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16/06/2022 | FRANCE | N°19/04608

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 16 juin 2022, 19/04608


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°356/2022



N° RG 19/04608 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-P5O2













SAS SAMSIC II



C/



M. [S] [R]



















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 JUIN 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

 :



Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Hélène RAPITEAU, lors des débats et Madame Françoise DELAUNAY lors du prononcé



DÉBATS :



A l'audience...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°356/2022

N° RG 19/04608 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-P5O2

SAS SAMSIC II

C/

M. [S] [R]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 16 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Hélène RAPITEAU, lors des débats et Madame Françoise DELAUNAY lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 10 Mai 2022 devant Madame Liliane LE MERLUS, magistrat tenant seul l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [P], médiateur

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 16 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats.

****

APPELANTE :

SAS SAMSIC II

6 Rue de Châtillon - La Rigourdière

35510 CESSON SEVIGNE

Représentée par Me Olivier FROGER de la SELARL AD LEGIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES, substitué par Maître GENEVEE

INTIMÉ :

Monsieur [S] [R]

né le 14 Juin 1958 à FLEURY SUR ANDELLE (27)

20 RUE DU CHAMP GAREL

22100 DI

Représenté par Me Amaury GAULTIER de la SELARL DE MORHERY-GAULTIER, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-MALO

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/011211 du 04/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [S] [R], initialement salarié de la société ONET, a été engagé en qualité d'agent de service par la SAS SAMSIC II selon un contrat à durée indéterminée en date du 02 janvier 2012, suite au transfert de son contrat de travail.

Le contrat de travail prévoyait que M. [R] était affecté sur le site de l'usine de biscuits Les Gavottes à Taden.

Le 31 mars 2012, le salarié a été victime d'une brûlure à l'oeil occasionnée par un produit alcalin sur son lieu de travail.

M. [R] a été conduit aux urgences par un collègue et un médecin a indiqué la nécessité d'une consultation spécialisée auprès d'un ophtalmologue assortie d'une période de soins de cinq jours et d'un arrêt de travail de deux jours.

Le 18 juin 2012, M. [R] a été à nouveau victime d'un accident de travail au cours du lavage de matériel. Le salarié souffrait de brûlures au niveau des bras occasionnées par un produit alcalin.

D'abord en congés payés, le salarié a été placé à compter du 26 juillet 2012 en arrêt maladie.

Le 07 mai 2013, à l'issue de la visite de reprise, le médecin du travail a déclaré M. [R] inapte au poste d'agent de propreté.

L'employeur a notifié au salarié un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier recommandé en date du 29 août 2013.

Par la suite, M. [R] a déposé plainte le 20 mai 2014 pour blessures involontaires résultant des carences de son employeur. Le 13 octobre 2016, la plainte a fait l'objet d'un classement sans suite.

***

M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Dinan le 22 octobre 2014, requête qui a donné lieu à une décision de sursis à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale puis à une radiation. L'affaire a fait l'objet d'une réinscription au rôle le 23 avril 2018.

Il a formé à l'audience les demandes suivantes :

- Condamner la SAS SAMSIC II au paiement des sommes et indemnités suivantes :

- 15.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur suite à un accident du travail ayant abouti à une inaptitude.

- 3.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour absence de visite médicale,

- 1.500,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile et des articles 37 et 75 de la loi sur l'AJ

- La condamner aux entiers dépens.

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

La SAS SAMSIC II a demandé au conseil de prud'hommes de :

A titre principal

- Débouter Monsieur [S] [R] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions - Article 700 du Code de procédure civile: 2 500,00 €

- Dépens.

A titre subsidiaire

- Ramener les prétentions de Monsieur [S] [R] à une juste mesure au regard des éléments développés ci-dessus.

- Statuer ce que de droit quant aux dépens.

Par jugement en date du 12 février 2019, le conseil de prud'hommes de Dinan a :

- Jugé imputable à la SAS SAMSIC II la rupture du contrat de travail de Monsieur [S] [R] ;

- Condamné la SAS SAMSIC II à verser à Monsieur [S] [R] les sommes nettes suivantes :

- 15 000 € au titre des dommages et intérêts pour rupture aux torts de l'Employeur ayant abouti à une inaptitude ;

- 3 000 € à titre d'indemnité pour absence de visite médicale d'embauche ;

- Condamné la SAS SAMSIC II à verser à Maître Amaury GAULTIER la somme de 1 500 € au titre des articles 37 et 75 de la Loi sur l'Aide Juridictionnelle ;

- Condamné la SAS SAMSIC II à rembourser à POLE EMPLOI les indemnités de chômage payées à M. [S] [R] licencié au jour de son licenciement au jour du jugement prononcé par le Conseil dans la limite de six mois d'indemnités de chômage ;

- Débouté la SAS SAMSIC II du surplus de ses demandes ;

- Condamné la SAS SAMSIC II aux entiers dépens.

***

La SAS SAMSIC II a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 09 juillet 2019.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 16 avril 2020, la SAS SAMSIC II demande à la cour de :

A titre liminaire

- Déclarer recevable l'appel interjeté par la Société SAMSIC II.

A titre principal

- Dire et juger que la Société SAMSIC II a respecté son obligation de moyen renforcée en matière de sécurité ;

- Dire et juger infondée la demande de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur suite à un accident du travail ayant abouti à une inaptitude ;

- Dire et juger infondée la demande de dommages et intérêts pour absence de visite médicale ;

En conséquence,

- Infirmer purement et simplement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de DINAN en date du 12 février 2019 ;

- Débouter purement et simplement Monsieur [S] [R] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la Société SAMSIC II ;

- Condamner Monsieur [S] [R] à verser à la Société SAMSIC II la somme de 2.500,00 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de Procédure civile ;

- Condamner Monsieur [S] [R] aux entiers dépens ;

A titre subsidiaire

- Ramener les prétentions de Monsieur [S] [R] à une juste mesure au regard des éléments développés ci-dessus ;

- Infirmer purement et simplement le jugement du conseil de prud'hommes de DINAN en ce qu'il a condamné la Société SAMSIC II au remboursement des indemnités chômage dans la limite de six mois d'indemnités chômage ;

- Statuer ce que de droit quant aux dépens.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 14 janvier 2020, M. [R] demande à la cour de :

- Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et en conséquence,

- Condamner la SAS SAMSIC Il à payer les sommes suivantes à M. [S] [R] :

- 15.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur suite à un accident du travail ayant abouti à une inaptitude,

- 3.000,00 € à titre d'indemnité pour absence de visite médicale,

- 5 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamner la même aux dépens de première instance et d'appel.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 29 mars 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la rupture

En critique du jugement entrepris qui a jugé que l'inaptitude de M. [R] était imputable à un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, et a accueilli la demande indemnitaire du salarié présentée au titre de la rupture, la société Samsic II soutient que :

-elle a respecté son obligation de moyen renforcée relative à la sécurité de ses salariés,

-l'accident du 31 mars 2012 n'est dû qu'à une mauvaise utilisation par M. [R] de son équipement de protection, alors qu'elle l'avait formé à la sécurité et lui avait fourni les moyens de protection nécessaires,

-elle établit que lors du second accident de travail, du 18 juin 2012, le salarié était équipé de gants adaptés et qu'il ne démontre pas le contraire, comme il ne rapporte pas la preuve qu'il existe, ainsi qu'il l'affirme, un lien entre cet accident et ses problèmes de santé ultérieurs, de sorte que c'est à tort que le conseil a retenu que, comme il le soutenait en première instance, 'à la suite de ce deuxième accident, Monsieur [R] a contracté une infection du sang, avec altération du coeur relative aux produits alcalins utilisés'.

Sur ce dernier point, elle fait valoir que M. [R] a été hospitalisé, à compter d'une date inconnue, jusqu'au 2 août 2012, car il souffrait d'un potentiel pneumothorax suite à une fracture de côte, soigné par antibiotiques; que le staphylocoque doré, infection nosocomiale, a été contracté pendant cette hospitalisation, car il n'est pas crédible, alors que la période d'incubation est de 4 à 10 jours, voire même une journée, que le microbe ait attendu un mois et demi avant de déclencher des infections dans son corps, et que l'accident du 18 juin puisse donc être à l'origine de ses problèmes de santé ayant causé son inaptitude.

