7ème Ch Prud'homale
ARRÊT N°385/2022
N° RG 19/04175 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P346
M. [K] [M]
C/
SAS GER2I ENSEMBLIER
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 07 JUILLET 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère, Faisant fonction de Président de chambre,
Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Hervé KORSEC, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
GREFFIER :
Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 26 Avril 2022, devant Monsieur Hervé KORSEC, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
En présence de Monsieur [E], médiateur judiciaire
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Juillet 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANT :
Monsieur [K] [M]
8 La Guérande
22100 CALORGUEN
Représenté par Me Géraldine MARION de la SELARL CABINET ADVIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
SAS GER2I ENSEMBLIER
ZAE, rue de Seine
78260 ACHERES / FRANCE
Représentée par Me Bruno LOUVEL de la SELARL PHENIX, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Blandine CHAUVIN, Plaidant, avocat au barreau de ROUEN
Monsieur [K] [M] a été embauché en qualité de tuyauteur par la Société SECTA devenue la Société GER2I ENSEMBLIER, puis la société Eiffage Energie Systèmes GER2I, suivant contrat du 16 Mai 1988 ; il occupait en dernier lieu les fonctions de technicien chef' d'équipe et a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 12 décembre 2016.
Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, Monsieur [M] a saisi le Conseil de prud'hommes de Dinan le 31 janvier 2018 afin de le voir, selon le dernier état de sa demande, dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner son employeur à lui verser, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et avec les intérêts de droit, les sommes suivantes':
- Indemnité au titre des grands déplacements et voyages de détente conventionnellement prévus : 3.630 €,
- Indemnité pour non-respect des durées maximales de travail et des temps de repos':15.000 €, - Indemnité au titre du manquement de l'employeur à ses obligations découlant des articles L.4121-1 et L. 4121-2 du Code du Travail': 25.000'€,
- Indemnité en réparation du préjudice subi du fait du manquement de l'employeur aux dispositions de l'article L.6321-1 du Code du Travail':
20.000 €,
- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse':
80.000 €,
- Indemnité compensatrice de préavis: 5.832,13 € et 583,13 € au titre des congés payés afférents,
- Indemnité titre de l'article 700 du code de procédure civile : 3.000 €';
- Ordonner la remise des bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés, sous astreinte de 60 € par jour de retard à compter du prononcé du jugement à intervenir';
- Fixer le salaire moyen à la somme de 2.916,06 € par mois';
- Juger que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction et se capitaliseront conformément à l'article 1154 du Code Civil.
La défenderesse s'opposait aux prétentions du demandeur dont elle sollicitait la condamnation à'lui payer la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 6 mai 2019, le Conseil des prud'hommes de Dinan statuait ainsi qu'il suit':
«'JUGE le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Monsieur [K] [M] justifié ;
CONDAMNE la SAS GER2I ENSEMBLIER à verser à Monsieur [K] [M] les sommes nettes suivantes :
-1500 € à titre d'indemnité pour non-respect des durées maximales de travail et des temps de repos,
-10 000 € à titre d'indemnité pour manquement de l'employeur à ses obligations découlant des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du Travail,
- 10 000 € à titre d'indemnité pour réparation du préjudice subi du fait du manquement de l'employeur à l'article L. 6321-1 du Code du Travail,
-1500 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
DEBOUTE Monsieur [K] [M] et la SAS GER2I ENSEMBLIER du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE la SAS GER2I ENSEMBLIER aux entiers dépens, y compris les frais d'exécution.'»
Suivant déclaration de son avocat en date du 24 juin 2019 au greffe de la Cour d'appel, Monsieur [M] faisait appel de la décision.
Aux termes des écritures de son avocat présentées en cause d'appel, l'appelant demande à la Cour de':
Confirmer le Jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de DINAN en ce qu'il a :
Condamné la SAS EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES- GER2I à lui verser les sommes nettes suivantes :
'1.500 € à titre d'indemnité pour non-respect des durées maximales de travail et des temps de repos,
'10.000 € à titre d'indemnité pour manquement de l'employeur à ses obligations découlant des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail,
'10.000 € à titre d'indemnité pour réparation du préjudice subi du fait du manquement de l'employeur à l'article L.6321-1 du code du travail,
'1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
Pour le surplus, réformer le jugement et statuant à nouveau,
Condamner la S.A.S EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES - GER2I à lui payer au titre des grands déplacements et voyages de détente conventionnellement prévus, une indemnité de 3.630 €';
Juger le licenciement intervenu sans cause réelle et sérieuse';
Condamner la S.A.S EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES - GER2I à lui payer les sommes suivantes :
'Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 80.000 €,
'Indemnité compensatrice de préavis : 5.832,13 € et congés payés afférents : 583,13 €,
Condamner la S.A.S EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES - GER2I à lui payer la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel et aux entiers dépens, y compris les frais et honoraires d'exécution';
Ordonner la remise des bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 60 € par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir';
Juger que les sommes à caractère salarial produiront intérêts au taux légal à compter de la saisine de la juridiction et se capitaliseront';
DEBOUTER la SAS EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES -GER2I de toutes ses demandes.
Au soutien de ses prétentions, l'appelant expose avoir été soumis à des conditions de travail pénibles ayant entraîné à compter du 7 novembre 2013 des avis d'aptitude assortis de restrictions liées notamment au port de charges lourdes et aux travaux sollicitant les membres supérieurs, sans que ces avis soient suivis d'effet, le médecin du travail ayant conclu par un avis du 16 août 2016 à une inaptitude à son poste ; il soutient que l'intimée ne lui a proposé aucun poste disponible en interne, mais lui a adressé des propositions de reclassement au sein du groupe Eiffage, non conformes aux prescriptions du médecin du travail, qu'il a alors refusées, ensuite de quoi il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement'; outre qu'il expose avoir été privé de voyages de détente et de jours de repos liés aux grands déplacements et il sollicite l'infirmation du jugement sur ce point, il soutient qu'il n'a pas bénéficié des repos légaux hebdomadaires et que c'est à juste titre que les premiers juges ont fait droit à ses demandes indemnitaires à ce titre ; il fait grief en outre à son employeur d'avoir manqué à son obligation de suivi du plan de carrière et d'adaptation, manquement qui justifie là encore l'indemnité allouée par les premiers juges ; il fait valoir enfin que l'employeur a manqué à son obligation de veiller à sa santé et à sa sécurité en ne mettant pas en 'uvre les restrictions imposées par le médecin du travail, manquements à l'origine de son inaptitude de sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, outre qu'il a manqué à son obligation loyale de reclassement en lui refusant un poste de chef d'équipe pourtant vacant en interne et en lui adressant 6 propositions de reclassement non soumises au médecin du travail et non conformes à ses préconisations';'il sollicite en conséquence l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes indemnitaires liées à la rupture du contrat de travail.
* * *
Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel, l'intimée demande à la Cour de :
Recevoir SASU GER2I ENSEMBLIER en son appel incident et le déclarer bien fondé';
Débouter Monsieur [M] de ses demandes';
Confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a jugé que le licenciement de l'appelant revêt une cause réelle et sérieuse et l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts, de sa demande en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents';
Confirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande d'indemnité à hauteur de 3.630 € au titre des grands déplacements et voyages de détente';
Infirmer le jugement, en ce qu'il a condamné la société GER2I au paiement des sommes suivantes :
'1.500 € à titre d'indemnité pour non-respect des durées maximales de travail et des temps de repos,
'10.000 € à titre d'indemnité pour manquement de l'employeur à ses obligations découlant des articles L.4121-1 et L4121-2 du Code du travail,
'10.000 € à titre d'indemnité en réparation du préjudice subi du fait du manquement de l'employeur à l'article L.6321-1 du Code du travail,
'1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile';
En conséquence :
Débouter Monsieur [M] de l'intégralité de ses demandes.
Condamner Monsieur [M] au paiement de la somme de 2.000 €, au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions, l'intimée fait valoir que Monsieur [M] a une lecture tronquée des dispositions de la convention collective et qu'il a été rempli de ses droits au titre des voyages de détente liés aux grands déplacements, tel qu'en ont justement décidé les premiers juges'; par ailleurs, elle conteste tout manquement au titre des durées maximales de travail, hormis un dépassement sur une période de 11 jours pendant toute la durée du contrat, observant qu'aucune feuille de pointage de l'appelant ne mentionne d'heures de travail les samedis ou les dimanches, outre qu'il ne justifie d'aucun préjudice'; elle conteste encore tout manquement aux dispositions conventionnelles s'agissant du suivi de plan de carrière pour les salariés de 50 ans, l'appelant n'ayant entrepris aucune démarche à ce titre, outre qu'il ne justifie pas plus d'un préjudice'; elle conteste enfin tout manquement à son obligation de sécurité, observant qu'à aucun moment l'appelant n'a évoqué de difficultés à ce titre'et elle soutient que l'avis d'inaptitude est lié à l'évolution de sa pathologie et nullement à un prétendu manquement à son obligation de sécurité, l'inaptitude de Monsieur [M] étant d'origine non professionnelle'; enfin, elle expose qu'elle a effectué une recherche loyale de reclassement en lien avec le médecin du travail et a proposé à l'appelant des postes sédentaires en interne et dans les filiales du groupe qu'il n'a pas acceptés au motif qu'il ne souhaitait ni déménager, ni perdre ses indemnités de grands déplacements'et elle sollicite la confirmation du jugement qui l'a débouté de ses demandes à ce titre.
La clôture de l'instruction été prononcée par ordonnance du magistrat de la mise en état le 29 mars 2022 avec fixation de l'affaire à l'audience du 26 avril 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions adressées au greffe de la Cour, le 23 mars 2022 pour Monsieur [K] [M] et le 23 mars pour la société Eiffage Energie Systèmes.
SUR CE, LA COUR
1. Sur la demande au titre des indemnités de grands déplacements
Aux termes de l'article 3-6 de l'accord du 13 avril 1976, relatif aux conditions des grands déplacements des mensuels, étendu et annexé à la convention collective de la métallurgie région parisienne, le salarié peut prétendre à un voyage de détente permettant le retour au point de départ, durant les jours non ouvrés à raison, d'un voyage toutes les 2 semaines comportant une détente minimale de 1 jour non ouvré pour les déplacements inférieurs ou égaux à 100 km, d'un voyage toutes les 4 semaines comportant une détente minimale de 1,5 jour non ouvré pour les déplacements de 101 à 400 km et d'un voyage toutes les 6 semaines comportant une détente minimale de 2 jours non ouvrés pour les déplacements de 401 à 1000 km ; l'heure de départ du chantier et l'heure de retour doivent être fixées en tenant compte des horaires de transport pour permettre au salarié de bénéficier intégralement de la détente minimale prévue, si besoin, par un aménagement de l'horaire hebdomadaire de travail précédant et suivant le voyage de détente. Cet aménagement éventuel doit être réalisé de telle sorte que les heures de travail qui ne pourraient être effectuées au cours des deux semaines visées soit indemnisées dans la limite de 5 heures par voyage de détente. Le voyage de détente doit se placer 2 semaines au moins avant la fin de la mission ou le départ en congé si le déplacement est inférieur ou égal à 400 km et 3 semaines au moins si le déplacement est de 401 à 1000 km'; la date normale pourra être modifiée pour coïncider avec la fin de la mission, sans pour autant entraîner un décalage du cycle normal des futurs voyages de détente. Par ailleurs, sur demande, soit de l'employeur, soit du salarié et d'un commun accord, il pourrait être décidé que le temps de détente minimale correspondant à deux voyages, ou exceptionnellement plusieurs, sera pris en une seule fois, soit au cours, soit à la fin du déplacement.
Aux fins de justifier de sa demande, l'appelant produit la liste de ses déplacements entre janvier 2014 et août 2016 mentionnant la date de début et de fin de déplacement, le chantier d'affectation et la distance aller, ainsi que les feuilles de pointage correspondantes, outre la production de courriels et de feuilles de route'; il reprend l'ensemble des déplacements dans un tableau intégré à ses écritures et soutient qu'il aurait dû bénéficier au total de 32,5 jours de repos complémentaires.
Pour sa part, l'employeur relève les incohérences du tableau produit, observant pour exemple, que s'agissant du chantier Université de Bourgogne à Dijon, distant de 676 km, l'appelant y a été affecté 8 semaines du 19 janvier 2015 au 15 mars 2015 et non point 12 semaines comme il le prétend'; dans la mesure où il ne peut bénéficier d'un voyage comportant une détente minimale de 1,5 jours ouvrés qu'après 4 semaines et à la condition que le voyage se place trois semaines au moins avant la fin de mission, il ne peut y prétendre au titre de ce déplacement, la même observation valant pour le chantier à Saint-Pierre les Elbeufs distant de 300 km ou il a été affecté 7 semaines et non point 9 ; il justifie en outre que l'appelant, notamment lors de son déplacement à Saint-Pierre les Elbeufs, a bénéficié d'un voyage de détente les 28 février et 1er mars et que lui ont été payées à ce titre les heures de route pour la somme de 234,03 € tel qu'il ressort de l'annexe du bulletin de paye correspondant et qu'il a bénéficié au surplus d'une indemnité de grand déplacement à hauteur de 1.836 € sur une base de 27 jours alors que le déplacement, tenu compte des voyages de détente, n'était que de 25 jours, l'indemnité de grand déplacement n'étant pas due lorsque le salarié est à son domicile'; il justifie de pareille façon que lors d'un déplacement du 19 janvier au 15 mars 2015, l'appelant a bénéficié à nouveau d'heures de route pour 245,04 € qu'il a cumulées avec l'indemnité de grand déplacement, ce cumul se retrouvant lors de chaque voyage de détente qu'il réalisait avec le véhicule de la société, outre qu'il disposait d'une carte de gazoil tout en se voyant allouer une indemnité kilométrique tel qu'il ressort des annexes aux bulletins de paye qu'il produit'; l'employeur estime en conséquence que Monsieur [M] s'est vu allouer des indemnités plus favorables à ce titre que celles prévues par la convention collective, sa demande ayant été justement rejetée par les premiers juges.
Ceci étant, il y a lieu de relever que le tableau intégré par l'appelant à ses conclusions ne fait pas l'objet de contestations précises de la part de l'employeur, qui n'établit pas, par des éléments comparatifs précis, que le salarié aurait bénéficié d'avantages plus conséquents que ceux prévus par les dispositions de la convention collective au titre des voyages de détente en cause.
Ainsi pour exemple, l'appelant a été affecté, notamment du 6 janvier 2014 au 21 mars 2014, soit pendant 11 semaines sur un chantier à Sandouville, distant de 266 km'; conformément aux dispositions de la convention collective, il pouvait prétendre à un voyage toutes les 4 semaines comportant une détente minimale de 1,5 jour non ouvré, ce voyage de détente, sauf meilleur accord, devant se placer 2 semaines au moins avant la fin de la mission'; ainsi, il aurait dû bénéficier d'au moins un voyage de détente le 1er février et d'un voyage le 1er mars, ainsi que de 3 jours non ouvrés'de détente sur la période'; le bulletin de salaire du mois de février 2014, établi sur une base de 151,67 heures, laisse apparaître des indemnités kilométriques pour 117,60€ (560km x 0,210), ainsi que des indemnités de grands déplacements pendant 28 jours pour 1.680 €'(28 x 60)'; le bulletin de salaire du mois de mars 2014 établi sur la même base, laisse simplement apparaître des indemnités de grands déplacements versées pendant 22 jours pour un montant de 1.320 €'; ne figure sur les bulletins de paie aucun jour de congé de détente complémentaire'; ainsi, d'une part l'absence de versement d'indemnités kilométriques au mois de mars laisse clairement apparaître que le salarié n'a pas bénéficié du voyage de détente auquel il pouvait prétendre ; d'autre part, outre que l'employeur n'établit pas que l'appelant a perçu des indemnités journalières de grands déplacements en sus de celles auxquelles il pouvait prétendre, il y a lieu de relever que le montant journalier de cette indemnité (60 €) est significativement inférieur au salaire correspondant à une journée complémentaire de détente.
