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12/07/2022 | FRANCE | N°21/02817

France | France, Cour d'appel de Rennes, 6ème chambre b, 12 juillet 2022, 21/02817


6ème Chambre B





ARRÊT N° 301



N° RG 21/02817

N° Portalis DBVL-V-B7F-RTNU













M. [N] [X]



C/



Mme [P] [C]

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :























REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'

APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 JUILLET 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Véronique CADORET, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Sylvie ALAVOINE, Conseillère,

Assesseur : Madame Emmanuelle GOSSELIN, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Catherine DEAN, lors des débats et lors du prononcé,







DÉBATS :



A...

6ème Chambre B

ARRÊT N° 301

N° RG 21/02817

N° Portalis DBVL-V-B7F-RTNU

M. [N] [X]

C/

Mme [P] [C]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 12 JUILLET 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Véronique CADORET, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Sylvie ALAVOINE, Conseillère,

Assesseur : Madame Emmanuelle GOSSELIN, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Catherine DEAN, lors des débats et lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 Février 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 12 Juillet 2022, après prorogation, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [N] [X]

né le 27 Octobre 1964 à [Localité 4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Rep/assistant : Me Dominique TOUSSAINT (SELARL TOUSSAINT DOMINIQUE), avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

Madame [P] [C]

née le 02 Mars 1967 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Rep/assistant : Me Gaëlle NIQUE (SCP NIQUE & SEGALEN & PICHON), avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Madame [P] [C] et Monsieur [N] [X] ont vécu en concubinage de l'année 1991 au 15 novembre 2008. De leur union est née un enfant, [D], le 09 septembre 1997.

Ils ont acquis en pleine propriété par moitié chacun un terrain à bâtir d'une contenance de 8a 16 ca situé sur la commune de [Adresse 1] au prix de 23 635,69 euros (155 040 francs), sur lequel a été construite une maison d'habitation.

Le tout a été financé à l'aide de deux prêts souscrits auprès du Crédit Industriel de l'Ouest, un prêt à taux zéro d'un montant de 120 000 francs d'une durée de 252 mois dont 24 mois de relai et un prêt PAS d'un montant de 630 000 francs d'une durée de 204 mois dont 24 mois de relai, le solde de ce dernier prêt PAS ayant été affecté au financement de la construction.

Par acte délivré le 30 juin 2017, Madame [C] a fait assigner Monsieur [X] devant le juge aux affaires familiales au tribunal judiciaire de SAINT-BRIEUC sur le fondement des dispositions des articles 815 et suivants du code civil et 1360 du code de procédure civile aux fins de liquidation et partage de l'indivision existant entre les parties.

Suivant ordonnance du 24 juin 2019, le juge aux affaires familiales a constaté le retrait de l'affaire du rôle des affaires en cours puis, par conclusions de reprise d'instance communiquées par voie électronique du 25 novembre 2019, Madame [C] a maintenu ses demandes initiales.

Par jugement en date du 19 avril 2021, le juge aux affaires familiales au tribunal judiciaire de SAINT-BRIEUC a :

- déclaré recevable l'assignation en partage,

- ordonné la liquidation et le partage de l'indivision ayant existé entre Madame [C] et Monsieur [X],

- désigné Maître [G], notaire à [Localité 5], pour procéder aux dites opérations, et un magistrat du tribunal judiciaire de SAINT-BRIEUC, en qualité de juge-commissaire, pour faire rapport en cas de difficultés dans l'accomplissement des opérations,

- dit qu'en cas d'empêchement des notaires et du juge commis, il serait procédé à leur remplacement par ordonnance sur simple requête rendue à la demande de la partie la plus diligente

et, préalablement aux opérations de partage,

- ordonné la vente du bien immobilier par adjudication en l'étude du notaire sus-désigné, après publicité,

- fixé la mise à prix à 200 000 euros avec faculté de diminution du quart à défaut d'enchères, sans qu'il y ait lieu à nouvelle publicité,

- dit que Monsieur [N] [X] était redevable, à l'égard de l'indivision, d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 552 euros pour la période compris comprise entre le 30 juin 2012 et la vente par adjudication à défaut de départ anticipé,

- dit qu'il appartiendrait au notaire, désigné dans le cadre des opérations de liquidation et de partage de l'indivision, d'établir un compte d'administration sur la base des points de désaccord précédemment tranchés,

- débouté les parties de toutes autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision,

- condamné Monsieur [X] à verser à Madame [C] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Monsieur [X] aux dépens.

