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17/06/2022 | FRANCE | N°18/01707

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 17 juin 2022, 18/01707


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°307



N° RG 18/01707 -

N° Portalis DBVL-V-B7C-OV24













M. [X] [I]



C/



SAS OCEANIC FINANCES

















Réforrmation partielle













Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 J

UIN 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 17 M...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°307

N° RG 18/01707 -

N° Portalis DBVL-V-B7C-OV24

M. [X] [I]

C/

SAS OCEANIC FINANCES

Réforrmation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 Mars 2022

devant Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT et intimé à titre incident :

Monsieur [X] [I]

né le 16 Octobre 1973 à BREST (29)

demeurant 80 rue Benoît Normand

29480 LE RELECQ KERHUON

Ayant Me Dominique LEYER, Avocat au Barreau de BREST, pour Avocat constitué

INTIMÉE et appelante à titre incident :

La SAS OCEANIC FINANCES prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

22, Rue de Lyon

29200 BREST

Ayant Me Christophe LHERMITTE de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour postulant et Me Françoise NGUYEN de la SELARL AMALYS, Avocat au Barreau de BREST, pour conseil

M. [X] [I] a été embauché le 6 janvier 2014 par la société Centrale Immobilière dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de 'responsable du service transaction', avec une durée de travail de 218 jours dans le cadre d'une convention de forfait en jours.

M. [X] [I] a intégré la SAS OCEANIC FINANCES par avenant du 1er septembre 2015 à son contrat à durée indéterminée en qualité de chargé d'Affaires statut cadre, formalisant le changement d'employeur après une période de détachement du 1 er janvier au 31 août 2015, avec une reprise de l'ancienneté acquise depuis le 06 janvier 2014.

Le 27 mai 2016, M. [X] [I] a fait l'objet d'une convocation à un entretien préalable qui s'est tenu le 7 juin 2016, avant de se voir notifier un avertissement le 10 juin 2016.

Du 9 juin 2016 au 8 octobre 2016, M. [X] [I] a été placé en arrêt de travail.

Le 19 octobre 2016, M. [X] [I] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur.

Par courrier du 28 octobre 2016, la SAS OCEANIC FINANCES a indiqué au salarié qu'il restait redevable de son préavis de trois mois et l'a libéré de sa clause de non concurrence.

Le 24 janvier 2017, M. [X] [I] a saisi le Conseil de prud'hommes de Brest aux fins notamment de faire juger que la prise d'acte de rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a présenté les chefs de demandes suivants à l'encontre de la SAS OCEANIC FINANCES:

- 25.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

- 50.000 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 15.000 € à titre d'indemnité de préavis,

- 1.500 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 3.166,66 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 5.000 € au titre de l'avertissement non fondé,

- 8.640 € à titre de commissions,

- 3.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

La cour est saisie d'un appel régulièrement formé le 09 mars 2018 par M. [X] [I] contre le jugement du Conseil de prud'hommes de Brest du 23 février 2018, notifié le 06 mars 2018 qui a jugé que sa prise d'acte de rupture s'analysait en une démission, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

Vu les écritures notifiées le 31 décembre 2018, par voie électronique au terme desquelles M. [X] [I] demande à la Cour de :

' Réformer le jugement entrepris,

' Dire que la SAS OCEANIC FINANCES n'a pas exécuté de bonne foi son contrat de travail,

' Condamner la SAS OCEANIC FINANCES à lui verser :

- 25.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

- 50.000 € à titre d'indemnité de licenciement,

- 15.000 € à titre d'indemnité de préavis,

- 1.500 € à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

- 3.166,66 € au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 5.000 € au titre de l'avertissement non fondé,

- 8.640 € à titre de commissions,

- 3.000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

Vu les écritures notifiées le 03 septembre 2018, par voie électronique au terme desquelles la SAS OCEANIC FINANCES demande à la Cour de :

' Se déclarer incompétente pour statuer sur la demande portée par M. [I] de dommages et intérêts en réparation d'un prétendu préjudice distinct et en ce sens infirmer le jugement rendu le 23 février 2018 par le Conseil de Prud'hommes de BREST,

Sur le fond

' Confirmer les termes du jugement rendu le 23 février 2018 par le Conseil de Prud'hommes de BREST en qu'il a :

- constaté, dit et jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, notifiée par M. [I], s'analyse en une démission,

- débouté M. [I] de ses demandes de toute nature étayée par aucun élément, à savoir de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif et de toutes les autres demandes qui découlent de sa prise d'acte, à savoir de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis, de congés payés y afférente et d'indemnités de licenciement, soit de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

' Infirmer les termes du jugement rendu le 23 février 2018 par le Conseil de Prud'hommes de BREST en ce qu'il n'a pas condamné M. [I] à payer à la OCEANIC FINANCE :

- 15.000 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis nécessairement due,

- 5.000 € à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi par les allégations mensongères et insultes portées à l'encontre de celle-ci et de M. [O] ès-qualités,

En tout état de cause,

' Dire et juger qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la Société OCEANIC FINANCE les frais irrépétibles de la présente procédure,

' Condamner, en conséquence, M. [I] à payer à la Société OCEANIC FINANCE la somme de 4 000.00 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

' Condamner M. [I] aux entiers frais et dépens.

A la suite du mouvement de grève des avocats et des restrictions sanitaires liées à la pandémie de Covid 19, la cour a adressé aux parties une proposition de traitement de la procédure sans audience qui n'a pas recueilli l'assentiment de l'appelant.

La clôture de la procédure a été prononcée au 16 septembre 2021et l'affaire a été appelée à l'audience du 30 septembre 2021. A cette audience, la cour a proposé aux parties de recourir à une mesure de médiation à laquelle elles ont souscrite.

L'affaire a été renvoyée à l'audience du 17 mars 2022 afin de faire le point sur la mesure de médiation.

Par courrier du 22 février 2022, le médiateur désigné a informé la cour de l'échec de la mesure ordonnée. L'affaire a été mise en délibérée à l'audience du 17 mars 2022 pour être mise à disposition le 17 juin 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

***

*

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exception d'incompétence concernant le manquement à l'obligation de sécurité:

Pour infirmation et compétence de la juridiction de la sécurité sociale, la SAS OCEANIC FINANCES fait valoir que la jurisprudence la plus établie retient que seul le tribunal des affaires de la sécurité sociale est compétente pour juger des demandes d'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle qu'il soit la conséquence ou non d'un manquement de l'employeur, que le salarié n'hésite pas à cumuler des demandes de réparation trouvant leur origine dans l'exécution déloyale du contrat de travail et la prise d'acte.

M. [X] [I] qui ne développe aucun argument sur ce point est réputé faire siens les motifs retenus par les premiers juges.

En l'espèce, contrairement au moyen invoqué par l'employeur, la demande de M. [X] [I] ne tend pas à obtenir l'indemnisation d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle mais à établir les manquements de l'employeur permettant de requalifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse la prise d'acte de rupture de son contrat de travail, en mettant en évidence chacun des éléments pouvant caractériser ces manquements, qu'il s'agisse de l'exécution déloyale du contrat de travail, des manquements à l'obligation de sécurité ou du harcèlement moral, peut important que les moyens développés par les salarié s'appuie sur des fondements juridiques ou des éléments de fait qui pour partie se confondent dans leur présentation.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception d'incompétence opposée par l'employeur.

Sur la prise d'acte de rupture :

Pour infirmation et requalification de sa prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [X] [I] impute à son employeur une exécution de mauvaise foi du contrat de travail qui résulterait d'un comportement de son employeur procédant d'un manquement à son obligation de sécurité et d'un harcèlement à son égard, ayant eu pour objet ou pour effet de dégrader volontairement ses conditions de travail. M. [X] [I] fait état à ce titre de son obligation de se soumettre à un traitement médicamenteux contre la dépression consécutive à son vécu professionnel, proche du burn out du fait notamment de la multiplicité des tâches confiées et d'une sanction injustifiée.

M. [X] [I] soutient également que l'employeur ne démontre pas que la rupture intervenue est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral et invoque les circonstances de la visite pour vente d'une villa convoitée par son employeur au préjudice de la société, l'annulation discriminatoire la veille d'un voyage en Guyane et de menaces verbales et physiques subies dans le cadre de cette affaire par des connaissances de son employeur qui n'a eu pour objectif en l'embauchant de piller son carnet d'adresses.

La SAS OCEANIC FINANCES rétorque qu'au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, il est établi qu'elle n'a pas violé ses obligations à l'égard de M. [X] [I], que les griefs qu'il invoque pour justifier sa prise d'acte sont dépourvus de fondement, de sorte qu'elle doit être requalifiée en démission claire et non équivoque.

La SAS OCEANIC FINANCES ajoute que les missions qui lui étaient confiées relevaient bien de son niveau de qualification et au niveau de compétence développé par un agent immobilier, au demeurant rémunéré au delà des minima conventionnels, outre une avance sur honoraire non récupérée en dépit d'un objectif non atteint, qu'il n'a jamais été contraint d'accepter son intégration au sein de la société intimée, disposant du temps nécessaire dans le cadre du détachement pour apprécier son aptitude à exercer ces fonctions moins lourdes que les précédentes, qu'il ne peut prétendre avoir exercé les fonctions de conseil en investissement financier dévolues au conseiller en investissement financier d'un autre niveau de compétence que le sien, qu'il a bénéficié de 59 h30 de formation à ce titre en huit mois lui conférant une aptitude qu'il utilise dans le cadre de sa nouvelle activité, qu'il n'a jamais subi de pression dans l'exercice de ses fonctions par rapport aux objectifs réalistes qu'il n'atteignait pas.

La SAS OCEANIC FINANCES estime par ailleurs que le salarié n'apporte aucun élément précis concernant la prétendue charge excessive de travail et affirme que l'ajournement de son déplacement en Guyane a pour origine les conséquences des pluies tropicales sur les chantiers à visiter les jours précédant cette visite, que la sanction mineure d'avertissement était justifiée par le fait qu'il avait proposé à la vente un bien immobilier pour lequel il n'y avait pas de mandat et qu'il lui avait été expressément demandé de ne pas proposer car elle était convoité par M. [O] à titre personnel, qu'il n'y a aucun lien entre l'exercice de ses fonctions et son état de santé, qu'il a été déclaré apte en janvier 2016 sans réserve et a préféré prendre acte de la rupture de son contrat de travail plutôt que de se présenter à la visite de reprise postérieure à la fin de son arrêt de travail qui n'était plus justifié.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Lorsque qu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements de l'employeur invoqués étaient d'une gravité telle qu'ils faisaient obstacle à la poursuite du contrat de travail, soit dans le cas contraire d'une démission ;

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, ne fixe pas les limites du litige ; dès lors le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cet écrit ;

En application des dispositions de l'article L. 1222-1 du Code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l'exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l'invoque.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En application des articles L1152-1 et L1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L.1152-1 du code du travail.

Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

L'article L.1152-4 du même code oblige l'employeur à prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral ;

L'article 26 de la Charte sociale européenne dispose que :

« En vue d'assurer l'exercice effectif du droit de tous les travailleurs à la protection de leur dignité au travail, les Parties s'engagent, en consultation avec les organisations d'employeurs et de travailleurs :

[...]

2. à promouvoir la sensibilisation, l'information et la prévention en matière d'actes condamnables ou explicitement hostiles et offensifs de façon répétée contre tout salarié sur le lieu de travail ou en relation avec le travail, et à prendre toute mesure appropriée pour protéger les travailleurs contre de tels comportements ».

Il suit de ces dispositions que l'employeur est tenu envers ses salariés d'une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l'entreprise, notamment de harcèlement moral ; l'absence de faute de sa part ou le comportement fautif d'un autre salarié de l'entreprise ne peuvent l'exonérer de sa responsabilité à ce titre ; les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique ne peuvent caractériser un harcèlement moral que si elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L.1152-3 du code du travail, un licenciement intervenu dans ce contexte est nul.

En l'espèce, les éléments rapportés par le salarié permettent de retenir qu'il a été embauché le 6 janvier 2014 par la société Centrale Immobilière dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de 'responsable du service transaction', avec une durée de travail annuelle de 218 jours dans le cadre d'une convention de forfait en jours et a intégré la SAS OCEANIC FINANCES par avenant du 1er septembre 2015 à son contrat de travail en qualité de chargé d'Affaires statut cadre, après une période de détachement du 1er janvier au 31 août 2015, qu'il a fait l'objet d'un avertissement le 10 juin 2016 pour des faits antérieurs au 27 mai 2015 et a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 19 octobre 2016 postérieurement au terme de son arrêt de travail du 9 juin 2016 au 8 octobre 2016, alors qu'il était convoqué à une visite de reprise.

Cependant, les faits qu'il rapporte concernant l'étendue des connaissances et compétences requises pour exercer ses nouvelles fonctions, la nature réelle de ses fonctions, les objectifs fixés, la sanction prononcée à son encontre concernant l'offre à la vente de la villa de St Tropez ou l'ajournement du voyage en Guyane la veille du départ, même pris dans leur ensemble, ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral, étant précisé que la seule circonstance que le début de son arrêt de travail soit concomitant à sa convocation à un entretien préalable et à l'avertissement prononcé, ne permet pas à elle-seule d'imputer aux conditions de travail la dégradation de l'état de santé du salarié, l'appréciation sur cette dégradation portée à ce titre par le défenseur syndical ayant assisté M. [X] [I] lors de l'entretien préalable étant également insuffisante à l'établir.

A cet égard et nonobstant les développements de l'appelant concernant les compétences du médecin du travail à apprécier l'imputabilité de la dégradation d'un état de santé aux conditions de travail, il est établi qu'il est le seul à pouvoir prétendre faire un lien entre une pathologie et des conditions de travail qu'il peut apprécier in situ, au delà de l'éventuel reprise à son compte par un praticien des propos rapportés par le salarié, étant relevé que contrairement à plusieurs relations de M. [X] [I] qui situent la dégradation de son état de santé postérieurement à juin 2016, sa compagne fait état de cette dégradation peu de temps après son embauche, en contradiction avec l'avis d'aptitude du médecin du travail précité.

Il ressort des développements qui précèdent que le harcèlement moral allégué n'est pas établi.

En ce qui concerne l'exécution déloyale du contrat de travail que le salarié attribue peu ou prou aux mêmes manquements de l'employeur, y ajoutant l'existence d'une manoeuvre ayant pour effet de permettre la captation de son fichier de clientèle, voire des intimidations auxquelles se serait prêté un proche de son employeur.

Or, non seulement il est établi que le fonds de commerce de l'agence immobilière de M. [X] [I] qui a été racheté par la société Centrale Immobilière comportait nécessairement les éléments immatériels tels que le fichier de clientèle mais il n'est rapporté aucun élément probant autre que des propos rapportés tenus par l'intéressé concernant les menaces ou intimidations alléguées, contredites par M. [K] auquel elles sont imputées.

Les éléments déjà invoqués à l'appui du moyen relatif au harcèlement moral, qu'il s'agisse de l'avertissement, du périmètre ou de la nature de l'emploi voire de l'ajournement du voyage à Cayenne tels que développés par l'intéressé ne sont pas de nature à caractériser une exécution déloyale de son contrat de travail.

