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05/07/2022 | FRANCE | N°20/01551

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 05 juillet 2022, 20/01551


1ère Chambre





ARRÊT N°262/2022



N° RG 20/01551 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QREO













Mme [O] [L]



C/



M. [A] [G]

Mme [Z] [H] épouse [G]

















Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUILLET 2022





COMPOSITION DE LA

COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audi...

1ère Chambre

ARRÊT N°262/2022

N° RG 20/01551 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QREO

Mme [O] [L]

C/

M. [A] [G]

Mme [Z] [H] épouse [G]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 05 JUILLET 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 Mai 2022 devant Madame Aline DELIÈRE, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 05 Juillet 2022 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 28 juin 2022 à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [O] [L]

née le 09 Février 1975 à [Localité 11] (44)

[Adresse 7]

[Localité 3]

Représentée par Me Yann PAILLER de la SELARL BRITANNIA, avocat au barreau de BREST

INTIMÉS :

Monsieur [A] [G]

né le 01 Avril 1951 à [Localité 10] (29)

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représenté par Me François MOULIÈRE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Cyril FALHUN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Madame [Z] [H] épouse [G]

née le 23 Décembre 1949 à TANANARIVE (MADAGASCAR)

[Adresse 8]

[Localité 9]

Représentée par Me François MOULIÈRE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Cyril FALHUN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

FAITS ET PROCÉDURE

Les époux [A] [G] et [Z] [H] sont propriétaires d'une maison située [Adresse 6] (29).

Le 21 juin 2013, Mme [O] [L] a acquis la propriété voisine, au [Adresse 7] et a entrepris des travaux d'extension et de surélévation.

Dans une déclaration de travaux du 25 avril 2013, elle a déclaré les travaux suivants : «'création d'une pièce habitable au dessus d'un garage existant. Ce garage verra sa partie Sud démolie sur 2,50 m et la façade de l'extension s'alignera sur ce retrait. Un balcon sera établi sur la façade Sud avec protection visuelle conforme au code civil par rapport à la propriété voisine. L'extension sera construite en ossature bois revêtue d'un bardage en werzalit ton bois. La toiture sera réalisée en membrane PVC grise. Les menuiseries extérieures seront en alu laqué de couleur blanche.

Le 23 mai 2013, le maire de la commune du Conquet a pris un arrêté de non-opposition sans prescription.

Dans une déclaration de travaux modificative du 13 janvier 2016, Mme [L] a déclaré les travaux suivants : «'au Nord, pose d'une porte-fenêtre au lieu d'une fenêtre et installation d'un pare-vue en limite Ouest de la terrasse (hauteur 1,90 m) et sur toute la longueur'».

Le 26 janvier 2016, le maire de la commune du Conquet a pris un arrêté de non-opposition.

Le pignon Est du garage, sur lequel l'extension a été créée, est situé en limite Ouest du fonds de Mme [L], et donne sur le fonds des époux [G].

Par mail du 28 janvier 2016, Mme [L] a demandé aux époux [G] l'autorisation d'accéder à leur propriété pour poser l'enduit sur la façade de l'extension.

Par courrier du 8 mars 2016, Mme [G] a mis Mme [L] en demeure de démolir l'extension afin de faire cesser les troubles causés par cette construction, soit une perte d'ensoleillement, un préjudice esthétique et une privation de vue sur la ria du Conquet.

Par courrier du 27 juillet 2016, l'huissier de justice mandaté par Mme [L] a sollicité à nouveau les époux [G] puis, le 10 août 2016, leur a signifié une sommation interpellative

Saisi le 31 août 2015 par les époux [G] le juge des référés du tribunal de grande instance de Brest a, par ordonnance du 21 novembre 2016, notamment :

-débouté les époux [G] de leurs demandes sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile,

-autorisé Mme [L] et M. [M] à faire exécuter les travaux d'enduisage du mur de leur propriété jouxtant la propriété des époux [G], par l'entreprise de leur choix à partir de la propriété de ces derniers,