Par déclaration en date du 7 mai 2021, Monsieur [X] a interjeté appel dudit jugement en ce qu'il a ordonné la vente par adjudication en l'étude du notaire du bien immobilier et fixé la mise à prix à 200.000 euros avec faculté de baisse du quart, débouté Monsieur [X] de sa demande de créance sur l'indivision fondée sur l'article 815-13 du code civil et condamné celui-ci aux frais irrépétibles et aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 15 décembre 2021, Monsieur [X] demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel en ses dispositions déférées,

- dire qu'il est créancier d'une indemnité en application de l'article 815-13 du code civil du fait de son règlement intégral des deux emprunts ayant permis l'acquisition du terrain et l'édification de l'immeuble qui y a été construit,

- ordonner au notaire commis de fixer cette indemnité suivant la règle du profit subsistant à la valeur de l'immeuble,

- rejeter la demande de licitation qui n'est pas nécessaire aux opérations notariales,

- ordonner au notaire commis d'établir un état liquidatif avec compensation des créances réciproques,

- débouter Madame [C] de son appel incident,

- condamner Madame [C] à lui payer une indemnité de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens.

Aux termes de ses dernières écritures, notifiées par voie électronique le 13 octobre 2021, Madame [C] demande à la cour de :

- déclarer recevable et mal fondé l'appel interjeté par Monsieur [X],

- déclarer recevable et bien fondé l'appel incident formulé par Madame [C],

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, hormis en ce qui concerne l'indemnité d'occupation,

- débouter Monsieur [X] de toutes ses demandes contraires au présent dispositif,

- dire et juger que Monsieur [X] est redevable à l'égard de l'indivision d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 552 euros pour la période comprise entre le 15 novembre 2008 et la vente par adjudication à défaut de départ anticipé,

- condamner Monsieur [X] à payer à Madame [C] la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- le condamner aux dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est expressément référé à leurs dernières conclusions, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er février 2022.

MOTIFS DE L'ARRET

I - Sur la créance contre l'indivision revendiquée au titre du remboursement des emprunts sur l'immeuble indivis et sur l'autre créance de l'indivision au titre de l'indemnité d'occupation

En application de l'article 815-13 du code civil, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais, l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.

En l'espèce, devant le premier juge, Monsieur [X] faisait valoir une 'créance de récompense' au titre de sommes versées par lui pour le compte de l'indivision à hauteur de 46.093,94 euros, demande qui a été rejetée au motif que celui-ci ne versait aucun élément ni ne développait aucune argumentation au soutien de sa prétention de nature à déterminer la réalité et la nature des dépenses dont il sollicitait la prise en compte.

A hauteur d'appel, à l'appui de sa contestation de cette disposition du jugement déféré, Monsieur [X] se prévaut d'avoir seul remboursé les emprunts immobiliers, initialement depuis un compte joint alimenté par ses revenus professionnels puis, à compter du mois de décembre 2012, depuis un compte personnel et ce, jusqu'en août 2020, dernière échéance du prêt qui ensuite sera soldé. Aussi, il s'estime fondé à solliciter une indemnité équivalente à la valeur de l'immeuble, qu'il soutient avoir intégralement financé.

Madame [C] fait observer d'une part que les règlements des échéances de prêt ont été émis d'un compte joint jusqu'à la séparation du couple le 15 novembre 2008, compte sur lequel étaient assurés des versements par la CAF des prestations familiales, ce qui selon elle démontre l'intention libérale de Monsieur [X], d'autre part que, durant la vie commune, en dépit de faibles ressources, elle assumait pour sa part l'intégralité des autres dépenses de la vie courante (alimentaires, vestimentaires, en ce compris pour l'enfant commun), des impositions, divers règlements notamment pour le terrassement du bien, le paiement de factures diverses de charges courantes (France Telecom), d'aménagement et de travaux intérieurs et extérieurs (terrassement, aménagement paysagé, travaux de viabilisation et de stabilisation du terrain), enfin que Monsieur [X] a résidé seul dans le bien à compter du 15 novembre 2008, date de la séparation du couple, de sorte qu'il est redevable à l'égard de l'indivision d'une indemnité d'occupation venant se compenser, à compter de cette date du 15 novembre 2008, avec le remboursement des prêts qu'il aura assuré, sans qu'il ne puisse se voir reconnaître créancier d'une indemnité contre l'indivision.

Il est constant en effet que le couple s'est séparé le 15 novembre 2008, date à compter de laquelle Monsieur [X] est resté seul dans l'immeuble indivis.

Aussi, en l'état de la prétention de ce dernier, de la demande reconventionnelle et de l'appel incident de Madame [C] sur une créance d'indemnité d'occupation de l'indivision à l'encontre de Monsieur [X] et, à compter du 15 novembre 2008, sur une éventuelle compensation entre celle-ci et la créance dont se prévaut l'appelant au titre du remboursement du prêt, il importe d'examiner la contestation de ce dernier sur la période de vie commune d'une part, sur la période postérieure à la séparation du couple d'autre part.

1) Sur la période ayant couru jusqu'au 15 novembre 2008, période de vie commune

Les règlements d'échéances d'emprunt effectués par un indivisaire au moyen de deniers personnels au cours de l'indivision constituent des dépenses nécessaires à la conservation du bien indivis et donnent lieu à indemnité sur le fondement de l'article 815-13 alinéa 1 du code civil.

Par principe, aucune disposition légale ne règle la contribution des concubins aux charges de la vie commune. Cependant, les concubins peuvent convenir d'un accord relatif à la répartition des charges de la vie commune entre eux, dont font partie les dépenses exposées pour assurer le logement de la famille. Le cas échéant, cette convention expresse ou cet accord tacite doivent être respectés et ils privent le concubin, qui a remboursé seul les échéances du prêt immobilier, de revendiquer à ce titre une créance sur l'indivision.

En l'espèce il est établi que, sur le temps de la vie commune, le règlement des échéances des prêts immobiliers, souscrits au nom des deux parties et ayant permis le financement de l'acquisition du terrain indivis et de la construction édifiée sur ce terrain, s'est fait depuis un compte joint. Il n'est pas contesté que ce compte était alimenté par les revenus professionnels de Monsieur [X]. Toutefois, ainsi que le fait observer Madame [C], il était par ailleurs abondé par certaines prestations versées par la Caisse d'Allocations Familiales.

Si Madame [C] n'établit ni ne soutient avoir d'une autre manière directement contribué au règlement de ces mensualités de prêts, pour autant elle verse aux débats nombre de relevés bancaires de son compte de dépôt à vue, diverses facures et avis d'imposition, correspondant à la période de vie commune, établissant qu'elle assurait pour sa part le règlement des charges courantes de la famille, qui à compter de l'année 1997 comptera un enfant commun, le règlement d'achats divers en ce compris au titre de travaux et d'aménagement pour le bien immobilier indivis.

Monsieur [X] soutient pour sa part avoir pris à son compte des dépenses de la vie courante (dépenses de nourriture, taxes, frais se rapportant à un enfant d'une première union de Madame [C]) et avoir assumé des dépenses personnelles de celle-ci. Les pièces et notamment les relevés qu'il verse aux débats sur la période 2000-2008 attestent de certains règlements de sa part. Les règlements de dettes personnelles à l'intimée sont toutefois étrangers au présent débat. La propre prise en charge par celle-ci de l'essentiel des dépenses de la vie courante du couple demeure.

