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24/06/2022 | FRANCE | N°19/02236

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 24 juin 2022, 19/02236


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°321



N° RG 19/02236 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-PVKC













M. [C] [Z]



C/



Association APF FRANCE HANDICAP

















Confirmation













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 JU

IN 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 28 A...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°321

N° RG 19/02236 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-PVKC

M. [C] [Z]

C/

Association APF FRANCE HANDICAP

Confirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Avril 2022

devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET et Madame Gaëlle DEJOIE, magistrats tenant l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [U] [O], Médiatrice Judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [C] [Z]

né le 15 Juin 1968 à FONTENAY-LE-COMTE (85)

demeurant 9 Résidence la Vigne aux Roses, 36 rue Gabriel Charlopeau

85000 LA ROCHE SUR YON

Représenté par Me Raphaël BASCOU substituant à l'audience Me Pierre-Henri MARTERET, Avocats au Barreau de SAINT-NAZAIRE

(bénéficiaire d'une aide juridictionnelle totale numéro 2019/006408 du 28/06/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

INTIMÉE :

L'Association APF FRANCE HANDICAP anciennement dénommée Association des Paralysés de France prise en la personne de son Président en exercice et ayant son siège :

17 Boulevard Auguste Blanqui

75013 PARIS

Représentée par Me Samir LAABOUKI substituant à l'audience Me Nicolas BEZIAU de la SCP IPSO FACTO AVOCATS, Avocats postulants du Barreau de NANTES et ayant Me Stéphane PICARD, Avocat au Barreau de PARIS, pour conseil

M. [C] [Z], à qui est reconnue la qualité de Travailleur handicapé, a été embauché par l'association APF FRANCE HANDICAP (anciennement ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE) dans le cadre d'un contrat à durée déterminée du 20 octobre 2014 au 19 avril 2015 puis dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à compter du 20 avril 2015, en qualité de Technicien logistique, filière administratif et techniciens, niveau IV, échelon 2, coefficient 270. Sa dernière classification, applicable à compter du 1er septembre 2015, est au niveau IV, échelon 3, coefficient 285.

Par courrier électronique du 4 mars 2016, M. [Z] a annoncé qu'il ne reviendrait plus au travail en raison de l'insuffisance de la charge de travail et de la placardisation dont il disait faire l'objet depuis deux mois.

L'association APF FRANCE HANDICAP a mis en demeure M. [Z] le 15 mars 2016 de justifier son absence ou de reprendre son poste de travail.

Par lettre reçue le 26 mars 2016, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 5 avril 2016 en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'au licenciement.

Le 12 avril 2016, l'association APF FRANCE HANDICAP a notifié à M. [Z] son licenciement pour faute grave en raison de son abandon de poste.

Le 20 mars 2018, M. [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Saint-Nazaire aux fins notamment de :

' Dire nul le changement d'affectation de M. [Z] à compter du 5 janvier 2016 et le maintien de ce changement d'affectation,

' Dire nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse, le licenciement notifié par l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE à M. [Z] par lettre du 12 avril 2016,

' Condamner l'association APF FRANCE HANDICAP à lui régler certaines sommes à titre de rappels de salaire du 7 mars au 12 avril 2016 et d'indemnité compensatrice de préavis augmentés des congés payés afférents, de dommages-intérêts pour discrimination ou subsidiairement pour harcèlement, d'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse.

La cour est saisie d'un appel régulièrement formé par M. [Z] le 3 avril 2019 du jugement du 21 mars 2019 par lequel le conseil de prud'hommes de Saint-Nazaire a :

' Constaté l'absence de modification du poste de M. [Z],

' Dit que M. [Z] n'a pas été victime de discrimination,

' Dit que M. [Z] n'a pas subi de harcèlement moral,

' Constaté l'abandon de poste de M. [Z],

' Dit que la rupture du contrat de travail de M. [Z] est fondée sur une faute grave,

' Débouté M. [Z] de l'ensemble de ses demandes,

' Mis les dépens à la charge de M. [Z],

' Débouté l'association APF FRANCE HANDICAP (anciennement ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE) de sa demande présentée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 30 septembre 2021, suivant lesquelles M. [Z] demande à la cour de :

' Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté l'association APF FRANCE HANDICAP de sa demande présentée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' Dire nul le changement d'affectation de M. [Z] à compter du 5 janvier 2016, et le maintien de ce changement d'affectation,

' Dire nul le licenciement notifié par l'ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE à M. [Z] par lettre du 12 avril 2016, ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

' Condamner l'association APF FRANCE HANDICAP (anciennement ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE) à lui régler les sommes suivantes :

- 2.628,75 € à titre de rappel de salaire du 7 mars au 12 avril 2016,

- 262,87 € au titre des congés payés afférents,

- 5.000 € de dommages-intérêts pour discrimination ou subsidiairement pour harcèlement,

- 2.219,83 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 221,98 € au titre des congés payés afférents,

- 702,95 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 25.000 € à titre dommages-intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse,

En toute hypothèse,

' Condamner l'association APF FRANCE HANDICAP (anciennement ASSOCIATION DES PARALYSES DE FRANCE) à transmettre à M. [Z] un certificat de travail rectifié mentionnant l'emploi occupé de coordinateur achat approvisionnement et en toute hypothèse de technicien logistique ce sous astreinte de 100 € par jour passé le délai de huit jours suivant le jugement à intervenir,

' Condamner l'association APF FRANCE HANDICAP à régler à M. [Z] la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel,

' Débouter l'association APF FRANCE HANDICAP de toutes ses demandes,

' Condamner l'association APF FRANCE HANDICAP aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 1er octobre 2019, suivant lesquelles l'association APF FRANCE HANDICAP demande à la cour de :

' Confirmer le jugement entrepris,

Y ajoutant,

' Condamner M. [Z] à lui payer la somme de 2.000 € d'indemnités représentatives des frais et honoraires exposés par elle en première instance et en cause d'appel, en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel,

A titre subsidiaire,

' Limiter les condamnations de l'association aux sommes suivantes :

- 702,95 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.219,83 € au titre du préavis,

- 221,98 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.

La clôture de la procédure a été prononcée le 14 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur la discrimination

Pour infirmation, M. [Z] soutient que son changement de poste doit être jugé nul car discriminatoire, qu'il a été victime à compter du 5 janvier 2016 de ce qui peut s'apparenter à de l'ostracisme et en toute hypothèse à une mesure ayant à tout le moins pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d'altérer sa santé et de compromettre son avenir professionnel. que son refus de continuer à travailler sur ce poste ne peut constituer une faute et que son licenciement, reposant sur ce motif, doit aussi être jugé nul.

L'APF rétorque pour l'essentiel que M. [Z] ne produit aucun élément de fait susceptible de laisser présumer une discrimination à son encontre.

Par application de l'article L.1132-1 du code du travail en sa rédaction applicable au litige, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Selon l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses mesures d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations:

- Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou de son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable,

- Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs précités, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés,

- La discrimination inclut tout agissement lié à l'un des motifs précités et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant.

L'article L.1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, M. [Z], engagé en qualité de technicien logistique pour travailler «'dans les locaux de l'entreprise adaptée, ou à partir de ces locaux pour les activités extérieures soit sur le site de la société AIRBUS FRANCE rue Henri Gautier ' 44550 MONTOIR DE BRETAGNE'» selon son contrat de travail initial et ses avenants successifs (pièces n°1, 3 bis et 4 du salarié) fait valoir d'une part qu'il s'est d'abord vu soumettre le 24 avril 2015 une modification de ses horaires de travail (du lundi au jeudi de 7h30 à 12H30 et de 13h30 à 16h02 et le vendredi de 7h30 à 11h52) par un avenant «'mentionnant sans raison des horaires remontant au 1er mars 2015 et des dispositions relatives à un temps partiel alors qu'il s'est toujours agi d'un emploi à temps plein'» et produit le dit avenant (pièce n°3ter) qui porte sa signature et dont il n'allègue pas qu'il lui aurait été imposé.

M. [Z] soutient qu'il s'est ensuite vu demander de «'prendre le poste de la salariée d'APF qui sera ensuite remerciée'», ce qu'il a refusé et que c'est quelques semaines plus tard, à compter du 5 janvier 2016, qu'il s'est vu imposer de changer de poste pour ce qui lui sera initialement présenté par ALTRAN comme un même poste mais sur la construction des avions A 320.

