La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/06/2022 | FRANCE | N°19/01003

France | France, Cour d'appel de Rennes, 8ème ch prud'homale, 10 juin 2022, 19/01003


8ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°281



N° RG 19/01003 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-PRBJ













SAS GARAGE LE GLEUT



C/



M. [X] [I]

















Réformation partielle















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU

10 JUIN 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé







DÉBATS :



A l'audience publique du 03 Ma...

8ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°281

N° RG 19/01003 -

N° Portalis DBVL-V-B7D-PRBJ

SAS GARAGE LE GLEUT

C/

M. [X] [I]

Réformation partielle

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Rémy LE DONGE L'HENORET, Président de chambre,

Monsieur Philippe BELLOIR, Conseiller,

Madame Gaëlle DEJOIE, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe RENAULT, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 03 Mars 2022

devant Messieurs Rémy LE DONGE L'HENORET et Philippe BELLOIR, magistrats tenant l'audience en la formation rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

En présence de Madame Edith NOLOT, Médiatrice judiciaire

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 10 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE et intimée à titre incident :

La SAS GARAGE LE GLEUT prise en la personne de son représentant légal et ayant son siège social :

Rond Point de Beg Runio - Route de Lorient

56530 QUEVEN

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Avocat postulant du Barreau de RENNES et ayant Me Laurent JEFFROY de la SELARL LAURENT JEFFROY, Avocat au Barreau de LORIENT, pour conseil

INTIMÉ et appelant à titre incident :

Monsieur [X] [I]

né le 10 Octobre 1967 à HENNEBONT (56)

demeurant 202 Chemin Quinton

Ligne Paradis - 97410 SAINT-PIERRE

Ayant Me Mikaël BONTE, Avocat au Barreau de RENNES, pour Avocat constitué

.../...

INTERVENANT VOLONTAIRE :

L'Institut National Public POLE EMPLOI BRETAGNE pris en la personne de son représentant légal et ayant son siège :

36 rue de Léon

35053 RENNES CEDEX

Représentée par Me Charles PIOT, substituant à l'audience Me Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, Avocats au Barreau de RENNES

=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=+=

M. [X] [I] a été embauché le 7 janvier 2013 par la SAS GARAGE LE GLEUT qui exploite un garage automobile (entretien et réparation de véhicules automobiles légers), dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée en qualité de Carrossier peintre, statut ouvrier, échelon 12 de la Convention collective nationale des services de l'automobile.

Le 7 mars 2016, M. [I] a fait l'objet d'un avertissement.

Il a été placé en arrêt de travail du 29 mars au 9 avril 2016, prolongé jusqu'au 13 mai 2016.

Une visite médicale de reprise a été effectuée le 17 mai 2016 et a conclu à l'aptitude de M. [I] à reprendre son poste.

Le 09 septembre 2016, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable, fixé au 16 septembre 2016.

Le 21 septembre 2016, M. [I] a fait l'objet d'une mise à pied disciplinaire de 5 jours, prenant effet à compter du 26 septembre 2016, sa reprise s'effectuant le 03 octobre suivant.

M. [I] a été placé en arrêt de travail du 26 septembre au 31 octobre 2016.

Une visite médicale de reprise a été effectuée le 9 novembre 2016 et a conclu à l'aptitude de M. [I] à reprendre son poste.

Le 25 novembre 2016, M. [I] a fait l'objet d'une convocation à un entretien préalable en vue d'un licenciement, assortie d'une mise à pied conservatoire, qui s'est tenu le 6 décembre 2016, avant d'être licencié pour faute grave le 9 décembre 2016.

