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04/07/2022 | FRANCE | N°22/02096

France | France, Cour d'appel de Rennes, Contestations honoraires, 04 juillet 2022, 22/02096


Contestations Honoraires





ORDONNANCE N° 73



N° RG 22/02096 -

N° Portalis DBVL-V-B7G-STTE













M. [S] [N]

Mme [O] [P]



C/



S.E.L.A.R.L. SUI GENERIS































Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES


>ORDONNANCE DE TAXE

DU 04 JUILLET 2022







Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre, délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,



GREFFIER :



Madame Juliette VANHERSEL, lors des débats, et Madame Françoise BERNARD, lors du prononcé,



DÉBATS :



A l'audience publique du 13 Juin 2022



ORDON...

Contestations Honoraires

ORDONNANCE N° 73

N° RG 22/02096 -

N° Portalis DBVL-V-B7G-STTE

M. [S] [N]

Mme [O] [P]

C/

S.E.L.A.R.L. SUI GENERIS

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ORDONNANCE DE TAXE

DU 04 JUILLET 2022

Monsieur Fabrice ADAM, Premier Président de chambre, délégué par ordonnance de Monsieur le Premier Président,

GREFFIER :

Madame Juliette VANHERSEL, lors des débats, et Madame Françoise BERNARD, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 13 Juin 2022

ORDONNANCE :

Contradictoire, prononcée à l'audience publique du 04 Juillet 2022, date indiquée à l'issue des débats

****

ENTRE :

Monsieur [S] [N]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Anne DENIS de la SELARL ANNE DENIS, avocat au barreau de RENNES

Madame [O] [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Anne DENIS de la SELARL ANNE DENIS, avocat au barreau de RENNES

ET :

S.E.L.A.R.L. SUI GENERIS

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Jerry KIMBOO de la SELARL SUI GENERIS, avocat au barreau de NANTES

****

EXPOSE DU LITIGE :

Courant 2015, M. [S] [N] et Mme [O] [P] ont saisi Maître [C] [Z], membre de la Selarl Sui Generis, avocat au barreau de Nantes, pour introduire une action en nullité de vente immobilière devant le tribunal de grande instance de Nantes.

Les parties ont conclu le 26 août 2015 une convention d'honoraires prévoyant un honoraire forfaitaire de 3 000 euros TTC, l'attribution à l'avocat de l'indemnité éventuellement allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et un honoraire de résultat égal à 15 % TTC des sommes perçues en remboursement des frais annexes de l'acquisition (honoraires du mandat de recherche et honoraires notariaux) hors remboursement du principal et des frais bancaires.

L'honoraire de diligences a été facturé en septembre et novembre 2015 et intégralement réglé (3 000 euros TTC).

Quelques semaines avant l'audience, le 19 février 2019, la Selarl Sui Generis, par l'intermédiaire d'une collaboratrice, a adressé à ses clients un document qu'ils ont signé, prévoyant que les honoraires de résultat porteront sur la totalité des sommes récupérées.

Le tribunal de grande instance de Nantes a rendu le 27 juin 2019 un jugement annulant la vente et condamnant les vendeurs à verser à M. [N] et à Mme [P] le prix de vente de l'immeuble (270 000 euros), la commission d'agence (9 000 euros), une somme au titre du préjudice moral (4 000 euros) ainsi qu'une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le vendeur a interjeté appel de cette décision mais, après conclusions d'incident soulevant l'irrecevabilité de l'appel déposées par la Selarl Sui Generis, s'est désisté de son appel le 7 novembre 2019, désistement déclaré parfait par le conseiller de la mise en état le 7 janvier 2020.

Insatisfaits des explications de leur conseil quant au document du 19 février 2019, M. [N] et Mme [P] l'ont déchargé par courriel du 6 novembre 2019.

La Selarl Jad Sui Generis a, le 15 novembre 2019, adressé M. [N] et à Mme [P] une facture de 49 097,20 euros comprenant l'honoraire de résultat et certains frais.

Contestant cette facture ces derniers ont saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes qui, par décision du 21 août 2020, a fixé à la somme de 41 873,76 euros TTC les frais et honoraires dus à Me [C] [Z] et les a condamnés au paiement d'une somme de 38 873,76 euros TTC, après déduction de la somme de 3 000 euros TTC déjà versée.

