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06/09/2022 | FRANCE | N°20/00508

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 06 septembre 2022, 20/00508


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N°427



N° RG 20/00508 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QNJX













SAS SOCIETE FRANCAISE DE VIANDES (SFV)



C/



SAS JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES



























































Copie exécutoire délivrée



le :



à : Me PAUB

LAN

Me BUTTIER











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, Rapporteur

Assesseur : Monsieur Dominique GA...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°427

N° RG 20/00508 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QNJX

SAS SOCIETE FRANCAISE DE VIANDES (SFV)

C/

SAS JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me PAUBLAN

Me BUTTIER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 06 SEPTEMBRE 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, Rapporteur

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Frédérique HABARE, lors des débats et Madame Julie Rouet lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 07 Juin 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 06 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SOCIETE FABRICATION DE VIANDES (SFV), immatriculée au RCS de QUIMPER sous le N°489.468.264, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en cette qualité au siège.

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Danaé PAUBLAN de l'ASSOCIATION LAURET - PAUBLAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉE :

Société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES, S.A.S, immatriculée au RCS de NANTES sous le n° 343 056 958, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Emilie BUTTIER de la SELARL RACINE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

La Société Française des Viandes (société SFV) a pour objet la production de viande séparée mécaniquement et de viande issue de coproduits carnés.

L'ensemble de sa production est congelé, et le process de congélation nécessite la présence d'un échangeur à plaques.

La société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES (société JCI) exerce une activité de conception, de fabrication et de maintenance d'installations frigorifiques.

En 2003, JCI a mis en service une installation frigorifique au sein des locaux de SFV comprenant un échangeur à plaques de marque ALFA LAVAL.

En juillet 2008, des fuites d'ammoniac ont été constatées sur cet échangeur, et un échangeur de même technologie de marque THERMOWAVE a été installé le 7 août 2008 par JCI.

En mai 2009, des fuites d'ammoniac ont constatées sur cet échangeur THERMOWAVE, dont les joints étaient inadaptés aux conditions de températures élevées (l50°C) dans lesquelles SFV utilise cet échangeur.

En juin 2009, JCI a réinstallé cet échangeur après le changement des joints par THERMOWAVE, qui a reconnu dans le cadre de la garantie avoir installé des joints inadaptés.

En septembre 2012, JCI a préconisé le remplacement des joints de l'échangeur, à prévoir tous les trois ans au regard des températures d'utilisation du matériel très élevées.

Un débat a opposé les sociétés JCI et SVF, SVF considérant qu'elle aurait dû être avisée de la nécessité de procéder à des changements de joints réguliers, JCI soutenant qu'il s'agissait d'une opération de maintenance normale.

Une déclaration de sinistre a été réalisée et le cabinet POLYEXPERT mandaté a conclu le 14 décembre 2012 à une incompatibilité des joints de l'échangeur avec les conditions d'utilisation du matériel par SFV.

Compte tenu du coût élevé du changement des joints, JCI a conseillé à SFV l'installation d'un échangeur de marque VAHTERUS à plaques soudées pour économiser le coût régulier du remplacement des joints.

L'installation a été commandée le 13 septembre 2012, et installée le 9 décembre 2012 au prix de 32.367 euros HT au lieu de 37.328 euros, JCI ayant consenti une remise à titre commercial de

4.981 euros pour compenser les désagréments et les coûts engendrés.

En juin 2013, une fuite d'ammoniac a été constatée sur l'échangeur VAHTERUS.

Dans ce contexte, SFV, JCI et VEOLIA WATER, société prestataire de SFV pour le

traitement de l'eau utilisée dans L4échangeur, se sont réunies le 9 août 2013, entretien au cours duquel il a été précisé la nécessité de procéder à un traitement de l'eau compatible avec les plaques en inox de l'échangeur ; en effet, SFV utilise de l'eau de la nappe phréatique chlorée par VEOLIA WATER.

Pour éviter tout arrêt de production, JCI a procédé au remplacement du premier échangeur VAHTERUS en cause, par un second échangeur VATHERUS le 22 août 2013, à ses frais avancés et avant de connaître les responsabilités liées à la fuite.

Dans son rapport établi le 21 octobre 2013, VAHTERUS a confirmé que la fuite constatée sur

ce premier échangeur VAHTERUS à plaques soudées avait été causée par une corrosion sous

contraintes due notamment à l'eau chlorurée utilisée dans l'échangeur et aggravée par la

température élevée de l'eau.

Le 22 juillet 2014, une fuite est également apparue sur ce second échangeur VAHTERUS installé en août 2013.

Le 28 juillet 2014, un procès verbal de constat a été dressé par Maître Le MEUR, huissier de

justice, relevant une non conformité de température des marchandises eu égard aux exigences

réglementaires et sanitaires.

En parallèle, le CETIM mandaté par JCI pour trouver les origines de ces fuites, a confirmé le 1er août 2014 les explications de l'expertise de VAHTERUS, imputant les origines des fissures à une corrosion sous contraintes due en majeure partie à l'utilisation d'une eau présentant des chlorures à une température très élevée.

Dans ce contexte, SFV et JCI ont échangé par mails entre juillet 2014 et janvier 2015 pour

évoquer différentes options, trouver la meilleure solution pérenne et voir comment répartir les

charges entre les deux parties.

Le 1er septembre 2014, un troisième échangeur VAHTERUS, aux caractéristiques proches de l'échangeur défectueux mais disponible sans délai a été installé pour éviter tout arrêt de production, et de manière provisoire, en attendant la mise en oeuvre d'une solution pérenne. SFV en aurait expressément accepté le coût de 44.000 euros HT le 5 août 2014.

SFV n'a pas procédé au règlement de cette facture.

En complément de cette installation provisoire, JCI a préconisé le 1er octobre 2014 la mise en

place d'un « désurchauffeur '' en amont de l'échangeur VAHTERUS, pour baisser la

température de l'eau dans l'échangeur.

Par ailleurs, dans des mails échangés avec SFV dès juillet/août 2014, JCI, au regard des causes mises en évidence dans les conclusions des expertises de VAHTERUS et du CETIM,

a proposé en solution pérenne l'installation d'un échangeur en titane.

JCI a évalué à la somme de 68.379 euros HT les coûts restés à sa charge pour tenter de résoudre les problèmes des échangeurs, dont elle estime ne pas être responsable, étant imutables au traitement de l'eau. Elle a proposé de conserver à sa charge le montant des dépenses internes de 9.185 euros HT, mais de répartir en trois parts égales le solde de 59.194eurosHT pour JCI, SFV et VEOLIA WATER.

SFV n'a pas donné pas suite à cette proposition, et a fait le choix le 4 février 2015 d'une

offre de la société CLAUGER pour un échangeur échangeur en titane, installé le 7 juin 2015.

SFV a ensuite saisi le juge des référés par assignation le 2 décembre 2015 d'une

demande d'expertise et par ordonnance du 11 février 2016 , Monsieur [E] [U] a été désigné comme expert.

Ce dernier a conclu que la responsabilité contractuelle de JCI était engagée pour faire face à lensemble des préjudices subis par SFV, savoir un montant de 324.627,76 euros.

Le 15 novembre 2017, la société SFV a assigné la société JCI devant le tribunal de commerce de Quimper pour se voir indemniser de ses préjudices.

Par jugement du 06 décembre 2019, le tribunal de commerce de Quimper a:

- jugé les demandes de la SAS Société Française de Viandes (SFV) irrecevables au motif de

leur prescription et forclusion,

- débouté la SAS Société Française de Viandes (SFV) de Pensemble de ses demandes, fins

et conclusions,

- condamné la SAS Société Française de Viandes (SFV) à payer à la SAS JOHNSON

CONTROLS INDUSTRIES la somme de 52.800 euros,

- condamné la SAS Société Française de Viandes (SFV) à payer à la SAS JOHNSON

CONTROLS INDUSTRIES la somme de 68.383 euros,

- prononcé l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

- débouté les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la SAS Société Française de Viandes à payer à la SAS JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de

procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Appelante de ce jugement, la société SFV, par conclusions du 25 juin 2021, a demandé que la Cour:

- réforme le jugement dont appel.

- déclare les demandes de la SAS FABRICATION DE VIANDES recevables ;

- dise que la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES a engagé sa

responsabilité contractuelle vis-à-vis de la SAS SFV ;

- condamne la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES à payer à la SAS SFV la somme de 108 855 euros HT, augmentées du taux de TVA applicable au jour de la reddition de l'arrêt, à titre de dommages et intérêts au titre du remplacement des échangeurs du fait du manquement à l'obligation de conseil de la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES ;

- condamne la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES à payer à la société SFV la somme de 305.262,80 euros en réparation de son préjudice d'exploitation avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir jusqu'à parfait paiement ;

- dise que l'ensemble de ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du

jugement intervenir jusqu'à parfait paiement;

- subsidiairement une expertise comptable et désigner tel expert qu'il plaira à cette

fin avec pour mission de :

- Prendre connaissance de l'ensemble des documents financiers de la Société

SFV de l'année 2008 à ce jour ;

- Décrire l'état financier passé et actuel de la Société SFV ;

- Décrire et chiffrer les conséquences financières et couts exposés pour la

Société SFV ;

- Au titre des différents incidents techniques survenus :

- incident de mai 2009,

- incident du 28/08/2012,

- incident du 03/06/2013,

- incident du 22/07/2014 avec limitation de la production du 22/07/2014 au

30/08/2014

- pertes de produits suite à l'incident du 29/07/2014,

- au titre du remplacement des échangeurs du fait du manquement à l'obligation de

conseil de la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES ;

- Au titre des pertes d'exploitations lors des incidents techniques survenus,

- au titre de la limitation de la production sur la période du 22/07/2014 au 30/08/2014,

- Etablir et chiffrer la perte du chiffre d'affaire et bénéfices dont a fait l'objet la

Société SFV depuis le mois de mai 2009,

Déterminer tous les préjudices soufferts par la Société SFV : matériels et immatériels

consécutifs aux désordres affectant les différents échangeurs ;

- condamne la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES à payer à la somme de 68 387 euros HT au titre des frais engagés pour la recherche et la mise en place d'une solution visant à assurer la continuité de la production ;

- dise que la somme de 52 800 euros TTC correspondant au coût de l'échangeur VAHTERUS N°3 restera à la charge de la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES

- déboute la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES de toutes ses

demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires ;

- condamne la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES à payer à la société SFV la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 CPC ainsi qu'en tous les frais et dépens.

Par conclusions du 17 mai 2022, la société JCI a demandé que la Cour:

- confirme le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de QUIMPER le 6 décembre 2019 en toutes ses dispositions ;

- déclare irrecevables les demandes formulées par la SOCIETE FABRICATION DE VIANDES à hauteur de 76.488 euros correspondant au remplacement des échangeurs VAHTERUS n° 3 (44.000 euros HT) et THERMOWAVE n° 2 (32.488 euros HT) comme constituant des prétentions nouvelles en appel ;

- déclare irrecevables comme prescrites l'ensemble des demandes dirigées contre la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES,

- les déclare également mal fondées,

- les rejette,

- déclare irrecevable la demande d'expertise-comptable formulée par la SOCIETE FABRICATION DE VIANDES comme constituant une prétention nouvelle en appel et contraire aux dispositions de l'article 910-4 du Code de procédure civile,

- subsidiairement la déclare mal fondée,

- en tout état de cause condamne la société SFV à payer à la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES la somme de 112.387 euros HT avec intérêts au taux légal à compter de l'émission des factures correspondantes, ou à défaut à compter de la demande judiciaire,

- condamne la SOCIETE FABRICATION DE VIANDES à payer à la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamne la SOCIETE FABRICATION DE VIANDES aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la Cour renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION:

Sur la prescription des demandes de la société SFV:

En vertu des dispositions de l'article 2239 du code civil, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès. Elle recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée.

Il en résulte que la prescription a été suspendue par l'ordonnance du 11 février 2016, a recommencé à courir à compter du 15 décembre 2016 et a été interrompue par l'assignation au fond du 15 novembre 2017.

Ensuite, l'action de la société SFV est fondée sur les manquements de la société JCI à ses obligations de conseil et d'information en qualité de vendeur, lesquelles ne sont pas prévues par les dispositions de l'article 1147 du code civil, invoquées à tort par la société SFV, mais par les dispositions de l'article 1602 du code civil, qui oblige le vendeur à expliquer clairement ce à quoi il s'oblige et par celles de l'article 1604 du même code, l'obligation de se renseigner sur les besoins de son acquéreur étant une des modalités permettant une délivrance effective de la chose vendue.

La société JCI reconnaît dans ses conclusions que les dispositions de l'article 1604 du code civil sont applicables au litige.

Le délai de prescription de l'action de la société SFV n'est donc pas celui applicable aux vices cachés mais celui de l'article 2224 du code civil, soit cinq années à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer, tout en étant enserré dans le délai de cinq années de l'article L110-4 du code civil, courant à compter de la facturation.

Ainsi, aucun dommage apparu avant le 15 décembre 2011 ne permet d'engager une action en responsabilité ou garantie contre la société JCI.

Les fuites d'ammoniac constatées en 2008 sur l'échangeur THERMOWAVE ont donné lieu à un changement d'appareil dans le cadre de la garantie, ce dont il résulte que dès 2008, la société SFV savait que le premier appareil était défectueux.

