1ère Chambre
ARRÊT N°235/2022
N° RG 19/06900 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QF6J
SARL MERCIER FRÈRES
C/
M. LE PREFET DE LOIRE ATLANTIQUE
M. PREFET DES PAYS DE LA LOIRE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 21 JUIN 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIERE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 05 Avril 2022
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 21 Juin 2022 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré annoncé au 07 juin 2022 à l'issue des débats
****
APPELANTE :
La société MERCIER FRÈRES, SARL agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Hortense BERNARD, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Alexia COMBE du cabinet SAUVINET-COMBE, Plaidant, avocat au barreau de NÎMES
INTIMÉ :
Monsieur le Préfet des Pays de la Loire
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représenté par Me Jean-François ROUHAUD de la SELARL LEXCAP, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
La société à responsabilité limitée (SARL) Mercier Frères exerce dans le domaine du pépiniérisme viticole et est spécialisée dans le secteur d'activité de la reproduction des plants. A ce titre, elle exporte ses produits tant au niveau communautaire qu'au plan international.
Dans ce cadre, la Direction Régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt des Pays de la Loire a notifié à la SARL Mercier Frères quatre factures correspondant à la redevance phytosanitaire pour l'exportation de produits végétaux au titre des années 2009 à 2012 pour un montant total de 59.575,51 euros, soit les factures suivantes :
-le 6 mars 2013, une facture n°201-PL1-0037 de janvier à décembre 2012 d'un montant total de 13.428,85 €,
-le 8 juin 2012, une facture de N°2011-PL1-00010 de janvier à décembre 2011 d'un montant total de 17.251,04 €,
-le 23 février 2012, une facture n°2010-PL1-0029 de janvier à décembre 2010 d'un montant total de 13.348,89 €,
-le 23 février 2012, une facture n°2009-PL1-0030 de janvier à décembre 2009 d'un montant de 15.546,73 €.
Le 13 décembre 2013, la SARL Mercier Frères a contesté ces factures et par courrier du 26 mars 2014, le directeur régional de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt des Pays de la Loire a maintenu sa position.
La SARL Mercier Frères a saisi le tribunal administratif de Nantes d'une requête en annulation de la décision de rejet de sa réclamation tendant à l'annulation des titres exécutoires émis à son encontre.
Par jugement en date du 17 février 2017, le tribunal administratif de Nantes s'est déclaré incompétent, estimant que la redevance phytosanitaire pour l'exportation de produits végétaux doit être assimilée à une contribution indirecte et à ce titre relève de la compétence des juridictions judiciaires en application de l'article L.199 du livre des procédures fiscales.
Par acte d'huissier du 17 mars 2017, la SARL Mercier Frères a fait assigner M. le Préfet de la Région des Pays de la Loire devant le tribunal de grande instance de Nantes, aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, l'annulation des titres exécutoires qu'elle conteste et le dégrèvement des contributions indirectes et taxes assimilées engendrées par
celles-ci, outre la condamnation de M. le Préfet de la Région du Pays de la Loire aux frais irrépétibles et aux dépens.
Par acte d'huissier du 9 mai 2018, la SARL Mercier Frères a fait délivrer une nouvelle assignation à M. le Préfet de la Région des Pays de la Loire aux mêmes fins mais portant sur quatre autres factures postérieures pour un montant total de 31.145,22 € :
-le 2 avril 2014 une facture n°2013-PL1 007 de janvier à décembre 2013 pour l'exportation d'un montant de 14 918.71 €,
-le 9 mars 2015, une facture n°2014-PL1-0027 de janvier à décembre 2014 d'un montant de 8 937.87 €,
-le 27 décembre 2016 une facture n°2015-PL1-0121 pour redevance occasionnelle export 2015 d'un montant de 5 195.04 €,
-le 24 novembre 2017 une facture n°2016-PL0-0071 d'un montant de 5 093.60 €.
Les deux affaires ont fait l'objet d'une jonction.
Par jugement du 1er août 2019, le tribunal de grande instance de Nantes a :
-Déclaré irrecevable l'action engagée par la SARL Mercier Frères à l'encontre de M. le Préfet de la région Pays de la Loire ;
-Condamné la SARL Mercier Frères à payer à M. le Préfet de la région Pays de la Loire la somme de 3.000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-Condamné la SARL Mercier Frères aux entiers dépens.
