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14/06/2022 | FRANCE | N°22/00349

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 14 juin 2022, 22/00349


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 187/22

N° RG 22/00349 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S2XK



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT





O R D O N N A N C E



articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile





Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistÃ

© de Julie FERTIL, greffière,





Statuant sur l'appel formé le 13 Juin 2022 à 15h22 par La Cimade pour :



M. [J] [N]

né le [Date naissan...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 187/22

N° RG 22/00349 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S2XK

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assisté de Julie FERTIL, greffière,

Statuant sur l'appel formé le 13 Juin 2022 à 15h22 par La Cimade pour :

M. [J] [N]

né le [Date naissance 1] 1992 à [Localité 2] (TUNISIE)

de nationalité Tunisienne

ayant pour avocat Me Irène THEBAULT, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 11 Juin 2022 à 18h25 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [J] [N] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 12 Juin 2022 à 10h54 ;

En l'absence de représentant du préfet du Maine et Loire, dûment convoqué,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, (avis du 13/06/2022)

En présence de [J] [N], assisté de Me Irène THEBAULT, avocat,

Après avoir entendu en audience publique le 14 Juin 2022 à 11 H 00 l'appelant assisté de son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et le 14 Juin 2022 à 14h00, avons statué comme suit :

Par arrêté du 18 février 2022 notifié le 18 février 2022 le préfet du Maine et Loire a fait obligation à Monsieur [J] [N] de quitter le territoire français.

Par arrêté du 10 juin 2022 notifié le même jour le préfet du Maine et Loire a placé Monsieur [J] [N] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire.

Par requête du 11 juin 2022 le préfet du Maine et Loire a saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes d'une demande de prolongation de la rétention.

Par requête du même jour Monsieur [J] [N] a saisi le juge des libertés et de la détention d'une contestation de la régularité de la décision de placement en rétention.

Par ordonnance du 11 juin 2022 le juge des libertés et de la détention a rejeté la contestation de la régularité de l'arrêté de placement en rétention, dit que la procédure était régulière et a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.

Par déclaration du 13 juin 2022 Monsieur [J] [N] a formé appel de cette décision en soutenant que la preuve de la publication de l'arrêté préfectoral portant délégation de signature du préfet à la signataire de la décision de placement en rétention et de la requête en prolongation de la rétention n'était pas rapportée.

Il fait valoir en outre que le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation et a commis une erreur manifeste d'appréciation ne ce qu'il disposait d'une adresse stable, connue du préfet et de nature à prévenir un risque de fuite.

Il soutient enfin que le préfet n'a pas respecté les dispositions de l'article L741-8 du CESEDA en n'avisant pas le procureur de la République du Tribunal Judiciaire de Rennes de son placement en rétention.

Selon avis du 13 juin 2022 le Procureur Général a sollicité la confirmation de l'ordonnance attaquée. 

Selon mémoire du 14 juin 2022 le préfet du Maine et Loire a conclu à la confirmation de l'ordonnance attaquée.

A l'audience, Monsieur [J] [N], assisté de son avocat fait développer oralement son mémoire d'appel. Il souligne qu' il est doté d'un bracelet anti-rapprochement depuis le 10 juin 2022 et maintient que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et n'a pas procédé à un examen approfondi de sa situation et sollicite la condamnation du Préfet du Maine et Loir au paiement de la somme de 1.000,00 Euros sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

MOTIFS

L'appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.

- Sur la preuve de la publication de l'arrêté préfectoral portant délégation de signature,

Comme l'a relevé le premier juge avec précision, l'arrêté préfectoral du 05 avril 2022 donnant délégation de signature à Madame [P] [L], signataire de l'arrêté de placement en rétention et de la requête saisissant le juge des libertés et de la détention, a été publié au recueil des actes administratifs départementaux le 06 avril 2022 et a par ailleurs fait l'objet d'un affichage comme le montre le certificat produit en procédure.

La preuve de la publication est suffisamment rapportée.

- Sur le défaut d'examen approfondi de la situation et l'erreur manifeste,

L'article L741-1 du CESEDA prévoit que l'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3.

L'article L612-3 du CESEDA dispose que le risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière si :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5.

L'article 15 de la Directive 2008/115/CE prévoit qu'à moins que d'autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d'un pays tiers qui fait l'objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l'éloignement, en particulier lorsqu'il existe un risque de fuite.

En l'espèce, la décision de placement en rétention est fondée exclusivement sur la parcours délictueux de l'intéressé et l'absence de garanties de représentation en retenant une domiciliation chez sa concubine sur la base d'éléments résultant d'une audition du 22 février 2022.

L'examen des pièces de la procédure débattues contradictoirement montre que la situation de l'intéressé, telle que décrite par le préfet pour fonder sa décision de placement en rétention, ne correspond à celle de Monsieur [N] en moment du placement en rétention.

En effet, comme le précise le préfet lui-même, dans sa requête en prolongation de la rétention, Monsieur [N] a fait l'objet de la pose d'un bracelet anti-rapprochement à sa sortie de détention après instruction d'un dossier par le SPIP, comportant une domiciliation justifiée chez son oncle à [Localité 3].

Il résulte des débats que Monsieur [N] est porteur de ce bracelet et que celui-ci lui a été posé non pas le 13 juin 2022 comme l'indique le préfet dans sa requête, mais le 10 juin 2022 avant-même la décision de placement en rétention.

Il s'ensuit que Monsieur [N] dispose d'un domicile stable, que le risque de fuite n'est pas caractérisé et qu'ainsi le préfet n'a pas procédé à un examen approfondi de la situation et a en outre commis une erreur manifeste d'appréciation.

L'ordonnance attaquée sera infirmée.

Il est justifié de condamner le préfet du Maine et Loire à payer à l'avocat de Monsieur [J] [N] la somme de 1.000,00 Euros sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS l'appel recevable,

INFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes du 11 juin 2022,

ORDONNONS la remise en liberté de Monsieur [J] [N] en lui rappelant qu'il a obligation de quitter le territoire français,

CONDAMNONS le préfet du Maine et Loire à payer à l'avocat de Monsieur [J] [N] la somme de 1.000,00 Euros sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle,

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public.

Fait à Rennes, le 14 Juin 2022 à 14h00

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER,

Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [J] [N], à son avocat et au préfet

Le Greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.

Le Greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 22/00349
Date de la décision : 14/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-14;22.00349 ?
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