Eu égard à cette répartition du poids des charges dans le couple, résultant d'un accord tacite mais bien réel puisque vérifié sur le temps de la vie commune, au prélèvement des échéances d'emprunts depuis un compte joint abondé en ce compris par des prestations de la Caisse d'Allocations Familiales, Monsieur [X] ne saurait prétendre, sur cette période de vie commune soit jusqu'au 15 novembre 2008, à une créance sur l'indivision au titre du remboursement des échéances de prêts immobiliers.

La décision déférée sera confirmée, au moins sur ladite période, en ce qu'elle a rejeté toute demande de ce chef.

2) Sur la période ayant couru à compter du 15 novembre 2008, date de séparation

Le couple s'étant séparé à compter du 15 novembre 2008, il ne peut être vérifié et il n'est du reste pas invoqué, sur cette seconde période, par Madame [C], la poursuite d'un accord tacite de répartition des dépenses courantes entre les deux parties.

Monsieur [X] justifie avoir continué à assurer le remboursement des mensualités de prêts immobiliers et ce, à compter du mois de décembre 2012, par des prélèvements depuis un compte personnel jusqu'à la dernière échéance en août 2020.

Il reste que, s'étant alors maintenu seul dans l'immeuble indivis, il lui est opposé par Madame [C] une créance d'indemnité d'occupation au profit de l'indivision.

La disposition du jugement déféré ayant dit que Monsieur [X] était redevable, à l'égard de l'indivision, d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 552 euros pour la période comprise entre le 30 juin 2012 et la vente par adjudication à défaut de départ anticipé, fait l'objet d'un appel incident de la part de Madame [C]. Cette dernière, sans contester le montant de ladite indemnité, demande de la faire courir entre le 15 novembre 2008 et la vente par adjudication à défaut de départ anticipé et soutient l'existence d'une compensation entre les règlements d'échéances de prêts immobiliers assurés par Monsieur [X] depuis le 15 novembre 2008 et l'indemnité d'occupation dont il est redevable à compter de cette date.

a) sur le principe d'une créance d'indemnité d'occupation de l'indivision

Il résulte de l'article 815-9 du code civil que l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité.

Si l'indemnité d'occupation est destinée à compenser la perte des fruits et revenus dont l'indivision est privée pendant la durée de la jouissance privative, elle se justifie également par l'atteinte au droit de jouissance des co-indivisaires de l'occupant. Elle s'analyse comme la contrepartie du droit de jouir privativement d'un bien indivis.

Dès lors, le fait que le bien ne puisse générer des revenus locatifs ne suffit pas à exclure toute indemnité d'occupation.

L'indemnité d'occupation mise à la charge de l'indivisaire qui jouit privativement du bien indivis est soumise à la prescription de cinq ans prévue à l'article 815-10 alinéa 3ème du code civil.

La créance que peut revendiquer sur l'indivision un indivisaire, au titre du remboursement des dépenses de conservation du bien indivis, est quant à elle immédiatement exigible dès le paiement de chaque échéance.

En l'espèce, il est constant que Monsieur [X] aura eu la jouissance exclusive du bien indivis depuis le 15 novembre 2008.

Aucune des parties ne conteste, ni en son principe ni en son montant mensuel de 552 euros, la créance de l'indivision à l'encontre de Monsieur [X] au titre de l'indemnité d'occupation fixée par le premier juge.

Est contestée à l'inverse, par Madame [C] à titre d'appel incident, la période sur laquelle est due cette indemnité d'occupation, fixée dans le jugement déféré à compter du 30 juin 2012, soit dans la limite des cinq années ayant précédé l'assignation en liquidation partage, alors que l'intimée et appelante incident demande de la fixer à compter du 15 novembre 2008 en invoquant la compensation légale avec la créance de remboursement de prêts sur le bien indivis invoquée par Monsieur [X] à l'encontre de l'indivision.

b) sur la compensation légale entre la créance d'indemnité d'occupation de l'indivision et la créance contre l'indivision au titre du remboursement des mensualités de prêts sur le bien indivis

Il résulte des articles 1290 et suivants du code civil, dans leur version ancienne antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au 15 novembre 2008 et sur les années à suivre, que la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi à l'insu même des débiteurs. Les deux dettes s'éteignent réciproquement à l'instant où elles se trouvent exister et ce, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives. La prescription de l'excédent de la dette la plus élevée est interrompue à la date de la compensation légale.

Toutefois, pour interrompre la prescription, la compensation suppose d'être invoquée, règle valant sous l'empire des nouveaux textes relatifs à la compensation et spécialement de l'article 1347 nouveau du code civil mais encore sous l'empire de la jurisprudence ancienne.

- sur la période courant entre le 15 novembre 2018 et le 30 juin 2012

Madame [C] invoque une compensation de plein droit s'étant opérée à l'insu même des parties, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives, entre d'une part la créance que pouvait revendiquer Monsieur [X] sur l'indivision au titre du remboursement des mensualités de prêts sur le bien indivis, pour le montant des échéances acquittées sur la période, créance immédiatement exigible dès le paiement de chaque échéance, et d'autre part la créance de l'indivision, au titre de l'indemnité d'occupation du bien par celui-ci, sans que ne soit opposable la prescription de l'excédent interrompue à la date de la compensation légale.

Pour autant, force est de constater qu'elle ne justifie ni ne se prévaut avoir invoqué cette compensation avant son acte introductif de première instance délivré le 30 juin 2017, soit avant l'acquisition de la prescription sur la période du 15 novembre 2008 au 30 juin 2012.

Cette créance d'indemnité d'occupation de l'indivision a, à juste titre, été retenue comme étant prescrite par le premier juge sur la période antérieure au 30 juin 2012.

Aussi, sur ladite période, la compensation ne peut être à ce jour utilement invoquée et Monsieur [X] est, pour la période écoulée entre le 15 novembre 2008 et le 30 juin 2012, fondé en sa créance sur l'indivision au titre du remboursement des échéances de prêts sur le bien indivis.

- sur la période courant à compter du 30 juin 2012

Sur la période courant à compter du 30 juin 2012, du fait de l'acte introductif d'instance délivré le 30 juin 2017, la prescription de la créance de l'indivision au titre de l'indemnité d'occupation a été interrompue.

Cette créance de l'indivision au titre de l'indemnité d'occupation a été liquidée, dans le jugement déféré, pour le montant mensuel de 552 euros et pour la période sus-visée courant du 30 juin 2012 à la date de la vente par adjudication à défaut de départ anticipé du bien par Monsieur [X]. Sur ladite période et pour ce montant, ladite créance n'est pas contestée par l'appelant.

Elle n'est pas davantage contestée par Madame [C] autrement que par le fait qu'elle devait courir sur une période antérieure au 30 juin 2012, contestation qui a été ci-dessus examinée et écartée, le jugement déféré devant de ce chef être confirmé.

Ainsi, sur ladite période courant à compter du 30 juin 2012, deux créances coexistent, ladite créance de l'indivision au titre de l'indemnité d'occupation d'une part, la créance de Monsieur [X] au titre du remboursement des mensualités de prêt sur l'immeuble indivis.

Les conditions de la compensation légale, seule invoquée par Madame [C], ne sont pas réunies même sur la période, en ce qu'elle ne peut s'opérer qu'entre des créances certaines, liquides et exigibles.

La décision déférée, pour les motifs ci-dessus développés, sera confirmée en sa disposition sur la créance d'indemnité d'occupation de l'indivision à l'encontre de Monsieur [X] sur la période courant à compter du 30 juin 2012 mais infirmée en sa disposition sur la créance de ce dernier contre l'indivision au titre du remboursement des mensualités de prêts sur l'immeuble indivis pour la période courant à compter du 15 novembre 2008.

La cour, statuant à nouveau de ce chef infirmé, reconnaîtra en effet Monsieur [X] créancier de l'indivision, à compter de cette date, d'une indemnité en application de l'article 815-13 du code civil et du fait de son règlement intégral des deux emprunts ayant permis l'acquisition du terrain et l'édification de l'immeuble qui y a été construit. Ladite indemnité suivra, conformement à la demande de l'appelant qui à cet égard ne fait l'objet d'aucune contestation expresse et qui résulte du texte applicable, la règle du profit subsistant à la valeur de l'immeuble.

