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10/06/2022 | FRANCE | N°19/02446

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 10 juin 2022, 19/02446


2ème Chambre





ARRÊT N° 367



N° RG 19/02446 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PV5Y





(3)







SA BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST



C/



M. [E] [F]



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours















Copie exécutoire délivrée



le :



à :

-Me Alexandre TESSIER r>
-Me Jean-Paul RENAUDIN











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 JUIN 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, ...

2ème Chambre

ARRÊT N° 367

N° RG 19/02446 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PV5Y

(3)

SA BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

C/

M. [E] [F]

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

-Me Alexandre TESSIER

-Me Jean-Paul RENAUDIN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Aichat ASSOUMANI, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Mars 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Juin 2022, après prorogation, par mise à disposition au greffe

****

APPELANTE :

SA BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST venant aux droits de la Caisse Régionale de Crédit Maritime Atlantique.

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexandre TESSIER de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ :

Monsieur [E] [F]

né le [Date naissance 3] 1943 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représenté par Me Audrey LECOMMANDEUR, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par offre acceptée du 12 juillet 2004, la Caisse régionale de crédit maritime mutuel du Morbihan Loire-Atlantique, devenue la Caisse régionale de crédit maritime mutuel Atlantique, aux droits de laquelle vient désormais la Banque Populaire Grand Ouest (ci -après la BPGO), a consenti à M. [E] [F] et son épouse un prêt d'un montant de 96 000 euros au taux de 4,6 % remboursable en 174 mensualités pour la construction d'une maison d'habitation à [Localité 5].

Le 21 février 2014, Mme [F] est décédée. Son époux a pris contact avec la banque pour la mise en oeuvre de la garantie décès souscrite à 50 % par son épouse. Par courrier du 25 mars 2014, la banque lui a répondu que cette garantie ayant cessé au 70 ème anniversaire de l'assurée, elle ne pouvait être mise en oeuvre.

Par acte d'huissier en date du 26 septembre 2014, M. [F] a assigné en responsabilité le Crédit maritime devant le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire pour manquement à son devoir d'information et de conseil.

Par jugement en date du 7 mars 2019, le tribunal a :

- déclaré l'action de M. [F] recevable,

- condamné la Banque Populaire Grand Ouest à payer à M. [E] [F] la somme de 22 035,47 euros à titre de dommages-intérêts,

- débouté M. [F] du surplus de ses demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la Banque Populaire Grand Ouest à verser à M. [E] [F] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la Banque Populaire Grand Ouest aux dépens.

La Banque Populaire Grand Ouest a relevé appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 5 décembre 2019, elle demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le 7 mars 2019 par le tribunal de Saint-Nazaire en toutes ses dispositions,

A titre principal,

Vu les dispositions de l'article 2224 du code civil,

- déclarer l'action prescrite,

- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la banque Populaire Grand Ouest n'a commis aucune faute ayant généré les préjudices allégués,

- débouter en conséquence, M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusion,

A titre très subsidiaire,

- dire et juger que la perte de chance de ne pas signer le contrat si elle venait à être démontrée ne peut conduire à l'indemnisation s'identifiant dans la somme totale due par l'emprunteur,

- débouter en conséquence, M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusion,

En toute hypothèse,

- condamner M. [E] [F] à payer à la Banque Populaire Grand Ouest la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [E] [F] à supporter les dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées le 4 mars 2020, M. [F] demande à la cour de :

Vu les dispositions de l'article 1147 du code civil,

Vu les dispositions de l'article 1134 du code civil,

Vu le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire le 7 mars 2019,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la Banque Populaire Grand Ouest au paiement de la somme de 22 035,47 euros,

- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de condamnation de la Banque Populaire Grand Ouest au titre du préjudice moral subi par M. [F],

Concomitamment,

- la condamner au paiement de la somme de 10 000 euros,

- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation soit le 26 septembre 2014,

- condamner la Banque Populaire Grand Ouest venant aux droits de la Caisse régionale de crédit maritime mutuel Atlantique au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la Banque Populaire Grand Ouest venant aux droits de la Caisse régionale de crédit maritime mutuel Atlantique aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations du jugement ainsi qu'aux conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 27 janvier 2022.

EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription :

Comme en première instance, la BPGO conclut à l'irrecevabilité de l'action en responsabilité engagée par M. [F] au motif que la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil serait acquise depuis le 13 juillet 2009, le délai ayant commencé à courir à compter de la date de conclusion du contrat de prêt.

Cependant, lorsqu'un emprunteur a adhéré à un contrat d'assurance de groupe souscrit par le prêteur à effet de garantir l'exécution de tout ou partie de ses engagements, le délai de prescription de son action en responsabilité pour manquement du prêteur à son devoir d'information et de conseil sur les risques couverts, court à compter du jour où il a eu connaissance du défaut de garantie du risque qui s'est réalisé. En l'occurrence, M. [F] a été informé du refus de garantie de l'assureur par courrier du Crédit maritime en date du 25 mars 2014. L'assignation ayant été délivrée le 26 septembre 2014, son action n'est donc pas prescrite. Le tribunal sera donc approuvé pour avoir déclaré l'action de M. [F] recevable.

Sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil :

La BPGO rappelle que les deux emprunteurs, âgés de 61 et 62 ans au moment de l'offre de prêt, se sont vus remettre une notice d'information sur la garantie de l'assureur AGF laquelle précisait que la garantie s'achevait à 70 ans. Elle souligne que la clause précisant que le versement du capital décès intervenait en cas de décès de l'assuré avant son soixante- dixième anniversaire, a été identifiée manuellement par un trait en marge pour en marquer l'importance. Elle soutient que les clauses de la notice d'information étaient claires et sans ambiguïté et considère qu'elle a parfaitement alerté les emprunteurs sur l'âge de cessation de la garantie tant dans le contrat de prêt qu'aux termes de la notice. Elle fait valoir que de toute façon, M. [F] ne rapporte pas la preuve que cette garantie était illusoire ou qu'il pouvait obtenir une assurance avec une limite d'âge de couverture plus avantageuse.

Mais il est de principe que l'établissement de crédit qui propose à son client auquel il consent un prêt, d'adhérer au contrat d'assurance de groupe qu'il a souscrit pour garantir, en cas de survenance de divers risques, l'exécution de tout ou partie de ses engagements, est tenu de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur. La connaissance par le client des stipulations du contrat d'assurance de groupe auquel il a adhéré ne dispense pas la banque de l'éclairer sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle, peu importe que ces stipulations soient claires et précises. Ainsi, l'obligation d'information et de conseil ne s'achève pas avec la remise de la notice de sorte que la BPGO ne peut considérer avoir rempli son obligation par sa seule remise.

De surcroît, comme le tribunal l'a souligné, il est manifeste que la banque, qui faisait pourtant de la souscription à un contrat d'assurance décès à hauteur de 50 % sur chacun des emprunteurs, une des conditions d'octroi du prêt, n'a pas pris la peine d'attirer leur attention sur la cessation de garantie après 70 ans, en cours d'amortissement du prêt, puisqu'elle a édité un tableau d'amortissement sur lequel figurait la cotisation d'assurance décès jusqu'au terme du contrat de prêt et qu'elle a continué à prélever cette cotisation après les 70 ans de chacun des emprunteurs, démontrant ainsi qu'elle n'avait pas davantage remarqué cette fin de garantie en cours du contrat de prêt.

Il s'en déduit que M et Mme [F], âgés de 61 et 62 ans au moment de l'offre de prêt et auxquels il était consenti un prêt remboursable sur plus de quatorze ans, n'ont pas été utilement éclairés par la banque lors de l'adhésion au contrat d'assurance de groupe, sur l'adéquation des garanties qu'elle leur proposait à leur situation personnelle. Valablement informés, ils pouvaient choisir de souscrire un prêt auprès d'un autre établissement bancaire ou rechercher une délégation d'assurance qui couvrait plus longtemps le risque décès. M. [F] subit incontestablement une perte de chance.

Toutefois, si cette perte de chance ouvre droit à réparation sans que l'emprunteur ait à démontrer que mieux informé et conseillé par la banque, il aurait souscrit de manière certaine une assurance garantissant le risque réalisé, sa réparation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. Le jugement sera donc réformé sur le montant de la somme allouée à M. [F] à titre de dommages-intérêts qui correspondait au capital et intérêts restant dus au jour du décès de l'épouse dans la limite de la quotité assurée. Compte tenu du montant de l'assurance souscrite que l'emprunteur aurait pu décliner, la cour évalue la réparation de la perte de chance à la somme de 3 456 euros que la BPGO sera condamnée à régler à M. [F].

Sur la résistance abusive de la banque :

M. [F], formant appel incident, sollicite la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral consécutif à la résistance abusive et injustifiée de la banque dans la non prise en charge de la moitié du capital et des intérêts restant dus. Mais aucun abus ne saurait être caractérisé de la part de l'établissement bancaire qui ne pouvait faire autrement que d'appliquer le contrat d'assurance de groupe souscrit et refuser la garantie. C'est à juste titre que le tribunal a rejeté cette demande.

Sur les demandes accessoires :

Le présent arrêt confirmant le jugement dans ses dispositions principales, les dépens et frais irrépétibles seront également confirmés.

La BPGO qui succombe en son appel supportera la charge des dépens.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [F] l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'il a dû exposer à l'occasion de l'appel. Aussi la BPGO sera condamnée à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Nazaire le 7 mars 2019 sauf sur le montant des dommages-intérêts alloués à M. [E] [F],

Statuant à nouveau sur ce point :

Condamne la société Banque Populaire Grand Ouest à payer à M. [E] [F] la somme de 3 456 euros à titre de dommages-intérêts,

Y ajoutant,

Condamne la société Banque Populaire Grand Ouest à payer à M. [E] [F] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Banque Populaire Grand Ouest aux dépens d'appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/02446
Date de la décision : 10/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-10;19.02446 ?
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