Cette décision a été infirmée par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 20 avril 2021 qui a dit que les consorts [N] [P] n'était redevable d'aucun honoraire de résultat envers la Selarl Jad Sui Generis.

Le 20 avril 2021, la Selarl Sui Generis a établi deux factures :

- une facture de 57 440,64 euros relative à la procédure devant le tribunal de grande instance de Nantes,

- une facture de 3 225 euros relative à la procédure devant la cour d'appel de Rennes.

Ces factures ont été signifiées par l'avocat le 7 juin 2021 et par requête du 29 juin 2021, la Selarl Sui Generis a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes d'une demande aux fins de fixation de sa rémunération.

Par ordonnance du 27 octobre 2021, le bâtonnier a prorogé de quatre mois le délai pour statuer.

Par ordonnance du 28 février 2022, le bâtonnier a taxé à la somme de 41 873,76 euros les honoraires dus par M. [N] et Mme [P] à Selarl Jad Sui Generis, constaté le payement d'une somme de 3 000 euros et condamné en conséquence M. [N] et Mme [P] à payer à Me [C] [Z] la somme de 38 873,76 euros.

Par lettre recommandée avec accusé de réception envoyée le 24 mars 2022, M. [N] et Mme [P] ont formé un recours contre cette ordonnance.

Aux termes de leurs dernières écritures (2 juin 2022) développées à l'audience, M. [S] [N] et Mme [O] [P] nous demande de :

- infirmer la décision rendue le 28 février 2022 par le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats de Nantes en ce qu'elle a :

- taxé à la somme de 41,873,76 euros TTC les honoraires dus par M. [N] et Mme [P] à la Selarl Sui Generis au titre de ses diligences,

- condamné M. [N] et Mme [P] à payer à la Selarl Sui Generis la somme de 38.873,76 euros TTC au titre des honoraires,

- condamné M. [N] et Mme [P] aux dépens de la décision,

et statuant à nouveau,

à titre principal,

- débouter la Selarl Sui Generis de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- prononcer la nullité de la convention d'honoraires en date du 12 février 2019,

à titre subsidiaire,

- débouter Selarl Sui Generis de toute demande portant sur un honoraire complémentaire de résultat, la Selarl Sui Generis ayant été dessaisie du dossier avant qu'une décision irrévocable ne soit intervenue et alors qu'aucune somme n'avait été « récupérée »,

à titre infiniment subsidiaire,

- réduire à de plus justes proportions le montant des honoraires de résultat réclamés par la Selarl Sui Generis ,

en toute hypothèse,

- condamner Selarl Sui Generis à leur payer la somme de 3,000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Selarl Sui Generis aux entiers dépens.

S'agissant de la facture de 57 440,64 euros, ils soulèvent la nullité de la convention d'honoraires du 12 février 2019, estimant que celle-ci constitue un pacte quota litis. Ils soutiennent à cet égard que ce document n'est pas un simple avenant à la première convention mais bien une nouvelle convention d'honoraires fondés uniquement sur le résultat.

Ils font également valoir que leur consentement a été vicié. En effet, ils évoquent une erreur sur le montant de la prestation due à l'avocat, des manoeuvres dolosives caractérisées par l'intervention amicale d'une tierce personne qu'ils connaissaient, l'abus de leur état de faiblesse et de leur dépendance au regard de la longueur de la procédure et de la proximité de la plaidoirie.

À titre subsidiaire, ils évoquent le dessaisissement de la Selarl Sui Generis avant qu'un résultat définitif n'ait été obtenu. Ils relèvent que la convention d'honoraires est fondée sur les 'sommes récupérées' alors même qu'aucune demande d'exécution provisoire n'avait été formulée par l'avocat qui avait d'ores-et-déjà été déchargé.

Enfin, ils estiment que l'honoraire complémentaire de résultat est excessif dans la mesure où lors que l'acte a été conclu, la procédure était terminée et le dossier était prêt à être plaidé.

S'agissant de la facture de 3 225 euros, ils considèrent qu'aucune convention d'honoraires n'ayant été conclue, la Selarl Sui Generis ne peut pas réclamer un honoraire forfaitaire. Ils ajoutent que, si l'avocat a droit au paiement des diligences effectuées, la somme due ne doit pas pour autant être excessive.

Enfin, s'agissant des débours, ils sollicitent la confirmation de l'ordonnance du bâtonnier le juge de l'honoraire étant incompétent pour en connaître.

