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01/07/2022 | FRANCE | N°19/02955

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 01 juillet 2022, 19/02955


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°333



N° RG 19/02955 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-PXWQ













SARL KLEDYS



C/



M. [H] [W]

















Confirmation













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 1er JUILLET 2022

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COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 24 Mars 2022

devant...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°333

N° RG 19/02955 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-PXWQ

SARL KLEDYS

C/

M. [H] [W]

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 1er JUILLET 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 24 Mars 2022

devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET et Madame Gaëlle DEJOIE, magistrats tenant l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [N] [L], Médiateur judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 1er Juillet 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SARL KLEDYS prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

Le Désir

24530 SAINT PANCRACE

Représentée par Me Camille SUDRON substituant à l'audience Me Marie VERRANDO de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, Avocats postulants du Barreau de RENNES et par Me Yves MOUNIER, Avocat plaidant du Barreau de BORDEAUX

INTIMÉ et appelant à titre incident :

Monsieur [H] [W]

né le 21 Janvier 1974 à VANNES (56)

demeurant 12 rue Hector Berlioz

56400 AURAY

Représenté par Me Sandrine LAMIOT-LE VERNE, Avocat au Barreau de LORIENT

Par jugement du 9 novembre 2015, le tribunal de commerce de Libourne a arrêté un plan de cession de la SAS TB-SERVICES au profit de la SARL EUREKA avec faculté de se substituer à la SARL KLEDYS, en cours de constitution, qui n'avait pas pu obtenir l'agrément de la DREAL pour l'activité de transport.

Dans l'attente de la finalisation du dossier DREALintervenue en avril 2016, M. [H] [W] comme les autres salariés de KLEDYS a été embauché le 14 janvier 2016 par la SARL EUREKA, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de régulateur, relevant de la catégorie du personnel techniciens et agents de maîtrise, groupe 3, coefficient 65 de la Convention collective Nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport.

La SARL KLEDYS qui exerce une activité de transport routier de fret de proximité concernant notamment de produits biologiques humains, vient aux droits de la SARL EUREKA.

Le 9 mai 2018, M. [W] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Le 20 juin 2018, M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Lorient aux fins de voir:

' Dire que la SARL KLEDYS a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

' Dire que la prise d'acte de rupture du contrat de travail est justifiée,

' Condamner la SARL KLEDYS au paiement des sommes suivantes, avec intérêts au taux légal :

- 104.137,43 € à titre de rappel de salaire pour l'année 2016,

- 10.413,14 € au titre des congés payés afférents,

- 111.639,18 € à titre de rappel de salaire pour l'année 2017,

- 11.116,39 € au titre des congés payés afférents,

- 34.052,6 € à titre de rappel de salaire pour l'année 2018,

- 3.405,20 € au titre des congés payés afférents,

- 4.882,26 € à titre de dommages-intérêts pour rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur,

- 1.627,42 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 162,74 € pour les congés payés afférents au préavis,

- 1.423,98 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité,

- 9.764,50 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La cour est saisie de l'appel régulièrement formé le 3 mai 2019 par la SARL KLEDYS contre le jugement de départage en date du 5 avril 2019, notifié le 8 avril 2019 par lequel le conseil de prud'hommes de Lorient a :

' Requalifié la prise d'acte de M. [W] en rupture aux torts de la SARL KLEDYS,

' Débouté M. [W] de sa demande indemnitaire tirée du manquement à l'obligation de sécurité,

' Condamné la SARL KLEDYS au paiement des sommes suivantes, avec intérêts au taux légal :

- 104.137,43 € au titre des heures supplémentaires et majorations non payées pour la période de janvier à décembre 2017,

- 10.413,14 € au titre des congés payés afférents,

- 111.639,18 € au titre des heures supplémentaires et majorations non payées pour la période de janvier à décembre 2017,

- 11.116,39 € au titre des congés payés afférents,

- 34.052,6 € au titre des heures supplémentaires et majorations non payées pour la période de janvier à mai 2018,

- 3.405,20 € au titre des congés payés afférents,

- 949,32 € au titre de l'indemnité de licenciement,

- 1.627,42 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 162,74 € pour les congés payés afférents au préavis,

