité 12] ([Localité 7]). Il importe peu de savoir qui occupe le bâtiment effectivement concerné par cette intervention, dès lors que conformément aux dispositions citées, les travaux ont bien été réalisés sur un bien indivis, dont il n'est pas contesté que les toitures sont en très mauvais état.
Il sera donc fait droit à la demande de M. [W] [P] de voir fixer sa créance à hauteur de 1.300 euros dans la succession de [B] [P].
5°/ Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Les dépens seront déclarés frais privilégiés de partage.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile, les parties seront par conséquent déboutées de leurs demandes sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Constate que la cour n'est saisie d'aucune demande en nullité du testament olographe [B] [D] veuve [P] en date du 19 décembre 2012 ;
Rejette la fin de non recevoir soulevée par M. [E] [P] s'agissant de la demande au titre de l'indemnité d'occupation ;
Confirme le jugement rendu le 04 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Brest en toutes ses dispositions,
Y additant,
Dit que M. [W] [P] est titulaire d'une créance sur la succession de [B] [D] veuve [P], à hauteur de 1.300 euros, au titre des travaux de conservation du bien indivis,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage,
Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE