3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°351
N° RG 19/08125 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QKXI
SARL ECO OUATE
C/
SARL AGENCE BRESTOISE DE GESTION
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me BIHAN
Me PENNEC
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 21 JUIN 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,
Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller, rapporteur
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 10 Mai 2022
ARRÊT :
Contradictoire , prononcé publiquement le 21 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Société ECO OUATE, immatriculée au RCS de Brest sous le n° 492 I73 489, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Gwendal BIHAN de la SELARL ARVOR AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
SARL AGENCE BRESTOISE DE GESTION, immatriculée au RCS de BREST sous le n° 437 809 114, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Nolwenn PENNEC de la SELARL MAGELLAN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de BREST
FAITS ET PROCÉDURE
Suivant promesses synallagmatiques en date du 25 septembre 2015, la société JD2 Promotion promettait de vendre à la société Eco Ouate, en l'état futur d'achèvement, quatre cellules commerciales précisément désignées à l'intérieur d'un immeuble à construire [Adresse 5] (Finistère).
La première promesse, afférente à une cellule de 390 m² et à une autre de 430 m², était conclue pour un prix principal de 1.306.785 euros TTC outre une commission de négociation de 40.732 euros au profit de la société Agence Bretoise de Gestion (la société ABG).
La deuxième promesse, afférente à une cellule de 400 m² et à une autre de 310 m², était conclue pour un prix principal de 893.215 euros TTC outre une commission de 27.668 euros au profit de la même société.
Suivant acte du 22 décembre 2015, la société JD2 Promotion et la société Eco Ouate convenaient ensemble de résilier purement et simplement ces deux promesses et, suivant acte du même jour, concluaient une nouvelle promesse de vente, toujours en l'état futur d'achèvement, portant cette fois sur une autre cellule commerciale composée d'un rez-de-chaussée de 721,90 m², d'un étage de 780,50 m² et d'une cour close de 253 m², néanmoins toujours dans le même immeuble à construire [Adresse 5].
Le nouveau prix convenu entre les parties était fixé à 1.468.602 euros TTC, outre une commission de négociation de 21.440 euros, désormais au profit d'un office notarial et ce, en vertu d'un mandat de vente qui lui avait été donné par la société JD2 Promotion.
En revanche, cette dernière promesse ne prévoyait aucune commission d'intermédiation en faveur de la société ABG.
Suivant acte authentique du 5 octobre 2016, la vente était définitivement réitérée aux conditions précitées, la SCI LPB s'étant finalement substituée à la société Eco Ouate pour acquérir l'immeuble.
Par lettre recommandée du 21 novembre 2016, la société JD2 Promotion, qui se prévalait d'un mandat de recherche signé par la société Eco Ouate le 15 septembre 2015, la mettait en demeure de s'acquitter d'une somme totale de 68.400 euros au titre des commissions prévues par les deux promesses synallgmatiques du 25 septembre 2015 dont elle estimait avoir été indûment privée.
En l'absence de règlement amiable, la société JD2 Promotion la faisait assigner devant le tribunal de commerce de Brest qui, par jugement du 8 novembre 2019:
- déboutait la société Eco Ouate de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamnait la société Eco Ouate à payer à la société ABG la somme de 68.400 euros TTC au titre des honoraires de négociation prévus aux actes du 25 septembre 2015, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 20 décembre 2017 et capitalisation annuelle desdits intérêts ;
- condamnait la société Eco ouate à payer à la société ABG une somme de 6.000euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamnait la société Eco Ouate aux entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 17 décembre 2019, la société Eco Ouate interjetait appel de cette décision.
L'appelante notifiait ses dernières conclusions le 6 avril 2022, l'intimée les siennes le 6 avril 2022.