- 4.182,26 € à titre de dommages-intérêts,

- 9.764,50 € en réparation du préjudice au titre du travail dissimulé,

- 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 19 janvier 2022, suivant lesquelles la SARL KLEDYS demande à la cour de :

Sur l'appel incident de M. [W]

' Débouter M. [W] de sa demande visant à voir écarter des débats le procès-verbal de constat dressé par Maître [I], huissier de justice, le 29 juillet 2019 et les propos tenus par M. [W] sur le site LEGAVOX.fr,

' Accueillir le procès-verbal de constat dressé par Maître [I] le 29 juillet 2019 et la pièce produite par la société KLEDYS relative aux propos tenus par M. [W] sur le site LEGAVOX.fr,

' Débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

Sur l'appel principal

A titre principal, concernant les demandes à titre de rappels de salaire de 2016 à 2018,

' Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL KLEDYS à payer à M. [W] diverses sommes à titre de rappels d'heures supplémentaires et congés payés pour les années 2016 à 2018,

' Débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes au titre des rappels de salaires pour les années 2016, 2017 et 2018 (majorations pour travail de nuit, week-end et jours fériés, compensation des astreintes) et congés payés afférents,

A titre subsidiaire, concernant les demandes à titre de rappels de salaire de 2016 à 2018,

' Limiter les sommes dues par la SARL KLEDYS au titre de la compensation des astreintes au montant de 31.880,17 € soit 12.905,47 € pour l'année 2016, 14.404,54 € pour l'année 2017 et 4.570,16 € pour l'année 2018,

' Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL KLEDYS à payer à M. [W] la somme de 9.764,50 € en réparation de son préjudice au titre d'un

prétendu travail dissimulé,

' Débouter M. [W] de sa demande de condamnation indemnitaire au titre du travail dissimulé,

' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité,

' Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié la prise d'acte de M. [W] en rupture aux torts de la SARL KLEDYS et condamné la SARL KLEDYS au paiement de plusieurs sommes à titre d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis et de congés payés, et de dommages-intérêts pour rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur,

' Requalifier la prise d'acte de rupture du contrat en une démission pure et simple,

' Débouter M. [W] de ses demandes de condamnation à titre de dommages-intérêts pour rupture du contrat de travail, indemnité de préavis, indemnité

compensatrice de congés payés afférent au préavis et indemnité de licenciement,

' Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a assorti les condamnations des intérêts au taux légal,

' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande relative à l'allocation d'une indemnité de 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité,

' Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SARL KLEDYS à payer à M. [W] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

' Condamner M. [W] à payer à la SARL KLEDYS la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 31 octobre 2019, suivant lesquelles M. [W] demande à la cour de :

' Débouter la SARL KLEDYS de toutes ses demandes, fins et conclusions,

' Ecarter des débats le constat d'huissier et les propos sur LEGAVOX,

' Confirmer le jugement au titre des condamnations au paiement de rappels de salaire pour les années 2016 à 2018,

' Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande tendant à dire que la SARL KLEDYS a manqué à son obligation de sécurité,

' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de M. [W] est justifiée,

' Condamner la SARL KLEDYS au paiement des sommes suivantes :

- 16.271,06 € à titre de dommages-intérêts pour rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur,

- 1.627,42 € à titre de l'indemnité de préavis,

- 162,74 € à titre de congés payés afférents,

- 1.423,98 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'obligation de sécurité,

- 9.764,50 € au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

' Condamner la SARL KLEDYS à délivrer à M. [W] l'attestation Pôle Emploi rectifiée ainsi que les bulletins de salaires rectifiés pour la période d'emploi à peine d'astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la décision à venir.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 10 mars 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient de rappeler à titre liminaire que par application de l'article 954, alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statuera que sur les prétentions énoncées au dispositif des écritures des parties en cause d'appel, ce que ne sont pas au sens de ces dispositions des demandes visant seulement à 'dire' ou 'constater' un principe de droit ou une situation de fait, voire 'juger' quand ce verbe, utilisé comme synonyme des deux premiers, n'a pour effet que d'insérer dans le dispositif des écritures, des éléments qui en réalité constituent un rappel des moyens développés dans le corps de la discussion.

