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16/06/2022 | FRANCE | N°19/04790

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 16 juin 2022, 19/04790


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°353/2022



N° RG 19/04790 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-P6FO













Mme [V] [I] [X]



C/



Me [C] [M]

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE RENNES















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 JUIN 2022




r>COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Hélène RAPITEAU, lors des débats et Madame Françoise DELAU...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°353/2022

N° RG 19/04790 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-P6FO

Mme [V] [I] [X]

C/

Me [C] [M]

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE RENNES

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Hélène RAPITEAU, lors des débats et Madame Françoise DELAUNAY lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 09 Mai 2022, devant Madame Liliane LE MERLUS et Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrats tenant seuls l'audience en la formation double rapporteurs, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 16 Juin 2022 par mise à disposition au greffe

****

APPELANTE :

Madame [V] [I] [X]

née le 11 Mai 1966 à PARIS XVème (75015)

16 Rue Saint Louis

35000 RENNES

Représentée par Me Claire LE QUERE de la SELARL MARLOT, DAUGAN, LE QUERE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Maître [C] [M], SELARL ATHENA, es qualités de liquidateur de la société TAZTAG

20 rue d'Isly

35000 RENNES

Représenté par Me Thomas NAUDIN de la SELARL ARVOR AVOCATS ASSOCIÉS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Association UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE RENNES

Immeuble Le Magister 4, cours Raphaël Binet

35069 RENNES CEDEX

Représentée par Me Marie-Noëlle COLLEU, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

***

Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Rennes du 24 juin 2019 ayant :

-fixé les créances de Mme [V] [I] [X] au passif de la liquidation judiciaire de la Sas TAZTAG aux sommes suivantes :

'356 € de rappel de salaire sur le mois de mars 2016,

'796,66 € de rappel de salaire sur le mois d'avril 2016

'500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

-dit être opposable à l'AGS CGEA de Rennes.

-débouté Mme [V] [I] [X] de ses autres demandes.

-débouté les parties de leurs plus amples demandes et prétentions contraires.

-mis les entiers dépens à la charge de la liquidation judiciaire ;

Vu la déclaration d'appel de Mme [V] [I] [X] reçue au greffe de la cour le 16 juillet 2019 ;

Vu les conclusions récapitulatives du conseil de M. [S] [K] adressées au greffe de la cour par le RPVA le 9 avril 2020 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, aux fins :

-De confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a retenu à son profit les créances salariales sur les mois de mars (356 €) et d'avril 2016 (796,66 €).

-D'infirmation pour le surplus et, statuant à nouveau, de fixation pour son compte au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl TAZTAG des autres créances suivantes :

'5 000 € de rappel de prime d'objectifs, et 500 € de congés payés afférents,

'33 200 € d'indemnité pour violation des critères d'ordre des licenciements.

-De dire l'arrêt à intervenir commun et opposable à l'AGS CGEA de Rennes.

-De condamnation de la Selarl ATHENA, en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sas TAZTAG, à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les conclusions du conseil de la Sarl ATHENA prise en la personne de Me [C] [M], en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sas TAZTAG (2ème jugement du tribunal de commerce de Rennes du 24 mars 2016), adressées au greffe de la cour par le RPVA le 14 janvier 2020 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens, aux fins :

-De confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a fixé au passif de la liquidation judiciaire au profit de Mme [V] [I] [X] à titre de créances salariales les sommes de 356 € sur le mois de mars 2016 et de 796,66 € sur le mois d'avril 2016, ainsi qu'en ses dispositions sur l'article 700 du code de procédure civile.

-De rejet en toute hypothèse de ses autres demandes :

'en paiement d'un rappel de prime d'objectifs,

'renvoyant aux critères d'ordre des licenciements

-De condamnation de Mme [V] [I] [X] à lui payer la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens ;

Vu les conclusions du conseil de l'AGS CGEA de Rennes adressées au greffe de la cour par le RPVA le 9 janvier 2020 et auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens aux fins :

-De confirmation du jugement critiqué.

-En conséquence, de dire que les créances salariales sur la période du 30 novembre 2015 au 8 avril 2016 ne sauraient donner lieu à sa garantie par référence au plafond spécial déjà atteint de l'article L. 3253-8 5° a) et b) du code du travail, de dire en tout état de cause que le rappel au titre de la part salariale des tickets restaurant ne constitue pas une créance qu'elle garantit, débouter Mme [V] [I] [X] de ses demandes ou subsidiairement de toutes celles excessives ou injustifiées.

-En toute hypothèse, de rappeler que sa garantie ne s'exerce que dans les conditions et limites de plafond légalement prévues ;

Vu l'ordonnance du 29 mars 2022 clôturant la procédure de mise en état avec fixation de la présente affaire à l'audience du 9 mai 2022.

MOTIFS :

La Sas TAZTAG a embauché M. [V] [I] [X] dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à temps plein ayant pris effet le 19 mars 2012 en qualité d' « Ingénieur Intégration et Validation », catégorie cadre-position 2.1-coefficient 115 de la convention collective nationale SYNTEC, moyennant en contrepartie un salaire fixe de 3 167 € bruts mensuels, lequel a été porté suivant un avenant n°3 daté du 24 novembre 2015 et ayant pris effet le 1er novembre 2015 à la somme de 4 150 € bruts mensuels avec en complément une prime sur objectifs annuels de 5 000 €.

Dans ce dernier avenant précité de novembre 2015, Mme [V] [I] [X] se voyait attribué ses fonctions modifiées sur un poste de « Team Leader », catégorie cadre-position 3.1-coefficient 170.

Le tribunal de commerce de Rennes :

-Par un premier jugement du 30 novembre 2015, a ouvert une procédure de redressement judiciaire concernant la Sas TAZTAG avec la désignation de Me [C] [M] comme mandataire, fixation d'une période d'observation jusqu'au 30 mai 2016, et renvoi à une audience intermédiaire prévue le 3 février 2016 pour qu'il soit statué sur la poursuite de la période d'observation ou la liquidation de l'entreprise à défaut de redressement possible.

-Par un deuxième du 3 février 2016, a maintenu la Sas TAZTAG en période d'observation jusqu'au 30 mai 2016, avec renvoi à l'audience du 18 mai 2016.

-Par un troisième du 24 mars 2016, dans le cadre d'un plan de cession totale de la Sas TAZTAG, a retenu l'offre de reprise émanant de la société SUNOON ELECTRONICS CO LIMITED, à laquelle s'associent les sociétés EATONE et RICHWAY, au moyen d'une structure juridique commune sous la forme d'une société à créer, la Sas NEWPAD MAKER ; ordonné la reprise de 12 des 21 salariés de la Sas TAZTAG dans les conditions de l'article L. 1224-1 du code du travail ; et dit que l'administrateur judiciaire procédera au sein des catégories professionnelles des 9 salariés non repris aux licenciements par application de l'article L. 642-5 du code de commerce.

-Par un quatrième également du 24 mars 2016 assorti de l'exécution provisoire, constatant que la Sas TAZTAG, consécutivement à la mise en 'uvre de ce plan de cession, n'a plus d'activité, a prononcé la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire avec la désignation de la Sarl ATHENA prise en la personne de Me [C] [M], en qualité de mandataire liquidateur.

Dans un courrier daté du 24 mars 2016, Me [D], en sa qualité d'administrateur judiciaire de la Sas TAZTAG, a rappelé à Mme [V] [I] [X] que suite à l'offre de cession des activités de celle-ci au profit de la société SUNOON ELECTRONICS CO LIMITED de droit chinois et pour le compte d'une société à créer dénommée NEWPAD MAKER, son contrat de travail n'a pas été repris par le cessionnaire, et qu'il se trouve ainsi dans l'obligation d'envisager son licenciement par renvoi aux articles L. 631-19 et L. 642-5 du code de commerce.

Par un courrier du 25 mars 2016, l'administrateur judiciaire a convoqué Mme [V] [I] [X] à un entretien préalable prévu le 7 avril, puis sur saisine de l'inspection du travail le 11 avril 2016 a obtenu une décision de l'autorité administrative le 25 avril autorisant le licenciement de l'appelante alors investie d'un mandat de déléguée du personnel, avant de lui notifier le 26 avril 2016 son licenciement pour motif économique en raison de la cession de la Sas TAZTAG à la société ELECTRONICS CO LIMITED après autorisation du tribunal de commerce de Rennes par un jugement du 24 mars 2016, cession accompagnée d'un plan de licenciement prévoyant le départ de 9 salariés dont les contrats de travail n'ont pas été repris par le cessionnaire, du fait précisément que son propre contrat de travail figure parmi les non repris, et de ce qu'elle occupe au sein de la Sas TAZTAG un poste de « Team Leader » non maintenu suite à cette même cession.

Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, Mme [V] Diethl [X] percevait une rémunération en moyenne de 4 150 € bruts mensuels.

