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01/07/2022 | FRANCE | N°22/00393

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 01 juillet 2022, 22/00393


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 215/2022 - N° RG 22/00393 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S44R



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Patricia IBARA

, greffière,



Statuant sur l'appel formé par courriel reçu le 30 Juin 2022 à 15 heures 40 par la Cimade pour :

M. [E] [H...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 215/2022 - N° RG 22/00393 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S44R

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Patricia IBARA, greffière,

Statuant sur l'appel formé par courriel reçu le 30 Juin 2022 à 15 heures 40 par la Cimade pour :

M. [E] [H]

né le [Date naissance 1] 2002 à [Localité 2]

de nationalité Marocaine

ayant pour avocat Me Irène THEBAULT, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 29 Juin 2022 à 17 heures 06 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [E] [H] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 29 juin 2022 à 09 heures 44;

En présence du représentant du préfet d'Ille et Vilaine, dûment convoqué, Mme [S] [O], munie d'un pouvoir, entendue en ses observations,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Madame Fabienne BONNET, avocate générale, ayant fait valoir ses observations par avis écrit,

En présence de M. [E] [H], assisté de Me Irène THEBAULT, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 01 Juillet 2022 à 11 H 00 l'appelant par visio conférence en raison des risques sanitaires liés à un cluster COVID au centre de rétention administrative, assisté de M. [Z] [J], interprète en langue arabe, de son avocat, présents à l'audience de la Cour ainsi que le représentant du préfet en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 1er juillet 2022 à 15 heures, avons statué comme suit :

Par arrêté du 23 juin 2022 notifié le même jour le Préfet d'Ille et Vilaine a fait obligation à Monsieur [E] [H] de quitter le territoire français.

Par arrêté du 27 juin 2022 notifié le même jour le Préfet d'Ille et Vilaine a placé Monsieur [H] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par requête du 27 juin 2022 le Préfet d'Ille et Vilaine a saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation de la rétention.

Par requête du 28 juin 2022 Monsieur [H] a contesté la régularité de l'arrêté de placement en rétention.

Par ordonnance du 29 juin 2022, à l'issue d'une audience tenue par visioconférence, le juge des libertés et de la détention a constaté que Monsieur [H] ne maintenait pas sa contestation de la régularité de placement en rétention, dit que les conditions d'usage de la visioconférence étaient conformes aux dispositions de l'article L743-7 du CESEDA, dit que le risque d'exposition à une contamination à la COVID 19 dans le centre de rétention ne constituait ni un traitement inhumain ou dégradant et ne faisait pas obstacle au maintien en rétention et enfin qu'il existait des perspectives raisonnables d'éloignement.

La rétention a été prolongée pour une durée de vingt-huit jours.

Par déclaration motivée reçue le 30 juin 2022 Monsieur [H] a formé appel de cette décision.

Il rappelle la décision du Conseil Constitutionnel 2003-484 du 20 novembre 2003 et les dispositions de l'article L743-8 du CESEDA et la jurisprudence judiciaire et administrative relative à la tenue d'audiences par visioconférence et soutient que la salle de visioconférence du Centre de Rétention se situe dans les locaux de ce dernier sans séparation par un couloir grillagé, que cette salle est accolée aux grilles du Centre de Rétention et la séparation entre cette salle et le Centre de Rétention est théorique. Il soutient en outre que l'égalité des armes n'est pas non plus garantie dans la mesure où les Avocats ne sont pas aux côtés de leurs clients dans la salle de visioconférence.

Il fait valoir en outre qu'il n'existe pas de perspective raisonnable d'éloignement au sens de la directive 2008/115/CE article 15 dans la mesure où le Centre de Rétention est placé en septaine.

Enfin, Monsieur [H] allègue d'un risque pour sa santé en raison de la contamination du Centre de Rétention par la COVID 19.

Selon avis du 30 juin 2022 le Procureur Général a sollicité la confirmation de l'ordonnance attaquée.

A l'audience, tenue en visioconférence, Monsieur [H], assisté de son Avocat, a fait soutenir oralement les termes de sa déclaration d'appel.

Il maintient notamment que la salle d'audience est sous l'emprise du Centre de Rétention et souligne que la Cour ne dispose pas de la documentation relative aux conditions d'ouverture et de fonctionnement de ces locaux.

Il conclut à la condamnation du Préfet d'Ille et Vilaine au paiement de la somme de 1.000,00 Euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

Le Préfet d'Ille et Vilaine produit des photographies de la salle d'audience du Centre de Rétention.

