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28/06/2022 | FRANCE | N°19/07375

France | France, Cour d'appel de Rennes, 3ème chambre commerciale, 28 juin 2022, 19/07375


3ème Chambre Commerciale





ARRÊT N°372



N° RG 19/07375 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QHYE













SAS ECOSYS



C/



SASU [J] RECYCLAGE

































Copie exécutoire délivrée



le :



à :

Me RINEAU

Me OLLICHON







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL

DE RENNES

ARRÊT DU 28 JUIN 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,



GREFFIER :



Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé







DÉBA...

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°372

N° RG 19/07375 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QHYE

SAS ECOSYS

C/

SASU [J] RECYCLAGE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me RINEAU

Me OLLICHON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Mai 2022 devant Monsieur Dominique GARET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Société ECOSYS, SAS immatriculée au RCS de NANTES sous le numéro 392 657 656, représentée par son Président domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Bernard RINEAU de la SELARL RINEAU & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES substitué par Me Tangi NOEL avocat au barreau de Rennes

INTIMÉE :

SASU [J] RECYCLAGE, immatriculée au RCS de NANTES sous le numéro 524 081 288, représentée par son Président, Monsieur [C] [J], domicilié ès qualités au siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Natacha OLLICHON de la SELARL OL AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES

FAITS ET PROCEDURE

La société Ecosys fabrique des produits issus du recyclage de matériaux naturels': compost, paillages, briquettes de chauffage etc.

A cette fin et en date du 1er juin 2011, elle concluait avec la société Bel'M, fabricante de menuiseries, un contrat prévoyant le rachat des sciures de bois produites par cette dernière.

Il était ainsi convenu que la société Bel'M stockerait ses sciures dans des bennes mises à sa disposition par la société Ecosys, laquelle en récupérerait ensuite le contenu pour sa propre activité de fabrication.

Par un autre contrat, en date du 6 juillet 2011 et auquel la société Bel'M n'est pas partie, la société Ecosys et la société [J] Recyclage convenaient que cette dernière fournirait trois bennes destinées à être entreposées au sein des établissements Bel'M, et qu'elle en assurerait l'enlèvement régulier jusque vers les locaux de la société Ecosys.

En contrepartie de ce service, la société Ecosys s'engageait à régler à la société [J] Recyclage, non seulement un prix forfaitaire pour chaque rotation ainsi effectuée, mais également un loyer mensuel pour la mise à disposition des bennes dont la société [J] Recyclage allait faire l'acquisition spécialement pour l'occasion.

Ce contrat était conclu pour une durée déterminée de 29 mois courant à compter du 15 août 2011.

Il précisait également ce qui suit':

«'Le matériel acheté spécialement pour ce contrat (3 bennes ATEX) est considéré comme amorti sur 60 mois. L'échéance du contrat étant le 1er janvier 2014, les échéances mensuelles courant jusqu'à la fin de l'amortissement sont de 30 mois. En cas de non-renouvellement du contrat à l'échéance, les parties conviennent que l'entreprise [J] sera indemnisée de l'investissement des bennes ATEX sur la base des dispositions de l'article 7 du contrat conclu entre Bel'M et Ecosys précisant que': «'en cas de rupture anticipée du contrat, quel qu'en soit le motif, durant la période initiale ou durant la période de renouvellement, Bel'M s'engage à racheter les trois bennes pour un montant correspondant à leur valeur d'amortissement restant due à la date de rupture du contrat sur la base d'un amortissement sur 60 mois à compter du 15 août 2011 pour 192,26 € par mois et par benne'». Il en sera de même en cas de non-renouvellement du contrat au minimum une fois et pour la même durée. Le contrat sera renouvelé par tacite reconduction par période d'un an sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception. Un préavis de trois mois, avant la date anniversaire, est imposé'; à défaut, le contrat est tacitement reconduit.'»

Arrivé à son terme en janvier 2014, le contrat allait se poursuivre, n'ayant jamais été dénoncé par quiconque.

Suivant avenant en date du 29 octobre 2014, les sociétés Ecosys et [J] Recyclage convenaient de la mise à disposition d'une benne supplémentaire, cet avenant précisant que sa durée, de même que celle du contrat initial afférents aux trois premières bennes, seraient «'calé[es] sur le contrat CETIH Bois / Ecosys qui devait se terminer le 1er janvier 2018'», les autres articles du contrat initial demeurant inchangées.