Sur les demandes liées à l'exécution du contrat de travail

1/ Le rappel de salaire au titre du mois d'avril 2016.

Mme [V] [I] [X] sollicite un rappel de salaire de 796,66 € sur le mois d'avril 2016 en considération du fait, prétend-t-elle, qu'elle n'aurait pas été complètement désintéressée de sa rémunération y afférente, demande à laquelle s'oppose le mandataire liquidateur qui fait observer à juste titre qu'il y a lieu de tenir compte en l'espèce des règles applicables en matière de garantie des salaires dus en cours de période d'observation ou après le prononcé de la liquidation judiciaire avec les limites prévues en terme de plafond notamment à l'article L. 3253-8 du code du travail, et que si au vu de la synthèse de l'AGS CGEA de Rennes - sa pièce 1 - les salaires jusqu'à la fin mars 2016 ont pu faire l'objet de sa garantie, celui exigible d'avril 2016 n'a pu l'être intégralement puisque le plafond avait déjà été atteint.

Infirmant le jugement entrepris sur ce point, Mme [V] [I]-[X] sera déboutée de sa demande de ce chef.

2/ Le remboursement de la part salariale au titre des tickets-restaurant.

Mme [V] [I] [X] indique que sur le mois de mars 2016 elle n'a pas pu bénéficier des tickets-restaurants d'entreprise qui ont cependant été déduits de sa rémunération au titre de la part salariale, ce qui représente une somme globale de 356 €, demande à laquelle s'oppose tout autant le mandataire liquidateur qui considère que cette dernière n'explicite pas suffisamment le bien-fondé d'une telle somme et qu'à supposer même qu'il y soit fait droit, une telle réclamation se heurterait au principe même de la garantie de l'AGS CGEA de Rennes.

Indépendamment de la question sur les conditions de la garantie de l'AGS CGEA de Rennes, Mme [V] [I] [K] justifie - ses pièces 3 et 24 - avoir bien été prélevée sur son bulletin de paie de mars 2016 de la part salariale au titre des tickets-restaurant d'entreprise dont elle n'a cependant pas pu bénéficier en pratique, de sorte que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a fixé à son profit la somme précitée de 356€ comme créance au passif de la liquidation judiciaire de la Sas TAZTAG.

3/ Le rappel de prime d'objectifs.

Dans l'avenant précité daté du 24 novembre 2015 avec une prise d'effet rétroactive au 1ernovembre 2015, il est stipulé que : « ' Ladite prime ne sera considérée acquise qu'à objectifs atteints, pour chaque année de présence, à date anniversaire du présent contrat de travail, et sous condition de présence au sein de l'entreprise à la date anniversaire. Aucune prime, pleine ou proratée, ne sera due en cas de rupture du contrat entre deux dates anniversaires ».

Cet avenant doit s'interpréter comme instituant à compter du 1ernovembre 2015 le versement d'une prime annuelle sur objectifs atteints, avec une exigibilité à la date anniversaire du contrat de travail ayant pris effet en l'espèce le 19 mars 2012 et à la condition expresse d'une présence de la salariée aux effectifs au 19 mars de chaque année, sans un mécanisme de proratisation en cas de rupture du contrat de travail entre deux dates anniversaires.

Dés lors que Mme [V] [I] [X] a obtenu sur la période mars 2015/mars 2016 une évaluation professionnelle favorable pour être conforme aux attentes de l'entreprise - synthèse de l'entretien du 14 mars 2016, sa pièce 4 -, qu'elle était encore présente aux effectifs le 19 mars 2016 puisque sortie de ceux-ci le 28 avril 2016 suite à son licenciement lui ayant été notifié le 26 avril - certificat de travail, son autre pièce 8 -, et que la période d'activité concernée est pour une grande partie antérieure à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il lui a alloué la somme à ce titre de 5 000 €.

Sur la demande indemnitaire relative aux critères d'ordre des licenciements

Mme [V] [I] [X] a adressé le 11 mars 2016 à l'administrateur judiciaire, Me [D], un courrier en ces termes :

« Faisant suite au prononcé du jugement de redressement judiciaire de la société TazTag intervenu le 30 novembre 2015, et au projet de cession actuellement en cours, je vous informe par la présente que dans l'éventualité d'une reprise par la société Sunoon Electronics, je me porte volontaire pour être licenciée pour raison économique. Cette décision est motivée par un projet professionnel qui consiste à changer de cadre de travail. A cet effet, je renonce à l'application des critères de la grille de licenciement proposé dans le cadre de ce plan de licenciement. Deux raisons principales motivent cette décision. D'une part je ne souhaite pas participer à un projet où les dirigeants actuels, Messieurs [R] et [N], sont de toute évidence partie prenante. D'autre part je ne crois pas en la pertinence de ce projet tant sur le plan commercial qu'industriel. Je précise néanmoins que cette lettre n'est pas une démission et que, par conséquent, tous mes droits liés à la rupture de mon contrat de travail dans le cadre du licenciement pour motif économique devront m'être préservés» - pièce 7 de la partie intimée.