Suivant déclaration du 18 octobre 2019, la société Mercier Frères a interjeté appel de tous les chefs de ce jugement dont elle sollicite la réformation.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 21 juin 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé de ses moyens et prétentions, la SARL Mercier Frères demande à la cour de :
Vu les articles L199 du Livre des Procédures Fiscales,
Vu les articles L206 et suivants du Livre des Procédures Fiscales,
Vu l'article 1 er , 4 et 5 du Code de procédure Civile,
-infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 1er août 2019 ;
Statuant à nouveau :
-prononcer l'annulation des factures :
* le 6 mars 2013, une facture N°201-PL1-0037 de janvier à décembre 2012 d'un montant total de 13.428,85 €,
* le 8 juin 2012, une facture N°2011-PL1-00010 de janvier à décembre 2011 d'un montant total de 17.251,04 €,
*le 23 février 2012, une facture N°2010-PL1-0029 de janvier à décembre 2010 d'un montant total de 13.348,89 €,
* le 23 février 2012, une facture N°2009-PL1-0030 de janvier à décembre 2009 d'un montant de 15.546,73 €,
Pour un montant total de 59.575,51 €,
*Tous les titres exécutoires subséquents ;
-prononcer le dégrèvement des contributions indirectes et des taxes assimilées engendrées par lesdites factures et titres exécutoires au profit de la société Mercier Frères ;
-prononcer l'annulation des factures émises par le Préfet de la région Pays de la Loire pour absence de base légale à savoir :
* le 2 avril 2014 une facture 2013-PL1 007 de janvier à décembre 2013 pour l'exportation d'un montant de 14 918.71 €,
* le 9 mars 2015, une facture 2014-PL1-0027 de janvier à décembre 2014 d'un montant de 8 937.87 €,
* le 27 décembre 2016 une facture 2015-PL1-0121 pour redevance occasionnelle export 2015 d'un montant de 5195.04 €,
* le 24 novembre 2017 une facture 2016-PL0-0071 d'un montant de 5 093.60 €,
Pour un montant total de 31 145.22 €,
*Tous les titres exécutoires subséquents ;
-prononcer le dégrèvement des contributions indirectes et des taxes assimilées engendrées par les factures et titres exécutoires au profit de la société Mercier Frères ;
-débouter la préfecture de la Région Pays de la Loire en la personne de M. Le Préfet de la région de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions ;
-condamner M. le Préfet de la Région Pays de la Loire à payer à la SARL Mercier Frères la somme de 2500 € HT au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 18 octobre 2021, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé détaillé de ses moyens et prétentions, M. Le Préfet des pays de la Loire demande à la cour de :
Vu l'article L. 199 du livre des procédures fiscales,
Vu les articles 32 et 117 du code de procédure civile,
Vu l'arrêté du 5 août 1992 fixant le taux des redevances perçues à l'occasion des études, analyses, diagnostics et de certifications phytosanitaires effectués par les agents des services régionaux de la protection des végétaux,
-dire et juger la SARL Mercier Frères aussi irrecevable que mal fondée en son appel,
-confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nantes 1er août 2019,
-Si par extraordinaire la cour venait à infirmer la décision de première instance, dire et juger que les demandes de la SARL Mercier Frères ne sont pas fondées,
En conséquence,
-débouter purement et simplement la société à responsabilité limitée Mercier Frères de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-débouter la société à responsabilité limitée Mercier Frères de sa demande tendant à l'annulation des titres exécutoires suivants :
* le 6 mars 2013, une facture N°201-PL1-0037 de janvier à décembre 2012 d'un montant total de 13.428,85 €,
*le 8 juin 2012, une facture N°2011-PL1-00010 de janvier à décembre 2011 d'un montant total de 17.251,04 €,
* le 23 février 2012, une facture N°2010-PL1-0029 de janvier à décembre 2010 d'un montant total de 13.348,89 €,
* le 23 février 2012, une facture N°2009-PL1-0030 de janvier à décembre 2009 d'un montant de 15.546,73 €,
* le 2 avril 2014 une facture 2013-PL1 007 de janvier à décembre 2013 pour l'exportation d'un montant de 14 918.71 €,
*le 9 mars 2015, une facture 2014-PL1-0027 de janvier à décembre 2014 d'un montant de 8 937.87 €,
*le 27 décembre 2016 une facture 2015-PL1-0121 pour redevance occasionnelle export 2015 d'un montant de 5195.04 €,
* le 24 novembre 2017 une facture 2016-PL0-0071 d'un montant de 5 093.60 €,
-débouter la société à responsabilité limitée (SARL) Mercier Frères de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
En tout état de cause,
-condamner la SARL Mercier Frères à verser à M. le Préfet des Pays de la Loire, une somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
-condamner la SARL Mercier Frères aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par arrêt un avant dire droit du 08 février 2022, la cour a :
-ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture du 02 novembre 2021 et la réouverture des débats,
-renvoyé l'affaire à l'audience du 05 avril 2022,
-dit que les parties devront présenter leurs observations sur :
*les conséquences de l'annulation de l'acte introductif d'instance pour défaut de pouvoir du Préfet,
*les conséquences de l'annulation du jugement sur l'effet dévolutif de l'appel,
-sursis à statuer sur les demandes.
