3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°428
N° RG 20/00708 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QN65
SELARL ERWAN FLATRES
C/
M. [U] [W]
SARL ECR ENVIRONNEMENT GROUPE
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me DEMIDOFF
Me POMIES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller, rapporteur
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et Madame Julie Rouet lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 07 Juin 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
SELARL ERWAN FLATRES, es qualité de liquidateur judiciaire de la société TG HOLDING SARL immatriculée sous le numéro 819 888 009 du registre du commerce et des sociétés de LORIENT
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Eric DEMIDOFF de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Julien MAFFARD de la SELAS FIDAL, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Monsieur [U] [W]
né le 03 Mai 1969 à [Localité 5]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Julien FANEN substituant Me Olivier POMIES de la SELARL SOCIETE JUDICIAIRE DE L'ATLANTIQUE - SJA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
Société ECR ENVIRONNEMENT GROUPE, SARL immatriculée sous le numéro 423 191 303 du registre du commerce et des sociétés de LORIENT, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Julien FANEN substituant Me Olivier POMIES de la SELARL SOCIETE JUDICIAIRE DE L'ATLANTIQUE - SJA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER
*****
FAITS ET PROCÉDURE
La société Solor était détenue par la société ECR Environnement Groupe (ci-après la société ECR) et par M. [U] [W].
Suivant protocole en date du 25 février 2016, la société ECR et M. [W] s'engageaient à céder l'intégralité des titres de la société Solor à M. [L] [Y] ou à toute société que celui-ci voudrait se substituer.
Cette cession était prévue moyennant un prix provisoire de 600.000 euros fixé sur la base des capitaux propres de référence arrêtés au 30 juin 2015, et envisageait un ajustement de prix à due concurrence de la variation négative qui serait éventuellement constatée entre les capitaux propres tels qu'ils ressortiraient du bilan de cession à arrêter au 31 mai 2016 et les capitaux propres de référence.
Plusieurs conditions suspensives étaient prévues, dont la réalisation d'un audit financier, comptable, juridique, assurantiel, informatique et commercial à réaliser par le cessionnaire.
L'ensemble des conditions suspensives ayant été levées, la cession définitive intervenait par acte du 13 juin 2016 au profit de la société TG Holding, société substituée à M. [Y], toujours au prix provisoire convenu de 600.000 euros.
Suivant acte du même jour, les cédants régularisaient une convention de garantie d'actif et de passif au profit de la cessionnaire, d'un montant maximal de 200.000 euros.
En l'absence d'accord des parties quant au prix définitif de vente, un compromis d'arbitrage était signé entre les parties le 30 novembre 2016.
Suivant sentence en date du 31 mars 2017, l'arbitre désigné fixait le prix définitif de la cession à la somme de 575.060 euros.
Un acte complémentaire de cession était établi le 27 avril 2017 homologuant ce prix, et les trop-perçus correspondants restitués par les cédants.
Par acte du 23 juin 2017, la société TG Holding faisait assigner la société ECR et M. [W] devant le tribunal de commerce de Lorient aux fins de voir prononcer la nullité ou la résolution de la cession de titres du 13 juin 2016.
Le 25 août 2017, la société Solor était placée en liquidation judiciaire.
Il en était de même de la société TG Holding le 22 septembre 2017.
La Selarl Erwan Flatrès, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société TG Holding (ci-après la Selarl Flatrès ès qualités), intervenait alors à l'instance.
Par jugement du 23 décembre 2019, le tribunal :
- jugeait que la société ECR et M. [W] ne s'étaient pas rendus coupables de manoeuvres dolosives dans l'émission des factures de la société Solor ;
- jugeait que la société ECR et M. [W] ne s'étaient pas rendus coupables de manoeuvres dolosives en s'abstenant d'informer la société TG Holding de l'émission des factures produites dans le cadre du litige l'opposant à la société Spie ;
- jugeait que la société ECR et M. [W] ne s'étaient pas rendus coupables de manoeuvres dolosives en s'abstenant d'informer la société TG Holding de la rupture des relations commerciales entre la société Solor et la société Spie;
- en conséquence, déboutait la Selarl Flatrès ès qualités de sa demande en nullité de la cession des titres de la société Solor ;
- jugeait que la société ECR et M. [W] n'avaient pas fait échec aux prétentions de la société TG Holding dans le cadre de la procédure de fixation du prix de cession définitive ;
- jugeait que la société ECR et M. [W] n'avaient pas exécuté de manière déloyale le protocole de cession ;
- jugeait que M. [W] n'avait pas manqué à son obligation de garantie d'éviction ;
- en conséquence, déboutait la Selarl Flatrès ès qualités de sa demande en résolution de la cession des titres de la société Solor ;
- le déboutait de ses demandes en restitution réciproques;
- déboutait la société ECR et M [W] de leurs demandes reconventionnelles en dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- les déboutait également de leur demande tendant à voir constater le désistement de la Selarl Erwan Flatrès ès qualités à l'encontre de M. [W];
- condamnait la Selarl Flatrès ès qualités à payer 4.000 euros à la société ECR et 2.000 euros à M. [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- déboutait les parties du surplus de leurs demandes ;
- condamnait la Selarl Flatrès ès qualités aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 28 janvier 2020, la Selarl Flatrès ès qualités interjetait appel de cette décision.
L'appelante notifiait ses dernières conclusions le 13 octobre 2020, les intimés les leurs le 17 juillet 2020.
La clôture de la mise en état intervenait par ordonnance du 5 mai 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La Selarl Flatrès ès qualités demande à la cour de :
Vu les articles 1116, 1134 et 1184 anciens du code civil,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société ECR et M. [W] de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- l'infirmer pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
A titre principal :
- dire et juger qu'en dissimulant la présence de factures non sincères au sein de la comptabilité Solor et en refusant de transmettre les archives des factures émisesou réglées par la société Solor antérieurement à la cession, la société ECR et M. [W] se sont rendus coupables de man'uvres dolosives ;
- dire et juger qu'en s'abstenant d'informer la société TG Holding de l'émission des factures produites dans le cadre du litige opposant la société Solor à la société Spie, la société ECR et M. [W] se sont rendus coupables de man'uvres dolosives ;
- dire et juger que la société ECR et M. [W] se sont rendus coupable de man'uvres dolosives en déclarant faussement dans la convention de garantie que les comptes étaient réguliers et sincères et donnaient une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de la société durant toute la période concernée ;
- dire et juger que la société ECR et M. [W] se sont rendus coupables de man'uvres dolosives en déclarant faussement dans la convention de garantie que la société a toujours respecté les clauses et conditions de ses contrats ;
- dire et juger qu'en s'abstenant d'informer expressément la société TG Holding de la rupture par la société Spie des relations commerciales qu'elle entretenait avec la société Solor dont elle était un client principal, la société ECR et M. [W] se sont rendus coupables de man'uvres dolosives ;
En conséquence,
- prononcer la nullité de la cession et ordonner les restitutions réciproques ;
A titre subsidiaire :
- dire et juger que la société ECR et M. [W] ont frauduleusement et de manière déloyale fait échec aux prétentions de la société TG Holding dans le cadre dela procédure de fixation du prix de cession définitive ;
- dire et juger que la société ECR et M. [W] ont exécuté de manière déloyale le protocole de cession;
- dire et juger qu'en s'abstenant de restituer à la société TG Holding les archives et la comptabilité de la société Solor, la société ECR et M. [W] n'ont pas exécuté loyalement leurs obligations au titre du protocole de cession ;
En conséquence,
- prononcer la résolution de la cession et ordonner les restitutions réciproques;
A titre infiniment subsidiaire :
- dire et juger qu'en oeuvrant à la création d'une société concurrente de celle qu'il venait de céder, en collaborant avec les salariés de celle-ci ainsi qu'avec ses sous-traitants afin de leur fournir les éléments essentiels à cette création, M [W] s'est rendu coupable d'agissements de nature à empêcher la société TG Holding de poursuivre l'activité économique de la société Solor et d'en réaliser l'objet social ;
- dire et juger que M. [W] a ainsi manqué à son obligation de garantie d'éviction ;
- en conséquence, prononcer la résolution de la cession et ordonner les restitutions réciproques ;
En toute hypothèse,
- ordonner les restitutions suivantes ;
- condamner la société ECR à payer à la Selarl Flatrès ès qualités une somme de 571.226,27 euros ;
- décerner acte à la Selarl Flatrès ès qualités de ce qu'elle s'engage à remettre à la société ECR un ordre de mouvement portant sur le transfert de la pleine propriété de 149 actions de la société Solor ;
- condamner M. [W] à payer à la Selarl Flatrès ès qualités une somme de 3.833,73 euros ;
- décerner acte à la Selarl Flatrès ès qualités de ce qu'elle s'engage à remettre à M. [W] un ordre de mouvement portant sur le transfert de la pleine propriété d'une action de la société Solor ;
- condamner solidairement la société ECR et M. [W] à payer à la Selarl Flatrès ès qualités une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de même qu'aux entiers dépens ;
- à défaut de réglement spontané des condamnations prononcées dans l'arrêt à intervenir, condamner la société ECR et M. [W] à payer à la société TG Holding le montant des sommes retenues par l'huissier chargé de l'exécution forcée au titre de l'article 10 du décret n° 96-1080 du 12 décembre 1996 (tarif des huissiers), modifié par le décret n° 2001-212 du 8 mars 2001, en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
Au contraire, la société ECR et M. [W] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Statuant à nouveau,
- condamner la Selarl Flatrès ès qualités à leur payer une somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;
- confirmer le jugement pour le surplus de ses dispositions ;
- condamner la Selarl Flatrès es qualités à leur verser à chacun la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile:
- la condamner aux dépens.
Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I - Sur la demande de la Selarl Flatrès ès qualités tendant à la nullité de la cession de titres pour manoeuvres dolosives :
L'article 1116 du code civil, dans sa rédaction et sa numérotation applicables au litige, dispose':
'Le dol est une cause de nullité de la convention lorque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté.
Il ne se présume pas et doit être prouvé.'
Le dol suppose donc, de la part de son auteur, une intention de tromper le consentement de l'autre partie pour l'amener à contracter alors qu'elle s'en serait abstenue en l'absence de cette tromperie.
Il peut prendre la forme, soit de manoeuvres actives, soit d'une réticence dolosive, notamment d'une rétention d'informations importantes qui, si elles avaient été connues de l'autre partie, l'auraient dissuadée de s'engager.
Ainsi, le dol n'est une cause de nullité d'un contrat que pour autant qu'il ait été déterminant du consentement de la partie trompée à contracter.
A - Sur la 'fausse facture' BCM :
La Selarl Flatrès ès qualités explique avoir découvert une fausse facture d'un montant de 8.529euros, prétendument émise par la société BCM alors qu'elle relève en réalité d'une falsification commise par les dirigeants de la société Solor.
De leur côté, la société ECR et M. [W], qui contestent toute falsification, admettent tout une plus une 'erreur mineure', au demeurant sans conséquence pour la société Solor puisque, selon les intimés, la facture erronée n'a donné lieu à aucun règlement de la part de celle-ci.
En tout état de cause, la cour observe :
- que la facture en cause, d'un montant de 8.529 euros TTC seulement, est sans commune mesure avec le prix global de vente des titres de la société Solor, cédés moyennant un prix définitif de 575.060euros ;
- qu'à supposer même que cette facturation ait porté préjudice aux intérêts de la société Solor, celle-ci avait la possibilité de s'en prévaloir pour mobiliser la garantie d'actif et de passif souscrite à son profit, ce qu'elle s'est abstenue de faire ;
- qu'en toute hypothèse, il n'est pas démontré que, dûment informée en temps utile de l'existence de ce qu'elle qualifie de fausse facture, la société TG Holding aurait renoncé à acquérir les titres de la société Solor, la somme en cause n'ayant en effet qu'un impact mineur sur le prix global de l'opération et, par ailleurs, pouvant être récupérée par la cessionnaire dans le cadre de la garantie dont celle-ci bénéficiait.
Ainsi, la Selarl Flatrès ès qualité ne justifie pas du caractère déterminant de la fraude alléguée sur le consentement de la société TG Holding à acquérir les titres de la société Solor.
B - Sur les factures émises à tort par la société Solor à l'ordre de la société Spie :
La Selarl Flatrès ès qualités reproche aux cédants d'avoir émis à tort un certain nombre de factures à l'ordre de la société Spie, pour un montant total de 97.558,40 euros, que celle-ci a depuis dénoncées et dont elle a finalement obtenu le remboursement à l'issue d'une action en répétition de l'indu.
Il résulte en effet des pièces du dossier qu'après avoir indûment facturé la société Spie, son donneur d'ordres, du montant de travaux dont elle avait déjà été réglée directement par le maître de l'ouvrage, la société Solor a été condamnée, par arrêt de la cour d'appel de Rennes en date du 30 janvier 2020, à rembourser la somme correspondante à la société Spie.
Pour autant, la Selarl Flatrès ès qualités ne saurait reprocher aux cédants d'avoir dissimulé cette situation à la cessionnaire et, par là même, d'être responsable d'une réticence dolosive.