M. [Z] ne précise ni l'identité de la salariée «'remerciée'» ni le poste concerné par la modification refusée en novembre 2015 et fait uniquement référence sur ce point à un échange de courriers électroniques du 24 novembre 2015 (pièce de l'intimée n°5) au cours desquels il indique au responsable de production M. [Y] « j'ai réfléchi depuis votre appel, honnêtement il vaut mieux arrêter notre collaboration ['] je n'ai pas changé d'avis, je préfère être licencié que d'accepter un poste qui forcément ne me plaira pas ['] Je vous préviens qu'à partir de maintenant je postule à d'autres emplois, et que vous pouvez rechercher une autre personne. » ce à quoi le responsable répond': « Tes compétences ne sont nullement remises en cause bien au contraire. Ton travail est apprécié, tu es reconnu et il me semble qu'Airbus te l'a déjà dit, et moi-même je t'apprécie ['] Je vais voir pour un coup de pouce financier si cela peut aider un peu. Mais surtout pas de décision stupide ! Je ne te licencierais pas il en est hors de question ! Ce n'est pas mon rôle, bien au contraire je dois créer de l'emploi ou au moins le pérenniser ! Appel moi demain si tu veux pour que nous en parlions ensemble. Sinon je viens, mais arrête de croire qu'Altran te veux (sic) du mal ce n'est pas le cas ! ».

M. [Z] n'explique nullement en quoi consistait le changement qu'il a refusé ni ne précise en quoi cette modification était susceptible d'entraîner une dégradation de ses conditions de travail.

M. [Z] fait valoir que le changement de poste qui lui a ensuite été imposé en janvier 2016 «'lui a été présenté comme une simple permutation avec un jeune salarié de la société ALTRAN, ingénieur, Monsieur [H] [B] ['] et s'est révélé très vite correspondre à une placardisation, le travail demandé se limitant très vite à quelques heures de saisie informatique le matin puis à attendre une réunion de quelques minutes fixée à 16 h ou en début d'après-midi puis à attendre l'heure de débauche'»'; il fait valoir qu'il s'en est très rapidement ouvert auprès de son supérieur hiérarchique au sein d'APF, M. [Y] en lui annonçant qu'il ne pouvait continuer à travailler dans ces conditions'en ces termes': « je suis désolé je ne peux plus continuer dans cette situation. Ce soir j'ai fini à 17 h car la réunion que j'ai tous les jours a été décalé de 14h25 à 16h (nouveau planning à compter d'aujourd'hui). Le matin je dois commencer à 7h avec du travail plein pot jusqu'à 11h et après accalmie jusqu'à 16h[' ] On me met à un poste qui n'a rien à voir avec ce que je faisais, je suis toujours seul, plus d'équipe, et je m'autoforme, et encore heureusement que mon collègue qui est venu au poste avec moi m'aide» (sa pièce n°6).

Il n'est pas contesté que M. [Z], affecté auparavant à un poste concernant l'AIRBUS A350, s'est vu à partir de janvier 2016 affecté à l'AIRBUS A 320 (conf pièce n°5bis de l'appelant, pièce n°14 de l'intimée) et M. [Z] affirme sans être contredit par la société employeur d'une part que ce changement de poste impliquait également un changement de bâtiment (passage du bâtiment «'Polaris'» au bâtiment «'Comète'») d'autre part une affectation au pôle « structure » alors que le poste qu'il occupait antérieurement appartenait au pôle « systems ».

M. [Z] ne justifie néanmoins par aucun autre élément que les courriels qu'il a rédigés lui-même, des éléments qu'il dénonce de consistance de la modification de ses conditions de travail, ni s'agissant de la quantité de travail prétendument devenue «'très insuffisante'»,, ni de la «'placardisation'» dont il dit avoir été l'objet, ni d'une manière générale de la répercussion sur son activité quotidienne ou de la dégradation de ses conditions de travail, étant rappelé qu'il n'allègue pas que le changement de ses horaires le conduisant à débuter tôt le matin sur le site de Montoir de Bretagne (situé à plus de 100 kilomètres de son domicile) depuis avril 2015 lui aurait été imposé et qu'aucune diminution de salaire ou de classification n'est en cause. M. [Z] n'explique pas non plus en quoi le passage sur un autre avion aurait entraîné une diminution de l'intérêt de son travail et ne justifie par aucun élément de l'isolement qu'il allègue.

M. [Z] ne produit ainsi aucune information déterminante dont il résulterait que son poste aurait été particulièrement dégradé en l'absence d'autre développement relatif à l'attitude de «'mensonge'» d'ALTRAN ou d'ostracisme qu'il reproche à son employeur.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la matérialité d'éléments de fait précis et concordants laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte au sens des textes précités n'est pas établie.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [Z] de ses demandes relatives à l'existence d'une discrimination.

Sur le harcèlement moral

A titre subsidiaire, le salarié soutient que son changement de poste doit être jugé nul car constitutif de harcèlement moral (article L.1152-3 du code du travail), que son refus de continuer à travailler sur ce poste ne peut constituer une faute et que son licenciement, reposant sur ce motif, doit aussi être jugé nul.

Concernant l'exécution du contrat de travail, l'association APF FRANCE HANDICAP conteste toute situation harcèlement moral, dont le salarié n'apporte pas la preuve et précise qu'il a été accompagné et soutenu dans son travail.

Selon les termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors que sont caractérisés ces agissements répétés, même sur une brève période, le harcèlement moral est constitué indépendamment de l'intention de son auteur.

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte de ces dispositions et de l'article L.1154-1 du même code en sa rédaction applicable au litige que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; dans l'affirmative, il appartient à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, M. [Z] fait valoir que le premier changement radical de poste que son employeur a tenté de lui imposer en novembre 2015 auquel il est parvenu à s'opposer en menaçant de rompre le contrat de travail, suivi du changement qu'il s'est finalement vu imposer (avec isolement et placardisation) et maintien de ces mesures malgré ses contestations, constituent des agissements répétés qui ont eu si ce n'est pour objet ou tout cas pour effet une dégradation de ses conditions de travail portant atteinte à ses droits et à sa dignité, compromettant son avenir professionnel et en outre susceptible d'altérer sa santé physique et/ou mentale, et donc constitutifs de harcèlement moral.

M. [Z] ne produit pas d'autre pièce au soutien de cette demande que les courriels susvisés dont les allégations s'agissant de celles contenues dans les courriels rédigés par l'intéressé ne sont corroborées par aucun élément et dont les termes s'agissant de ceux émanant de ses supérieurs ne sont pas menaçants ni porteur d'une quelconque forme de pression ou de contrainte. M. [Z] ne produit ar ailleurs aucune pièce médicale ni aucune attestation justifiant que son état de santé se serait dégradé à cette période ni d'une manière générale que ses conditions de vie auraient été altérées.

Pris dans leur ensemble, les éléments ainsi rapportés par M. [Z] ne permettent donc pas de présumer l'existence d'agissements répétés de harcèlement moral, au sens des articles L.1152-1 et L.1154-1 précités du code du travail.

Le jugement déféré doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes relatives à la reconnaissance d'une situation de harcèlement moral.

Sur la contestation du bien fondé du licenciement pour faute grave

M. [Z] soutient pour infirmation que son refus de continuer à travailler sur le poste dans le cadre d'un changement qui lui était imposé par l'employeur ne peut aucunement être jugé fautif et que le licenciement qui a pour seul motif ce refus et l'absence résultant de ce refus ne peut à titre subsidiaire qu'être jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'association APF FRANCE HANDICAP soutient que le licenciement pour faute grave de M. [Z] est justifié dès lors que le salarié a maintenu son refus d'exercer ses fonctions et que l'abandon de poste est caractérisé, qu'il s'agit d'un manquement grave rendant impossible son maintien au sein de l'association et que le salarié n'a jamais contesté le motif de son licenciement'; que le licenciement de M. [Z] repose à tout le moins sur une cause réelle et sérieuse.

Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la lettre de licenciement datée du12 avril 2016 (pièce n°9 du salarié et n°8 de l'employeur) est ainsi rédigée':

'Monsieur,

Vous êtes absent(e) de votre travail depuis le 7 mars 2015 sans aucun justificatif.