La clôture de la mise en état intervenait par ordonnance du 7 avril 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société Eco Ouate demande à la cour de :
Vu la loi Hoguet du 2 janvier 1970, ainsi que par son décret d'application du 20 juillet 1972,
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
- débouter la société ABG de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;
- condamner la société ABG à payer à la société Eco Ouate une somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
- condamner la société ABG au paiement d'une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société ABG aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Au contraire, la société ABG demande à la cour de :
Vu les articles 1103, 1240 et 1589 du code civil,
- débouter la société Eco Ouate de son appel et confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
- condamner la société Eco Ouate à payer à la société ABG la somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée ;
- condamner la société Eco Ouate au paiement d'une somme de 7.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamner la société Eco Ouate aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens développés par les parties.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande principale de la société ABG tendant au règlement des honoraires de négociation prévus dans le mandat du 15 septembre 2015 ainsi que dans les promesses du 25 octobre 2015 :
L'article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce dispose :
'I-Les conventions conclues avec les personnes visées à l'article 1er ci-dessus et relatives aux opérations qu'il mentionne en ses 1° à 6°, doivent être rédigées par écrit et préciser conformément aux dispositions d'un décret en Conseil d'Etat :
Les conditions dans lesquelles ces personnes sont autorisées à recevoir, verser ou remettre des sommes d'argent, biens, effets ou valeurs à l'occasion de l'opération dont il s'agit ;
Les modalités de la reddition de compte ;
Les conditions de détermination de la rémunération, ainsi que l'indication de la partie qui en aura la charge.
Les moyens employés par ces personnes et, le cas échéant, par le réseau auquel elles appartiennent pour diffuser auprès du public les annonces commerciales afférentes aux opérations mentionnées au 1°du même article 1er.
En outre, lorsqu'une convention comporte une clause d'exclusivité, elle précise les actions que le mandataire s'engage à réaliser pour exécuter la prestation qui lui a été confiée ainsi que les modalités selon lesquelles il rend compte au mandant des actions effectuées pour son compte, selon une périodicité déterminée par les parties.
Les dispositions de l'article 1325 du code civil leur sont applicables.
Aucun bien, effet, valeur, somme d'argent, représentatif d'honoraires, de frais de recherche, de démarche, de publicité ou d'entremise quelconque, n'est dû aux personnes indiquées à l'article 1er ou ne peut être exigé ou accepté par elles, avant qu'une des opérations visées audit article ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte écrit contenant l'engagement des parties.
Toutefois, lorsqu'un mandat est assorti d'une clause d'exclusivité ou d'une clause pénale ou lorsqu'il comporte une clause aux termes de laquelle des honoraires sont dus par le mandant, même si l'opération est conclue sans les soins de l'intermédiaire, cette clause recevra application dans les conditions qui seront fixées par décret. La somme versée par le mandant en application de cette clause ne peut excéder un montant fixé par décret en Conseil d'Etat.
Lorsque le mandant agit dans le cadre de ses activités professionnelles, tout ou partie des sommes d'argent visées ci-dessus qui sont à sa charge peuvent être exigées par les personnes visées à l'article 1er avant qu'une opération visée au même article n'ait été effectivement conclue et constatée. La clause prévue à cet effet est appliquée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.
La convention conclue entre la personne qui se livre à l'activité mentionnée au 7° de l'article 1er et le propriétaire du bien inscrit sur la liste ou le fichier, ou le titulaire de droits sur ce bien, comporte une clause d'exclusivité d'une durée limitée aux termes de laquelle ce dernier s'engage, d'une part, à ne pas confier la location ou la vente de son bien à une autre personne exerçant une activité mentionnée à l'article 1er et, d'autre part, à ne pas publier d'annonce par voie de presse.
II-Entre la personne qui se livre à l'activité mentionnée au 7° de l'article 1er et son client, une convention est établie par écrit. Cette convention dont, conformément à l'article 1325 du code civil, un original est remis au client précise les caractéristiques du bien recherché, l'ensemble des obligations professionnelles qui incombent au professionnel mentionné au présent alinéa, la nature de la prestation promise au client et le montant de la rémunération incombant à ce dernier. Elle précise également les conditions de remboursement de tout ou partie de la rémunération lorsque la prestation fournie au client n'est pas conforme à la nature promise dans ladite convention.
Les conditions et les modalités d'application de la mesure de remboursement partiel ou total prévue au premier alinéa du présent II sont définies par décret.
Aucune somme d'argent ou rémunération de quelque nature que ce soit n'est due à une personne qui se livre à l'activité mentionnée au 7° de l'article 1er ou ne peut être exigée par elle, préalablement à la parfaite exécution de son obligation de fournir effectivement des listes ou des fichiers, que cette exécution soit instantanée ou successive.'
En l'espèce, il résulte des pièces du dossier et il est constant que les deux promesses du 25 septembre 2015, portant sur la vente des quatre cellules commerciales de 390, 430, 400 et 310 m², n'ont jamais été réitérées.
A cet égard, c'est vainement que la société ABG se prévaut du 'caractère parfait' de ces deux promesses en ce qu'elles comportaient un accord sur la chose et sur le prix.
En effet, le fait est que la société JD2 Promotion et la société Eco Ouate sont convenues de les résilier.
Ainsi, ni la société Eco Ouate ni la SCI LPB substituée à celle-ci ne sont jamais devenues propriétaires des quatre cellules visées dans les promesses du 25 septembre 2015, ayant fait le choix d'en acquérir une autre, au demeurant d'une assiette, d'une contenance et d'un prix différents de ceux initialement envisagés.
Dès lors et sans même qu'il y ait lieu de s'interroger sur la validité du mandat prétendument souscrit antérieurement à ces promesses, en toute hypothèse la société ABG ne peut se prévaloir d'aucun droit à commission de ce chef, dès lors qu'aucune opération n'a jamais été 'effectivement conclue', au sens de l'article 6 précité, en exécution de ce mandat.
A cet égard, il convient d'observer que la société ABG ne réclame pas de commission sur la vente intervenue en exécution de la nouvelle promesse en date du 22 décembre 2015, n'ayant d'ailleurs jamais prétendu avoir participé à la négociation de cette vente.
Ainsi, en ce qu'elle tend au paiement de commissions sur des ventes qui ne se sont jamais réalisées, son action est nécessairement vouée à l'échec.
En conséquence, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Eco Ouate à payer à la société ABG une somme de 68.400 euros, laquelle correspond à des commissions qui, au regard des exigences légales, ne sont pas dues.
Sur la demande subsidiaire de la société ABG tendant au paiement d'une somme de 68.400 euros à titre de dommages-intérêts délictuels :
Affirmant que l'opération d'acquisition résultant de la promesse du 22 décembre 2015 n'avait pour objet que de la priver de son droit à commission, la société ABG, qui se prévaut d'une fraude de la part de la société Eco Ouate, sollicite sa condamnation, sur un fondement délictuel,au paiement d'une indemnité d'un montant égal à la commission dont elle a été privée.
Cependant, les dispositions de l'article 1382 du code civil, dans sa numérotation applicable au litige, sont inapplicables à la réparation d'un dommage se rattachant à l'exécution d'un engagement contractuel.
Ainsi, le créancier d'une obligation contractuelle ne peut pas se prévaloir contre le débiteur de cette obligation, quand bien même il y aurait intérêt, des règles de la responsabilité extra-contractuelle.
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Dès lors et en l'espèce, la société ABG, qui se prévaut d'un droit à commission fondé sur un contrat, en l'occurrence un mandat souscrit par la société Eco Ouate et ratifié par deux promesses jamais réitérées, n'a pas d'action extra-
contractuelle contre celle-ci, même à titre subsidiaire.
Par suite, la société ABG sera déboutée de sa demande indemnitaire.
Sur la demande additionnelle en dommages-intérêts pour résistance abusive :
N'étant tenue d'aucune obligation à paiement envers la société ABG, la société Eco Ouate ne saurait être condamnée à de quelconques dommages-intérêts pour avoir refusé de régler les sommes qui lui étaient indûment réclamées.
Sur la demande reconventionnelle formée par la société Eco Ouate :
Même infondée, la réclamation de la société ABG ne présente pas un caractère abusif.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté la société Eco Ouate de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive.
Sur les autres demandes :
Les deux parties seront déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.
Enfin, partie perdante, la société ABG supportera les entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
- confirme le jugement en ce qu'il a débouté la société Eco Ouate de sa demande reconventionnelle en dommages-intérêts ;
- l'infirmant pour le surplus de ses dispositions, statuant à nouveau et y ajoutant:
* déboute la société Agence Brestoise de Gestion de l'ensemble de ses demandes ;
* déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
* condamne la société Agence Brestoise de Gestion aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffierLe président