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15/06/2022 | FRANCE | N°19/01534

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 15 juin 2022, 19/01534


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 19/01534

N° Portalis : DBVL-V-B7D-PS2O













URSSAF BRETAGNE



C/



SARL [7]

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM

DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 JUIN 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors ...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 19/01534

N° Portalis : DBVL-V-B7D-PS2O

URSSAF BRETAGNE

C/

SARL [7]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 15 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 Mars 2022

devant Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 15 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 27 Décembre 2018

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale des CÔTES D'ARMOR

****

APPELANTE :

L'URSSAF BRETAGNE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Madame [J] [I] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE :

SARL [7]

[Adresse 6] -

[Adresse 6]

[Localité 8]

représentée par Me Christine MINGAM de la SCP CABEL MANANT NAOUR- LE DU MINGAM, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC substituée par Me Olivier GUILLAS, avocat au barreau de RENNES

EXPOSÉ DU LITIGE :

A la suite d'un contrôle de l'application des législations sociales et de la lutte contre le travail illégal opéré par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale de Bretagne (l'URSSAF), la société [7] (la société) s'est vue notifier une lettre d'observations du 18 juillet 2013 portant sur les chefs de redressement « travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié - taxation forfaitaire » et « annulation de la réduction Fillon », pour un montant total de 34 892 euros.

En parallèle, un procès-verbal pour travail dissimulé a été rédigé conjointement par les services de l'URSSAF et de la [4], et transmis au procureur de la République de [Localité 10].

Par lettre du 19 août 2013, la société a fait valoir ses observations à l'encontre du redressement envisagé.

En réponse, par lettre du 11 septembre 2013, l'inspecteur a maintenu l'ensemble des redressements contenus dans la lettre d'observations.

L'URSSAF a notifié une mise en demeure du 10 décembre 2013 tendant au paiement des cotisations notifiées dans la lettre d'observations et des majorations de retard y afférentes, pour un montant de 39 793 euros.

Par lettre du 7 janvier 2014, la société a saisi la commission de recours amiable.

Par lettre du 2 avril 2014, se prévalant d'une décision implicite de rejet de cette commission, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Brieuc.

Par décision du 3 juillet 2014, la commission a confirmé le bien-fondé des redressements notifiés dans la lettre d'observations.

Par jugement avant dire droit du 26 avril 2018, ce tribunal a ordonné la production par l'URSSAF de la procédure conjointe de l'URSSAF et de la [4], procès-verbal et pièces, transmise au procureur de la République de Saint-Brieuc et ayant abouti au jugement correctionnel du 16 juin 2015.

Par jugement du 27 décembre 2018, ce tribunal a :

- confirmé la décision de la CRA du 3 avril 2014 en ce qu'elle a confirmé le redressement pour M. [N] et Mme [X] ;

- annulé le redressement concernant M. [U] et la décision de la CRA sur ce point ;

- condamné la société à payer à l'URSSAF les cotisations et annulation des réductions Fillon se rapportant aux emplois de Mme [X] et M.[N] selon un calcul qu'il appartiendra à l'URSSAF de communiquer à la société en fonction d'un emploi à plein temps pour Mme [X] du 24 avril 2013 au 31 mai 2013 et de 39 heures par mois pour M. [N] du 1er juillet 2012 au 31 mai 2013 ;

- dit que cette condamnation sera assortie des majorations de retard complémentaires prévues à l'article R.243-18 du code de la sécurité sociale;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

Par déclaration adressée le 28 février 2019, l'URSSAF a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 5 février 2019.

Par ses écritures n°2 parvenues au greffe le 10 février 2022, auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :

- confirmer le jugement du 27 décembre 2018 du pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc sauf en ce qu'il est venu annuler le redressement concernant M. [U] ;

- condamner la société à lui verser la somme de 5 710 euros au titre du redressement pour travail dissimulé et la somme de 2 200,32 euros au titre des réductions Fillon ;

- confirmer le bien-fondé de la mise en demeure du 10 décembre 2013 adressée à la société pour la somme de 9 021 euros soit 7 910,32 euros de cotisations et 1 111 euros de majorations de retards, sous réserve du calcul des majorations de retard complémentaires prévues à l'article R.243-18 du code de la sécurité sociale ;

- condamner la société à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeter la demande d'article 700 de la société ;

- délivrer un jugement revêtu de la formule exécutoire ;

- débouter la société de ses demandes.