Il en résulte que l'intimée n'établit nullement qu'il aurait été versé au salarié des indemnités plus favorables que celles prévues par la convention collective au titre des voyages de détente et des jours de repos complémentaires liés aux grands déplacements comme soutenu'; l'appelant est en conséquence bien fondé à solliciter la réparation du préjudice subi du fait de la privation de jours de repos complémentaires dont il a été privé entre janvier 2014 et août 2016 et en l'absence de contestations précises de son décompte retenant 32,5 jours de repos, il y a lieu de lui allouer à titre indemnitaire la somme de 2.640 € sur la base d'un salaire moyen sur la période de 2.400 € et d'infirmer le jugement entrepris qui l'a débouté de sa demande sur ce point.
2. Sur le non-respect des durées maximales de travail et des temps de repos
Par application des dispositions de l'article L.3132-1 et L.3132-2 du code du travail, il est interdit de faire travailler un même salarié plus de 6 jours par semaine et il doit bénéficier d'un repos hebdomadaire d'une durée minimale de 24 heures consécutives, à laquelle s'ajoute les 11 heures consécutives de repos quotidien, soit un repos hebdomadaire d'une durée minimale de 35 heures consécutives'; en outre, les articles L.3121-34 et L.3121-35, en leur rédaction alors applicable, disposent que la durée quotidienne de travail effectif ne peut excéder 10 heures, sauf dérogation accordée dans les conditions déterminées par décret et que la durée hebdomadaire de travail ne peut dépasser 48 heures.
L'appelant, qui soutient que l'employeur a méconnu ses obligations à ce titre, produit ses bulletins de paie reprenant les jours et heures de travail et il vise précisément la période du 14 décembre au 24 décembre 2015, au cours de laquelle il est établi qu'il a travaillé 11 jours consécutifs'et n'a pas bénéficié d'un repos hebdomadaire d'au moins 35 heures consécutives ; il est encore établi qu'au cours de la semaine du 14 au 20 décembre 2015, il a travaillé 53 heures, outre un dépassement de la durée maximale de travail quotidienne le lundi 21 décembre, journée au cours de laquelle il a travaillé 10h50'ou encore la journée du 10 décembre 2015 au cours de laquelle il a travaillé 11 heures ; il produit encore le bulletin de paie du mois de novembre 2015, couvrant la période du 19 octobre au 6 novembre 2015 au cours de laquelle il était affecté sur le chantier PSA à Rennes et n'a pas bénéficié de 35 heures consécutives de repos hebdomadaire dans la mesure où il a travaillé pendant trois semaines du lundi au samedi, ne bénéficiant que du dimanche comme jour de repos.
Pour sa part, l'intimée produit l'accord d'entreprise sur la réduction et l'aménagement du temps de travail du 28 janvier 2000 qui rappelle la durée journalière maximale de travail de 10 heures et la durée hebdomadaire maximale de travail de 48 heures sur 5 jours ou 6 jours à titre exceptionnel et fait valoir qu'il ressort des bulletins de paye que les seuls dépassements relevés sont ceux de la période 14 au 24 décembre 2015 et qu'à ce titre, l'appelant n'établit pas le préjudice qui en serait résulté ; elle soutient par ailleurs qu'en sa qualité de chef d'équipe, il s'est vu adresser des notes internes portant sur la durée quotidienne de travail et des temps de repos qu'il lui appartenait de respecter et de faire respecter'; elle conteste tout autre manquement au titre de la durée du travail et des temps de repos.
Il ressort de ce qui précède que les manquements allégués, soit le dépassement de la durée quotidienne de travail, le dépassement de la durée hebdomadaire de travail et le non-respect du temps minimum de repos hebdomadaire sont suffisamment établis sur la période du 19 octobre au 24 décembre 2015 et c'est en conséquence par une juste appréciation du préjudice subi par l'appelant que les premiers juges lui ont alloué la somme de 1.500 € à titre de dommages-intérêts, le jugement entrepris devant être confirmé sur ce point.
3. Sur le manquement de l'employeur à son obligation de suivi de formation et d'adaptation
Conformément aux dispositions de l'article L.6321-1 du code du travail alors applicables, il appartient à l'employeur d'organiser pour chacun de ses salariés, dans l'année qui suit leur 45e anniversaire, un entretien professionnel au cours duquel il a à charge d'informer le salarié sur ses droits en matière d'accès à un bilan d'étape professionnel, un bilan de compétences ou à une action de professionnalisation.
L'appelant produit l'accord-cadre portant sur l'emploi des seniors dans les sociétés du groupe CLEMESSY signé le 13 août 2009, applicable aux collaborateurs âgés de 50 ans et plus, déterminant un objectif général de maintien dans l'emploi et prescrivant des actions d'anticipation de l'évolution des carrières professionnelles des seniors, notamment par des mesures d'accompagnement'; il soutient que l'employeur a manqué à son obligation à ce titre alors qu'au regard de son âge et de son état de santé, la mise en 'uvre des dispositions légales et conventionnelles lui aurait permis d'organiser une fin de carrière plus apaisée.
Pour sa part l'employeur soutient qu'il ne peut lui être fait grief de ne pas avoir mis en 'uvre les dispositions légales précitées dès lors que l'appelant a eu 45 ans en 2006, soit 2 ans avant l'entrée en vigueur de la loi';
il rappelle que l'accord sur l'emploi des seniors dans le groupe prévoit que le collaborateur, à partir de 50 ans, peut faire part par écrit à son responsable hiérarchique de son souhait de faire un point spécifique quant au déroulement de la suite de sa carrière, mais que Monsieur [M] n'a entrepris aucune démarche de cette nature.