-dit que Mme [L] et M. [M] feront établir à leurs frais par un huissier de leur choix, un procès verbal d'état des lieux de la propriété [G] sur laquelle seront réalisés les travaux avant qu'ils ne débutent et après leur achèvement,

-dit que Mme [L] et M. [M] devront indemniser les époux [G] de toutes les dégradations qui affecteraient la propriété de ces derniers et résulteraient des travaux qu'ils ont fait entreprendre,

-ordonné une expertise et commis pour y procéder M. [Y] [D] ou à défaut, M. [V] [N], expert, avec pour mission, entre autres dispositions, de décrire les ouvrages récemment créés par M. [M] et Mme [L], dire si l'édification d'un pare-vue côté Nord génère un trouble pour les époux [G], dont il déterminera l'étendue, indiquer si la construction dans son ensemble est à l'origine d'une perte de vue et d'ensoleillement pour la propriété des époux [G], en considération du cadre dans lequel elle se situe, évaluer, le cas échéant, la perte de valeur vénale de la propriété des époux [G] résultant de la construction litigieuse, déterminer et évaluer les préjudices de toute nature subis par les époux [G], déterminer les dimensions et l'alignement que la construction projetée devra respecter afin que les droits des époux [G] soient préservés, déterminer si les dimensions de la construction sont conformes aux plans déposés en mairie, déterminer si des travaux, qui auraient dû faire l'objet d'une autorisation administrative par la mairie, ont été effectués sans cette autorisation, dire si l'extension réalisée par Mme [L] et M. [M] a fait l'objet de dégradations en raison de l'impossibilité de réaliser les travaux d'enduisage depuis le mois de février 2016, chiffrer le cas échéant, le surcoût lié à ces éventuelles dégradations,

-condamné les époux [G] aux dépens.

Sur appel des époux [G], par arrêt du 17 octobre 2017 la cour d'appel de Rennes a :

-infirmé l'ordonnance en ce qu'elle a :

*débouté les époux [G] de leurs demandes sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile,

*autorisé Mme [L] et M. [M] à faire exécuter les travaux d'enduisage du mur de leur propriété à partir de la propriété des époux [G],

*dit qu'ils feront établir à leurs frais par un huissier de leur choix, un procès verbal d'état des lieux de la propriété [G],

*dit qu'ils devront indemniser les époux [G] de toutes les dégradations qui affecteraient la propriété de ces derniers et résulteraient des travaux qu'ils ont fait entreprendre,

*débouté les époux [G] de leur demande au titre des frais irrépétibles.

Statuant à nouveau,

-dit que les travaux entrepris par Mme [L] et M. [M] constituent un trouble manifestement illicite,

-leur a ordonné, sous astreinte 100'euros par jour de retard à compter du lendemain de la signification de l'arrêt, de suspendre les travaux et de condamner la porte fenêtre ouvrant sur la terrasse nouvellement créée,

-les a débouté de leur demande tendant à effectuer les travaux d'enduisage du mur de leur propriété jouxtant la propriété des époux [G],

-condamné Mme [L] et M. [M] aux dépens de première instance et d'appel et à payer aux époux [G] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'expert, M. [Y] [D], a déposé son rapport le 22 août 2019.

Le 23 octobre 2019, sur autorisation d'assigner à jour fixe, Mme [L] a assigné les époux [G] devant le tribunal de grande instance de Brest en autorisation de tour d'échelle.

Par jugement du 12 février 2020 le tribunal de grande instance a :

-débouté Mme [L] de sa demande d'accès à la propriété des époux [G] pour réaliser les travaux d'enduisage et de bardage du mur pignon ouest de son extension,

-condamné Mme [L] aux entiers dépens de l'instance comprenant le coût de l'expertise judiciaire et à payer aux époux [G] la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

-ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Mme [L] a fait appel le 4 mars 2020 de l'ensemble des dispositions du jugement.

Le 25 novembre 2020, elle a saisi le tribunal de grande instance de Brest d'une demande de bornage des deux fonds. Par jugement du 1er avril 2021 le tribunal a déclaré sa demande irrecevable. Elle a fait appel de ce jugement le 7 mai 2021. La procédure RG 21-02837 est pendante devant la cour.

Dans le cadre de la présente procédure, par ordonnance du 11 mai 2021 le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer formée par Mme [L] jusqu'à l'issue de la procédure de bornage judiciaire au motif que son action venait d'être déclarée irrecevable.

Dans une déclaration de travaux modificative du 4 janvier 2022, Mme [L] a déclaré les travaux suivants : «'enduit identique à la maison existante (bardage bois sur le projet d'origine) ; modification des dimensions des ouvertures en façades Sud et Nord ; mise en place de garde-corps sur les terrasses au Sud et Nord ainsi que des brises vues en bois côté Ouest'».

Le 3 mars 2022, le maire de la commune du Conquet a pris un arrêté de non-opposition avec la prescription suivante : «'Considérant que le garage devenant une pièce de vie par la modification de la porte du garage en porte-fenêtre est un changement d'usage, et supprimant ainsi une place de stationnement, le pétitionnaire devra s'assurer de laisser l'emplacement nécessaire au stationnement de véhicules automobiles sur sa propriété, à raison de 2 places de stationnement (...)'»

Mme [L] expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 21 avril 2022, auxquelles il est renvoyé.

Elle demande à la cour de réformer pour partie le jugement et de le confirmer pour le surplus.

Elle demande à la cour de :

-réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'accès à la propriété des époux [G] pour réaliser les travaux d'enduisage et de bardage du mur pignon Ouest de son extension, sous astreinte,

-statuant à nouveau, condamner les époux [G] à laisser pénétrer sur leur propriété, située [Adresse 5], l'entreprise mandatée par elle pour réaliser les travaux d'enduisage du mur pignon Ouest de l'extension de sa maison, conformément à la déclaration de travaux objet de l'arrêté du 3 mars 2022, et ce pendant une durée maximale consécutive de deux mois, à charge pour elle de prévenir les époux [G] au moins un mois à l'avance par lettre recommandée avec accusé de réception,

-lui donner acte de ce qu'elle fera dresser, à ses frais, par huissier de justice, un procès-verbal de constat des lieux concernés avant, puis après, la réalisation des travaux d'enduisage,

-lui donner acte de ce qu'elle s'engage à prendre en charge tous préjudices éventuels résultant de l'intervention des entreprises sur le fonds [G],

-réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer la somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-débouter les époux [G] de leur demande à ce titre,

-réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au titre des dépens,

-condamner les époux [G] à lui payer la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les entiers dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire.

Les époux [G] exposent leurs moyens et leurs demandes dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 25 avril 2022, auxquelles il est renvoyé.

Ils demandent à la cour de :

-dire que Mme [L] ne rapporte pas la preuve que la construction qu'elle entend réaliser depuis le terrain des époux [G] est précédée des autorisations administratives requises,

-dire que Mme [L] n'apporte pas d'informations sur les travaux qu'elle entend réaliser depuis leur terrain,

-dire que la construction que Mme [L] entend réaliser depuis leur terrain ouvre une vue droite et oblique sur leur fonds qui ne respecte pas la distance légale,

-dire que cette construction est constitutive d'un trouble anormal de voisinage,

-dire que cette construction pourrait empiéter sur leur fonds,

-dire que cette construction violerait leurs droits tirés de la mitoyenneté des murs sur lesquels la construction prend appui,

-confirmer le jugement sauf en ce qu'il a refusé de reconnaître l'existence d'un préjudice lié à la perte d'ensoleillement sur leur fonds,

-condamner Mme [L] aux entiers dépens et à leur payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, il convient de rappeler que l'office de la cour d'appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de «'constater'», «'dire'» ou «'dire et juger'» qui ne constituent pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile mais la reprise des moyens censés les fonder.

1) Sur la demande au titre du tour d'échelle

Il ressort de l'article 544 du code civil que le propriétaire d'un immeuble peut être autorisé à occuper temporairement le fonds voisin afin d'effectuer des travaux sur son propre bien, aux conditions que ceux-ci revêtent un caractère indispensable et qu'il soit nécessaire pour les réaliser de se positionner temporairement sur le fonds voisin.

Le juge doit apprécier les données concrètes de la situation et statuer en respectant l'équilibre des droits et prétentions en présence. Quand il est nécessaire de réaliser des travaux et quand le propriétaire voisin refuse le tour d'échelle, l'autorisation de pénétrer sur le fonds voisin peut être accordée par le juge si cette atteinte au droit de propriété ne présente pas un caractère disproportionné eu égard aux droits respectifs des propriétaires des deux fonds.

Mme [L], qui à l'origine avait prévu de poser un bardage en bois sur le mur de la pièce créée au dessus du garage, a modifié son projet et obtenu l'autorisation de poser un enduit, ainsi qu'il ressort de la déclaration modificative de travaux du 4 janvier 2022 et de l'arrêté municipal de non opposition du 3 mars 2022.

Elle sollicite l'autorisation de pénétrer sur la propriété les époux [G] pour réaliser les travaux de pose de l'enduit. Elle précise qu'elle a l'intention de faire raboter le mur en parpaings de la surélévation afin de ne pas empiéter au delà de la limite entre les deux propriétés.

En l'espèce, le mur en parpaings, côté Ouest, de la surélévation édifiée courant 2015 par Mme [L] n'est pas protégé. Il est resté nu depuis plusieurs années. Il ressort du rapport d'expertise que dans l'attente de la finition des travaux sur le pignon Ouest, une bande métallique a été posée, joignant le pignon et le toit de l'appentis des époux [G] pour éviter des infiltrations, que l'expert a cependant constaté plusieurs points d'infiltrations et des champignons à l'intérieur du côté du pignon Ouest (pages 112 et 113), ajoutant que le pignon est exposé aux vents de Nord Ouest et que le problème ira en s'aggravant.

Il est ainsi établi que les travaux de pose de l'enduit sont nécessaires.

Pour s'opposer à la demande les époux [G] font valoir que le droit de passage ne peut être accordé parce que :

-les travaux envisagés excèdent ce que permet la servitude de tour d'échelle puisqu'ils portent sur la démolition partielle de la construction réalisée, puis la réalisation de travaux qui sont indéfinis et qu'il n'est pas justifié que les travaux ne peuvent pas être réalisés depuis le fonds de Mme [L],

-les travaux envisagés violeraient les règles applicables en matière de mitoyenneté, notamment les dispositions des articles 659 et 662 du code civil,

-la construction envisagée leur causerait un trouble manifestement anormal compte-tenu des dimensions disproportionnées de l'édifice et en particulier de l'apposition d'un pare-vue sur la terrasse Nord,

-les travaux envisagés sont illégaux car ils ne font l'objet d'aucune autorisation administrative qui aurait été obtenue régulièrement.

Il ressort de la situation des lieux que les travaux d'enduit du pignon litigieux justifient que l'entreprise chargée de ces travaux ait accès à la propriété des époux [G]. Cet accès sera limité dans le temps, n'aura pas pour conséquence la dégradation du fonds voisin de telle sorte que la réalisation des travaux n'est pas de nature à porter atteinte au droit de propriété des époux [G].

Contrairement à ce que soutiennent les époux [G], Mme [L] sollicite l'autorisation de poser un enduit et non celle de démolir et de reconstruire le mur pignon de l'extension. L'autorisation sollicité vaut également pour les travaux de rabotage des parpaings, nécessaires pour éviter que l'épaisseur de l'enduit ne crée un empiétement sur la propriété voisine.

S'agissant des règles relatives à la mitoyenneté, le premier juge a retenu que le mur séparant les deux fonds est mitoyen.

En effet, la cour relève, comme le tribunal et les époux [G], qu'aux termes de l'article 653 du code civil est présumé mitoyen : «'tout mur servant de séparation entre bâtiments jusqu'à l'héberge, ou entre cours et jardins ». Les actes notariés des 7 juin 1962 et 3 décembre 1962, qui concernent le fonds de Mme [L], font bien état de cette mitoyenneté : «'à l'Ouest la propriété [C], par murs et pignon du garage mitoyens'», alors que la propriété [C] est celle qui a été acquise le 28 décembre 1998 par les époux [G] et qui concerne les parcelles [Cadastre 1] et [Cadastre 2].

Par ailleurs, il n'existe pas de signes apparents de non-mitoyenneté.

Le moyen tiré de ce que l'acte de propriété des époux [G], du 28 décembre 1998 ne mentionne pas que le mur à l'Est est mitoyen est inopérant, les actes de 1962 visant les parcelles acquises par Mme [L], qui lui sont opposables, rappelant bien le caractère mitoyen des murs.

La déclaration préalable déposée à la mairie le 18 juin 2013 pour procéder à la réparation d'une partie du mur de clôture qui s'était effondrée sur une longueur de 27 mètres, au Sud des maisons, faite par les époux [G] et Mme [S], auteur de Mme [L], mentionne qu'il s'agit d'un mur mitoyen, ce qu'affirme à nouveau Mme [S] dans une attestation produite par les époux [G]. Mme [S] et Mme [L] ont d'ailleurs conclu une convention le 21 juin 2013, parallèlement à l'acte de vente du même jour, aux termes de laquelle Mme [S] acceptait de garder à sa charge la moitié du coût de réparation du mur, l'autre moitié étant payée par les époux [G]. Avant que ne naisse le litige qui oppose les parties Mme [L] avait donc connaissance du caractère mitoyen du mur.

Dans un courrier du 28 avril 2016 adressé aux époux [G] elle fait d'ailleurs mention du mur mitoyen, dont elle n'a contesté le caractère mitoyen qu'en cours de procédure, devant l'expert.

Dans ses conclusions, dans le cadre du présent litige, Mme [L] présente ses moyens de défense dans le cadre de l'hypothèse de la mitoyenneté du mur, précisant qu'elle a fait appel du jugement qui a rejeté sa demande de bornage au motif que le mur est mitoyen et que le bornage n'est pas nécessaire.

La cour retiendra donc que le mur existant, qui sépare les deux fonds est mitoyen.

Pour autant la partie du mur qui s'appuie sur le mur mitoyen et qui constitue un exhaussement de ce mur, exhaussement que Mme [L] avait le droit de réaliser en application de l'article 658 du code civil, n'est pas mitoyenne. Elle est privative à Mme [L].

Les dispositions de l'article 662 invoquées par les époux [G], qui soutiennent que Mme [L] n'avait pas le droit de construire une extension prenant appui sur la partie réhaussée du mur sans expertise préalable, ne sont pas applicables.

Les dispositions de l'article 659 du code civil ne sont pas non plus applicables car le mur mitoyen d'origine n'a pas été démoli pour construire l'exhaussement.

S'agissant des troubles invoqués par les époux [G], ce moyen est inopérant car la demande porte sur l'aspect extérieur du pignon, qui est déjà construit, et la pose d'un enduit ne modifiera pas le volume de la construction. En effet la question de la pose de l'enduit n'a aucun rapport avec la création de servitudes de vue, ni avec la perte d'ensoleillement dont se plaignent les époux [G].

Par ailleurs, l'arrêt du 17 octobre 2017 n'a ordonné la suspension des travaux que jusqu'au dépôt du rapport d'expertise judiciaire, soit jusqu'au 22 août 2019.

Enfin, Mme [L] justifie, par la production de la déclaration de travaux modificative du 4 janvier 2022 et de l'arrêté de non opposition pris le 3 mars 2022 par le maire de la commune du Conquet, qu'elle a obtenu l'autorisation de poser un enduit au lieu du bardage initialement prévu. Nonobstant le fait que les époux [G] déclarent dans leurs conclusions, sans en justifier, qu'ils engagent une procédure devant le tribunal administratif pour obtenir l'annulation de cet arrêté, l'autorisation sollicitée sera accordée, le sort de la construction et des aménagements réalisés par Mme [L] étant indifférent dans le cadre de la demande d'autorisation de tour d'échelle.

Après infirmation du jugement, il sera donc fait droit, selon les modalités fixées dans le dispositif de l'arrêt, à la demande de Mme [L], qui porte sur le mur pignon Ouest de l'extension de sa maison, ce qui exclut la partie du mur mitoyen existante avant les travaux d'extension.

2) Sur la demande reconventionnelle au titre du trouble anormal du voisinage

Les époux [G] demandent à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a refusé de reconnaître l'existence d'un préjudice lié à la perte d'ensoleillement sur leur fonds. Ils ne forment cependant aucune demande à ce titre dans le dispositif de leurs conclusions en appel.

Le tribunal a retenu que l'expert a effectué des analyses minutieuses relatives à la perte d'ensoleillement invoquées par les époux [G] et qu'il résulte de ces calculs que l'ombre portée de la construction litigieuse est minime, essentiellement matinale et n'arrivera qu'en dehors des périodes estivales. Cette analyse est conforme aux constatations de l'expert et à ses conclusions. Le trouble anormal du voisinage résultant de la perte d'ensoleillement n'est pas établi.

En conséquence, le jugement sera confirmé pour avoir rejeté la demande des époux [G] au titre du préjudice résultant d'un trouble anormal du voisinage lié à la perte d'ensoleillement sur leur fonds.

3) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement sera infirmé de ces deux chefs, sauf en ce qui concerne les frais d'expertise.

Les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge des époux [G], partie perdante, dont la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de Mme [L] les frais qu'elle a exposés qui ne sont pas compris dans les dépens et sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

S'agissant des frais d'expertise, ils seront laissés à la charge de Mme [L], car ce sont les conditions dans lesquelles elle a mené les travaux de modification de la maison qu'elle a acquise en 2013, qui sont à l'origine du litige avec ses voisins et qui ont rendu l'expertise nécessaire.

A cet égard la cour relève que la première déclaration préalable du 25 avril 2013 ne correspond pas à la construction qui a été réalisée (la construction est entièrement en parpaings alors que c'est un bardage en ossature bois qui avait été déclaré ; il n'a pas été déclaré la création d'une terrasse côté Nord), la déclaration préalable modificative du 13 janvier 2016 ne correspond pas non plus à la construction réalisée (pose d'une porte-fenêtre au rez-de-chaussée au Sud alors que la porte du garage figure toujours sur les plans) et il est toujours question d'une ossature en bois alors que c'est un mur en parpaings qui a été monté. Ce n'est que dans la déclaration préalable modificative du 4 janvier 2022, à l'issue des deux procédures engagées devant le tribunal de Brest, qu'elle a déclaré des travaux conformes à ceux déjà réalisés, notamment la pose de portes-fenêtres au Nord et au Sud et la rehausse du mur existant sur 20 cms pour assurer l'étanchéité de la toiture terrasse au Nord, qui n'avait pas été déclarée antérieurement.

Il sera également relevé qu'au cours des opérations d'expertise le projet définitif de Mme [L] a évolué à plusieurs reprises, à différents endroits de l'ouvrage, ce qui a rendu plus complexes les opérations d'expertise.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement rendu le 12 février 2020 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande des époux [G] au titre d'un préjudice lié à la perte d'ensoleillement sur leur fonds, et a condamné Mme [L] à payer les frais d'expertise,

Statuant à nouveau,

Condamne les époux [A] et [Z] [G] à laisser pénétrer sur leur propriété, située [Adresse 4], l'entreprise mandatée par Mme [O] [L] pour réaliser les travaux d'enduisage du mur pignon Ouest de l'extension de sa maison, conformément à la déclaration de travaux objet de l'arrêté de non opposition du 3 mars 2022, pendant une durée maximale consécutive d'un mois,

Ordonne à Mme [O] [L] de prévenir les époux [A] et [Z] [G] du début des travaux au moins un mois à l'avance par lettre recommandée avec accusé de réception et par lettre simple,

Ordonne à Mme [O] [L] de faire dresser, le premier jour des travaux, avant qu'ils ne débutent, un état des lieux où les travaux seront réalisés et un nouvel état des lieux à la fin des travaux,

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne les époux [A] et [Z] [G] aux dépens de première instance et d'appel, à l'exclusion des frais d'expertise.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01551
Date de la décision : 05/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-05;20.01551 ?
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