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21/06/2022 | FRANCE | N°20/01746

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 21 juin 2022, 20/01746


1ère Chambre





ARRÊT N°238/2022



N° RG 20/01746 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QRZS













S.A.R.L. CG FINANCES

S.A.R.L. TM FINANCES



C/



S.A.S. LAMOTTE CONSTRUCTEUR



















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 21 JUIN

2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,





GREFFIER :



Madame Marie-Claude C...

1ère Chambre

ARRÊT N°238/2022

N° RG 20/01746 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QRZS

S.A.R.L. CG FINANCES

S.A.R.L. TM FINANCES

C/

S.A.S. LAMOTTE CONSTRUCTEUR

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 21 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre entendue en son rapport,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 05 Avril 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Juin 2022 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré annoncé au 07 juin 2022 à l'issue des débats

****

APPELANTES :

La société CG FINANCES, SARL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par Me Hélène LAUDIC-BARON de la SELARL LBP AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Boris MARIE de la SCP B. MARIE-S. SOULARD, plaidant, avocat au barreau du Mans

La société TM FINANCES, SARL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Hélène LAUDIC-BARON de la SELARL LBP AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Boris MARIE de la SCP B. MARIE-S. SOULARD, plaidant, avocat au barreau du Mans

INTIMÉE :

La société LAMOTTE CONSTRUCTEUR, SARL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Emmanuelle BLOND de la SELARL ASEVEN, Postulant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Yann MICHEL de la SELARL ASEVEN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé en date des 14 et 16 novembre 2013, l'association des chapelles catholiques et apostoliques (ci-après l'ACCA) consentait à la Sarl L'Océane (dont les associés étaient les Sarl CG Finances et Sarl TM Finances), exerçant une activité de promotion immobilière, une promesse synallagmatique de vente portant sur l'église [9] située [Adresse 2] moyennant le prix de 3.300.000 €. Cette promesse faisait suite à une précédente promesse signée le 20 août 2010.

La nouvelle promesse prévoyait :

- une réitération de la vente au plus tard le 31 décembre 2014 en l'étude de Maître [E], notaire à [Localité 8] (Sarthe),

- aux conditions suspensives :

1) de l'obtention des autorisations d'urbanisme définitives,

2) de la libération des lieux par l'association cultuelle de l'église catholique apostolique universelle (ci-après l'ACECAU) qui occupait l'immeuble.

Cette église était en effet louée suivant bail du 8 avril 1996 à l'ACECAU pour une durée de onze ans, soit jusqu'au 8 avril 2017, laquelle association ne payait toutefois pas ses loyers et faisait l'objet d'une procédure de résiliation-expulsion en 2014 puis d'une procédure d'expulsion d'occupants sans droit ni titre en 2016.

Pour la réalisation et la promotion du programme immobilier dénommé « Les Terrasses de Garibaldi », prévu d'être érigé après démolition de l'église [9], les Sarl CG Finances et TM Finances s'associaient au sein de la société civile de construction vente Garibaldi (ci-après SCCV Garibaldi).

Ne souhaitant finalement plus réaliser le programme immobilier envisagé, la Sarl l'Océane cédait le 20 décembre 2013 ses droits dans la promesse synallagmatique à la Sas Lamotte Constructeur, exerçant une activité d'acquisition, d'exploitation et revente de tous immeubles bâtis ou non, en France ou à l'étranger, suivant un protocole d'accord avec conditions suspensives à échéance au 31 décembre 2014 et moyennant le versement de différentes sommes d'argent :

-50.000 € HT au titre du remboursement de frais et études dans le cadre de l'élaboration du permis de construire,

-500.000 € HT et 450.000 € HT à titre d'honoraires forfaitaires et définitifs,

-90.000 € à titre de don à l'Association Cultuelle Saint Curé d'Ars,

-60.000 € HT pour les honoraires de négociation dus à l'agence MP CONSEIL.

Le 13 décembre 2014, dans le prolongement du protocole, l'ACCA signait avec la Sas Lamotte Constructeur une nouvelle promesse synallagmatique de vente portant sur le bien précisé ci-dessus et comportant les conditions de permis de construire, permis de construire modificatif transféré et libération des lieux.

Puis, par acte authentique en date du 4 juin 2015, les 500 parts sociales de la société Garibaldi étaient cédées à la Sas Lamotte Constructeur et à la Sarl Arès Groupe pour la somme de 5.000 € et la société Lamotte Constructeur versait à la société l'Océane la somme de 1.117.600 € TTC.

Dans le cadre des négociations, il était également prévu que la Sarl Lamotte Constructeur verse la somme de 90.000 € TTC chacune aux Sarl CG Finances et Sarl TM Finances, soit 180.000 € TTC, consignée en adossement à la garantie de passif de la cession de parts de la société Garibaldi régularisée le même jour et conditionnée à la démolition au plus tard le 31 août 2015 de l'immeuble attestée par l'architecte en charge de l'opération de construction.

La Sarl l'Océane était placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nantes du 23 juillet 2015, puis en liquidation judiciaire le 24 septembre 2015.

N'étant pas réglées des deux sommes de 90.000 € ci-dessus prévues, les Sarl CG Finances et TM Finances mettaient la Sas Lamotte Constructeur en demeure d'avoir à régulariser la situation par courrier recommandé avec accusé de réception du 9 octobre 2015.

Faute de paiement, elles assignaient la Sas Lamotte Constructeur devant le tribunal de grande instance de Nantes par acte d'huissier en date du 14 décembre 2015.

Par ordonnance du 17 novembre 2016, le juge de la mise en état rejetait l'exception d'incompétence territoriale au profit du tribunal de commerce de Paris soulevée par la Sas Lamotte Constructeur.

Par jugement en date du 6 février 2020, le tribunal judiciaire de Nantes considérait que la condition de libération des lieux n'avait pas été remplie sans que l'échec puisse être imputé à la Sas Lamotte Constructeur qui avait fait toutes diligences, déboutait les Sarl CG Finances et TM Finances de leurs demandes en paiement des sommes de 90.000 € chacune et de dommages et intérêts et les condamnait in solidum à payer à la Sas Lamotte Constructeur la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Par déclaration en date du 11 mars 2020, les Sarl CG Finances et TM Finances interjetaient appel de ce jugement.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Les Sarl CG Finances et TM Finances exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 15 octobre 2020 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Elles demandent à la cour d'appel de :

-infirmer le jugement rendu le 6 février 2020 par le tribunal judiciaire de Nantes et statuant à nouveau,

-condamner la Sas Lamotte Constructeur à leur payer les sommes de :

-90.000 € chacune avec intérêt au taux légal à compter du 9 octobre 2015,

-8.000 € au titre des frais irrépétibles,

-condamner la Sas Lamotte Constructeur aux dépens.

La Sas Lamotte Constructeur expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 24 février 2022 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Elle demande à la cour d'appel de :

-confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-débouter les sociétés CG Finances et TM Finances de l'intégralité de leurs demandes, fins et prétentions,

-les condamner à lui payer chacune la somme de 10.000 € au titre des frais irrépétibles,

-les condamner in solidum aux dépens, dont distraction au profit de Me Emmanuelle Blond conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

DISCUSSION

Sur la qualification de terme ou condition et ses conséquences

Les Sarl CG Finances et TM Finances soutiennent que la démolition et la garantie de passif étaient des termes incertains et non des conditions suspensives, que le délai entre le 4 juin 2015 et le 31 août 2015 n'était pas tenable, outre que la démolition n'a jamais été voulue par Lamotte Constructeur qui souhaitait revendre l'opération avec une forte plus value et n'avait prévu aucun dispositif efficace pour empêcher l'intrusion dans l'église, contribuant ainsi à l'ocupation des lieux et empêchant leur libération.

La Sas Lamotte Constructeur soutient qu'elle était disposée à payer une somme complémentaire de 180.000 € si la date du 31 août 2015 pour la démolition de l'immeuble était remplie, laquelle était rendue aléatoire en raison de l'occupation illégale de l'église [9] par divers mouvements militants.

