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23/06/2022 | FRANCE | N°22/00369

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 23 juin 2022, 22/00369


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 22/197

N° N° RG 22/00369 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S343



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile



Nous, Hélène CADIET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de

Sandrine KERVAREC, greffière,





Statuant sur l'appel formé le 22 Juin 2022 à 15 h 21 par la Préfecture des Côtes d'Armor concernant :
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COUR D'APPEL DE RENNES

N° 22/197

N° N° RG 22/00369 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S343

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Hélène CADIET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Sandrine KERVAREC, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 22 Juin 2022 à 15 h 21 par la Préfecture des Côtes d'Armor concernant :

M. [C] [G]

né le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 2]

de nationalité Roumaine

ayant pour avocat Me Carole GOURLAOUEN, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 21 Juin 2022 à 17 h 39 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de RENNES qui a constaté l'irrégularité de la procédure et dit n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. [C] [G] ;

En présence de Mme [M] [O], munie d'un pouvoir, représentant le préfet des Côtes d'Armor, dûment convoqué,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, (avis écrit du 22/06/22)

En l'absence de [C] [G], représenté par Me Carole GOURLAOUEN, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 23 Juin 2022 à 14 H 30 le représentant du préfet et l'avocat de M.[C] [G] en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 23 Juin 2022 à 17 heures, avons statué comme suit :

M. [C] [G] a fait l'objet d'un arrêté du préfet des Côtes d'Armor du 17 juin 2022 notifié le 18 juin prononçant une obligation de quitter le territoire ainsi que son placement en rétention administrative par décision du 18 juin notifié le jour même.

Statuant sur requête du préfet reçue au greffe le 20 juin 2022 à 9 heures 02, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes, par ordonnance rendue le 21 juin 2022, constaté l'irrégularité de la procédure et dit n'y avoir lieu à prolongation de la rétention de M. [C] [G], condamnant le préfet es qualités à régler à son conseil la somme de 400 euros au titre de l'article 37 de la loi sur l'aide juridictionnelle.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 22 juin 2022 à 15 heures 21, le préfet es qualités a interjeté appel de cette ordonnance.

Il fait valoir au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise et de prolongation de la rétention que la consultation des fichiers FAED et FPR était régulière, l'agent étant spécialement habilité à l'effectuer.

Le conseil de M.[C] [G] demande par un mémoire du 23 juin 2022 la confirmation de la décision et sollicite la condamnation du Préfet des Côtes d'Armor à lui verser la somme de 1500 €, moyennant la renonciation de l'avocat à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle. Elle demande d'examiner les moyens soulevés en première instance (notification irrégulière des droits en garde à vue au visa de l'article 63-1 du code de procédure pénale, absence de notification des droits préalablement à l'audition sur des faits distincts, méconnaissance des articles 63-6 et 63-7 du code de procédure pénale).

Le Procureur Général, suivant avis écrit du 22 juin 2022, sollicite l'infirmation de l'ordonnance au motif que la cour d'appel de Rennes a jugé que l'utilisation d'une identification système, subordonnant l'accès aux fichiers à l'introduction d'un numéro d'identification personnel, comme c'est le cas en l'espèce, implique nécessairement que le titulaire de ce numéro personnel d'identification est régulièrement habilité.

Le préfet représenté par Mme [O] munie d'un pouvoir à cet effet maintient les termes de son mémoire d'appel.

SUR QUOI,

L'appel est recevable pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits.

Sur le moyen tiré de la consultation des fichiers

S'agissant du fichier FAED :

Selon l'article 1 du décret du 8 avril 1987, dans sa version en vigueur :

'I. Est autorisé, dans les conditions prévues au présent décret, le traitement automatisé de traces et empreintes digitales et palmaires :

«-en vue de faciliter la recherche et l'identification, par les services de la police nationale et les unités de la gendarmerie nationale ainsi que par le service national de la douane judiciaire, des auteurs de crimes et de délits et de faciliter la poursuite, l'instruction et le jugement des affaires criminelles et délictuelles dont l'autorité judiciaire est saisie ;

«-en vue de faciliter la recherche et la découverte des mineurs et majeurs protégés disparus ainsi que celles des majeurs dont la disparition présente un caractère inquiétant ou suspect eu égard aux circonstances, à l'âge de l'intéressé ou à son état de santé ;

«-en vue de faciliter l'identification dans un cadre judiciaire des personnes décédées ainsi que l'identification des personnes découvertes grièvement blessées dont l'identité n'a pu être établie ;

«-en vue de faciliter l'identification dans un cadre extrajudiciaire des personnes décédées.