Sur la demande de rejet du constat d'huissier (pièce 14 employeur) :

A l'appui de la demande formulée à ce titre, M. [H] [W] fait valoir que la capture par huissier des éléments figurant sur mon mur Facebook et de la conversation qu'il a eu avec des juristes sur le site de LEGAVOX.FR constitue une atteinte disproportionnée à sa vie privée.

La SARL KLEDYS sollicite le rejet des prétentions de M. [H] [W] à ce titre, invoquant la jurisprudence de la Cour de cassation relative au recueil des informations sur les réseaux sociaux.

En droit, le recueil d'informations diffusées par un individu sur les réseaux sociaux sans restreindre à un groupe de personnes déterminées, l'accès à celles figurant sur son profil, ne caractérise pas en soi une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée de la personne concernée.

En l'espèce, il est établi que les informations contenues dans le constat d'huissier produit au débat, ont été recueillies sur la partie accessible à tous du compte Facebook de M. [H] [W] et sur le site LEGAVOX.FR. Il ne peut donc être soutenu que ces informations ont été recueillies dans des conditions caractérisant une atteinte disproportionnée et déloyale à la vie privée du salarié.

Il y a lieu de débouter M. [H] [W] de sa demande tendant à voir écarter la pièce litigieuse des débats.

Sur l'exécution du contrat de travail :

* Quant au rappel d'heures supplémentaires au titre des années 2016 à 2018 :

Pour infirmation et débouté du salarié, la SARL KLEDYS fait valoir en substance que la durée du travail effectif ne peut correspondre qu'au temps pendant lequel le salarié est à la disposition de son employeur, sans pouvoir vaquer à ses occupations, que s'agissant de transport de sang en urgence, M. [H] [W] avait très peu d'activité, qu'il était certes engagé sur une base de 35 h mais en réalité la durée effective de travail était plus proche de 50h par mois que de 156 h, qu'il n'exécutait donc pas ses heures normales de travail.

Faisant référence à des échanges sur Megavox et à son profil Facebook accessible à tous, la SARL KLEDYS ajoute M. [W] ne démontre pas travailler dans l'entreprise 24/24 car non seulement il ne produit aucun élément probant mais que la preuve inverse est rapportée qu'il pouvait disposer librement de son temps, que l'astreinte ne peut être confondue avec du temps de travail effectif, qu'il lui était fourni un logement de fonctions, un véhicule et un téléphone, que l'assimilation qui a été faite par les premiers juges ne correspond pas à la réalité, sachant que l'intéressé exerçait une seconde activité de fabrication meubles qu'il revendait et ne peut donc prétendre être demeuré à la disposition de son employeur.

M. [W] objecte que le contrat de travail ne comporte aucune disposition concernant le temps de travail ou le temps d'astreinte et demeure exempte de la moindre précision sur les dispositions légales applicables, que les dispositions contractuelles lui imposaient d'être en permanence à la disposition de l'employeur pour assurer le transport de sang et produits humains dans l'urgence, ce qui ne peut être qualifié autrement que du temps de travail effectif, que son contrat de travail était atypique en ce qu'il ne comportait pas horaire ni astreinte, qu'il était tenu d'intervenir dans un délai de 20 mn maximum et demeurer toujours dans un rayon de 20 mn pour répondre aux demandes des laboratoires, de janvier 2016 à mai 2018, de sorte qu'il a du se tenir à disposition de son employeur 24/24, à toute heure du jour et de la nuit, sauf en période de congé, dans la mesure où il était seul sur le site pour couvrir toute la région Bretagne.

M. [H] [W] entend souligner qu'aucune précision concernant les astreintes ne figure sur le bulletins de salaire contrairement aux fiches de paie établies pour l'équipe de salariés de Libourne, qu'il n'était payé que sur la base de 35h alors qu'il n'y avait aucun moyen de distinguer les différents temps de travail de sorte qu'il se tenait à la disposition permanente de son employeur, qu'en l'absence de cadre légal celui-ci ne peut revendiquer l'existence d'astreintes, que l'absence de référence aux pauses déjeuner est indifférente, les informations captées sur Facebook démontrant qu'il était seul sur le site.