Vu les conclusions transmises le 25 mars 2022 par la SARL Mercier Frères auxquelles il est expressément renvoyé et aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
-donner acte à la SARL Mercier Frères de ce qu'elle s'en rapporte à justice s'agissant de la nullité du jugement rendu le 1er août 2019 par le tribunal de grande instance de Nantes découlant de la nullité de l'acte introductif d'instance pour défaut de pouvoir de représentation du Préfet,
-si la cour devait prononcer la nullité du jugement, renvoyer les parties à mieux se pourvoir,
-à défaut, infirmer le jugement et statuer de nouveau conformément aux dispositif des conclusions transmises le 21 juin 2021.
Vu les conclusions transmises le 23 février 2022 par M. Le Préfet des Pays de la Loire auxquelles il est expressément renvoyé et aux termes desquelles il est demandé à la cour de :
-à titre principal, prononcer la nullité du jugement pour irrégularité de fond de l'acte introductif d'instance et constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel,
-en toute hypothèse, juger la SARL Mercier Frères irrecevable en son appel,
-à titre subsidiaire, confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Nantes du 1er août 2019, notamment en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action engagée par la SARL Mercier Frères,
-à titre infiniment subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement, statuer de nouveau conformément aux dispositif des conclusions transmises le 18 octobre 2021.
L'affaire a été rappelée à l'audience du 5 avril 2022 lors de laquelle la clôture de l'instruction a été prononcée.
MOTIVATION DE LA COUR
Aux termes de l'arrêt du 8 février 2021, auquel il est renvoyé pour l'exposé des motifs, la cour a déduit de la lecture combinée des articles 1er, 16 et 33 du décret n° 2004-4374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements, modifié par le décret n° 2010-446 du 16 février 2010, que le préfet ne peut représenter l'Etat devant une juridiction judiciaire statuant sur les questions relatives au paiement des dépenses publiques, à la détermination de l'assiette et du recouvrement des impôts et des recettes publiques.
Par ailleurs, la cour a jugé que l'action de la SARL Mercier Frères, visant à contester la base légale de la redevance phytosanitaire, relèvait précisément du contentieux de la détermination de l'assiette et du recouvrement d'impôts ou de recettes publiques.
Elle en a déduit que M. Le Préfet des Pays de la Loire n'avait pas le pouvoir de représenter la Direction Régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt dans le litige initié par la SARL Mercier Frères.
Pour déclarer irrecevable l'action de la SARL Mercier Frères, le premier juge a considéré qu'il s'agissait d'un défaut de qualité à agir, au sens de l'article 122 du code de procédure civile.
Cependant, aux termes de l'article 117 du code de procédure civile : 'constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
(...)
- le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne attiente d'une incapacité d'exercice (...).
Selon l'article 120 du même code : 'les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public'.
Tel est le cas en l'espèce, s'agissant du défaut de pouvoir du préfet à représenter l'Etat en justice.
La cour a relevé d'office l'irrégularité de fond, tirée du défaut de pouvoir de M. Le Préfet à représenter l'Etat dans le cadre de cette procédure.
Après avoir recueilli les observations des parties, il convient en raison de cette irrégularité de fond, de prononcer la nullité des assignations délivrées par la SARL Mercier Frères le 17 mars 2017 et le 9 mai 2018 à M. Le Préfet des Pays de la Loire.
La nullité de l'assignation entraîne la nullité des actes subséquents, dont le jugement déféré.
Si en vertu de l'article 562 du code de procédure civile, la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement, tel n'est pas le cas lorsque la cour d'appel prononce l'annulation de l'acte introductif d'instance à raison d'un vice qui ne peut être couvert, comme en l'espèce.
Dans cette hypothèse, la cour de cassation considère que la cour ne peut statuer au fond, en l'absence de dévolution pour le tout.
Il convient par conséquent de constater l'absence d'effet dévolutif de l'appel et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir (civ 2ème, 18 décembre 1996, n°94-16.332).
La SARL Mercier Frères, appelante, sera condamnée aux dépens d'appel.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les parties étant déboutées de leurs demandes de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Ordonne la clôture de l'instruction au jour de l'audience ;
Prononce la nullité des assignations délivrées par la SARL Mercier Frères le 17 mars 2017 et le 9 mai 2018 à M. Le Préfet des Pays de la Loire ;
Annule en conséquence le jugement rendu le 1er août 2019 par le tribunal de grande instance de Nantes ;
Constate l'absence d'effet dévolutif de l'appel,
Déboute la SARL Mercier Frères de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute M. Le Préfet des Pays de la Loire de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL Mercier Frères aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE