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24/06/2022 | FRANCE | N°19/02113

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 24 juin 2022, 19/02113


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°318



N° RG 19/02113 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-PUXP













M. [L] [R]



C/



SAS TORANN FRANCE

















Infirmation













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 JUIN 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 28 Avril 2022

deva...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°318

N° RG 19/02113 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-PUXP

M. [L] [R]

C/

SAS TORANN FRANCE

Infirmation

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 28 Avril 2022

devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET et Madame Gaëlle DEJOIE, magistrats tenant l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame [G] [H], Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [L] [R]

né le 25 Décembre 1982 à NZEREKORE (GUINÉE)

demeurant 9, rue de la Jument Michao

44340 BOUGUENAIS

Représenté par Me Valentin GASCHARD substituant à l'audience Me Joachim D'AUDIFFRET de la SCP ACTA JURIS SCP D'AVOCATS, Avocats au Barreau de NANTES

INTIMÉE :

La SAS TORANN FRANCE prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

22-28 Rue Raspail

92400 COURBEVOIE

Ayant Me Guillaume FEY, Avocat au Barreau de NANTES, pour postulant et

représentée à l'audience par Me Stéphane BAROUGIER, Avocat plaidant du Barreau de PARIS

M. [R] a été embauché par la SAS TORANN FRANCE à compter du 19 septembre 2016 dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée à temps plein avec reprise d'ancienneté au 27 mars 2012 à la suite d'un transfert de l'activité de la société S3M, en qualité de Chef d'équipe des services de sécurité incendie'notamment sur le site du centre commercial BEAULIEU à NANTES.

Le 12 octobre 2016, M. [R] s'est vu notifier un rappel à l'ordre suite à une plainte du client pour ne pas avoir suivi les demandes du responsable technique.

Le 17 octobre 2016, M. [R] s'est vu notifier un avertissement pour non-respect des consignes du site.

Par lettre du 16 novembre 2016, M. [R] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 24 novembre 2016.

Par lettre du 5 décembre 2016, M. [R] s'est vu notifier une mise à pied à titre disciplinaire de deux jours les 26 et 27 décembre 2016 pour non respect consignes de sécurité en laissant pénétrer une entreprise extérieure pour effectuer des travaux sur le site sans être munie des documents administratifs.

Par lettre du 14 décembre 2016, M. [R] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 23 décembre 2016. La convocation a été assortie d'une mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre du 30 décembre 2016, M. [R] a été licencié pour faute grave.

Le 28 novembre 2017, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Nantes aux fins notamment de':

' Dire que le licenciement est nul,

' Condamner la SAS TORANN FRANCE au paiement des sommes suivantes':

- 15.000 € de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,

- 10.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou dommages-intérêts pour rupture abusive,

- 5.000 € à titre d'indemnité de préavis,

- 5.000 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis.

La cour est saisie d'un appel régulièrement formé par M. [R] le 28 mars 2019 du jugement du 28 février 2019 par lequel le conseil de prud'hommes de Nantes a :

' Dit que le licenciement de M. [R] est bien justifié par une faute grave,

' Débouté M. [R] de l'ensemble de ses demandes,

' Condamné M. [R] à verser à la SAS TORANN FRANCE la somme de 30 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamné M. [R] aux éventuels dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 1er août 2019, suivant lesquelles M. [R] demande à la cour de :

' Infirmer le jugement entrepris en qu'il a jugé que son licenciement reposait sur une faute grave et en qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes,

Statuant de nouveau,

' Dire que son licenciement est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,

' Condamner la SAS TORANN-FRANCE à lui verser les sommes suivantes :

- 988,85 € brut à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire,

- 98,88 € brut au titre des congés payés afférents,

- 1.911,23 € net à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 4.023,64 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 402,36 € brut au titre des congés payés afférent,

- 12.070,93 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

' Débouter la SAS TORANN FRANCE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 29 décembre 2020, suivant lesquelles la SAS TORANN FRANCE demande à la cour de :

' Déclarer M. [R] irrecevable et mal fondé en son appel,

' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [R] de l'ensemble de ses demandes,

' Déclarer M. [R] irrecevable en ses demandes nouvelles sur le rappel de salaire pendant la mise à pied conservatoire et l'indemnité légale de licenciement,

' Débouter M. [R] de l'ensemble de ses demandes,

' Condamner M. [R] à payer à la SAS TORANN FRANCE la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 14 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes de l'appelante

La société TORANN FRANCE soutient que les demandes relatives au paiement des salaires correspondant à la période de mise à pied conservatoire pour la somme de 988,85€ et à l'indemnité légale de licenciement pour la somme de 1911,23 € sont irrecevables par application de l'article 564 du code de procédure civile comme étant des demandes nouvelles en cause d'appel.