Après avoir toujours réglé, et ce sans discussion, l'ensemble des factures émises par la société [J] Recyclage depuis le début du contrat, la société Ecosys cessait subitement de le faire à partir du mois de mars 2017.

Pour justifier cet arrêt, elle faisait alors valoir que la société [J] Recyclage n'était plus en droit de percevoir ses loyers, puisqu'elle avait désormais achevé d'amortir ses bennes.

La société [J] Recyclage contestait cette interprétation du contrat, affirmant en substance que la question de l'amortissement du matériel mis à la disposition de sa locataire était inopérante, cette dernière demeurant en effet tenue du paiement des loyers tant que le contrat de location perdurerait, soit au moins jusqu'au 1er janvier 2018, date prévue de la fin du contrat conclu entre la société Ecosys et la société CETIH Bois.

En dépit de l'envoi de plusieurs mises en demeure, la société Ecosys persistait dans son refus de régler les dernières factures établies par la société [J] Recyclage.

En définitive et en l'absence de règlement amiable du litige, la société [J] Recyclage saisissait le tribunal de commerce de Saint Nazaire qui, par jugement du 16 octobre 2019 :

- déclarait la société [J] Recyclage recevable et bien fondée en ses demandes';

- condamnait la société Ecosys à payer à la société [J] Recyclage une somme de 27.099,45€ TTC au titre des factures impayées';

- condamnait la société Ecosys à payer à la société [J] Recyclage une somme de 440 € au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement';

- condamnait la société Ecosys à payer à la société [J] Recyclage, sur les sommes susvisées, des pénalités de retard égales à trois fois le taux d'intérêt légal à compter du lendemain de la date d'échéance de chaque facture';

- ordonnait la capitalisation des intérêts selon les conditions et modalités prévues à l'article 1343-2 du code civil';

- condamnait la société Ecosys à payer à la société [J] Recyclage une somme de 1.500€ à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive';

- condamnait la société Ecosys à payer à la société [J] Recyclage une somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déboutait les parties du surplus de leurs demandes;

- condamnait la société Ecosys aux dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 8 novembre 2019, la société Ecosys interjetait appel de cette décision.

L'appelante notifiait ses dernières conclusions le 7 février 2020, l'intimée les siennes le 6 avril 2020.

La clôture de la mise en état intervenait par ordonnance du 28 avril 2022.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

La société Ecosys demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1104, 1188 et suivants du code civil,

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions';

- constater qu'«au regard du coût important que représente l'achat exclusif de bennes certifiées ATEX et de leur durée d'amortissement », la commune intention des parties a uniquement été de mettre à la charge de la société Ecosys le coût d'achat des bennes par la société [J] Recyclage sur la base d'un amortissement de 60 mois';

- constater que les bennes mises à la disposition par la société [J] Recyclage sont amorties depuis le 15 août 2016';

- dire et juger que la société [J] Recyclage ne pouvait plus facturer la location des bennes, une fois celles-ci amorties';

- dire et juger que la société Ecosys a fait l'objet d'une surfacturation';

En conséquence,

- condamner la société [J] Recyclage à rembourser à la société Ecosys la somme de 14.804,02 € HT correspondant à cette surfacturation';

- ordonner la compensation des créances réciproques';

En tout état de cause,

- condamner la société [J] Recyclage à payer à la société Ecosys une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner la société [J] Recyclage aux entiers dépens de l'instance.

Au contraire, la société [J] Recyclage demande à la cour de :

- de déclarer ses demandes recevables et bien fondées ;

En conséquence,

- débouter la société Ecosys de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions';

Y additant,

- condamner la société Ecosys au paiement d'une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- la condamner aux entiers dépens.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil, dans sa numérotation applicable au litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Quant aux règles d'interprétation des conventions, elles sont définies par les articles 1156 et suivants anciens du code civil, qui disposent':

- article 1156': On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.

- article 1157': Lorsqu'une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l'entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle n'en pourrait produire aucun.

- article 1158': Les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat.

- article 1160': On doit suppléer dans le contrat les clauses qui y sont d'usage, quoiqu'elles n'y soient pas exprimées.

- article 1161': Toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier.

- article 1162': Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.

Encore faut-il, pour qu'il y ait lieu à interprétation, que la convention soit susceptible de plusieurs sens, qu'elle soit ambiguë, ou encore imprécise ou taisante sur la commune intention des parties.

Ainsi, en présence d'une convention dont les termes sont clairs et précis, il n'est pas permis aux juges de dénaturer les obligations qui en résultent et de modifier les stipulations qu'elle renferme.