A cet égard, les développements et imputation concernant la probité M. [O] ou le comportement de M. [G] en octobre 2015 sont dénués de portée et d'intérêt en ce qui concerne le litige soumis à la cour.

Par ailleurs, bien que le salarié évoque une discrimination relative à l'ajournement du voyage à Cayenne auquel a effectivement participé M. [G], il se dispense d'indiquer en quoi et à quel titre un tel ajournement procéderait d'un tel comportement, les développements météorologiques étant à cet égard dénués de pertinence.

Il résulte des développements qui précèdent que M. [X] [I] ne rapporte pas le preuve de manquements de son employeur d'une gravité telle qu'ils auraient fait obstacle à la poursuite de son contrat de travail. Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la prise d'acte produisait les effets d'une démission et de débouter l'intéressé des demandes.

Sur les autres demandes :

* quant aux commissions :

Le salarié formule une demande de condamnation à ce titre mais sans développer de moyen à l'appui de cette prétention non examinée par les premiers juges.

En l'état des pièces produites et des arguments invoqués, il ne peut être fait droit à cette demande.

* quant à l'avertissement :

En application des dispositions de l'article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige relatif à une sanction, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

En l'espèce, il n'est pas sérieusement discuté que l'employeur avait donné instruction à M. [X] [I] de ne pas proposer à la vente une villa pour laquelle la société n'avait pas mandat et qui intéressait son dirigeant et que M. [X] [I] s'en est délibérément affranchi.

Les arguments développés par l'intéressé ne sont pas de nature à remettre en cause la matérialité des faits qui lui sont imputés et justement sanctionnés par la sanction la plus basse dont disposait l'employeur en application du code du travail, l'argument selon lequel elle ne figurerait pas dans le règlement intérieur de la société étant à cet égard inopérant.

Il y a lieu en conséquence de débouter M. [X] [I] de sa demande tendant à l'annulation de cette sanction et à la condamnation de son employeur à l'indemniser à ce titre.

Sur les demandes reconventionnelles de la SAS OCEANIC FINANCES :

* Quant au préavis :

En l'espèce, la prise d'acte de rupture du contrat de travail de M. [X] [I] produisant les effets d'une démission, ce dernier doit être tenu de verser à son employeur la somme représentative des trois mois de préavis qu'il lui incombait d'exécuter, tel qu'il est dit au dispositif.

* Quant à la demande de dommages et intérêts :

La SAS OCEANIC FINANCES fait état d'accusations contenues dans des écritures ou pièces de l'appelant et de propos directs ou allusifs tenus lors de repas privés mettant en cause la probité de la société, de son gérant et de son épouse avec des relents xénophobes.

Le salarié n'oppose aucun argument à son employeur à ce titre, de sorte qu'au regard de l'incidence des imputations directes, indirectes ou allusives proférées par M. [X] [I] à l'encontre de son employeur, y compris dans le cadre des écritures devant la cour, au regard de sa réputation dans le milieu professionnel de l'immobilier et de la finance dans une ville telle que Brest, équipollent à un abus de droit, il sera fait une juste évaluation du préjudice qui en est résulté pour l'employeur, en condamnant M. [X] [I] à lui verser la somme de 3.000 € net à titre de dommages et intérêts.

Sur l'article 700 du Code de procédure civile :

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; l'appelant qui succombe en appel, doit être débouté de la demande formulée à ce titre et condamné à indemniser la société intimée des frais irrépétibles qu'elle a pu exposer pour assurer sa défense en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il n'a pas statué sur les demandes reconventionnelles de la SAS OCEANIC FINANCES,

et statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE M. [X] [I] à payer à la SAS OCEANIC FINANCES :

- 15.000 € à titre d'indemnité de préavis,

- 3.000 € net à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE M. [X] [I] aux dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 18/01707
Date de la décision : 17/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-17;18.01707 ?
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