Les fuites apparue en mai 2009 sur le second échangeur THERMOWAVE ont conduit à un changement des joints dans le cadre de la garantie, étant apparu que le fabricant de l'échangeur avait mis en place des joints supportant une température de 100 degrés alors que la commande portait sur une résistance à 150 degrés.

Dès la réparation, survenue donc en juin 2009, la société SFV connaissait donc ou aurait dû connaître l'ampleur des désordres affectant les joints et les raisons de ces désordres.

Il en résulte que sont prescrites toutes les actions relatives aux fuites survenues en 2008 et 2009 sont prescrites.

Tel est aussi le cas de l'action relative aux fuites survenues le 28 août 2012, dont l'ampleur a été révélée par l'expertise POLYEXPERT du 14 décembre 2012, cette dernière date constituant celle à laquelle la société SFV a eu connaissance des faits lui permettant d'exercer son action.

Toutefois, l'échangeur litigieux avait été facturé le 11 septembre 2008, ce dont il résulte que l'action de la société SFV était prescrite le 11 septembre 2013.

Consécutivement, seront examinées les demandes relatives aux échangeurs WATHERUS, dont le premier a été installé le 09 décembre 2012 puis facturé en janvier 2013, avec un premier sinistre (fuite d'amoniac), survenu au mois de juin 2013, le délai de prescription ayant été interrompu par l'assignation au fond du mois de novembre 2017.

Le sinistre et les responsabilités :

La société JCI, qui fournit depuis 2003 les échangeurs de la société SFV, faisant face au mécontentement de cette dernière de devoir, au minimum tous les trois ans, assumer des frais de changement de joints relativement élevés, lui a proposé fin 2012 de remplacer un échangeur 'à plaques et joints' installé en 2008 par un échangeur 'à plaques soudées', de marque WALTHERUS (dit WALTHERUS 1) qui ne nécessitait pas de maintenance de joints.

Cet échangeur a été installé au mois de décembre 2012 et facturé en janvier 2013.

Il a été intégralement payé.

De premières fuites d'amoniac sont survenues au mois de juin 2013, conduisant la société JCI, dans le cadre de la garantie contractuelle, à procéder à un échange standard et à fournir un deuxième échangeur (dit WALTHERUS 2).

Le 22 juillet 2014 sont apparues des fuites d'amoniac sur WALTHERUS 2 et la société JCI a mis en oeuvre - à titre provisoire - un échangeur WALTHERUS similaire dit WALTHERUS 3.

Parallèlement, des analyses de l'eau ont eu lieu en coordination avec VEOLIA, chargée du traitement de l'eau forée par la société SFV et la société WALTHERUS a procédé à une expertise des désordres de WALTHERUS 1.

La société JCI a aussi saisi et financé en septembre 2014 une analyse du CETIM (Centre Technique des Industries Mécaniques).

Lorsque l'expert judiciaire a été désigné, les causes techniques des sinitres étaient connues et les analyses de WALTHERUS et du CETIM convergeaient pour imputer les fuites à l'utilisation d'eau contenant des chlorures à très haute température, incompatible avec l'alliage utilisé pour l'échangeur (acier inoxydable austétinique) et engendrant corrosion et fissures, avec fuites consécutives.

Ces conclusions étaient parfaitement acceptées par toutes les parties puisque:

- la société JCI s'en était servi pour faire cinq propositions commerciales à la société SFV, permettant de pallier les inconvénients des chlorides et de la haute température,

- la société SFV a choisi un échangeur en titane, certes auprès d'un autre fournisseur, mais d'une technique identique à celle figurant sur la proposition numéro 5 de la société JCI.

Il ne peut dès lors être reproché à l'expert judiciaire de ne pas avoir mené d'autres investigations techniques sur les causes du sinistre, d'autant que lors de sinistres nécessitant des analyses physico-chimiques pour déterminer l'origine des désordres, les experts judiciaires se tournent eux-mêmes en général vers le CETIM pour les réaliser, sa compétence étant reconnue.

Il résulte donc des conclusions du CETIM et de l'analyse formée par les parties elles-mêmes que les échangeurs WALTHERUS n'étaient pas atteint d'un vice mais ne convenaient pas aux besoins de la société SFV.

Cette analyse est par ailleurs confirmée par le manuel rédigé par WALTHERUS en 2015, selon lequel l'utilisation des WALTHERUS est impossible à plus de 100 degrés si l'eau contient la moindre chlorure.

Il est toutefois regrettable que l'expert judiciaire, qui a relevé cette circonstance et a reproduit la page dans son rapport, n'ait pas vérifié si cet avertissement était déjà présent dans les manuels de 2012, 2013 et 2014, soit les manuels de ceux installés chez la société SFV.

La société JCI conteste avoir commis la moindre faute et soutient que les échangeurs en titane ne sont habituellement proposés que dans des milieux connus pour être très agressifs, par exemple les piscines, tandis que les échangeurs à plaques soudées fonctionnent dans les entreprises ayant une qualité des eaux 'usuelle', ce dont elle n'avait pas de raison de douter pour la société JFV.

Nulle partie n'a pensé à poser à l'expert la question de savoir si la composition de l'eau forée et traitée par la société JFV sortait de la norme.

La société JCI connaissait parfaitement les besoins de la société SFV, qui était sa cliente depuis une dizaine d'années.

Contrairement à ce que soutient la société SFV, les échangeurs précédents avaient normalement fonctionné :

- l'échangeur installé en 2003 a fonctionné durant cinq années, ce qui apparaît raisonnable pour un équipement industriel utilisé sans interruption tous les jours,

- l'échangeur installé en 2008 a vu ses joints changés en 2009 suite à une erreur reconnue par le constructeur (joints prévus pour une température de 100 degrés au lieu de 150 prévus contractuellement) puis a fonctionné sans interruption durant trois années avant de devoir faire l'objet d'une opération de maintenance de changement de joints.

Ils ne peuvent donc être qualifiés de défectueux et n'ont pas émis de signaux d'usure anormale qui auraient pu conduire la société JCI à vérifier la qualité de l'eau.

La SFV a la spécificité de ne pas utiliser l'eau du réseau d'eau potable mais d'utiliser l'eau issue d'un forage, qui est ensuite traitée par la société VEOLIA.

Le devoir de conseil de la société JCI doit s'analyser à l'aune de la qualité de professionnel de son client et de l'objet du contrat, soit la fourniture d'un bien nécessaire à son activité professionnelle.

Il est constant que le vendeur professionnel doit s'enquérir des besoins de son client.

Tel a été le cas puisque la société JCI a cherché à fournir à la société SFV un échangeur ne nécessitant pas d'opération de maintenance de joints.

Elle avait déjà fourni des échangeurs à la société SFV sans que des signaux d'alerte aient été émis quant aux conséquences de la qualité de l'eau utilisée; il n'est par ailleurs pas démontré que l'avertissement figurant dans le manuel WALTHERUS de 2015 ait déjà figuré dans les manuels 2012,2013 et 2014, correspondant aux dates de fourniture des échangeurs WALTHERUS 1, 2 et 3 par la société JCI.

Pour sa part, la société SFV savait qu'elle utilisait de l'eau provenant d'un forage et que cette eau faisait ensuite l'objet d'un traitement.

Elle savait aussi, pour en avoir déjà utilisé, que les échangeurs étaient utilisés avec de l'eau.

Elle devait donc aviser la société JCI des spécificités de son alimentation en eau.

Par conséquent, il ne peut être reproché à la société JCI de ne pas avoir pris en compte les spécificités de l'alimentation en eau de la société SFV avant de lui proposer un échangeur WALTHERUS et le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la société SFV de ses demandes indemnitaires contre la société JCI.

Il est aussi confirmé en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société JCI les sommes de 52.800 euros TTC et 69.383 euros correspondant au coût du troisième échangeur WALTHERUS et des frais engagés d'une part, pour réparer les fuites et pallier leurs conséquences immédiates afin que la production ne soit pas interrompue, d'autre part, pour faire procéder à des analyses et comprendre les causes de la défaillance des échangeurs WALTHERUS.

Ces frais ont en effet été engagés dans l'intérêt de la société SFV.

Les intérêts sur cette somme courront à compter du jugement de première instance puisque la confirmation du jugement est demandée.

La société SFV, qui succombe dans son recours, supportera la charge des dépens d'appel et paiera à la société JCI la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables comme prescrites ou forcloses toutes les demandes de la SOCIETE FRANCAIS DE VIANCES.

Statuant à nouveau :

Déclare irrecevables comme prescrites les demandes de la société SOCIETE FRANCAISE DE VIANDES relatives aux sinistres survenus en 2008, 2009 et août 2012.

Déclare recevables les demandes de la SOCIETE FRANCAISE DE VIANDES relatives aux désordres ayant affecté les trois échangeurs WALTHERUS.

Déboute la SOCIETE FRANCAISE DE VIANDES de ses demandes.

Confirme pour le solde le jugement déféré.

Condamne la SOCIETE FRANCAISE DE VIANCES aux dépens d'appel.

Condamne la SOCIETE FRANCAISE DE VIANDES à payer à la société JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES la somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20/00508
Date de la décision : 06/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-06;20.00508 ?
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