Ceci étant, il est constant que l'employeur n'a pas organisé, conformément aux dispositions légales précitées, l'entretien visant à assurer l'adaptation de l'appelant à son poste de travail après l'entrée en vigueur de la loi'; par ailleurs, Monsieur [M], au regard de son âge et de son état de santé connu de l'employeur depuis 2013, date des premiers avis d'aptitude avec restrictions émis par le médecin du travail, justifie suffisamment du préjudice que lui a causé ce manquement qui sera utilement réparé par l'allocation d'une somme de 2.000 € à titre de dommages-intérêts, le jugement déféré devant être infirmé en ce qu'il lui a été alloué'la somme de 10.000 € à ce titre.
4. Sur l'inaptitude et le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité
Aux termes des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail en leur rédaction alors applicable, l'employeur est tenu d'une obligation de sécurité à l'égard des salariés visant à protéger leur santé physique et mentale et à en prévenir les risques d'atteinte'; aux termes de ces dispositions, il doit prendre les mesures pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment par des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés'pour éviter les risques et évaluer ceux qui ne peuvent être évités'; lorsque l'inaptitude d'un salarié trouve son origine dans le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, celui-ci s'expose à voir le licenciement pour inaptitude requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Aux fins d'établir la réalité des manquements allégués, l'appelant produit':
'la fiche d'aptitude médicale établie par le médecin du travail le 2 décembre 2013 de laquelle il ressort qu'il a été placé sous surveillance particulière et qu'après avis spécialisé, il a été déclaré apte à son poste de travail en limitant les travaux au froid, l'utilisation d'outils à percussion ou de tronçonnage et tous travaux réalisés au-dessus du plan du c'ur ou en position inconfortable, ainsi qu'une limitation de la manutention manuelle impliquant des ports de charges et des soudures, une nouvelle visite étant prévue à six mois';
'la fiche médicale du 23 juin 2014 le déclarant apte uniquement aux chantiers permettant l'utilisation d'une nacelle et d'engins de levage, outre les mêmes restrictions que précédemment, le salarié étant à revoir en 2015';
'la fiche médicale d'aptitude établie le 22 janvier 2016 le déclarant apte, sans soudage et reprenant les restrictions antérieures, avec la mention à revoir à la mi-avril';
'la fiche d'aptitude médicale établie le 1er juillet 2016 avec les mêmes mentions, le salarié devant être revu le 1er août 2016';
'la fiche d'aptitude médicale établie le 1er août 2016 mentionnant une inaptitude prévisible au poste ; il est indiqué que le salarié ne peut plus souder, ni réaliser des travaux les bras en élévation au-dessus du plan des épaules, pas de travaux au froid ou aux grandes chaleurs et pas d'utilisation d'outils portatifs vibrants, une deuxième visite étant prévue le 16 août 2016';
'la fiche médicale d'aptitude médicale établie le 16 août 2016 par laquelle le salarié est déclaré inapte au poste actuel avec la reprise des restrictions, mais apte à un poste permettant le respect de ces contre-indications, comme du suivi de chantier, administratif etc'
'des photographies, dont certaines sont intégrées à ses écritures, laissant apparaître l'appelant dans une nacelle exécutant des travaux de soudure et des travaux de manutention bras levés sur un chantier à Rennes en 2015 ou sur un chantier en décembre 2015 ou au dépôt en février 2016, ou encore des photographies prises sur un chantier Saint-Louis en février 2016 par temps de neige avec la photographie d'un thermomètre relevant une température avoisinant 0°, ou encore des photographies sur des chantiers identifiés laissant apparaître l'appelant portant des charges lourdes au mois d'août 2016';
'un procès-verbal de constat établi par huissier le 14 février 2020, qui indique que Monsieur [M] lui a exposé avoir été victime d'un infarctus au mois de mai 2013 à la suite duquel le médecin du travail a émis des avis d'aptitude avec restrictions qui ont été respectés jusqu'en décembre 2015, mais qu'à partir de cette date, il a été renvoyé sur des chantiers pour effectuer des travaux de soudure, a travaillé au froid et a porté des charges lourdes contrairement aux prescriptions du médecin du travail ; il lui a relaté avoir contacté à cet égard le médecin du travail qui lui a demandé de réunir des preuves, comme des photographies et des vidéos démontrant que les restrictions imposées n'étaient pas respectées, ce qu'il a fait ; l'huissier instrumentaire a alors été sollicité aux fins de rédaction d'un constat descriptif des vidéos et photographies enregistrées sur son ordinateur ; après la vérification des dates, il est décrit une vidéo montrant le requérant équipé d'un harnais de sécurité, travaillant en hauteur sur une nacelle le 30 juin 2015 à 11h07, puis en train de souder un tuyau situé au-dessus de lui sur ladite nacelle avec les bras en élévation au-dessus de sa tête ; l'huissier certifie avoir consulté 9 sous-dossiers contenant les photographies classées par chantier sur lesquelles Monsieur [M] apparaît pour exemple en train de souder le 15 septembre 2015 à 10h55, ou travaillant en hauteur le 15 septembre 2015, ou encore le 1er décembre 2015, en train de souder ses tuyaux de grosse section, ou arrimant de gros tuyaux à l'aide d'une corde à 11h06 ou encore une photographie du même jour présentant un tuyau de plusieurs dizaines de kilos monté sur un trépied pour des opérations de soudage, ou encore des photographies du mois de février 2016 sur lesquelles apparaît le sol enneigé et un thermomètre indiquant une température de zéro ou une photographie du mois d'août 2016 montrant Monsieur [M] équipé d'un harnais et portant une grande pièce métallique sur une plate-forme en hauteur.