Par ses écritures n°2 parvenues par le RPVA le 18 février 2022, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de :

A titre principal :

- infirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Côtes

d'Armor du 27 décembre 2018 en ce qu'il a :

*confirmé le redressement concernant M. [N] ;

* jugé que les condamnations sont assorties des majorations de retard complémentaires prévues à l'article R.243-18 du code de la sécurité sociale;

- confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Côtes d'Armor du 27 décembre 2018 en ce qu'il a annulé le redressement concernant M. [U] ;

Statuant à nouveau, juger que la dissimulation est limitée et donne lieu à une annulation partielle des réductions Fillon ;

En conséquence :

- annuler le redressement concernant M. [U] et M.[N] ;

- limiter la régularisation des cotisations à la somme de 1 047,56 euros correspondant à l'emploi de Mme [X] ;

- réduire l'annulation des réductions Fillon à la somme de 2 200,32 euros ;

- juger que les majorations de retard ne sont pas applicables à l'annulation des réductions Fillon ;

Y additant, condamner l'URSSAF à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire :

Si par extraordinaire, la cour confirme le redressement concernant M. [N] :

- infirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Côtes

d'Armor du 27 décembre 2018 en ce qu'il a jugé que les condamnations sont assorties des majorations de retard complémentaires prévues à l'article R.243-18 du code de la sécurité sociale ;

- confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Côtes

d'Armor du 27 décembre 2018 en ce qu'il a annulé le redressement concernant M. [U] ;

Statuant à nouveau, juger que la dissimulation est limitée et donne lieu à une

annulation partielle des réductions Fillon ;

En conséquence :

- annuler le redressement concernant M. [U] ;

- limiter la régularisation des cotisations à la somme de 3 443,53 euros correspondant à l'emploi de Mme [X] et de M.[N] ;

- réduire l'annulation des réductions Fillon à la somme de 2 200,32 euros ;

- juger que les majorations de retard ne sont pas applicables à l'annulation des réductions Fillon ;

Y additant, condamner l'URSSAF à verser à la société la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

En toute hypothèse :

- réduire l'annulation des réductions Fillon à la somme de 2 200,32 euros ;

- réduire à due proportion les majorations de retard.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 - Sur le principe du redressement pour travail dissimulé :

La société, dont le gérant est M. [W], exerce une activité de charcuterie sur la commune de [Localité 8].

Elle a fait l'objet d'un contrôle conjoint inopiné par les inspecteurs du travail et ceux de l'URSSAF en vue de la recherche de travail dissimulé, le vendredi 31 mai 2013 à 8h30 au sein des locaux de l'entreprise.

Sur place, les inspecteurs ont constaté la présence de M. [H] [N], Mme [L] [X] et M. [C] [U], tous trois occupés à travailler dans le laboratoire de l'entreprise à la découpe et au conditionnement des viandes et charcuteries.

La lettre d'observations du 18 juillet 2013 (pièce n°1 de l'URSSAF) mentionne ce qui suit :

« Il ressort des éléments recueillis lors du contrôle et des auditions effectuées par la suite, les éléments suivants :

- [X] [L] a travaillé régulièrement dans votre entreprise sans être déclarée, à compter du 24 avril 2013 ;

- [N] [H] a travaillé régulièrement dans votre entreprise sans être déclaré, 39 heures par mois à compter du 1er juillet 2012 ;

- [U] [C] a travaillé au sein de votre entreprise 2 mois et demi en 2012 sans être déclaré et à partir du 9 avril 2013 (déclaration unique d'embauche effectuée à compter du 9 avril 2013).

Compte tenu de cette situation, le délit de travail illégal par dissimulation de salariés est constitué à votre encontre.

En conséquence, un procès-verbal de travail illégal est établi conjointement par nos services et les services de la [5]. Ce procès-verbal est adressé au parquet de Saint-Brieuc.

Nous vous réclamons ci-après le montant des cotisations dues pour ces emplois.

En l'absence d'éléments comptables probants, il nous est impossible de déterminer l'assiette des cotisations sur sa valeur réelle. Nous effectuons donc une taxation forfaitaire sur la base du SMIC en vigueur, augmenté de 10 % pour tenir compte des congés payés.

Compte tenu des éléments en notre possession, les périodes d'emploi retenues sont les suivantes :

- [X] [L] : 24 avril 2013 au 31 mai 2013 (temps complet) ;

- [N] [H] : 1er juillet 2012 au 31 mai 2013 (39 heures par mois) ;

- [U] [C] : 20 mai 2012 au 10 août 2012 (temps complet).

Soit les régularisations suivantes pour les cotisations et contributions recouvrées par les URSSAF d'un montant de 5710 euros, dont 3571 euros pour l'année 2012 et 2139 euros pour l'année 2013 ».

Par décision du 16 juin 2015, le tribunal correctionnel de Saint-Brieuc a déclaré M.[W], gérant de la société, coupable d'avoir omis intentionnellement de procéder à la déclaration nominative préalable à l'embauche, entre le 1er juillet 2012 et le 31 mai 2013 pour M. [H] [N], entre le 1er avril 2013 et le 31 mai 2013 pour Mme [L] [X] épouse [B], et enfin entre le 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2012 pour M. [C] [U].

L'article L. 8221-5 du code du travail dans sa version applicable dispose :

« Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales ».

L'article L. 311-2 du code de la sécurité sociale énonce :

« Sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, quel que soit leur âge et même si elles sont titulaires d'une pension, toutes les personnes quelle que soit leur nationalité, de l'un ou de l'autre sexe, salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat ».

Selon L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont considérées comme rémunération, pour le calcul des cotisations de sécurité sociale, toutes les sommes versées au salarié en contrepartie ou à l'occasion du travail.

La preuve de la réalité d'un travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié impose à l'URSSAF de démontrer l'existence d'un contrat de travail, c'est-à-dire une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre, sous sa subordination, moyennant une rémunération.

Lorsque la relation de travail est établie, le montant des cotisations est fixé conformément aux dispositions de l'article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire forfaitairement, sur la base de six fois la valeur du SMIC en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé.

L'article L. 242-1-2 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable énonce en effet que :

« Pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale et par dérogation à l'article L. 242-1, les rémunérations qui ont été versées ou qui sont dues à un salarié en contrepartie d'un travail dissimulé au sens des articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail sont, à défaut de preuve contraire, évaluées forfaitairement à six fois la rémunération mensuelle minimale définie à l'article L. 3232-3 du même code en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé. Ces rémunérations sont soumises à l'article L. 242-1-1 du présent code et sont réputées avoir été versées au cours du mois où le délit de travail dissimulé est constaté ».

Pour faire obstacle à l'application de l'évaluation forfaitaire de la rémunération servant de base au calcul du redressement, l'employeur doit rapporter la preuve non seulement de la durée effective d'emploi du travailleur dissimulé, mais encore du montant exact de la rémunération versée à ce dernier pendant cette période.

Ces rémunérations ne peuvent faire l'objet d'aucune mesure de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale ou de minoration de l'assiette de ces cotisations et sont réputées avoir été versées au cours du mois où le délit de travail dissimulé est constaté.

Il sera noté que le redressement concernant Mme [X] ([B]) n'est pas contesté par la société en cause d'appel.

1.1 - Sur la situation de M. [U]

Il ressort des pièces du dossier que M. [U] a été employé régulièrement au sein de l'entreprise en tant qu'intérimaire du 10 au 20 avril 2012 (pièce n°3 de l'URSSAF et pièces n°15 et 16 de la société).

La période redressée se situe à la suite de cet emploi, du 20 avril 2012 au 10 août 2012.

Le jour du contrôle, il est constaté qu'il était embauché depuis le 9 avril 2013.

Selon l'article L. 8271-8 du code du travail, les infractions aux interdictions du travail dissimulé définies par les articles L. 8221-1, L. 8221-3 et L. 8221-5 du même code sont constatées au moyen de procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire.

Le procès-verbal conjoint de l'inspection du travail et de l'URSSAF (pièce numéro 8 de la société) indique ceci sur la situation de M. [U] :

« Lors de notre contrôle il nous déclare :

Je viens d'être embauché le 9 avril 2013. Je m'appelle [U] [C] [suit son adresse et sa date de naissance].

D'après des témoignages écrits en notre possession, M. [U] a en fait travaillé 2 mois et demi au cours de l'année 2012 après un premier contrat d'intérim signé le 10 avril 2012 avec l'agence de travail temporaire [9] de [Localité 10]. Pendant ces périodes travaillées, M. [U] était indemnisé par les ASSEDIC.

Pour les périodes travaillées en 2012 (hors intérim), M. [U] ne figure pas sur le registre unique du personnel (article L. 1221-13 du code du travail). Aucune déclaration préalable à l'embauche n'a été faite (article L. 1221-10 du code du travail). Aucun bulletin de salaire ne lui a été délivré (article L. 3243-2 du code du travail).

L'article 15 C de la convention n°81 de l'organisation internationale du travail dispose que les inspecteurs du travail « devront traiter comme absolument confidentielle la source de toute plainte leur signalant un défaut dans l'installation ou une infraction aux dispositions légales et devront s'abstenir de révéler à l'employeur ou à son représentant qu'il a procédé à une visite d'inspection comme suite à une plainte ».

Dans tous les cas, l'utilisation de ces déclarations ne doit pas avoir pour effet d'entraîner des difficultés pour les déclarants. Afin de respecter ses obligations, les témoignages relatifs à l'emploi de M. [U] au sein de l'entreprise [7], courant de l'année 2012, ne sont pas joints cette procédure ».

L'URSSAF reprend les termes de la lettre d'observations au soutien de son appel.

En réplique, la société conteste avoir employé M. [U] sur la période litigieuse. Elle précise que la présence du véhicule de M. [U] sur le parking de l'entreprise pendant plusieurs mois au cours de l'année 2012 résulte d'une panne du véhicule et non d'une prestation de travail ; qu'il a été embauché à nouveau à compter du 9 avril 2013, une déclaration unique d'embauche ayant été régularisée à cette date ; que comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, la seule référence à des témoignages non produits ne permet pas de déterminer à quelle période de l'année a eu lieu cet emploi et surtout selon quelles amplitudes de travail ; que ces éléments ne permettent pas de caractériser avec certitude une situation de travail dissimulé à temps plein pour l'intéressé.

Sur ce :

Dès lors qu'il n'est pas allégué que le jugement du tribunal correctionnel de Saint-Brieuc a fait l'objet d'un recours, ses dispositions seront considérées comme irrévocables.

Les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé. (2e Civ., 7 avril 2022, pourvoi n° 20-18.284)

Est donc définitivement jugé le fait que, s'agissant de M. [U], M. [W] s'est abstenu volontairement de procéder à une déclaration préalable à l'embauche sur la période du 1er janvier 2012 et le 31 décembre 2012.

Il s'en déduit que M. [U] a bien travaillé au sein de la société au cours de cette période sans faire l'objet des déclarations obligatoires, ce qui constitue une infraction de travail dissimulé. Le principe du redressement est donc acquis.

Pour déterminer la période d'exercice de ce travail dissimulé, les inspecteurs se sont appuyés sur des témoignages écrits qui révèlent que M. [U] a en réalité travaillé deux mois et demi au cours de l'année 2012 après un premier contrat d'intérim signé le 10 avril 2012. Le caractère anonyme de ces témoignages, garanti par l'article 15 C de la convention n°81 de l'organisation internationale du travail, ne saurait réduire leur valeur probante, d'autant que leur teneur est consignée dans un procès-verbal qui fait foi jusqu'à preuve du contraire.

Il sera en outre noté qu'alors que le procès-verbal de constatations ne mentionne pas la présence du véhicule de M. [U] devant l'entreprise lors des repérages effectués par les inspecteurs antérieurement au contrôle sur place, la société produit spontanément une attestation de ce dernier datée du 14 août 2013, aux termes de laquelle il certifie que sa voiture Peugeot 406 est restée en panne pendant plusieurs mois au cours de l'année 2012 devant le site de l'entreprise. Cet élément vient au contraire étayer l'argumentation des inspecteurs.

Enfin, pour voir écarter la taxation forfaitaire, il appartenait à la société de produire des éléments sur les heures travaillées et le montant des sommes effectivement versées à M. [U], ce qu'elle ne fait pas.

Il s'ensuit que le redressement concernant M. [U] sera validé, le jugement étant infirmé sur ce point.

1.2 - Sur la situation de M. [N] :

Le procès-verbal conjoint de l'inspection du travail et de l'URSSAF (pièce numéro 8 de la société) indique ceci sur la situation de M. [N] :

« Au cours de la visite il nous déclare :

« Je m'appelle [N] [H]. Je suis à la retraite depuis janvier 2003.[...] Je travaille depuis juillet 2012, environ 4 heures par jour ».