II - Sur la demande d'attribution préférentielle du bien

Monsieur [X] demande que le paiement de l'indemnité qu'il revendique au titre du remboursement des règlements d'échéances de prêts immobiliers sur le bien indivis soit effectué par l'attribution à son profit de cet immeuble indivis.

Le premier juge, aux termes d'une disposition que demande de confirmer Madame [C], a rejeté cette demande au motif que l'attribution préférentielle exclut de son bénéfice le concubin.

Si l'attribution préférentielle est une modalité de partage de l'indivision, permettant le cas échéant de mettre un bien par priorité dans le lot d'un copartageant et soumise aux articles 831 à 834 du code civil, elle est effectivement exclue si l'indivision existe entre concubins.

Aussi et dans le cas d'espèce, c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de Monsieur [X] aux fins d'attribution préférentielle à son profit du bien indivis.

La décision déférée sera confirmée de ce chef.

III - Sur la licitation du bien

Aux termes de l'article 1377 du code de procédure civile, le juge ordonne la vente par adjudication des biens qui ne peuvent être facilement partagés ou attribués.

En l'espèce, Monsieur [X] conteste la disposition du jugement déféré ayant ordonné la licitation du bien indivis, non quant aux modalités de cette licitation mais quant à son principe. Il fait valoir en effet qu'elle n'est pas justifiée par la nécessité du partage au vu de l'indemnité dont il est créancier sur le fondement de l'article 815-13 du code civil et dès lors que le bien lui sera attribué en paiement de ladite indemnité.

Il reste que ce bien est le seul élément d'actif de l'indivision invoqué par les parties. Par nature, il n'est pas aisément partageable et il a été ci-dessus rappelé qu'aucune des parties, à la suite du concubinage, ne pouvait par nature prétendre à une attribution préférentielle de ce bien, exclue entre concubins.

Le premier a du reste déjà observé, ce qui se confirme de plus fort à ce jour, que les parties, antérieurement puis depuis l'assignation en liquidation partage en juin 2017, ont déjà disposé d'un délai suffisamment long pour mettre le bien en vente de gré à gré de sorte que la licitation s'avère être l'unique moyen de parvenir à la liquidation.

La décision déférée sera confirmée de ce chef.

IV - Sur les frais et dépens

Eu égard à la solution du litige, les dépens de la présente instance d'appel seront partagés par moitié.

L'équité commande de ne pas prononcer de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

Confirme la décision déférée en ses dispositions sur la licitation et l'attribution de l'immeuble indivis,

Confirme la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de Monsieur [X] portant sur une créance contre l'indivision au titre du remboursement des mensualités de prêts sur le bien indivis sur la période courant jusqu'au 15 novembre 2008,

Confirme la décision déférée en ce qu'elle a dit que Monsieur [N] [X] était redevable, à l'égard de l'indivision, d'une indemnité d'occupation d'un montant mensuel de 552 euros pour la période comprise entre le 30 juin 2012 et la vente par adjudication à défaut de départ anticipé,

Infirme la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande de Monsieur [X] portant sur une créance contre l'indivision au titre du remboursement des mensualités de prêts sur le bien indivis sur la période courant à compter du 15 novembre 2008,

Statuant à nouveau de ce chef infirmé et y ajoutant,

Dit que Monsieur [X] est créancier de l'indivision, à compter du 15 novembre 2008, d'une indemnité en application de l'article 815-13 du code civil et du fait de son règlement intégral des deux emprunts ayant permis l'acquisition du terrain et l'édification de l'immeuble qui y a été construit,

Dit que cette indemnité suivra la règle du profit subsistant à la valeur de l'immeuble,

Dit que les dépens de la présente instance d'appel seront partagés par moitié entre les parties,

Dit n'y avoir lieu à condamnation à une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 6ème chambre b
Numéro d'arrêt : 21/02817
Date de la décision : 12/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-12;21.02817 ?
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