M. [R] rétorque que les demandes tendant au paiement de la période de mise à pied à titre conservatoire et de l'indemnité légale de licenciement sont les conséquences nécessaires de sa demande tendant à voir juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et a fortiori non justifié par une faute grave, de sorte qu'elles sont recevables en application de l'article 566 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

La prétention n'est pas nouvelle dès lors qu'elle tend aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges, même si son fondement juridique est différent.

Aux termes de l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Il ressort en l'espèce du jugement du Conseil de Prud'hommes du 28 février 2019 qu'aucune demande n'était soutenue devant les premiers juges par M. [R] ni tendant au paiement d'une indemnité de licenciement ni à celui d'une somme au titre des salaires correspondant à la période de mise à pied.

Les demandes formées à ce titre en cause d'appel ne peuvent être rattachées à aucune de celles soumises à l'appréciation du conseil de prud'hommes. Ces demandes sont nouvelles et dès lors irrecevables.

Sur la contestation du licenciement

Pour infirmation, M. [R] fait valoir que la société TORANN FRANCE avait déjà épuisé son pouvoir disciplinaire pour les faits du 28 novembre 2016 qu'elle décrit au soutien du licenciement, qu'elle ne rapporte pas la preuve des faits du 6 décembre qu'elle lui reproche et enfin que l'insuffisance professionnelle ne présente pas en elle-même un caractère fautif, de sorte qu'en se plaçant sur le terrain disciplinaire tout en invoquant une simple insuffisance professionnelle dont le caractère fautif n'est pas établi, l'employeur prononce un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour confirmation, la société TORANN FRANCE soutient que les faits retenus dans la lettre de licenciement sont distincts de ceux motivant l'avertissement du 5 décembre'; que la preuve est rapportée par les pièces produites de l'ensemble des griefs formulés contre M. [R]'; que le manque de professionnalisme de M. [R] et ses manquements au regard de ses fonctions, qualification professionnelle et diplômes, de sa formation réglementée et de son ancienneté, sont la conséquence d'un relâchement, d'un désintérêt et d'un manque d'investissement dans son travail et non d'un manque de connaissance techniques ou de formation, qui caractérisent une faute et non une simple insuffisance professionnelle.

En matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige en ce qui concerne les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié constituant une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'appelant dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Il incombe donc au juge saisi d'un litige relatif à l'appréciation de la cause réelle et sérieuse d'un licenciement de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre, la véritable cause du licenciement.

L'insuffisance professionnelle, qui se définit comme l'incapacité du salarié à accomplir les tâches qui lui sont confiées en raison d'un manque de compétences, résulte en principe d'un comportement involontaire de l'intéressé et ne revêt pas un caractère fautif. Ainsi l'employeur ne peut pas, sauf abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée de l'intéressé, se placer sur le terrain de la faute pour sanctionner une insuffisance professionnelle et le licenciement disciplinaire fondé sur la seule insuffisance professionnelle du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En l'espèce, la lettre de licenciement est ainsi libellée (pièces n°4 du salarié et n°17 de la société)':

'Monsieur,

Par un courrier recommandé en date du 14 décembre 2016, doublé d'un courrier simple, vous avez été convoqué à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé le 23 décembre 2016. Une mise à pied a assorti la procédure. Il vous était reproché les faits suivants :

- Le 28 novembre 2016, nous avons été alerté (sic) que le système de sécurité incendie était en veille restreinte alors que conformément à l'instruction technique N°248 en présence du public le SSI doit être en état de veille générale. Seuls les chefs d'équipe ont le code niveau 2 pour intervenir sur le SSI.

- Du 06 au 08 Décembre 2016, la commission de sécurité était présente sur le centre commercial de BEAULIEU. Le 06 Décembre 2016, lors de votre prise de service Monsieur [I] vous a demandé de vérifier la vacuité des issues de secours attenantes à l'hypermarché CARREFOUR. Lorsque la commission de sécurité a fait la visite de l'hypermarché, les issues de secours étaient encombrées, et la zone était dans le noir. Vous n'avez donc pas vérifié celles-ci comme vous l'avait demandé le Responsable Technique, vous n'avez pas pu remonter l'information concernant la présence de carton devant les issues de secours et prévenir le service de ménage, et également prévenir la maintenance technique que cette zone était non éclairée.

- Le 06 Décembre 2016, vous étiez le Chef d'Equipe de Sécurité Incendie en poste de 12h00 à 22h00. Dans le cadre de la commission de sécurité, vous avez été interrogé sur les zones de compartimentage et de désenfumage par le lieutenant-colonel [W]. Vos réponses se sont révélées inexactes, parfois approximatives et confuses. Votre niveau de connaissance a été jugé catastrophique par le pompier préventionniste. Devant un tel constat, nous avons dû vous déplanifier les 7 et 08 Décembre 2016 et vous remplacer par deux autres chefs d'équipe jusqu'à la fin de la commission de sécurité, et ce afin d'éviter un avis défavorable de celle-ci.

Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien, nous n'avons donc pas pu recueillir vos explications.

Le Responsable Technique vous a clairement demandé de vérifier les issues de secours de l'hypermarché CARREFOUR lors de votre prise de service le 06 décembre 2016. Vous n'avez pas effectué cette vérification ce qui est inadmissible. La commission de sécurité n'a pu que constater que la vacuité des issues de secours n'était pas observée.

Vous exercez les fonctions de chef d'équipe de sécurité incendie. De ce fait vous êtes censé maîtriser l'ensemble des organes de sécurité du site, d'autant plus que votre affectation sur le centre commercial BEAULIEU est loin d'être récente. Il est incompréhensible que vous n'ayez pas su répondre aux questions posées par le lieutenant-colonel [W] et plus particulièrement sur les zones de compartimentage et de désenfumage du site.

Nous avons reçu de la part de notre client un courrier de mécontentement vous concernant, eu égard au risque que vous avez fait courir sur le résultat de la commission de sécurité, ainsi que sur votre manque d'implication dans l'exercice de vos missions.

Nous avons dû vous adresser trois courriers recommandés depuis le 1er octobre 2016 concernant votre manque de professionnalisme, vous n'avez visiblement pas tenu compte de ces derniers.

Dans de telles conditions la poursuite de notre collaboration s'avère impossible, nous sommes donc contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave, prenant effet à la date d'envoi du présent courrier, sans préavis ni indemnité, conformément au code du travail. La période de mise à pied à titre conservatoire rendue nécessaire par la présente procédure ne fera l'objet d'aucun salaire ni indemnité.

Nous vous demandons de prendre contact sous huitaine avec votre agence afin de restituer les tenues, badge et autres accessoires de travail qui vous avaient été confiés, et retirer votre solde de tout compte, votre attestation Pôle Emploi et votre certificat de travail.

Nous vous prions d'agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées.'

- Sur le grief tenant aux faits du 28 novembre 2016

Il ressort de la rédaction même de la lettre de licenciement que la société employeur a été informée dès le 28 novembre 2018, ainsi que le montre le courrier électronique du même jour rédigé par M. [X] (pièce n°6 de M. [R] et n°24 de la société) de l'alerte concernant le système de sécurité incendie qui était en veille restreinte au lieu d'une veille générale.

Ainsi'l'employeur avait connaissance de ces faits reprochés au salarié lors de l'entretien préalable (pièce n°13 de l'intimée) à la notification le 5 décembre 2016 de sa mise à pied disciplinaire (pièce n°15 de l'intimée) de sorte que l'employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire et ne pouvait plus le 30 décembre 2016 prononcer un licenciement pour sanctionner tout ou partie de ces faits.

Ce grief doit donc être écarté.