Pour sa part l'employeur soutient que les photographies sont douteuses comme ayant été produites 18 mois après le début de la procédure et ne permettent pas d'identifier l'appelant avec certitude, le constat d'huissier étant daté du 14 février 2020 ; il souligne que Monsieur [M] ne l'a jamais alerté sur une quelconque difficulté alors que lui-même justifie d'attestations de formation de l'appelant visant à sensibiliser le personnel sur les risques liés aux travaux en hauteur notamment en janvier 2015 ou sur la prévention de la pénibilité en avril 2016'; il produit encore une attestation de la responsable sécurité déclarant qu'elle réalisait des visites sur chantier et qu'au cours de l'année 2016, elle a évoqué avec Monsieur [M] ses restrictions médicales et l'importance de leur respect en lui demandant de faire appel à ses collègues pour les travaux qu'il n'était pas en capacité de faire.
Il ressort de ces éléments que vainement l'employeur soutient qu'il appartenait au salarié de veiller lui-même à se soustraire aux travaux contraires aux restrictions posées par le médecin du travail alors qu'aux termes des dispositions légales précitées, c'est à l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité de prendre les mesures pour assurer la sécurité des salariés et protéger leur santé'; 'il n'est pas inutile de relever à cet égard que dans le cadre de la recherche de reclassement, Monsieur [Z], directeur de GER2I, s'agissant d'un poste disponible sur le site du Mans, a établi une attestation par laquelle il déclare qu'après étude, il n'était pas possible, compte tenu de la faiblesse des effectifs, de mettre en place une organisation permettant à Monsieur [M] d'exercer une activité de chef d'équipe «'non travaillant'» pour respecter les prescriptions posées par le médecin du travail, l'employeur ne s'étant pas interrogé de la même façon au cours de l'exécution du contrat de travail sur les conditions dans lesquelles Monsieur [M] exerçait son activité de chef d'équipe tuyauteur soudeur «'travaillant'» malgré les restrictions posées par le médecin du travail depuis l'année 2013.
Le préjudice subi par le salarié du fait de ces manquements ayant été justement indemnisé en première instance, le jugement lui ayant alloué la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts sera confirmé.
Enfin, dans la mesure où il n'est nullement établi que l'inaptitude de l'appelant pour maladie d'origine non professionnelle, soit en lien, ne serait-ce que partiellement, avec les manquements ainsi relevés, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a débouté l'appelant de sa demande visant à voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à ce titre.
5. Sur l'inaptitude et l'impossibilité de reclassement
Aux termes de l'article L.1226-2 du code du travail, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou à un accident non professionnels, si le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur est tenu de lui proposer un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail.
Lorsque l'entreprise fait partie d'un groupe, les possibilités de reclassement doivent être recherchées à l'intérieur du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel, peu important qu'elles appartiennent ou non à un même secteur d'activité.
C'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyen, et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue et qu'il a tout tenté à cette fin de manière loyale et de bonne foi.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 16 décembre 2016, Monsieur [M] était licencié pour une inaptitude avec impossibilité de reclassement en ces termes':
«'Vous avez été embauché le 1er juin 1988, vous occupez actuellement le poste de Chef d'Equipe Tuyauteur Soudeur au sein de GER2I.
A l'issue d'une visite à la demande du médecin du travail, ce dernier vous a déclaré inapte à votre poste.
Nous faisons suite à votre entretien préalable du 13 octobre 2016, avec Madame [I] [O], Responsable Ressources Humaines et Madame [Y] [L], Chargée de RH, pour lequel vous n'étiez pas assisté, au cours duquel nous vous avons exposé les motifs de la mesure envisagée.
Dans le cadre d'une visite occasionnelle à la demande du Médecin du Travail, vous avez été examiné par le Dr [G] en date du 1er août 2016. Le 16 août 2016, à l'issue d'une seconde visite médicale le Médecin du Travail vous a déclaré inapte à occuper votre emploi dans l'entreprise dans les termes suivants :
« Procédure R4624-31 du Code du Travail et 2ème visite :
Inapte au poste actuel': Contre-indication au port de charges lourdes, soudage, travail les bras au-dessus des épaules, exposition chaleur et froid
Apte à un poste sans ces contre-indications : suivi de chantier, administratif, etc... »
En dépit des recherches approfondies effectuées au niveau du Groupe E1FFAGE et de l'entreprise, conformément aux conclusions écrites du Médecin du Travail et aux préconisations qu'il a formulées, et au fait que vous avez refusé les propositions de reclassement notifiées par notre courrier du 26 septembre dernier, et celui du 2 novembre 2016, nous sommes dans l'impossibilité de vous reclasser.
En conséquence, et suite à notre entretien du 13 octobre dernier, nous vous informons que nous sommes amenés à vous licencier pour inaptitude physique (d'origine non professionnelle).