Tel serait le cas en l'espèce si la cour, au prix d'une interprétation hasardeuse, se risquait à considérer que les parties au contrat souscrit le 6 juillet 2011 ont entendu, d'un commun accord, faire dépendre la durée de location des bennes mises à la disposition par la société [J] Recyclage de la durée d'amortissement du coût d'acquisition de celles-ci.

Certes, les parties sont convenues d'un mécanisme par lequel la société [J] Recyclage pouvait espérer être réglée de ses loyers pendant une durée au moins égale à celle de son amortissement, puisque':

- dans un premier temps, la société Ecosys s'engageait à lui régler ces loyers au moins pendant la durée initiale du contrat, soit 29 mois';

- ensuite,

* soit le contrat se poursuivait, auquel cas la société Ecosys continuait à lui régler les loyers courants, sans toutefois qu'il ait été convenu que ce paiement cesserait à compter du jour où les bennes seraient amorties;

* soit le contrat n'était pas reconduit, auquel cas la société Bel'M, bien que non partie au contrat, était censée racheter les bennes pour leur valeur d'amortissement restant due à la date de la rupture du contrat.

En tout état de cause et quelle que soit la validité de cette dernière disposition, force est de constater que la société Ecosys a choisi de prolonger le contrat au-delà de sa durée initiale, le contrat ayant perduré au moins jusqu'au 29 octobre 2014, date à laquelle les parties ont conclu un avenant prévoyant, non seulement la location d'une quatrième benne, mais également que la location des quatre bennes (3 + 1) se prolongerait jusqu'au 1er janvier 2018, date d'échéance d'un contrat conclu entre la société Ecosys et un autre fournisseur de sciures de bois, en l'occurrence la société CETIH Bois.

Ainsi et en aucun cas, les parties ne se sont entendues pour que la société Ecosys, qui est demeurée locataire des bennes jusqu'au 1er janvier 2018, soit dispensée du paiement des loyers y afférents, notamment sous prétexte que leur coût d'acquisition était déjà amorti.

Il en résulte, d'une part que la société [J] Recyclage est fondée à réclamer le paiement des loyers de l'ensemble des bennes qu'elle a continué à mettre à la disposition de la société Ecosys jusqu'au terme du contrat, d'autre part que la société Ecosys est sans droit à revendiquer un quelconque remboursement pour de prétendues surfacturations au-delà des soixante premiers mois de location.

En conséquence et en l'absence d'autres moyens développés par l'appelante pour s'y opposer, le jugement sera confirmé':

- d'abord en ce qu'il a condamné la société Ecosys à payer à la société [J] Recyclage une somme totale de 27.099,45 € TTC pour solde des factures demeurées impayées jusqu'au mois de décembre 2017 inclus, et ce, avec intérêts de retard au taux égal à trois fois le taux d'intérêt légal à compter du lendemain de la date d'échéance de chaque facture conformément aux dispositions de l'article L 441-10 du code de commerce';

- ensuite en ce qu'il a condamné la société Ecosys à payer à la société [J] Recyclage une somme totale de 440 €, correspondant à 11 factures impayées, au titre de l'indemnité forfaitaire de recouvrement prévue à l'article D 441-5 du code de commerce';

- enfin en ce qu'il a débouté la société Ecosys de sa demande reconventionnelle en remboursement de sommes prétendument surfacturées.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts selon les conditions et modalités prévues à l'article 1343-2 du code civil (soit l'article 1154 ancien du même code).

En revanche, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Ecosys au paiement d'une somme de 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive, dès lors en effet que la société [J] Recyclage ne démontre pas quel préjudice distinct de celui déjà indemnisé par l'allocation d'intérêts moratoires (a fortiori à taux majoré) ce retard de paiement lui aurait causé.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Ecosys à payer à la société [J] Recyclage une somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles de première instance.

Y ajoutant, la cour condamnera la société Ecosys au paiement d'une somme complémentaire de 2.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

Enfin, partie perdante, la société Ecosys supportera les entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

- infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Ecosys à payer à la société [J] Recyclage une somme de 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive';

- confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions non contraires';

- statuant à nouveau du chef d'infirmation, et y ajoutant':

* déboute les parties du surplus de leurs demandes principales ou reconventionnelles';

* condamne la société Ecosys à payer à la société [J] Recyclage une somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

* condamne la société Ecosys aux entiers dépens de la procédure d'appel.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 3ème chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19/07375
Date de la décision : 28/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-28;19.07375 ?
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