***

- Sur le grief tenant aux faits du 6 au 8 décembre concernant la vacuité des issues de secours

Force est de constater que la société employeur ne produit strictement aucune pièce de nature à établir la matérialité des faits qu'elle indique s'être déroulés le 6 décembre 2016 lorsqu'il aurait été demandé à M. [R] «'de vérifier la vacuité des issues de secours attenantes à l'hypermarché CARREFOUR'» et que lors du passage de la commission de sécurité «'les issues de secours étaient encombrées et la zone était dans le noir'», faits dont M. [R] conteste la réalité, qui sont relatés exclusivement sur la «'fiche d'entretien disciplinaire'» (pièce n°22 de l'intimée) et qui n'apparaissent dans aucun des courriers électroniques de M. [Z] justement datés des 6 et 8 décembre dans lesquels il relate les reproches formulés contre M. [R] comme motivant précisément que celui-ci soit remplacé les 7 et 8 décembre jusqu'à la fin de la visite de la commission de sécurité (pièces n°25 et 26 de l'intimée), M. [R] se trouvant hors vacation à ces deux dates (pièce n°8 du salarié).

Ce grief doit donc être écarté.

- Sur le grief tenant aux faits du 6 décembre 2016 sur le compartimentage et désenfumage

Ces faits sont précisément décrits par M. [Z] dans les deux courriels susvisés.

Force est de constater néanmoins que la société employeur ne fait état dans sa lettre de licenciement que des 'fonctions de chef d'équipe de sécurité incendie' exercées par M. [R] dont il se déduit qu'il est 'censé maîtriser l'ensemble des organes de sécurité du site', de son affectation 'loin d'être récente' , du caractère 'incompréhensible' de son incapacité à répondre aux questions posées et enfin de son 'manque d'implication' et 'manque de professionnalisme' déjà rappelé dans trois courriers, tous éléments qui ne caractérisent qu'un incapacité de l'intéressé à remplir ses fonctions et donc d'une insuffisance professionnelle et non des actes volontaires constitutifs d'une faute. En effet, la société employeur n'invoque pas dans cette lettre l'existence d'une insubordination manifeste de la part du salarié supposant une volonté délibérée de refuser de se soumettre aux instructions de l'employeur.

Il s'en déduit que l'employeur s'étant placé sur un terrain disciplinaire, en l'absence de toute abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée de la salariée, les motifs mentionnés dans la lettre de licenciement ne présentent pas de caractère fautif, de sorte que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

Le jugement doit donc être infirmé.

Sur les conséquences financières du défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement

En application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Ces dispositions sont applicables, compte tenu de l'effectif de la société TORRAN FRANCE supérieure à 10 personnes et de l'ancienneté de M. [R] supérieure à deux années.

M. [R] ne fournit aucune information sur sa situation professionnelle postérieurement au licenciement.

Compte tenu des revenus de ses six derniers mois d'activité au sein de la société TORANN FRANCE, de la perte d'une ancienneté de 4 ans et 11 mois ans pour un salarié âgé de 34 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, il conviendra d'allouer à M. [R] une somme de 12.000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société TORANN FRANCE sera en outre condamnée à verser à M. [R] la somme demandée et non autrement contestée de 4.023,64 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents soit 402,36 € bruts.

Sur la capitalisation des intérêts

En application de l'article 1343-2 du code civil, la capitalisation des intérêts est de droit dès lors qu'elle est régulièrement demandée ; il sera donc également fait droit à cette demande du salarié, par infirmation du jugement entrepris.

Sur le remboursement des indemnités de chômage

Par application combinée des articles L.1235-3 et L.1235-4 du code du travail, lorsque le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Sur ce fondement, il y a lieu de condamner société TORANN FRANCE à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payées, le cas échéant, à M. [R] à compter du jour de la rupture du contrat de travail, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux rectifiés conformes à la présente décision est fondée en son principe. Il conviendra d'y faire droit.

Sur les frais irrépétibles

Par suite du principal, la société TORANN FRANCE doit être déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et tenue d'indemniser M. [R] des frais irrépétibles qu'il a dû avancer pour faire valoir ses droits en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Nantes du 28 février 2019 ;

Statuant de nouveau,

DECLARE irrecevables les demandes de M. [R] aux titres d'une indemnité légale de licenciement et du rappel de salaires sur la période de la mise à pied conservatoire';

CONDAMNE la société TORANN FRANCE à payer à M. [R] les sommes suivantes':

- 4.023,64 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 402,36 € bruts au titre des congés payés afférents,

- 12.000 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la société TORANN FRANCE de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société TORANN FRANCE aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/02113
Date de la décision : 24/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-24;19.02113 ?
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