Postérieurement à son licenciement pour motif économique lui ayant été notifié le 26 avril 2016 par Me [D], ès qualités, avec dispense d'effectuer le préavis, Mme [V] [I] [X] a adhéré le 25 avril suivant au dispositif sur le CSP.

*

Le plan de cession validé en mars 2016 par le tribunal de commerce de Rennes ne prévoyant pas le transfert de la totalité des 21 contrats de travail qui obligeaient jusque-là Sas TAZTAG, ce qui impliquait le licenciement des 9 salariés non repris, il y avait bien lieu à application des critères d'ordre des licenciements.

En effet sur ce dernier point, le licenciement de salariés en application d'un plan de cession nécessite la fixation et la mise en 'uvre des critères d'ordre des licenciements.

*

Au soutien de sa contestation, Mme [V] [I] [X] rappele qu'il importe peu que son licenciement pour motif économique ait été autorisé par l'inspection du travail en sa qualité de salariée lui conférant légalement un mandat protecteur puisque ne contestant pas la cause économique de son licenciement mais l'application faite des critères d'ordre des licenciements ; indique qu'elle occupait contractuellement un poste d'ingénieur relevant ainsi de la catégorie professionnelle des « Ingénieurs » ; considère qu' « Il semble', que Me [D] se soit purement et simplement abstenu du respect des critères d'ordre des licenciements, se contentant de se retrancher derrière la seule décision arbitraire du cessionnaire]qui[ ne pouvait, en effet, valablement imposer le nom des salariés qu'il souhaitait reprendre à son service » ; relève qu'au vu du tableau émanant de la partie adverse ne figure pas parmi les critères d'ordre des licenciements retenus par l'administrateur judiciaire celui tiré du « volontariat des salariés » ; estime qu'ayant elle-même pris l'initiative de se porter volontaire pour un licenciement pour motif économique cela ne valait pas dispense à son égard de la nécessité d'appliquer lesdits critères légaux avec leur mise en pratique effective, même si elle était désabusée par le positionnement des dirigeants de la Sas TAZTAG vis-à-vis du devenir plus généralement de l'entreprise puisque non convaincue par le projet de reprise sur le point d'être validé par le tribunal de commerce  ; et que le non-respect à son détriment des critères d'ordre des licenciements lui permet de solliciter une indemnité spécifique.

En réponse, le mandataire liquidateur se prévaut d'une liste des salariés répartis par catégories professionnelles et classés entre eux suivant un total de points prenant en compte tous les critères légaux ; précise que dans la catégorie professionnelle de « Team Leader »» où se situait Mme [V] [I] [X], il lui a été attribué un total de 12 points ; considère ainsi que l'appelante devait faire partie des 9 salariés à licencier sur autorisation du tribunal de commerce ce d'autant qu'elle s'était portée volontaire pour cela ; rappelle d'ailleurs sur ce dernier point que le jugement du 24 mars 2016 arrêtant le plan de cession a mentionné qu'à l'application des critères légaux d'ordre des licenciements « le candidat cessionnaire ajoute un critère complémentaire et prioritaire consistant dans le volontariat et l'acceptation des salariés au transfert de leur contrat de travail» ; précise que l'ajout du critère du volontariat ne résulte pas seulement d'une demande du cessionnaire mais bien d'une disposition expresse du jugement du tribunal de commerce de Rennes du 24 mars 2016 arrêtant le plan de cession et autorisant les licenciements pour en constituer le fondement juridique ; et souligne le fait que ce critère supplémentaire d'origine judiciaire s'imposait sans exclusive à l'administrateur qui l'a nécessairement pris en compte.

*

Il est produit aux débats par la partie intimée - sa pièce 15 - le tableau de synthèse sur les critères d'ordre des licenciements retenus et mis en 'uvre par l'administrateur judiciaire à la mi-mars 2016 pour concerner les 21 salariés composant l'effectif de la Sas TAZTAG alors en redressement judiciaire.