En effet, l'article 1.10 de la convention de garantie souscrite entre les parties le 13 juin 2016 stipule expressément qu'il 'n'existe à ce jour aucun litige entre la société, ses employés, fournisseurs, concessionnaires ou des tiers quelconques, à l'exception des litiges et réclamations suivants : litige avec la société Spie relatif à une opération de sous-traitance intégralement provisionné dans les comptes au 30 juin 2015 à concurrence de 97.558 euros [...]'.
La société TG Holding était donc parfaitement informée de cette difficulté et du risque que la société Solor puisse être tenue de rembourser ladite somme à la société Spie.
Il ne saurait non plus être reproché aux deux cédants d'avoir certifié la régularité et la sincérité des comptes de la société Solor puisque, précisément, ils ont informé l'acquéreur que ces comptes étaient susceptibles d'être affectés par l'issue du litige opposant la société Solor à la société Spie.
C - Sur la dissimulation de la rupture programmée des relations commerciales entre la société Solor et son principal donneur d'ordres, la société Spie :
C'est encore à tort que la Selarl Flatrès ès qualités prétend que la société ECR et M. [W] ont dissimulé à la société TG Holding, au moment de la cession des titres, l'immicence de la rupture des relations commerciales existant jusqu'alors entre la société Solor et la société Spie.
En effet et au contraire, la société TG Holding ne pouvait pas ignorer cette rupture,puisqu'elle avait été informée du litige opposant les deux sociétés, une mention ayant été insérée à cet effet dans la convention de garantie souscrite accessoirement à l'acte réitératif de cession.
Dès lors, la société TG Holding ne pouvait pas ignorer que ce litige allait entraîner une rupture entre la société Solor et la société Spie, définitivement fâchées par suite du procès qui les opposait.
Au demeurant, la rupture était déjà consommée avant même qu'intervienne la cession définitive, ce dont la société TH Holding était nécessairement informée puisqu'ayant réalisé, avant même la réitération de la vente, un audit des comptes de la société Solor qui mettait en évidence, déjà au cours du dernier exercice, un effondrement de la part du chiffre d'affaires réalisé par la société Solor auprès de la société Spie (0,4 % contre 28 % au cours de l'exercice précédent).
La société TH Holding était donc parfaitement informée de la rupture, non pas programmée mais déjà achevée, entre la société Solor et celle qui avait été jusqu'alors son principal donneur d'ordre.
Dès lors, aucune réticence dolosive ne saurait être reprochée aux vendeurs de ce chef.
En définitive, la Selarl Flatrès ès qualités ne justifie d'aucune manoeuvre ou réticence dolosive, ni de la part de la société ECR, ni de la part de M. [W], qui puisse justifier l'annulation de la vente des titres de la société Solor.
Le jugement sera confirmé en ce sens.
II - Sur la demande en résolution de la vente :
A - Pour exécution déloyale du protocole de cession :
L'article 1134 ancien du code civile dispose :
'Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.'
L'article 1184 ajoute :
'La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.
La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.'
En l'occurrence et pour justifier sa demande de résolution de la vente des titres, la Selarl Flatrès ès qualités reproche aux cédants d'avoir 'manipulé' la comptabilité de la société Solor dans le but de faire échec aux prétentions de la société TG Holding dans le cadre de la détermination du prix définitif de cession.
A l'appui de cette affirmation, elle dénonce diverses irrégularités comptables qui, selon elle, ont eu pour effet de diminuer la valeur des titres et qui, par suite, auraient dû justifier une minoration d'autant du prix définitif de cession.
Cependant et ainsi que les intimés le font valoir à juste titre, cette argumentation, déjà développée par voie de conclusions devant l'arbitre, ne tend qu'à remettre en cause la sentence rendue par celui-ci, alors même que la société TG Holding en a accepté toutes les conclusions en signant, en date du 27 avril 2017, l'acte complémentaire de cession qui a homologué le prix définitif de vente des titres tel qu'arrêté par l'arbitre à la somme de 575.060 euros.
Dès lors, aucun manquement ne saurait être reproché aux cédants dans l'exécution de leurs engagements contractuels, puisqu'ils se sont pliés à la procédure convenue entre les parties pour le cas d'un désaccord quant au prix définitif de cession.