Par courrier recommandé en date du 15/03/2016, et en application des dispositions du règlement intérieur de l'APF qui vous sont applicables, je vous ai mis en demeure de m'adresser votre justificatif d'absence dès réception dudit courrier, ou de reprendre votre travail.

Vous n'avez pas donné suite à cette mise en demeure.

Vous avez donc été régulièrement convoqué à un entretien le 5 Avril 2016 à 10 heures par lettre recommandée avec accusé de réception (AR1A09769258943), afin d'entendre vos explications sur ces faits.

Ce courrier a été présenté à votre domicile le 24/03/2016 suivant.

Vous vous êtes présenté à l'entretien, et m'avez indiqué alors ne pas avoir l'intention de reprendre votre poste de travail.

Selon vous, les dossiers sur lesquels vous interveniez auprès de notre client ont été confiés à un autre salarié et vous considérez que ceux qui vous ont par la suite été confiés sont moins intéressants.

C'est la raison pour laquelle, vous avez décidé de ne plus venir travailler.

Je considère votre comportement comme constitutif d'une faute grave, qui nous a, de plus, mis en difficulté vis-à-vis de notre client auprès duquel vous interveniez en prestation.

Je suis donc au regret de vous notifier par le présent courrier votre licenciement pour faute grave.

Votre contrat de travail prendra fin à la date d'envoi de cette lettre, sans préavis ni indemnité.

A compter de cette date, vous ne ferez plus partie du personnel de l'A.P.F.

Vous voudrez bien nous contacter pour convenir d'un rendez-vous pour vous remettre votre certificat de travail, votre solde de tout compte ainsi que votre attestation Pôle Emploi.'

Il est établi par l'ensemble des pièces versées aux débats que M. [Z] a cessé à compter du lundi 7 mars 2016 de se déplacer de son domicile sur le site d'AIRBUS de Montoir de Bretagne, après avoir par courrier électronique du vendredi 4 mars 2016 annoncé qu'il ne reviendrait plus en indiquant': « Vous comprendrez pourquoi, je veux arrêter à midi, et ne peux plus revenir ». (pièce n°11 de l'intimée). En réponse au courrier du 15 mars 2016 de l'employeur le mettant en demeure d'adresser les justificatifs de son absence ou de reprendre le travail (pièce n°7 de l'appelant, n°6 et 6 bis de l'intimée) M. [Z] a répondu par courriel du 18 mars (pièce n°9 de l'intimée) «'Vous me demandez de réintégrer mon poste, ou ça (sic)'' Jamais je ne remettrai les pieds chez Altran, il fallait pas me berner et chez Aibus (sic), je na ia pas (sic) de droit d'accès Mais ce n'est pas ce que j attends, j attends (sic) mon courrier de licenciement et l'attestation pour pole emploi'».

Au regard de tout ce qui précède, M. [Z] ne démontrant pas que l'employeur lui aurait imposé une modification de son contrat de travail ni aurait porté atteinte à ses conditions de travail de nature à justifier qu'il décide unilatéralement de ne plus se rendre sur son lieu de travail, ne conteste pas la réalité des faits exposés dans la lettre de licenciement et dont l'employeur justifie la réalité, de sorte que sont suffisamment caractérisés les faits d'abandon de poste de M. [Z].

Dans ces circonstances, la poursuite du contrat de travail de M. [Z] étant devenue impossible, même pour la durée du préavis, son licenciement pour faute grave est bien fondé.

Le jugement entrepris devra, en conséquence, être confirmé en ce qu'il a débouté M. [Z] de l'ensemble de ses demandes relatives à la rupture de son contrat de travail.

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision n'est pas fondée au regard de ce qui précède.

Sur les frais irrépétibles

M. [Z], qui succombe en appel, doit être débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et tenu d'indemniser l'association employeur des frais qu'elle a dû exposer devant la cour.

***

*

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Saint Nazaire';

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [Z] à payer à l'Association APF FRANCE HANDICAP la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

DÉBOUTE M. [Z] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [Z] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/02236
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;19.02236 ?
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