II.-Est également autorisée, dans les conditions prévues au présent décret, la consultation du traitement automatisé des empreintes digitales :

«-en vue de permettre l'identification d'un étranger dans les conditions prévues à l'article L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

«-en vue de permettre l'identification des personnes dans le cadre de la procédure de vérification d'identité de l'article 78-3 du code de procédure pénale.'

Selon l'article 8 du même décret :

' Les fonctionnaires et militaires individuellement désignés et habilités des services d'identité judiciaire de la police nationale, du service central de renseignement criminel de la gendarmerie nationale ainsi que des unités de recherches de la gendarmerie nationale peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et aux informations contenues dans le traitement :

1° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale, ou des agents des douanes habilités à effectuer des enquêtes judiciaires en vertu des dispositions de l'article 28-1 du code de procédure pénale ;

2° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande de l'autorité judiciaire, des fonctionnaires de la police ou des militaires de la gendarmerie dans le cadre des recherches aux fins d'identification des personnes décédées prévues aux articles L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales et 87 du code civil et du décret n° 2012-125 du 30 janvier 2012 relatif à la procédure extrajudiciaire d'identification des personnes décédées ;

3° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions des articles L. 611-1-1 , L. 611-3 et L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4° Pour procéder aux opérations d'identification à la demande des officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale en vertu des dispositions de l'article 78-3 du code de procédure pénale .

Selon l'Article 8-1 dans sa version en vigueur :

'I.-Les officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale et les agents des douanes mentionnés à l'article précédent sont destinataires des résultats des opérations d'identification dont ils ont demandé la réalisation en vue des finalités définies à l'article 1er dans le cadre et pour les besoins exclusifs des procédures judiciaires dont ils sont saisis.

II.-Les officiers de police judiciaire de la police nationale ou de la gendarmerie nationale sont destinataires des résultats des opérations d'identification dont ils ont demandé la réalisation à raison de leurs attributions, dans le cadre et pour les besoins exclusifs :

1° Des recherches aux fins d'identification des personnes décédées effectuées en application des articles L. 2223-42 du code général des collectivités territoriales et 87 du code civil et du décret n° 2012-125 du 30 janvier 2012 relatif à la procédure extrajudiciaire d'identification des personnes décédées ;

2° Des procédures d'identification prévues aux articles L. 611-1-1 , L. 611-3 et L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont ils sont saisis ;

3° Des mesures de vérification d'identité de l' article 78-3 du code de procédure pénale.

Selon l'article 9-2 dans sa version en vigueur :

'Sous réserve des règles particulières prévues par les actes et accords mentionnés aux 2° et 3° de l'article 9-1, les opérations réalisées en vertu de ces dispositions :

1° Sont le fait d'agents spécialement habilités à cet effet par les organismes internationaux ou Etats requérants ;

2° Font l'objet, de la part de ces agents, de demandes préalables motivées

3° Donnent lieu à la mise en place, par le gestionnaire du traitement, d'un dispositif permettant de retracer, par enregistrement informatique, la consultation du fichier.'

En l'espèce, la consultation du FAED par [Z] [T] officier de police judiciaire dont il n'est pas démontré qu'elle poursuivait d'autres finalités que celles prévues par les textes était régulière.

En effet, à la suite de cette demande de consultation par l'officier de police judiciaire , l'agent au sein du service central de renseignement criminel (en l'espèce [N] [I]) s'occupe de l'exploitation du fichier et rend un rapport qu'il communique à l'officier de police judiciaire.

Il n'y a pas de contradiction ainsi que l'a relevé à tort le premier juge puisque l'officier de police judiciaire consulte et M. [N] [I] du service central exploite.

La consultation étant faite pour les besoins exclusifs de la procédure ( ce qui n'est pas contesté) dont l'officier a demandé la consultation, aucun grief tiré de la violation de la convention des droits de l'homme n'est établi et la procédure est régulière.