Aux termes de leurs dernières écritures (8 juin 2022) la Selarl Sui Generis nous demande de :

- confirmer l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats de Nantes, en ce qu'elle a dit M. [S] [N] et Mme [O] [P] redevables d'un honoraire de résultat envers elle en exécution des conventions des 26 août 2015 et 19 février 2019 et d'un honoraire au titre des diligences de l'appel du 9 octobre 2019 (RG 19/0671),

- l'infirmer en ce que le bâtonnier s'est dit incompétent pour taxer les frais et débours,

- la réformer quant au montant des condamnations prononcées à l'encontre de M. [N] et Mme [P],

et statuant à nouveau

- condamner M. [S] [N] et Mme [O] [P] à lui payer à titre d'honoraire de résultat, en application des conventions des 26 août 2015 et 12 février 2019, la somme de 57 440,64 euros TTC, en ce compris les débours et frais de 30 euros qu'elle a exposés en règlement de sa facture f210401,

- condamner M. [S] [N] et Mme [O] [P] à lui payer la somme de 3 225 euros TTC, en ce compris les débours et frais de 225 euros qu'elle a exposés en règlement de sa facture f210402,

à titre subsidiaire :

- fixer à 1 260 euros HT les honoraires dus par M. [S] [N] et Mme [P] au titre de la procédure d'appel du 9 octobre 2019 et dans ces conditions ramener à 1737 euros le montant dû au titre de la facture f210402,

en tout état de cause :

- condamner M. [S] [N] et Madame [P] à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens.

S'agissant des honoraires de résultat objet de la facture f210401, la Selarl Sui Generis conteste la nullité de la convention d'honoraires et invoque son bien-fondé.

Elle s'oppose à l'existence de deux conventions distinctes arguant que le second document ne constituait qu'un avenant, certes basé sur le résultat judiciaire, mais complétant la première convention et écartant ainsi toute qualification de pacte quota litis. Elle fait valoir que cela ressort, malgré l'absence d'emploi explicite du terme 'avenant' et outre la forme du document, du fond de celui-ci au regard de la commune intention des parties, de la qualification qu'en aurait donné une personne raisonnable et de l'économie générale de l'opération.

Elle écarte l'hypothèse d'un vice du consentement subi par les clients et ce, notamment du fait de leurs prétentions fluctuantes et paradoxales. En effet, elle met en avant l'impossible coexistence de l'erreur et du dol avec la contrainte en ce que cette dernière suppose une parfaite compréhension des termes du contrat à la différence des premières. Elle estime que l'erreur tout comme les manoeuvres dolosives ne sont pas suffisamment démontrées et ce, notamment en raison de la reconnaissance par les clients d'un courrier adressé par l'avocat et d'un mail envoyé par une tierce personne qu'ils avaient eux-mêmes sollicitée.

Elle fait valoir le caractère définitif du jugement au jour du dessaisissement de l'avocat du fait de l'épuisement des voies de recours dotant celui-ci de l'autorité absolue de la chose jugée.

Elle considère enfin que les honoraires de résultat ne peuvent être qualifiés d'excessifs dans la mesure où les clients ont librement consenti à une convention claire et précise qu'il n'appartenait pas au juge de dénaturer.

S'agissant des sommes dues au titre de la procédure d'appel objet de la facture f210402, la Selarl Sui Generis soulève leur bien-fondé et leur régularité.

Elle estime que cette facture est bien fondée en ce que l'avocat a droit au paiement des prestations accomplies et ce, même en l'absence de conclusion de convention d'honoraires.

Elle ajoute que le montant des honoraires n'est pas excessif au regard des prestations effectuées par l'avocat seul.

Elle fait également valoir que la taxation des frais et débours relève bien de la compétence du bâtonnier et, en cas de recours de celle du premier président, dans la mesure où il s'agit de sommes distinctes des dépens qu'elle a avancées dans l'intérêt et pour le compte des clients.

SUR CE :

Le recours de M. [N] et de Mme [P], interjeté dans les forme et délai de l'article 176 du décret du 27 novembre 1991, est recevable.

Préliminairement, il convient de relever que la procédure de redressement judiciaire de la Selarl Sui Generis a été clôturé pour extinction du passif le 21 juillet 2021, qu'il n'y a donc aucune raison d'attraire en la cause les organes de cette procédure.

A - Sur l'honoraire de résultat et les sommes dues au titre de la procédure de première instance

Sur la nullité de la convention d'honoraires du 12 février 2019

Ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus, les parties ont signé, le 26 août 2015, une première convention d'honoraires prévoyant un honoraire de diligences forfaitaires et un honoraire de résultat.

Par courrier daté du 12 février 2019, transmis par courriel du 19 envoyé depuis sa messagerie personnelle par [V] [W] (« Bonsoir [S], Ci-joint (avec du retard), la convention que tu m'avais demandé il y a quelques temps. J'espère que tout va bien pour toi. [V] »), la Selarl Sui Generis a adressé à ses clients un document ayant pour objet ' convention d'honoraires ', rédigé en ces termes :

« Je fais suite à notre accord quant aux honoraires de résultat que vous avez proposé de parfaire du fait de la faible facturation qui vous a été faite, transmise le 26 août 2015, eu égard à la grande complexité de votre dossier.

La Selarl Sui Generis est chargée d'assurer la défense de vos intérêts dans le cadre d'une action introduite devant le tribunal de grande instance de Nantes, en nullité de la vente de l'immeuble que vous avez acquis [Adresse 3].

À ce titre, le cabinet mettra en oeuvre toutes les diligences, tous les moyens de droit et de procédure jusqu'à l'obtention d'une décision juridictionnelle...

Il faut entendre par diligences l'étude du dossier, et les recherches qu'il implique, les prestations diverses fournies par le cabinet, tant dans ses locaux qu'en tout lieu nécessaire à l'exécution de sa mission.

Ces honoraires incluent les frais administratifs et de correspondances mais ne comprend pas les frais de déplacements, les frais et débours de procédure et d'exécution.

Les honoraires de résultat seront facturés à hauteur de 15 % de la totalité des sommes récupérées dans le cadre de votre litige.

Les indemnités de l'article 700 seront facturées après règlement par les parties adverses des sommes au payement desquelles elles auront été condamnées et resteront acquises au cabinet.

Si cela vous agréé, je vous remercie de bien vouloir me retourner un exemplaire de la présente correspondance signée par vos soins et revêtue de la formule 'bon pour accordé'».

M. [N] et Mme [P] ont contresigné cette lettre mais en contestent la validité soutenant, d'une part, qu'elle constitue un pacte quota litis prohibé par l'article 10 al 5 de la loi du 31 décembre 1971 (« Toute fixation d'honoraires qui ne le serait qu'en fonction du résultat judiciaire est interdite. Est licite la convention qui, outre la rémunération des prestations effectuées, prévoit la fixation d'un honoraire complémentaire en fonction du résultat obtenu ou du service rendu ») et, d'autre part, que leur consentement a été vicié.

Sur la qualification de pacte quota litis

La qualification de la convention du 12 février 2019 oppose les parties, l'avocat soutenant qu'il s'agit d'un simple avenant ayant pour objet de modifier sur un point la convention d'honoraires initiale alors que les appelants considèrent qu'il s'agit d'une convention autonome, ne prévoyant qu'un honoraire de résultat, et par voie de conséquence nulle.

En l'occurrence, même si la première phrase du courrier litigieux est peu claire, il en ressort que la proposition soumise à l'accord des clients a pour objet de parfaire l'honoraire de résultat en raison de la faible facturation qui a été faite conformément à la convention initiale dont la date est rappelée (26 août 2015). L'emploi du verbe parfaire (qui signifie selon le dictionnaire de l'Académie Française « porter une chose à son plus haut point d'achèvement ; Parfaire un paiement, compléter ce qui a déjà été versé pour parvenir au montant dû ») renvoie à l'existence d'un préalable - en l'occurrence une convention - que l'acte complète. Dès lors, la lettre du 12 février 2019 qui tend à parfaire l'honoraire de résultat ne peut être analysée que comme un avenant modifiant l'assiette de cet honoraire.

De plus, il convient de relever que le courrier daté du 12 février 2019 ne remet nullement en cause les honoraires de diligences initialement stipulés qui restent acquis à l'avocat (ce qu'aucune des parties ne discute) de sorte que dans ce dossier, celui-ci demeure rémunéré pour ses diligences (3 000 euros) même s'il estime cette rémunération faible. Il s'ensuit qu'en toute hypothèse, la rémunération de l'avocat est conforme au texte précité in fine (honoraire de diligence avec honoraire complémentaire de résultat).

La circonstance alléguée par les requérants tirée du fait que la facture renvoie aux deux conventions signées et datées des 26 août 2015 et 12 février 2019 confirme ce point.

L'avocat n'étant pas exclusivement rémunéré en fonction du résultat obtenu, l'ensemble contractuel constitué par les deux conventions précitées - relatives à un même dossier - ne constitue pas un pacte quota litis.

La demande de nullité fondée sur l'existence d'un tel pacte doit être rejetée.

Sur la nullité pour vice du consentement

Pour soutenir que leur consentement a été vicié, les appelants invoquent tant l'erreur que le dol.

En premier lieu, ils font valoir qu'ils se sont trompés sur la portée de l'acte du 12 février 2019, pensant qu'il n'avait d'autre objet que de confirmer la convention initiale.

S'il est exact que les circonstances dans lesquelles la seconde convention a été préparée et transmise sont pour le moins curieuses puisque :

- la Selarl Sui Generis fait état, d'une part, de ce que les consorts [N] - [P] seraient à l'origine de la demande de revalorisation des honoraires de résultat de l'avocat (ce qui est aussi inédit qu'invraisemblable) qu'ils auraient proposé de parfaire, et, d'autre part, d'un accord trouvé à une date et dans des circonstances sur lesquelles aucune explication n'est donnée ('je fais suite à notre accord'),

- le projet de convention a été transmis depuis la messagerie personnelle d'un avocat (Me [W] - pièce n° 3 des appelants) dont la Selarl Sui Generis indique qu'elle n'était ni sa collaboratrice ni son associée (ne l'ayant été que d'une société tierce, la Selarl Jad Sui Generis),

- et que cette transmission n'a été accompagnée d'aucune explication claire sur la modification apportée quant à l'assiette de l'honoraire de résultat (ce qui eût été la moindre des choses compte tenu des conséquences sur le montant de l'honoraire), les appelants ne peuvent sérieusement prétendre qu'ils se sont fourvoyés sur le sens de cet acte dès lors qu'il y est indiqué, dès la première ligne, qu'il s'agit de parfaire l'honoraire de résultat et, un peu plus bas, que celui-ci sera facturé à hauteur de 15 % de la totalité des sommes récupérées, ce qui est dépourvu de toute ambiguïté et compréhensible de tous.

Dès lors, la convention ne peut être annulée sur le fondement de l'erreur.

En second lieu, les consorts [N] - [P] font valoir que leur consentement a été surpris par les manoeuvres de l'avocat qui leur a fait croire quelques jours avant l'audience, par l'intermédiaire d'une de leur connaissance, Me [W], que la signature d'une nouvelle convention était indispensable.

Il est établi (pièces n° 22, 23, 24 et 25 des appelants) que les consorts [N] - [P] sont entrés en contact, en 2015, avec la Selarl Sui Generis par le truchement de [V] [W] qui n'était pas encore avocate (mais stagiaire '), et que c'est bien cette dernière qui leur a transmis, le 19 février 2019 (depuis sa messagerie personnelle), le courrier litigieux daté du 12 février. Cependant, cette transmission effectuée un peu plus de deux mois avant l'audience de plaidoirie (30 avril 2019), ne comportait aucune pression ni menace faute de signature avant tel ou tel délai. Il n'était pas davantage indiqué qu'en cas de refus, l'avocat se dessaisirait.

Enfin, l'état d'anxiété qu'auraient présenté les clients en raison de la procédure engagée ne ressort d'aucune des pièces produites.

Dès lors, la transmission par l'intermédiaire de Me [W] ne suffit à caractériser des manoeuvres au sens de l'article 1137 du code civil, justifiant l'annulation de l'acte pour dol.

Sur le dessaisissement de l'avocat

Il convient de relever que le jugement du 27 juin 2019 a été signifié à l'initiative de la Selarl Sui Generis aux défendeurs par acte du 11 juillet 2019 de telle sorte que cette décision est devenue définitive le 12 août. Les défendeurs ont certes interjeté appel par déclaration du 9 octobre, mais après que l'avocat eût soulevé, par conclusions du 16 octobre, l'irrecevabilité de l'appel, s'en sont désistés par conclusions du 7 novembre (désistement que le conseiller de la mise en état a constaté par ordonnance du 7 janvier 2020).

Il est vrai, qu'entre temps - le 6 novembre 2019 - les consorts [N] [P] ont dessaisi leur avocat.

Mais il n'en demeure pas moins qu'à la date du 12 août 2019 (et ce nonobstant l'appel interjeté manifestement irrecevable pour cause de forclusion), l'avocat avait obtenu une décision irrévocable.

Or, il convient de rappeler, comme le bâtonnier l'a relevé, que la mission de l'avocat était limitée ainsi qu'il résulte de la convention initiale comme de l'acte du 12 février 2019, à l'obtention d'une décision juridictionnelle (irrévocable) dans l'instance à engager devant le tribunal de grande instance de Nantes, et de fait, cette mission a été conduite à son terme de sorte que l'honoraire de résultat est dû dans son principe.

Il sera ajouté que les consorts [N] [P] ne contestent pas la récupération effective des sommes allouées, condition qui enclenche l'obligation à payement.

L'ordonnance du bâtonnier sera donc confirmée de ces chefs.

Sur le caractère excessif de l'honoraire de résultat, le montant de celui-ci et le solde restant dû :

Le bâtonnier a réduit l'honoraire de résultat auquel prétend la Selarl Jui Generis l'estimant excessif.

Il est constant que l'honoraire complémentaire de résultat convenu peut être réduit s'il apparaît exagéré au regard du service rendu (2e Civ., 3 novembre 2011, pourvoi n° 10-25.442 ; 2e Civ., 12 juin 2014, pourvoi n° 13-18.553) ce qu'en l'espèce soutiennent, subsidiairement, les appelants et ce que conteste l'avocat qui a fait, à cet égard, appel incident.

La convention initiale, qui a manifestement été négociée sur ce point, prévoyait un honoraire de résultat égal à 15 % TTC des sommes perçues en remboursement des frais annexes de l'acquisition (honoraires du mandat de recherche et honoraires notariaux) hors remboursement du principal et des frais bancaires. Le taux convenu qui excède à l'évidence celui usuellement pratiqué en la matière (entre 7,5 % et 10 % HT soit entre 9 et 12 % TTC) peut s'expliquer en raison de l'assiette réduite (même s'il s'y ajoutait le montant alloué au titre des frais irrépétibles dont il avait été convenu qu'ils seraient acquis à l'avocat). En l'occurrence si la convention n'avait pas été modifiée, la Selarl Sui Generis aurait perçu un honoraire de résultat de (28 948 * 15/100) 4 342,20 euros à laquelle il convient d'ajouter la somme de 3 000 allouée sur le fondement de l'article 700, soit 7 342,20 et avec l'honoraire de diligence (3 000 euros) la somme globale de 10 342,20 euros TTC.

.

En tenant compte de l'acte daté du 12 février 2019, l'honoraire de résultat se trouve porté à la somme de (298 948 * 15/100) 44 842,20 euros à laquelle il convient d'ajouter la somme de 3000 allouée par le tribunal au titre des frais irrépétibles, soit 47 842,20 euros et avec l'honoraire de diligences, celle de 50 842,20 euros TTC . Il sera ici observé que la facture établie le 20 avril 2021 par la Selarl Sui Generis est grossièrement erronée puisqu'elle applique la TVA :

- d'une part sur le taux de 15 % qui n'est pas un taux HT mais un taux TTC ce que précise expressément la convention de 2015... (et ce que ne contredit nullement l'acte de 2019 qui, en l'absence de précision, doit être interprété dans un sens favorable aux débiteurs),

- d'autre part sur la somme allouée au titre de l'article 700 alors que celle-ci, rétrocédée par le client, n'est pas soumise à la TVA.

Il apparaît ainsi que l'acte de 2019 a eu pour effet de multiplier par plus de 6 l'honoraire de résultat.

Le taux appliqué (15 % HT) qui excède notablement les taux usuellement pratiqués en la matière, l'effet multiplicateur résultant de l'acte de 2019 et l'appréhension de la somme allouée au titre des frais irrépétibles permettent de qualifier d'excessif l'honoraire de résultat facturé lequel sera ramené à la somme de 25 000 euros TTC.

Les honoraires de la Selarl Sui Generis seront donc fixés à la somme globale de (25 000 + 3 000 + 3 000) de 31 000 euros TTC Après déduction de la somme déjà payée (3 000 euros au titre des diligences), les consorts [N] seront condamnés à verser un solde de 28 000 euros TTC pour la procédure de première instance.

L'ordonnance du bâtonnier sera donc infirmée de ce chef.

Sur les honoraires dus au titre de la procédure d'appel

Aucune convention d'honoraire n'a été conclue entre les parties au titre de la procédure d'appel.

Cette circonstance n'est pas de nature à priver l'avocat de rémunération, mais celle-ci doit alors être fixée en considération des critères énoncés à l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences accomplies.

L'avocat réclame pour cette procédure une somme de 2 500 euros HT, faisant état dans sa facture 210402 du 20 avril 2021 des prestations suivantes : constitution en défense et rédaction de conclusions d'irrecevabilité.

Le forfait de 2 500 euros HT appliqué ne peut, en l'absence de convention, qu'être écarté, les honoraires étant fixés en cette hypothèse au temps passé.

La Selarl Sui Generis ne précise qu'elle facture au taux horaire de 210 euros HT/heure mais omet de préciser le temps qu'elle a consacré à ce dossier. Le taux réclamé excède le taux moyen pratiqué dans le ressort de la cour qui est de 180 euros HT/heure pour un avocat dépourvu de spécialisation. Si l'ancienneté de Me [Z] peut justifier un taux légèrement supérieur, il ne saurait excéder 200 euros HT/heure.

Les diligences relatées ne peuvent justifier plus de deux heures de travail, la constitution ne demandant que quelques minutes et la rédaction de conclusions d'irrecevabilité pour cause de forclusion (en l'occurrence évidente) et tenant sur deux pages et demi plus de une heure trente.

Les honoraires dus pour la procédure d'appel seront donc arrêtés à la somme de 400 euros HT, soit 480 euros TTC que les consorts [N] seront condamnés à payer.

L'ordonnance du bâtonnier sera donc également infirmée de ce chef.

Sur la demande de condamnation au titre des frais de justice

La Selarl Sui Generis sollicite en outre la condamnation des appelants à lui verser les sommes de :

- 13 euros au titre du droit de plaidoirie en première instance,

- 17 euros au titre de frais de publicité foncière,

- 225 euros au titre du droit de timbre en appel (article 963 du code de procédure civile).

L'intimée prétend qu'il entre dans les pouvoirs du juge de l'honoraire de taxer les débours de l'avocat ce que constituent ces sommes et cite un arrêt de la Cour de cassation (2e Civ., 5 novembre 2020, n° 19-20314).

Abstraction faite de ce que cet arrêt est totalement étranger à la question, les sommes réclamées entrent dans les dépens au sens de l'article 695 1° du code de procédure civile s'agissant des droits perçus par l'administration des impôts et 7° s'agissant du droit de plaidoirie, leur vérification et leur éventuelle taxe relèvent de la procédure d'ordre public prévue par les articles 704 et suivants du même code et échappent donc au pouvoir du juge de l'honoraire.

L'ordonnance du bâtonnier sera confirmée de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Chacune des parties échouant partiellement en ses prétentions supportera la charge des dépens par elle exposés.

Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par ordonnance rendue publiquement et contradictoirement :

CONFIRMONS l'ordonnance du bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Nantes en ce qu'elle a rejeté les demandes de nullité de l'acte daté du 12 février 2019, dit que les consorts [N] [P] étaient redevables d'un honoraire de résultat et dit qu'elle n'avait pas le pouvoir de statuer sur les frais inclus dans les dépens.

L'INFIRMONS sur le montant des honoraires

Statuant à nouveau :

TAXONS les honoraires dus par M. [S] [N] et Mme [O] [P] à la Selarl Sui Generis :

- au titre de la procédure de première instance à la somme de 31 000 euros TTC (dont 25 000 euros TTC au titre de l'honoraire de résultat),

- au titre de la procédure d'appel à la somme de 480 euros TTC.

Après déduction de la somme de 3 000 euros TTC payée (honoraire de diligence), CONDAMNONS M. [S] [N] et Mme [O] [P] à payer à la Selarl Sui Generis la somme de 28 480 euros TTC.

REJETONS le surplus des demandes.

DISONS que chaque partie supportera la charge des dépens par elle exposés.

REJETONS les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Contestations honoraires
Numéro d'arrêt : 22/02096
Date de la décision : 04/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-04;22.02096 ?
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