B - Pour dissimulation d'archives :
C'est encore vainement que la Selarl Flatrès ès qualités fait valoir que les cédants refusent de lui transmettre les archives de la société Solor, ce qui la priverait de la posibilité de vérifier la présence éventuelle d'autres factures litigieuses.
En effet, il faut rappeler que la vente des titres a été consentie sous la condition suspensive de la réalisation d'un audit complet, financier, comptable, juridique, assurantiel, informatique et commercial, à la charge de la cessionnaire.
Or, cette condition a été levée puisque la société TG Holding a réitéré l'acte de cession, la cessionnaire étant donc réputée avoir eu accès à tous les documents dont elle avait besoin pour réaliser son audit.
Ainsi, c'est de manière purement opportuniste qu'elle prétend désormais que les cédants auraient manqué à leurs obligations en omettant de lui communiquer certains documents, sans même dire précisément lesquels.
C - Pour manquement à la garantie d'éviction :
La Selarl Flatrès ès qualités reproche encore à M. [W] d'avoir manqué à sa garantie d'éviction à l'égard de la société TG Holding en permettant à d'anciens salariés de la société Solor de créer une entreprise concurrente, la société Air 8.
Elle lui reproche ainsi d'avoir enfreint les dispositions des articles 1626 et suivants du code civil.
Cependant et ainsi que le tribunal l'a justement relevé, il ne résulte pas des pièces du dossier que, par son fait personnel, M. [W] ait participé à la création de cette société concurrente, étant en effet rappelé :
- qu'il est constant que M. [W] ne dispose d'aucune participation directe ou indirecte dans la société Air 8 (en ce sens les pièces n° 18 et 19 de l'appelante) ;
- que les échanges électroniques intervenus entre M. [W] et l'un des futurs associés de la société Air 8 ne témoignent pas non plus de ce qu'il ait sciemment aidé à la création d'une entreprise concurrente de celle qu'il venait de céder ; au demeurant, les seules pièces transmises par M. [W] à son interlocuteur, en particulier un modèle de statuts sociaux, n'étaient pas en elles-mêmes de nature à permettre la création d'une société concurrente, ce d'autant plus que l'intéressé s'était borné à informer M. [W] de son projet de créer un 'BE' (bureau d'études) sans plus de précisions quant à l'activité de celui-ci, tel n'étant pas en toute hypothèse l'objet de la société Solor, qui est une entreprise opérationnelle d'aménagement, de terrassement et de transport d'énergie ainsi qu'il résulte des mentions de son extrait Kbis ;
- que M. [W] n'est pas davantage responsable du départ de salariés et sous-traitants de la société Solor partis constituer ensemble la société Air 8, dont la Selarl Flatrès ès qualités affirme qu'elle exerce désormais une activité concurrente de celle de la société Solor.
Dès lors, il n'est pas démontré que M. [W] ait manqué à sa garantie d'éviction.
III - Sur les autres demandes :
Echouant dans sa demande de nullité ou de résolution de la vente des titres de la société Solor, la Selarl Flatrès ès qualités ne pourra qu'être déboutée de sa demande subséquente tendant aux restitutions réciproques des titres ainsi que des prix correspondants.
Bien que les demandes formées par la Selarl Flarès ès qualités soient rejetées, pour autant il n'est pas établi qu'elles procèdent d'un abus de procédure au sens des articles 1240 du code civil ou 32-1 du code de procédure civile. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société ECR
et M. [W] de leurs demandes reconventionnelles en dommages-intérêts pour procédure abusive.
Le jugement sera encore confirmé en ce qu'il a condamné la Selarl Flatrès ès qualités à payer une somme de 4.000 euros à la société ECR et une somme de 2.000 euros à M. [W] au titre des frais irrépétibles de première instance.
Y ajoutant, la cour condamnera la Selarl Flatrès ès qualités à leur payer, respectivement, les sommes complémentaires de 3.000 euros et 1.500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
Enfin, partie perdante, la Selarl Flatrès ès qualités supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
- confirme le jugement en toutes dispositions;
- y ajoutant :
* déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
* condamne la Selarl Erwan Flatrès, en qualité de liquidateur judiciaire de la société TG Holding, à payer à la société ECR Environnement Groupe une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
* condamne la Selarl Erwan Flatrès, en qualité de liquidateur judiciaire de la société TG Holding, à payer à M. [U] [W] une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
* condamne la Selarl Erwan Flatrès, en qualité de liquidateur judiciaire de la société TG Holding, aux entiers dépens de la procédure d'appel.
Le greffierLe président