L'article L3121-1 du Code du travail dispose que "La durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles."

L'article L3121-2 du même code précise que :"Le temps nécessaire à la restauration ainsi que les temps consacrés aux pauses sont considérés comme du temps de travail effectif lorsque les critères définis à l'article L. 3121-1 sont réunis"

L'article L3121-9 du Code du travail (antérieurement L.3121-5) définit l'astreinte de la manière suivante : "Une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos. Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable"

Par ailleurs, l'article L3121-7 du même code prévoit que "Les astreintes sont mises en place par convention ou accord collectif de travail étendu ou par accord d'entreprise ou d'établissement, qui en fixe le mode d'organisation ainsi que la compensation financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu. A défaut de conclusion d'une convention ou d'un accord, les conditions dans lesquelles les astreintes sont organisées et les compensations financières ou en repos auxquelles elles donnent lieu sont fixées par l'employeur après information et consultation du comité d'entreprise ou, en l'absence de comité d'entreprise, des délégués du personnel s'il en existe, et après information de l'inspecteur du travail'.

L'article L3121-8 du Code du travail énonce que "la programmation individuelle des périodes d'astreinte est portée à la connaissance de chaque salarié concerné quinze jours à l'avance, sauf circonstances exceptionnelles et sous réserve que le salarié en soit averti au moins un jour franc à l'avance."

Selon l'article L. 3121-10 du Code du Travail, la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à trente-cinq heures par semaines civile ; l'article L. 3121-22 énonce que les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée par l'article L. 3121-10, ou de la durée considérée comme équivalente, donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des huit premières heures supplémentaires, les heures suivantes donnant lieu à une majoration de 50 % ;

Une convention ou un accord de branche étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir un taux de majoration différent qui ne peut être inférieur à 10%;

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

- en ce qui concerne l'astreinte :

En l'espèce, les premiers juges ont justement relevé que le contrat de travail du salarié ne comporte aucune précision sur la durée et les horaires de travail se bornant à énoncer que ' M. [W] exercera ses fonctions selon les horaires nécessaires à la bonne exécution de sa mission" et que 'la répartition hebdomadaire ou mensuelle de la durée du travail de M. [W] pourra être modifiée en fonction des nécessités liées au bon fonctionnement de l'entreprise ", qu'il y est également prévu la réalisation d'astreintes selon le régime applicable dans l'entreprise et précisé que la programmation individuelle des périodes d'astreintes de M. [W]sera portée par écrit à sa connaissance 15jours à l'avance, sauf circonstances exceptionnelles.', qu'il y est précisé que "pendant ses périodes d'astreintes M. [W] s 'engage à rester dans le logement mis à sa disposition, être joignable sur son portable à tout moment et se maintenir en mesure d'intervenir afin de participer directement à l'activité dans un délai de 20 minutes, qu'il est également indiqué que 'si durant son astreinte M. [W] est amené à intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, le temps d'intervention sera considéré comme du temps de travail effectif et rémunéré comme tel'.

Ils ont également retenu que si l'employeur produisait les bons d'intervention correspondant aux livraisons accomplies par le salarié, il ne communiquait pas les programmations d'astreintes à l'inverse du salarié dont les plannings produits démontraient qu'il était prévu au planning de manière constante, y compris les fins de semaine.

Il résulte de ces éléments justement appréciés que l'employeur qui ne justifie pas du respect des dispositions de l'article L3121-7 du Code du travail concernant la mise en place des astreintes par convention ou accord collectif de travail étendu ou par accord d'entreprise ou d'établissement, que les conditions dans lesquelles les astreintes ont été organisées et les compensations financières ou en repos auxquelles elles donnent lieu, ont été fixées par l'employeur, n'ont fait l'objet d'aucune information et consultation du comité d'entreprise ou, en l'absence de comité d'entreprise, des délégués du personnel s'il en existe, et après information de l'inspecteur du travail.

A cet égard, l'omission de l'obligation d'information de l'Inspection du travail prévue à l'article L.3121-7 du code du travail a pour effet de rendre inopposable au salarié le régime d'astreinte unilatéralement mis en place par l'employeur, dès lors que cette obligation constitue un principe fondamental permettant à l'inspection du travail de s'assurer de la préservation de la santé et de la sécurité du salarié.

En outre, l'attestation de M. [M] produite par l'employeur permet de relever que M. [H] [W] était informé par fax ou par mail pour des livraisons à J+1, J+2, J+3, soit dans des délais bien plus courts que celui défini à l'article L3121-8 du Code du travail.

Il résulte des développements qui précèdent que le régime auquel était soumis le salarié, qui ne respectait pas les conditions légales sus-rappelées, ne pouvait être qualifié de régime d'astreinte.

Par ailleurs, il y a lieu de rappeler qu'au terme de son contrat de travail, le salarié était tenu en application de l'article 2-10 de son contrat de travail, de rester dans le logement mis à sa disposition, être joignable sur son portable à tout moment et se maintenir en mesure d'intervenir, afin de participer directement à l'activité dans un délai de 20 minutes, sachant qu'en réalité contrairement à la qualification figurant à son contrat de travail, M. [W] était chargé, d'une fonction de transport de produits sensibles dont des produits sanguins, prélèvements biologiques voire d'autres produits d'origine humaine.

Les dispositions des articles 2-11à 2-13 sont relatives à des clauses de contrainte de résidence, de travail le dimanche et de travail de nuit dont la combinaison avec les dispositions de l'article 2-10 précité permettent de considérer, compte tenu des développements qui précèdent concernant l'inopposabilité du régime d'astreinte, que le salarié était sauf jour de repos, à la disposition permanente de son employeur, la circonstance qu'il ait pu admettre sur LEGAVOX.FR au travers d'une phrase qu'il n'effectuait pas "ces 35h" est indifférent dans la mesure où à ce stade, l'intéressé ne remettait pas en cause le dispositif d'astreinte auquel il indique être soumis " 24/24, 7/7 tous les mois depuis un an", ou même qu'il indique qu'il arrive qu'il n'ait pas d'intervention dans une journée.

De la même manière, l'argument de l'employeur concernant la faculté pour le salarié de refuser une course en se fondant sur un exemple où en réalité le salarié était déjà engagé dans un transport de sang est d'autant plus fallacieux que le salarié sans être contredit sur ce point indique avoir finalement assuré ce transport en direction de Carhaix.

De la même manière, compte tenu des contraintes imposées au salarié précédemment décrites faisant obstacle à toute possibilité de vaquer à ses occupations , il ne peut être utilement invoqué par la SARL KLEDYS la réalisation de meubles en bois sur des périodes d'inactivité où le salarié demeure toutefois à la disposition de son employeur, la référence faite par ce dernier à un accord pour qu'il exerce une activité artisanale n'étant pas autrement documentée.

Compte tenu de ces développements, des décomptes produits par le salarié (pièces 13,14 et 15 salarié) et du fait que l'employeur auquel il incombe d'assurer le contrôle des heures effectuées, ne produit aucun élément à ce titre, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que M. [H] [W] était fondé à réclamer un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et majorations pour travail de nuit, fins de semaines et jours fériés pour les années 2016, 2017 et 2018 et sans pouvoir en réduire les proportions dès lors que le salarié se devait à tout moment se rendre disponible dans un délai de 20 minutes.

* Quant au travail dissimulé :

L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié ;

L'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ; toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ;

Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire ;

L'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé est due quelle que soit la qualification de la rupture ; la demande en paiement d'heures supplémentaires n'a pas pour effet de rendre irrecevable la demande en paiement de l'indemnité forfaitaire ; le montant de l'indemnité forfaitaire doit être calculé en tenant compte des heures supplémentaires accomplies par le salarié au cours des six derniers mois précédant la rupture du contrat de travail ; cette indemnité qui sanctionne la violation de dispositions légales se cumule avec les indemnités de nature différente résultant du licenciement, et notamment avec l'indemnité de licenciement ;

Les moyens soutenus par l'appelant ne font que réitérer, sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels, se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause, et à une juste application des règles de droit s'y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation;

Il sera seulement ajouté qu'en soutenant que c'est en toute bonne foi que la société a proposé des avantages subséquents au salarié pour pallier les sujétions induites par le régime des astreintes auquel il était soumis, l'employeur caractérise d'autant plus le caractère délibéré des modalités mises en oeuvre, lui permettant de s'affranchir des obligations relatives au respect du temps de travail.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

* Quant au manquement de l'employeur à l'obligation de sécurité :

En application de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des

circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L.4121-3 du même code précise que l'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe.

A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement.

Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l'application du présent article doivent faire l'objet d'une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat après avis des organisations professionnelles concernées.

Nonobstant la motivation des premiers juges concernant l'absence de démonstration de son préjudice par le salarié qui se bornait à produire un certificat médical prescrivant un arrêt de travail de 14 jours, le salarié s'abstient en cause d'appel d'expliciter en quoi consiste le préjudice dont il entend obtenir réparation. Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris de ce chef et de débouter l'intéressé de la demande formulée à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail :

* Quant à la qualification de la rupture :

Lorsque qu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements de l'employeur invoqués étaient d'une gravité telle qu'ils faisaient obstacle à la poursuite du contrat de travail, soit dans le cas contraire d'une démission ;

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, ne fixe pas les limites du litige ; dès lors le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit ;

En l'espèce, il résulte des développements qui précèdent qu'à la suite de la reprise de l'entreprise TB-Services par la société EUREKA à laquelle s'est substituée la SARL KLEDYS, cette dernière a fait le choix de faire assumer la charge du travail repris sur la Région Bretagne sur un seul salarié dans des conditions le conduisant à demeurer en permanence à sa disposition, en s'abstenant sur plus de deux ans de mettre en place une organisation compatible avec le respect des dispositions relatives au temps de travail, de sorte qu'elle ne peut sérieusement soutenir que l'accord avec M. [H] [W] qu'elle invoque n'était pas destiné à durer, ni invoquer une proposition orale de transfert sur Bordeaux à la fin de l'année 2016 dans la perspective de fermeture du site de Lorient, compte tenu de la concurrence de la société TB-CARRE-JEFFROY.

Le maintien de l'emploi de M. [H] [W] dans une telle durée dans les conditions précédemment décrites constitue un manquement d'une gravité telle qu'il faisait obstacle à la poursuite du contrat de travail de l'intéressé.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris de ce chef et par conséquent de juger que la prise d'acte de rupture de M. [H] [W] aux torts de l'employeur produit les effets en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

* Quant aux conséquences de la rupture :

Compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, de la perte d'une ancienneté de 2 ans et 4 mois pour un salarié âgé de 44 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales de la rupture le 9 mai 2018 à son égard, ainsi que cela résulte des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 4.882,26 € net à titre de dommages-intérêts ;

La prise d'acte de rupture produisant les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut donc prétendre aux indemnités de licenciement, compensatrice de préavis et de congés afférents tel qu'il est dit au dispositif, pour les sommes non autrement contestées.

Sur la remise des documents sociaux :

La demande de remise de documents sociaux conformes est fondée ; il y sera fait droit dans les termes du dispositif ci-dessous sans qu'il y ait lieu à astreinte ;

Sur le remboursement ASSEDIC :

En application de l'article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées

Les conditions d'application de l'article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur fautif, est de droit ; ce remboursement sera ordonné tel qu'il est dit au dispositif ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser le salarié intimé des frais irrépétibles qu'ile a pu exposer pour assurer sa défense en cause d'appel.

***

*

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

DEBOUTE M. [H] [W] de sa demande tendant à voir écarter des débats le constat d'huissier et les propos sur LEGAVOX,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

RAPPELLE que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, les autres sommes, à caractère indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter de la décision qui les alloue ;

et y ajoutant,

CONDAMNE la SARL KLEDYS à remettre à M. [H] [W] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de deux mois à compter de sa signification

CONDAMNE la SARL KLEDYS à payer à M. [H] [W] 2.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la SARL KLEDYS de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,

ORDONNE le remboursement par la SARL KLEDYS à l'organisme social concerné des indemnités de chômage payées à M. [H] [W] dans les limites de quatre mois en application de l'article L 1235-4 du code du travail.

CONDAMNE la SARL KLEDYS aux entiers dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/02955
Date de la décision : 01/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-01;19.02955 ?
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