Comme indiqué au cours de l'entretien, et dans la mesure où vous n'êtes pas apte à occuper le poste que nous vous avons confié, vous n'effectuerez pas votre préavis qui ne sera pas payé. En conséquence, votre fin de contrat interviendra à la date d'envoi de ce courrier''»
Aux fins d'établir qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement l'employeur produit :
'un courriel du 23 août 2016 adressé à 23 filiales du groupe Eiffage aux fins de recherche de postes de reclassement disponibles, accompagné d'une note mentionnant les restrictions posées par le médecin du travail et les réponses des filiales interrogées, la société APRR ayant identifié 6 postes, la société Eiffage Île-de-France en ayant identifié 2, de même que la société Eiffage Energie, interrogée précisément sur les postes administratifs et de suivi de chantier'ouverts par un courriel du 19 septembre 2016 ;
'le registre du personnel laissant apparaître plus d'une dizaine d'embauches sur la période du licenciement';
'une lettre du 26 septembre 2016 adressée à l'appelant lui proposant 8 postes de reclassement dont deux en région Ouest (assistant d'accueil et chef d'équipe en mécanique), les autres en région parisienne (ouvrier autoroute, agent de sécurité, surveillant travaux, technicien référent travaux et cadre viabilité sécurité)'; il lui était précisé qu'il pourra bénéficier d'une formation adaptée à ses nouvelles fonctions ;
'la réponse de l'appelant du 28 septembre 2016 faisant valoir que les postes proposés apparaissent incompatibles avec son inaptitude ou incompatibles par leur niveau d'exigence ; il indique que selon la description des postes, il s'agit d'emplois soit en extérieur y compris en période hivernale, soit qui impliquent le port de charges ou encore le maniement d'engins, s'agissant notamment des emplois d'ouvriers autoroutiers ;
'la lettre en réponse de l'employeur du 2 novembre 2016 lui rappelant l'entretien du 13 octobre avec Madame [O], Responsable des Ressources Humaines et Madame [L] chargée de RH, au cours duquel ont été évoqués les postes disponibles en interne au siège de la société GER2I à Achères, soit 6 postes de cadres et d'ETAM qu'il a refusés au motif qu'il ne souhaitait pas déménager et ne pouvait accepter de poste sédentaire lui faisant perdre ses indemnités de grands déplacements représentant un tiers de sa rémunération ; il lui est encore rappelé qu'il a demandé une formation au brevet de pilote de deltaplane, demande à laquelle l'employeur était disposé à répondre positivement pour autant qu'il adresse des éléments plus précis, ce qu'il a omis de faire ; il lui est encore précisé que les postes proposés sont adaptés à ses contraintes physiques';
'l'attestation de Monsieur [Z], directeur de GER2I déjà évoquée, qui indique avoir été précisément interrogé par un courriel du 17 octobre 2016 émanant du responsable hiérarchique de Monsieur [M] que ce dernier produit aux débats, pour l'affecter sur le site du Mans, mais qu'après étude, il l'a informé de ce qu'il ne pouvait être donné suite à cette proposition parce qu'il s'interrogeait sur la pérennité du site, qu'il avait déjà pris l'engagement auprès d'une autre personne du site de lui confier le poste laissé vacant par un départ en retraite et parce qu'il n'était pas en mesure, compte tenu de la faiblesse des effectifs, de mettre en place une organisation avec un chef d'équipe «non travaillant permettant le respect des restrictions émises par le médecin du travail ;
il précise qu'il a encore étudié la possibilité d'affecter Monsieur [M] sur le site du CNRS, mais que s'agissant de bâtiments en cours de construction, ils étaient ouverts à toutes les intempéries et n'étaient pas chauffés';
'un échange de courriels, les 23 et 24 octobre 2016, entre l'employeur et le médecin du travail desquels il ressort que le médecin du travail, interrogé sur la prise en compte de la qualité de Monsieur [M] de chef d'équipe «'travaillant'», a répondu que la dimension opérationnelle du poste de Monsieur [M] a bien été prise en compte dans la procédure d'inaptitude, la décision d'inaptitude ayant été prise conjointement avec le médecin du travail de l'entreprise qui connaît bien le poste et le salarié';
'une lettre recommandée du 21 novembre 2016 adressée par l'employeur à l'appelant en réponse à sa lettre du 9 novembre par laquelle il lui rappelle qu'il n'a pas accepté les propositions de postes disponibles en interne pour les motifs déjà exposés dans la lettre du 2 novembre 2016.
Aux fins de contester la recherche loyale et complète de reclassement, Monsieur [M] soutient qu'il ressort du registre du personnel que de multiples postes étaient vacants en interne et qu'à cette période, il a été procédé à des recrutements aux fins de les pourvoir'; il conteste expressément que l'employeur lui ait proposé quelque poste que ce soit en interne et il estime que l'intimée n'a pas été loyale lors de la consultation des délégués du personnel le 7 novembre 2016 en leur exposant que lui auraient été proposés des postes ouverts en interne à Achères.
Il produit à cet égard':
'le procès-verbal de la réunion extraordinaire des délégués du personnel du 7 novembre 2016 consultés pour avis sur le projet de reclassement ; il y est repris les postes proposés dans le cadre de la proposition de reclassement sur les entités du groupe Eiffage adressée à l'appelant le 26 septembre 2016'; il est en outre précisé qu'il lui a été proposé des postes ouverts au sein de GER2I basés au siège à Achères, les délégués ayant émis un avis défavorable à l'unanimité des membres présents aux propositions de reclassement soumis à Monsieur [M]';
'le courriel de Monsieur [P], son responsable hiérarchique, du 17 octobre 2016 par lequel il rappelle au directeur, Monsieur [Z], qu'ils avaient évoqué la possibilité de reclasser Monsieur [M] sur le site du Mans, l'essentiel de l'activité consistant en de petits travaux récurrents à l'intérieur ; il souligne que Monsieur [M] connaît déjà bien ce site et travaille bien avec son collègue [R] et il pense que «'cette affectation serait bien pour lui et pour le site'», demande restée sans suite.