Nous auditionnons M. [N] dans nos locaux le 19 juin 2013 à 14h15.

Il confirme les déclarations ci-dessus et précise qu'il vient travailler régulièrement depuis juillet 2012, principalement les mardis, mercredis et vendredis, de 6 heures à 9 heures le matin (procès-verbal d'audition joint ' annexes 2). [pièce non produite aux débats]

Lors de nos repérages préalables, nous avons effectivement constaté que son véhicule Seat Ibiza rouge immatriculé [Immatriculation 2] était garé derrière l'entreprise (constats effectués les 19,24 et 26 avril 2013 et 24 mai 2013).

M. [N] ne figure pas sur le registre unique du personnel(article L.1221-13 du code du travail). Aucune déclaration préalable à l'embauche n'a été faite (article L. 1221-10 du code du travail). Aucun bulletin de salaire ne lui a été délivré (article L. 3243-2 du code du travail) ».

La société conteste l'existence d'un quelconque contrat de travail entre elle-même et M. [N]. Elle précise que la situation de ce dernier ne s'inscrit nullement dans un lien de subordination ; que M. [N], ami de longue date de la famille de M. [W], a sollicité le gérant à la suite d'une grave maladie afin de passer quelques heures de temps en temps au sein de l'entreprise et en fonction de ses propres souhaits pour se changer les idées ; que c'est ainsi qu'il a été amené à se rendre au sein de l'entreprise ; que pour autant il n'a jamais été soumis à un quelconque lien de subordination à l'égard de la société ; qu'il décidait lui-même de ses jours et horaires de présence à l'entreprise et accomplissait des tâches qu'il définissait lui-même ; que la société ne disposait à son égard d'aucun pouvoir de direction ni même de sanction.

L'URSSAF réplique que suite au contrôle, M. [N] a déclaré être à la retraite depuis 10 ans et travailler au sein de la société 39 heures par mois depuis le 1er juillet 2012, à raison de 3 heures par jour les mardis, mercredis et vendredis ; que les inspecteurs avaient remarqué lors de leurs repérages préalables que le véhicule de M. [N] était garé à l'arrière de l'entreprise ; que pour la période litigieuse, M. [N] ne figure pas sur le registre du personnel et n'a fait l'objet d'aucune déclaration préalable à l'embauche ; que la notion d'entraide familiale ne peut être retenue que si et seulement si l'aide est apportée par une personne proche, de manière occasionnelle et spontanée, en dehors de toute rémunération et de toute contrainte ; qu'on ne peut plus parler d'entraide s'il est établi que l'activité commerciale bénéficie du concours utile et nécessaire de la personne, que celle-ci est indispensable au bon fonctionnement de l'entreprise ; qu'en l'espèce, l'aide apportée par M. [N] n'était ni occasionnelle ni spontanée, ce dernier n'étant pas un proche ; que de plus cette aide était utile et nécessaire à l'entreprise, indispensable au bon fonctionnement de celle-ci ; que M. [N] effectuait pour la société un travail de découpe et de conditionnement de viande et de charcuterie, comme les autres salariés ; qu'il avait un planning : il travaillait de 6 heures à 9 heures du matin les mardis, mercredis et vendredis ; qu'il intervenait ainsi sous le pouvoir de contrôle et de direction du gérant ; que rien ne permet de dire que ce dernier ne percevait pas de rémunération ; qu'une décision pénale est intervenue le 16 juin 2015.

Sur ce :

Dès lors qu'il n'est pas allégué que le jugement du tribunal correctionnel de Saint-Brieuc a fait l'objet d'un recours sur la situation de M. [N], ses dispositions seront considérées comme irrévocables.

Est donc définitivement jugé le fait que, s'agissant de M.[N], M.[W] s'est abstenu volontairement de procéder à une déclaration préalable à l'embauche entre le 1er juillet 2012 et le 31 mai 2013.

Comme déjà rappelé supra, les décisions définitives des juridictions pénales statuant au fond sur l'action publique ont au civil autorité absolue, à l'égard de tous, en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé. (2e Civ., 7 avril 2022, pourvoi n°20-18.284)

Il s'en déduit que M. [N] a bien été considéré comme salarié par la juridiction pénale, étant souligné que la période de prévention est identique à la période de redressement retenue par l'URSSAF, et qu'à ce titre il aurait dû faire l'objet d'une déclaration qui n'a pas eu lieu, ce qui caractérise l'infraction de travail dissimulé.

La période d'exercice ressort d'ailleurs des propres déclarations de M. [N].

Les premiers juges seront ainsi approuvés en ce qu'ils ont entériné le redressement pour ce salarié.

Par conséquent, le redressement opéré par l'URSSAF du chef de travail dissimulé sera validé dans son intégralité.

2 - Sur l'annulation des réductions Fillon :

Les faits établissant l'élément matériel du délit de travail dissimulé constituent le fait générateur du versement des cotisations et contributions dues au titre du redressement et justifient l'annulation par un organisme de recouvrement des mesures d'exonération et de réduction de celles ci en application de l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale.

Les faits de travail dissimulé étant caractérisés, c'est à bon droit que l'URSSAF a procédé à l'annulation des exonérations ou réductions de charges sociales sur la période de mai 2012 à mai 2013.

L'URSSAF prend acte de l'évolution des dispositions de l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale et valide le calcul opéré par la société en application de ce texte, aboutissant à une annulation des réductions Fillon ramenée à la somme de 2 200,32 euros.

Le redressement sera validé pour ce montant.

3 - Sur les majorations de retard :

L'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable dispose :

« Il est appliqué une majoration de retard de 5 % du montant des cotisations et contributions qui n'ont pas été versées aux dates limites d'exigibilité fixées aux articles R. 243-6, R. 243-6-1, R. 243-7 et R. 243-9 à R. 243-11.

A cette majoration s'ajoute une majoration complémentaire de 0,4 % du montant des cotisations et contributions dues, par mois ou fraction de mois écoulé, à compter de la date d'exigibilité des cotisations et contributions.

Dans le cadre des contrôles mentionnés aux articles R. 133-8, R. 243-59 et R. 243-59-3, la majoration complémentaire n'est décomptée qu'à partir du 1er février de l'année qui suit celle au titre de laquelle les régularisations sont effectuées ».

La société fait valoir que les majorations de retard sanctionnent un paiement tardif ou éludé et qu'elles ne sont applicables qu'aux cotisations réintégrées ; qu'elles ne peuvent concerner l'annulation des réductions de cotisations qui ne met pas en cause un paiement tardif ou éludé mais une obligation rétroactive de remboursement.

L'URSSAF réplique à juste titre que le montant de la réduction Fillon que la société a déduit à tort est une déduction au paiement des cotisations de la période de mai 2012 à mai 2013. Ces cotisations étaient donc exigibles au moment où la société s'est prévalue d'une déduction, elles n'ont donc pas été payées à la date d'exigibilité.

C'est ainsi à bon droit que les majorations de retard ont été appliquées au montant de la réduction Fillon, majorations dont le montant a été ramené à 1111 euros.

La mise en demeure du 10 décembre 2013 sera en conséquence validée pour un montant ramené à 9 021 euros comme demandé par l'URSSAF, soit 7 910,32 en cotisations et 1 111 euros au titre des majorations de retard, sous réserve des majorations de retard complémentaires prévues par ce texte.

Les juridictions de l'ordre judiciaire n'étant pas juridiction d'appel des commissions de recours amiable, le dispositif du jugement qui confirme la décision de la commission de recours amiable du 3 avril 2014 ne peut produire aucun effet de droit. Est donc sans objet la demande de confirmation de ce chef.

4 - Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de l'URSSAF ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.

La société sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de 1 500 euros.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance et qui de ce fait ne peut prétendre à l'application des dispositions l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

REFORME partiellement le jugement et dit que le présent dispositif se substitue pour le tout au dispositif du jugement :

VALIDE l'intégralité du redressement opéré par l'URSSAF Bretagne selon la lettre d'observations du 18 juillet 2013 ;

VALIDE la mise en demeure du 10 décembre 2013 pour un montant ramené à 9 021 euros, soit 7 910,32 euros en cotisations et 1 111 euros au titre des majorations de retard ;

CONDAMNE la société [7] au paiement de cette somme, sous réserve des majorations de retard complémentaires ;

CONDAMNE la société [7] à verser à l'URSSAF Bretagne une indemnité de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société [7] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/01534
Date de la décision : 15/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-15;19.01534 ?
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