Dans la catégorie professionnelle de « Team Leader » et à laquelle était rattachée Mme [V] [I] [X], se trouvaient identifiés, en plus d'elle-même, Messieurs [Y], [K], et M. [Z].

Il a été appliqué en l'espèce l'ensemble des critères légaux ressortant de l'article L. 1233 -5 du code du travail (Ancienneté de service, Charges de famille, Difficultés de réinsertion, Qualités professionnelles déclinées dans les trois sous-rubriques « Capacité d'évolution », « Motivation, implication » et

« Qualités relationnelles »).

Parmi les quatre salariés titulaires relevant de la catégorie professionnelle de « Team Leader », seul le poste de M. [Z], qui totalisait le plus de points (13), a été repris par le cessionnaire ; l'appelante n'en ayant obtenu pour sa part que 12.

Comme le fait d'ailleurs observer à juste titre la salariée appelante, il ne figure pas parmi les critères expressément retenus et mis en 'uvre celui tiré d'un volontariat pour voir son contrat de travail rompu, c'est-à-dire être licencié.

La mise en application des critères légaux d'ordre des licenciements conduisait au maintien du contrat de travail de M. [Z] (13 points) qui a été repris par la société cessionnaire et, en conséquence, au licenciement pour motif économique de Mme [V] [I] [X] (12 points) qui s'était portée volontaire à son licenciement dans l'hypothèse d'une cession de la Sas TAZTAG, comme cela a bien été le cas en l'espèce.

Sur ce dernier aspect du présent litige, la cour peut se permettre de relever une certaine incohérence intellectuelle de la part de la salariée, investie d'un mandat d'élue du personnel, dans le fait, d'une part, de critiquer ce projet de reprise de la Sas TAZTAG avec renonciation à l'application des critères d'ordre pour au final se porter volontaire à son licenciement pour motif économique et, d'autre part, contester judiciairement l'application faite desdits critères par Me [D], ès qualités.

Un tel constat se suffit à lui-même, et cela indépendamment du fait que dans le dispositif de l'un de ses jugements rendus le 24 mars 2016 (page 8), le tribunal de commerce de Rennes, à titre de simples « Observations », ait pu acter l'ajout par le candidat cessionnaire d'un « critère complémentaire et prioritaire consistant dans le volontariat et l'acceptation des salariés au transfert de leur contrat de travail ».

Pour l'ensemble de ces raisons, Mme [V] [I] [X] ne peut sérieusement invoquer une violation à son égard des critères d'ordre des licenciements.

*

Le jugement querellé sera en conséquence confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande indemnitaire subsidiaire pour violation des critères d'ordre des licenciements.

Sur la garantie de l'AGS CGEA de Rennes

Il sera rappelé que la garantie de l'AGS CGEA de Rennes au titre des seules créances nées en l'espèce de l'exécution du contrat de travail n'a lieu à s'appliquer que dans les conditions d'admission et de limites de plafond légalement prévues par renvoi notamment aux articles L. 3253-8 5° a) et b), L. 3253-17 et suivants, et D. 3253-5 du code du travail.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

La Selarl Athena prise en la personne de Me [C] [M], en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sas TAZTAG, sera condamnée en équité à payer à Mme [V] [I] [X] la somme complémentaire de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement et par arrêt mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions sur le remboursement de la part salariale au titre des tickets-restaurant, le rappel de prime annuelle sur objectifs, les critères d'ordre des licenciements, l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

L'INFIRME pour le surplus et STATUANT à nouveau,

DEBOUTE Mme [V] [I] [X] de sa demande en paiement d'un rappel de salaire sur le mois d'avril 2016 ;

Y AJOUTANT :

-RAPPELLE que le jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire a arrêté le cours des intérêts au taux légal,

-RAPPELLE que la garantie de l'AGS CGEA de Rennes, à laquelle le présent arrêt est opposable, relativement aux créances nées de l'exécution du contrat de travail n'a lieu à s'appliquer que dans les conditions d'admission et de limites de plafond légalement prévues par renvoi notamment aux articles L. 3253-8 5° a) et b), L. 3253-17 et suivants, et D. 3253-5 du code du travail,

-CONDAMNE la Selarl Athena prise en la personne de Me [C] [M], en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sas TAZTAG, à payer à Mme [V] [I] [X] la somme de 1 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la Selarl Athena en la personne de Me [C] [M], en sa qualité de mandataire liquidateur de la Sas TAZTAG, aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Conseiller

Pour le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/04790
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;19.04790 ?
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