Il ressort des pièces ainsi produites, et notamment du registre du personnel qu'il a été procédé par la société GER2I à des embauches dans les temps du licenciement, soit 3 cadres, (2 chefs de projet et un chargé d'affaires), 7 Etam (assistant technique, assistant chargé d'affaires, assistant chargé de projet, assistant technique etc') outre une dizaine d'ouvriers'; si l'employeur fait valoir que ces postes ont été proposés à Monsieur [M] verbalement lors de l'entretien du 13 octobre 2016, ce que ce dernier conteste, il n'en justifie nullement étant relevé qu'à la date du 13 octobre, il avait déjà été procédé à 7 embauches depuis le mois d'août, étant relevé que le médecin du travail avait émis dès le 1er août 2016 des conclusions d'inaptitude prévisible au poste lors de la 1ère visite, la seconde visite étant programmée le 16 août 2016 ; au-delà, il est encore acquis qu'un salarié chef d'équipe, Monsieur [T] partait en retraite et que son poste était vacant sur le site du Mans, ce poste étant compatible avec les restrictions posées par le médecin du travail tel qu'il ressort du courriel de Monsieur [P], s'agissait d'un site où sont réalisés de façon récurrente de petits travaux en intérieur';
pour autant le directeur expose dans le cadre de son attestation qu'il n'a pas donné suite à cette demande en déclarant de façon paradoxale qu'il s'interrogeait sur la pérennité du site mais qu'il avait déjà pris l'engagement de confier le poste vacant à une autre personne du site ou qu'il n'était pas en capacité de mettre en place une organisation permettant à Monsieur [M] de ne pas être chef d'équipe «'travaillant'» alors que cette allégation est contredite par Monsieur [P] dans le cadre du courriel évoqué.
Il en résulte que l'employeur échoue à établir qu'il a satisfait à une recherche loyale et complète de reclassement et il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris sur ce point et de dire le licenciement de Monsieur [M] dépourvu de cause réelle et sérieuse.
6. Sur les conséquences de l'absence de cause réelle et sérieuse
Au moment du licenciement, Monsieur [M] était âgé de 55 ans, avait une ancienneté de 28 ans dans l'entreprise et bénéficiait d'un salaire mensuel brut moyen de 2.916 € Brut.
a) L'indemnité compensatrice de préavis
En application de l'article L 1234-1 du code du travail puisque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié qui compte au moins deux ans d'ancienneté a droit à un préavis de 2 mois ; aux termes de l'article L 1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit à une indemnité compensatrice.
Il y a lieu en conséquence d'allouer à l'appelant la somme de 5.832,13 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 583,13 € au titre des congés payés afférents.
b) Les dommages et intérêts'pour licenciement dépourvu de cause réelle ni sérieuse
Monsieur [M] comptait lors du licenciement plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise qui employait de manière habituelle plus de 10 salariés, de sorte qu'il relève du régime d'indemnisation de l'article L.1235-3 du code du travail, en sa rédaction alors applicable.
Il résulte des dispositions précitées que si le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse le juge peut proposer la réintégration du salarié ou en cas de refus par l'une ou l'autre des parties allouer au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois d'activité.
L'appelant justifie qu'à la date du 18 juin 2018 il était toujours indemnisé par Pôle emploi ; pour autant, il n'expose pas précisément sa situation depuis le licenciement et notamment, les éventuelles difficultés rencontrées, les recherches infructueuses d'emploi, la perte de ressources.
Il convient au vu de son âge, de son ancienneté et de son état de santé, de fixer le préjudice de Monsieur [M] à 24 mois de salaire à titre de dommages-intérêts, soit la somme de 70.000 €.
Il y a lieu de dire en outre qu'il appartiendra à l'employeur de délivrer à l'appelant les documents de fin de contrat rectifiés conformément aux termes du présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de la date de sa notification, sans qu'il soit utile de fixer une astreinte.
7. Sur les intérêts
Conformément à la demande de l'appelant, il convient de dire que les sommes ainsi allouées porteront intérêts au taux légal qui se capitaliseront par année entière, conformément aux articles 1231-7 et 1343-2 du Code Civil.
8. Sur l'application de l'article L.1235-4 du code du travail
L'article L.1235-4 du code du travail, en sa rédaction alors applicable, dispose que, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois.
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance où n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Ces dispositions ont vocation à recevoir application dans la présente espèce et la société Eiffage Energie Systèmes - GER2I sera condamnée à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois.
9. Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Il apparaîtrait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [K] [M] les frais irrépétibles non compris dans les dépens et la société Eiffage Energie Systèmes - GER2I sera condamnée à lui payer la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, le jugement devant être confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'une indemnité de 1.500 € à ce titre en première instance.
La société Eiffage Energie Systèmes - GER2I qui succombe sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement du Conseil des prud'hommes de Dinan, sauf en ce qu'il a condamné la société Eiffage Energie Systèmes - GER2I à payer à Monsieur [K] [M], la somme de 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail et des temps de repos, la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité, celle de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens';
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
DIT le licenciement de Monsieur [K] [M] dépourvu de cause réelle et sérieuse';
CONDAMNE la société Eiffage Energie Systèmes - GER2I à payer à Monsieur [K] [M] les sommes suivantes :
2.000 € à titre de dommages-intérêts pour le manquement de l'employeur à son obligation de suivi de formation et d'adaptation';
5.832,13 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 583,13 € au titre des congés payés afférents';
70'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse';
2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
DIT que les sommes allouées à Monsieur [K] [M] porteront intérêts au taux légal qui se capitaliseront par année entière conformément aux dispositions des articles 1231-7 et 1343-2 du Code Civil';
ORDONNE le remboursement par la société Eiffage Energie Systèmes - GER2I aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Monsieur [K] [M] dans la limite de six mois';
DÉBOUTE la société Eiffage Energie Systèmes - GER2I de sa demande titre de l'article 700 du code de procédure civile';
CONDAMNE la société Eiffage Energie Systèmes - GER2I aux dépens d'appel';
Le Greffier,Le Conseiller
Faisant Fonction de Président