En droit, l'article 1168 du code civil dans sa version applicable à l'espèce dispose que "l'obligation est conditionnelle lorsqu'on la fait dépendre d'un événement futur et incertain, soit en la suspendant jusqu'à ce que l'événement arrive, soit en la résiliant, selon que l'événement arrivera ou n'arrivera pas" tandis que l'article 1185 du code civil dans sa version applicable à l'espèce précise que "le terme diffère de la condition, en ce qu'il ne suspend point l'engagement, dont il retarde seulement l'exécution."

Et conformément à l'article 1134 du code civil dans sa version applicable au litige, "les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi."

Au cas particulier, la convention signée entre les parties le 4 juin 2015 a prévu que la somme supplémentaire de 180,000 € est "stipulée payable lors de la justification de la démolition de l'immeuble objet du permis de construire et du permis de construire modificatif transférés à la société dénommée Garibaldi sur présentation d'une attestation délivrée par l'architecte de l'opération de construction ; ladite démolition devant intervenir au plus tard le 31 août 2015."

Cette clause s'inscrit dans la droite ligne des conventions antérieures signées d'abord entre l'ACCA et la Sarl l'Océane les 14 et 16 novembre 2013 laquelle prévoyait que les biens devaient être libres de toute occupation au jour de la réitération de la vente par acte authentique et, ensuite, entre la Sarl l'Océane et la Sas Lamotte Constructeur le 20 décembre 2013 laquelle prévoyait une condition de protocole transactionnel avec l'ACECAU pour définir les modalités de son départ des lieux au plus tard le 31 décembre 2014.

De fait, ainsi que cela résulte des procédures judiciaires intentées contre l'ACECAU et des coupures de presse versées aux débats, l'église [9] était occupée depuis avril 1996 par l'ACECAU qui ne payait plus les loyers mais se maintenait dans les lieux pour en empêcher la démolition, soutenue en cette opposition par les habtiants du quartier ainsi que par le maire du [Localité 10] s'étant notamment physiquement déplacé dans l'église avec d'autres élus pour faire obstacle aux premiers travaux. L'expulsion n'a finalement pu être conduite que le 3 août 2016 à la faveur de l'intervention de la force publique accordée sur décision du Conseil d'Etat. Elle se trouvait fortement médiatisée.

Ces circonstances caractérisent sans ambiguité l'aléa qui affectait la libération des lieux, et par voie de conséquence leur démolition, l'église [9] ayant été érigée à l'époque par divers mouvements militants au rang de symbole des églises vouées à la destruction.

Il s'ensuit que cette démolition impliquant la libération préalable des lieux n'a en aucun cas pu être qualifiée de "terme" au sens de la convention du 4 juin 2015, même incertain, mais a bien constitué une condition au sens de l'article 1168 du code civil ci-dessus visé, dont la survenue était parfaitement incertaine, non pas en sa date, mais spécialement en son principe eu égard aux enjeux entourant la libération préalable de ce lieu symbolique, nécessitant l'aide de la force publique dont l'octroi était indépendant de la volonté des parties.

La démolition n'étant pas survenue à la date convenue du 31 août 2015, dans des circonstances indépendantes de la volonté de la Sas Lamotte Constructeur, qui n'était pas propriétaire du bien, le paiement de la somme supplémentaire de 180.000 € TTC ne peut être exigé.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes des Sarl CG Finances et TM Finances, sans qu'il soit, enfin, utile d'examiner la condition tenant à l'apurement des comptes et l'extinction de la garantie du passif.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombantes, les sociétés CG Finances et TM Finances seront condamnées in solidum aux dépens d'appel et déboutées de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera confirmé s'agissant des dépens de première instance.

Elles seront enfin condamnées in solidum à payer à la Sas Lamotte Constructeur la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles que cette dernière a dû engager.

Le jugement sera confirmé s'agissant des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Nantes du 6 février 2020,

Condamne in solidum la Sarl CG Finances et la Sarl TM Finances à payer à la Sas Lamotte Constructeur la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel,

Condamne in solidum la Sarl CG Finances et la Sarl TM Finances aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par Maître Emmanuelle Blond conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/01746
Date de la décision : 21/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-21;20.01746 ?
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