Elle reproche également au conseil d'avoir retenu que l'inspection du travail avait effectué une enquête 'postérieurement aux faits subis par M. [R]', ne tenant ainsi pas compte des propres constatations de l'inspection du travail qui a indiqué n'avoir pas pu faire d'enquête.

Elle souligne également le classement sans suite de la procédure pénale qui avait pour objet d'établir sa responsabilité.

***

Le classement sans suite de la plainte de M. [R] pour blessures involontaires en raison du fait que l'infraction a été considérée comme étant 'insuffisamment caractérisée'n'est pas une décision à caractère juridictionnel et n'a pas d'autorité de chose jugée sur l'appréciation des demandes portées devant le juge prudhomal.

Si l'inspection du travail, qui n'avait pas été avisée des deux accidents du travail de M. [R], n'avait pas pu effectuer une enquête juste après leur survenance, elle a néanmoins, sur demande d'avis du Procureur de la République, effectué une étude du cas et transmis ses conclusions le 8 juillet 2016.

Elle conclut dans cet avis :

-sur le premier accident, que le salarié était équipé d'une visière, nullement de lunettes ad hoc, alors que la visière ne constitue pas nécessairement la meilleure protection dès lors qu'elle ne fait que couvrir le visage et non pas le protéger hermétiqement, de sorte qu'elle peut être jugée insuffisamment optimale sur ce point, d'autant que M. [R] porte des lunettes de correction,

-sur le second accident, dont les circonstances ont donné lieu à un contrôle ultérieur de l'établissement de Pacé, dans le cadre duquel a été sollicitée la communication d'éléments relatifs à :

-la surveillance médicale relative au risque chimique (article R 4412-44 du code du travail), applicable aux salariés affectés au site des Gavottes compte tenu des produits utilisés,

-la transmission des fiches de données au médecin du travail,

-le plan de prévention des risques incluant le site des Gavottes en application de l'article R 4512-8 du code du travail, précis quant aux produits chimiques utilisés, aux risques associés,aux mesures de prévention spécifiques, aux équipements de protection utilisés pour chaque produit manipulé,

elle a pu noter que :

-les fiches de formation remises à la sécurité remises aux salariés du site des Gavottes mentionnaient que ces salariés n'étaient pas exposés aux produits identifiés à risque,

-que ces fiches n'étaient donc pas en accord avec la réalité des produits utilisés sur le site,

-qu'en effet les produits utilisés sur le site des Gavottes sont classés comme des produits chimiques dangereux, selon les dispositions de l'article R 4412-3 du code du travail,

-que le produit utilisé par M. [R] lors de l'accident de travail du 18 juin 2012 constitue un produit chimique dangereux.

L'inspection du travail estime en conclusion que la prévention du risque chimique peut être considérée comme nettement insuffisante, tant en ce qui concerne les équipements que les mesures d'organisation, d'évaluation, et de formation.

L'examen comparatif des fiches, produites aux débats, de données de sécurité des produits maniés par les salariés, dont M. [R], et de ce qui est est présenté comme le justificatif de formation du salarié, simple document comportant un ensemble de cases cochées, tenant sur deux pages, établi et signé le jour même de l'embauche de celui-ci, ne permet absolument pas de considérer qu'il a reçu une véritable formation. Il n'est pas justifié de l'organisation d'une session de formation, dispensée par un formateur, avec une durée de formation, un contenu pédagogique et une attestation des acquis et de la formation, qui serait pourtant rendue nécessaire du fait de la dangerosité des produits utilisés par les salariés, étant observé au surplus que les fiches de formation à la sécurité remises au salarié mentionnent, à tort comme l'a relevé l'inspection du travail, que le salarié n'était pas exposé à des produits identifiés à risque chimique.

M. [R] produit en outre une attestation d'un collègue, ex salarié de Samsic II, qui fait état de l'absence de formation, durant sa propre période d'emploi, sur l'utilisation des outils et produits à utiliser, dont certains sont très corrosifs et suffocants, et d'un matériel de protection ne correspondant pas à son utilisation, comme des masques et des lunettes de protection seulement antipoussières.

La société n'a pas non plus produit aux débats, sans en contester toutefois l'existence, la pièce demandée par M. [R], à savoir le cahier de consignes rempli par les salariés, sur lequel ceux-ci notaient ou faisaient noter par leur responsable hiérarchique, par exemple leurs demandes de matériel ou de renouvellement d'équipements.

Les carences de l'employeur dans la fourniture d'équipements individuels adéquats et dans la formation des salariés sont ainsi bien établies, il en est de même pour ce qui concerne le plan de prévention des risques, insuffisant pour le site des Gavottes.

Force est donc de constater que l'employeur ne conteste pas utilement les constats de l'inspection du travail, ni ne justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L4121-1 et L 4121-2 du code du travail, alors qu'il ne pouvait ignorer les risques encourus par les salariés du fait de ces carences.

L'employeur ne peut reprocher à M. [R] d'avoir relevé sa visière, geste qu'un matériel mieux adapté ou, en l'état du matériel fourni, une véritable formation à la sécurité, auraient permis d'éviter, ni se prévaloir de la fourniture de gants lors du second accident, dont il ne justifie pas qu'ils étaient adaptés à l'utilisation d'un produit à la dangerosité duquel au surplus le salarié n'avait pas été suffisamment formé.

Quant aux conséquences du second accident, la société précisant elle-même que M. [R] a été victime d'un second accident le 18 juin 2012 alors qu'il nettoyait du matériel dans de grandes baignoires remplies d'eau et d'un produit alcalin, la réalité de lésions aux mains est aussi établie.

La période d'incubation du staphylocoque pouvant aller jusqu'à 10 jours, cela repousse en l'espèce jusqu'au 28 juin 2012 la période durant laquelle il a pu couver sans aucune manifestation visible. Ensuite, l'infection a pu commencer à se développer, les manifestations symptomatiques s'aggraver progressivement, le microbe commençant à s'attaquer à différents organes, étant précisé que les atteintes peuvent être par exemple neuro méningées, ou pleuro pulmonaires, (pièce 15 de la société) ; cela correspond justement aux troubles constatés chez M. [R], lequel, ayant commencé à constater clairement des troubles vers la mi juillet, s'est rendu aux urgences le 26 juillet 2012 devant leur aggravation, puisqu'en effet il déplorait des douleurs costales. Renvoyé à son domicile avec un simple traitement antalgique et inflammatoire, il a dû être hospitalisé aux urgences le 2 août 2012, devant l'aggravation de ses douleurs et l'apparition d'une fièvre.

Le soupçon de pleuro pneumopathie dû à une fracture costale initialement envisagé par les médecins n'a pas été confirmé(pièce 49 de l'intimé), il a par contre été constaté un foyer de condensation infectieux au poumon droit, une septicémie et une méningite purulente(Pièce 50 de l'intimé).

Aucun élément ne permet de considérer que M. [R] a contracté un staphylocoque, qui peut être effectivement une bactérie nosocomiale, durant son séjour le 26 juillet aux urgences, puisque, comme il le fait observer, c'est bien l'aggravation de ses symptomes, caractéristiques de l'infection par un staphylocoque, qui l'a conduit à consulter en urgence, ce qui établit son origine pré existante.

La porte d'entrée du staphylocoque peut être constituée par la présence de lésions ouvertes, or en l'espèce, M. [R] a souffert de lésions aux mains, des suites de l'accident du travail du 18 juin 2012 et a développé des symptômes d'infection grave au staphylocoque dans une temporalité exactement compatible entre une contamination favorisée par ces lésions et le développement de ses troubles ultérieurs.

Les graves conséquences de l'infection ont affaibli l'organisme de M. [R] et peuvent être mises en lien avec les conclusions du médecin du travail qui a jugé que le salarié n'était plus apte à son poste mais pouvait effectuer un travail sans effort physique.

Il est donc établi que l'inaptitude de M. [R], consécutive à une grave infection elle même consécutive à un accident du travail à l'occasion duquel il a été exposé, du fait de l'insuffisance d'équipement et de formation, aux risques des produits chimiques utilisés, est imputable, de manière prépondérante, au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, ce qui rend le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse.

Si M. [R] avait une ancienneté relativement limitée, comme le fait valoir la société, il justifie néanmoins, compte tenu notamment des conditions dans lesquelles il a été privé d'opportunités d'emploi, à 55 ans, d'un préjudice devant être réparé par la condamnation de l'employeur à lui payer la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en confirmation du jugement entrepris.

Sur la demande de dommages et intérêts pour défaut de visite médicale d'embauche

La société Samsic II ne conteste pas ne pas avoir fait procéder à une visite d'embauche, mais fait valoir que, une visite ayant été effectuée à la diligence de l'employeur précédent moins de 6 mois avant le transfert, elle n'avait pas à en organiser une nouvelle ; que le salarié n'avait pas à être bénéficiaire d'un suivi médical renforcé car les produits utilisés ne rentrent pas dans la définition des produits à risque mentionnés à l'article R 4412-60 du code du travail, enfin que M. [R] ne démontre pas de préjudice.

Cependant, si un nouvel examen médical d'embauche n'est pas obligatoire dans le cas où le salarié est appelé à occuper un emploi identique présentant les mêmes risques d'exposition, en l'espèce le salarié était exposé à des produits classés comme produits chimiques dangereux, selon les dispositions de l'article R 4412-3 du code du travail, comme l'a relevé l'inspection du travail, et l'employeur n'établit pas que, même si M. [R] était déjà affecté antérieurement à l'usine Les Gavottes, il se trouvait exposé aux mêmes risques, les produits utilisés pouvant changer dans le temps et les fiches de données de sécurité n'ayant pas été transmises au médecin du travail.

Le manquement est donc établi et le conseil doit être confirmé en ce qu'il a fait une juste appréciation du préjudice du salarié en condamnant la société à lui payer la somme de 3000 € à titre de dommages et intérêts sur ce fondement.

Sur l'application de l'article L 1235-4 du code du travail

La société Samsic II fait valoir que la condition d'ancienneté du salarié justifiant l'application du remboursement des indemnités de Pôle Emploi n'est pas remplie, contrairement à ce qu'a retenu le conseil, car si la convention collective prévoit une reprise d'ancienneté, elle ne permet pas de démontrer que le salarié justifiait d'une ancienneté de 2 ans dans l'entreprise Samsic, alors que l'ancienneté à prendre en compte est celle résultant du contrat de travail en cours au moment du licenciement.

Il résulte cependant du contrat de travail signé le 2 janvier 2012 que la société Samsic a repris l'ancienneté de M. [R], comme elle en a l'obligation conventionnelle, et que l'ancienneté retenue au titre de la prime d'expérience remonte au 13 mars 2010, ce qui est confirmé par les bulletins de salaire mentionnant une entrée dans le groupe au 13 03 2010 et une anciennété calculée à partir de cette date.

L'entreprise comptant plus de 11 salariés et M. [R] plus de 2 ans d'ancienneté au titre de son contrat de travail en cours au moment du licenciement, le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur au remboursement des indemnités versées par Pôle Emploi dans la limite de 6 mois.

Il est inéquitable de laisser à M. [R] ses frais irrépétibles d'appel, qui seronrt mis à la charge de la société appelante, à hauteur de 2000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme allouée par le premier juge au titre des articles 37 et 75 de la loi sur l'aide juridictionnelle pour la procédure de première instance.

La société Samsic II, qui succombe, doit être condamnée aux dépens d'appel, comme à ceux de première instance.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris,

CONDAMNE la SAS SAMSIC II à payer à M. [S] [R] la somme de 2000 € au titre des frais irrépétibles d'appel,

DEBOUTE la SAS SAMSIC II de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE la SAS SAMSIC II aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Conseiller

Pour le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/04608
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;19.04608 ?
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