Ces photographies, communiquées à l'Avocat de Monsieur [H] sont montrées par le Conseiller délégué à Monsieur [H] qui les reconnaît.

Il soutient que les locaux de visioconférence sont conformes.

Il expose que la septaine devrait prendre fin le 04 juillet 2022 et qu'il demeure des perspectives d'éloignement raisonnables.

Il rappelle enfin qu'il existe un protocole mis en place par l'A.R.S évitant les risques de contamination liés à la rétention.

MOTIFS

L'appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.

L'article L743-7 du CESEDA est ainsi rédigé :

« Le juge des libertés et de la détention statue au siège du tribunal judiciaire dans le ressort duquel se situe le lieu de rétention de l'étranger, sauf exception prévue par voie réglementaire. Si une salle d'audience attribuée au ministère de la justice lui permettant de statuer publiquement a été spécialement aménagée à proximité immédiate de ce lieu de rétention, il statue dans cette salle. »

L'article L743-8 du même Code précise :

« Le juge des libertés et de la détention peut décider, sur proposition de l'autorité administrative, que les audiences prévues à la présente section se déroulent avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle garantissant la confidentialité de la transmission. Il est alors dressé, dans chacune des deux salles d'audience ouvertes au public, un procès-verbal des opérations effectuées. »

En l'espèce, il résulte des pièces de la procédure débattues contradictoirement et en particulier des photographies produites par l'autorité administrative que :

- l'autorité administrative a sollicité l'organisation d'une audience en visioconférence en raison de la situation de cluster au Centre de Rétention,

- l'existence d'une situation de cluster faisant obstacle au transport du retenu dans la salle d'audience du Tribunal Judiciaire puis de la Cour d'Appel,

- l'audience s'est tenue dans une salle du Ministère de la Justice,

- la salle d'audience est accessible au public par une porte donnant directement sur la voie publique,

- l'Avocat de Monsieur [H] a pu s'entretenir en toute confidentialité avec ce dernier qui était alors seul dans une salle d'entretien, annexe de la salle d'audience du Centre de Rétention,

- l'Avocat de Monsieur [H] avait la possibilité d'être présent aux côtés de son client,

- la salle d'audience litigieuse est située à proximité immédiate du Centre de Rétention mais en est séparée par un couloir grillagé extérieur,

- il a été tenu procès-verbaux des opérations techniques.

Les conditions légales et matérielles du recours et de l'usage de la visioconférence sont remplies.

Il n'a pas été porté atteinte aux droits de Monsieur [H] par l'usage de ce moyen de communication.

Sur les perspectives raisonnables d'éloignement,

L'article L741-3 du CESEDA dispose qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.

La directive 2008/115/CE prévoit d'une part que toute rétention est aussi brève que possible et n'est maintenue qu'aussi longtemps que le dispositif d'éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise et d'autre part que  lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1 ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.

Il résulte en l'espèce que si le Centre de Rétention est placé en septaine, les règles sanitaires appliquées conformément aux recommandations de l'Agence Régionale de Santé permettent de contenir la contamination. Il résulte en outre des débats que la fin de la période de septaine se termine le 04 juillet 2022. Il est donc prématuré au stade de la première prolongation de la rétention de considérer qu'il n'existe pas de perspectives raisonnables d'éloignement, les diligences de la Préfecture se poursuivant pour exécuter la mesure d'éloignement pendant la période de septaine. La période de confinement n'a à ce stade aucune incidence sur la durée de la rétention puisque le Préfet est dans l'attente de la reconnaissance de l'intéressé par les autorités marocaines et de la délivrance d'un laissez-passer consulaire.

Sur la contamination à la COVID 19,

En l'espèce, les règles sanitaires mises en place en application des recommandations de l'Agence Régionale de Santé permettent d'isoler les personnes contaminées et les cas contacts et de limiter les contaminations.

Monsieur [H] allègue d'une vulnérabilité particulière mais ne l'établit pas.

Le Centre de Rétention est doté d'une unité médicale à même de prendre en charge les retenus malades.

Il n'est donc pas établi qu'il existe un risque sérieux d'atteinte grave à l'intégrité physique de Monsieur [H] et que son état de santé soit incompatible avec un maintien en rétention.

L'ordonnance attaquée sera confirmée.

La demande au titre des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 29 juin 2022,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Ainsi jugé le 1er juillet 2022 à 15 heures.

LE GREFFIER,PAR DÉLÉGATION,

LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à M. [E] [H], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 22/00393
Date de la décision : 01/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-01;22.00393 ?
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