S'agissant du fichier FPR, au visa du décret du 28 mai 2010, le juge doit vérifier s'il résulte des actes de la procédure, notamment des mentions, faisant foi jusqu'à preuve contraire, du procès-verbal contenant le résultat de la consultation du fichier FPR, que le fonctionnaire de police qui a procédé à la consultation était spécialement habilité à cet effet.

En l'espèce, M. [G] a été interpellé le 16 juin 2022 et placé en garde à vue pour vols à l'étalage et a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire avec interdiction de retour pendant un an et d'un placement en rétention.

Selon les mentions du PV selon PV 00751 01853 2022 du 16 juin 2022 la demande a été effectuée par [Z] [T] officier de police judiciaire 'agent expressément habilité.'

La consultation était donc régulière.

L'ordonnance querellée sera infirmée.

La cour, par l'effet dévolutif, évoque et statue sur les autres moyens invoqués.

Sur le moyen tiré de la notification irrégulière des droits en garde à vue au visa de l'article 63-1 du code de procédure pénale :

Aux termes de cet article:

'La personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, dans une langue qu'elle comprend, le cas échéant au moyen du formulaire prévu au treizième alinéa:

1° De son placement en garde à vue ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut faire l'objet ;

2° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ainsi que des motifs mentionnés aux 1° à 6° de l'article 62-2 justifiant son placement en garde à vue ;

3° Du fait qu'elle bénéficie :

-du droit de faire prévenir un proche et son employeur ainsi que, si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de l'Etat dont elle est ressortissante, et, le cas échéant, de communiquer avec ces personnes, conformément à l'article 63-2 ;

-du droit d'être examinée par un médecin, conformément à l'article 63-3 ;

-du droit d'être assistée par un avocat, conformément aux articles 63-3-1 à 63-4-3 ;

-s'il y a lieu, du droit d'être assistée par un interprète ;

-du droit de consulter, dans les meilleurs délais et au plus tard avant l'éventuelle prolongation de la garde à vue, les documents mentionnés à l'article 63-4-1 ;

-du droit de présenter des observations au procureur de la République ou, le cas échéant, au juge des libertés et de la détention, lorsque ce magistrat se prononce sur l'éventuelle prolongation de la garde à vue, tendant à ce qu'il soit mis fin à cette mesure. Si la personne n'est pas présentée devant le magistrat, elle peut faire connaître oralement ses observations dans un procès-verbal d'audition, qui est communiqué à celui-ci avant qu'il ne statue sur la prolongation de la mesure ;

-du droit, lors des auditions, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

Si la personne est atteinte de surdité et qu'elle ne sait ni lire, ni écrire, elle doit être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec elle. Il peut également être recouru à tout dispositif technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité.

Si la personne ne comprend pas le français, ses droits doivent lui être notifiés par un interprète, le cas échéant après qu'un formulaire lui a été remis pour son information immédiate.

Mention de l'information donnée en application du présent article est portée au procès-verbal de déroulement de la garde à vue et émargée par la personne gardée à vue. En cas de refus d'émargement, il en est fait mention.

En application de l'article 803-6, un document énonçant ces droits est remis à la personne lors de la notification de sa garde à vue.'

Il ressort de la procédure que M. [G] a été interpellé à 12 heures 50 le 16 juin 2022 et placé en garde à vue à 13 heures 10 Il est fait mention d'une arrivée de l'interprète à partir 14 heures; or le placement lui a été notifié (motifs et qualification date et lieu de l'infraction) dès le début du placement en garde à vue avant l'arrivée de son interprète à 14 heures où ses droits ont continué à lui être notifiées avec le bénéfice d'un interprète à ce moment là.

Ce faisant, cette notification du placement débutant sans interprète est irrégulière et viole l'article précité, vicie la procédure, et porte manifestement atteinte aux droits du retenu.

Il n'est nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés.

La décision sera confirmée par substitution de motifs.

Il sera fait droit partiellement à la demande de condamnation du Préfet au titre de l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement,

Déclarons l'appel recevable,

Confirmons, par substitution de motifs, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 20 juin 2022 ;

Condamne en outre le Préfet des Côtes d'Armor à verser à Me [L] la somme de 900 euros, moyennant la renonciation de l'avocat à percevoir la contribution versée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Fait à Rennes, le 23 juin 2022 à 17 heures

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [C] [G], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 22/00369
Date de la décision : 23/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-23;22.00369 ?
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