Le 19 septembre 2017, M. [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Lorient aux fins de :

' Annuler l'avertissement notifié par la société SAS GARAGE LE GLEUT à M. [I] en ce qu'il est disproportionné et injustifié,

' Annuler la mise à pied disciplinaire notifiée par la SAS GARAGE LE GLEUT à M. [I] en ce qu'elle est disproportionnée et injustifiée,

' Dire que la rupture du contrat de travail pour faute grave de M. [I] est abusive et dénuée de cause réelle et sérieuse,

' Constater que la SAS GARAGE LE GLEUT a manqué à son obligation de prévention et de sécurité,

' Condamner la SAS GARAGE LE GLEUT à lui verser les sommes suivantes:

- 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour avertissement disproportionné et injustifié,

- 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour mise à pied disciplinaire injustifiée,

- 1.892,98 € net à titre d'indemnité de licenciement,

- 4.560,42 € brut au titre de l'indemnité de préavis,

- 456,04 € brut au titre des congés payés afférents,

- 1.052,38 € brut à titre de rappels de salaire pour mise à pied conservatoire injustifiée,

- 105,24 € brut au titre des congés payés afférents,

- 16.800 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 6.000 € net à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention et de sécurité,

- 2.000 € net pour non-respect de l'employeur des dispositions en matière de pause, notamment la pause déjeuner,

- 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens,

' Ordonner à la SAS GARAGE LE GLEUT la rectification des bulletins de salaire de M. [I] en prenant en considération les différentes demandes de rappels de salaire par lui formées dans ses conclusions, sous astreinte de 50 € par jour de retard dans les 15 jours de la décision à intervenir,

' Ordonner la rectification de l'attestation Pôle Emploi sous astreinte de 50 € par jour de retard dans les 15 jours de la décision à intervenir,

' Dire que le conseil se réserve le droit de liquider cette astreinte,

' Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, sur le fondement des articles 514, 515 et 516 du code de procédure civile,

' Fixer la moyenne des 3 derniers mois de salaires à la somme de 2.603,57 € brut.

La cour est saisie de l'appel formé le 13 février 2019 par la SAS GARAGE LE GLEUT contre le jugement du 28 janvier 2019 notifié le 29 janvier 2019, par lequel le conseil de prud'hommes de Lorient a :

' Annulé l'avertissement notifié par la SAS GARAGE LE GLEUT à M. [I] en ce qu'il est disproportionné et injustifié,

' Annulé la mise à pied disciplinaire notifiée par la SAS GARAGE LE GLEUT à M. [I] en ce qu'elle est disproportionnée et injustifiée,

' Dit le licenciement de M. [I] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

' Condamné la SAS GARAGE LE GLEUT à payer à M. [I] les sommes suivantes :

- 500 € net à titre de dommages-intérêts pour l'avertissement injustifié,

- 500 € net à titre de dommages-intérêts pour la mise à pied disciplinaire injustifiée,

- 1.892,98 € net à titre d'indemnité de licenciement,

- 4.560,42 € brut au titre de l'indemnité de préavis,

- 456,04 € brut au titre des congés payés afférents,

-1.052,38 € brut à titre de rappels de salaire pour mise à pied conservatoire injustifiée,

- 105,24 € brut au titre des congés payés afférents,

- 15.621,42 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000 € net à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de prévention et de sécurité de l'employeur,

' Ordonné à la SAS GARAGE LE GLEUT la rectification des bulletins de salaire de M. [I] en prenant en considération les différentes demandes de rappels de salaire par lui formées dans ses conclusions, sous astreinte de 20 € par jour de retard dans les 15 jours de la décision à intervenir,

' Ordonné la rectification de l'attestation Pôle Emploi sous astreinte de 20 € par jour de retard dans les 15 jours de la décision à intervenir,

' Dit que le conseil se réserve le droit de liquider l'astreinte,

' Condamné la SAS GARAGE LE GLEUT à payer à M. [I] la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

' Rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour les salaires et accessoires de salaires et fixé la moyenne des 3 derniers mois de salaire de M. [I] à 2.603,57 €,

' Ordonné le remboursement par la SAS GARAGE LE GLEUT des indemnités de chômage versées à Pôle Emploi dans la limite de 6 mois de salaires,

' Débouté M. [I] de ses demandes plus amples,

' Débouté la SAS GARAGE LE GLEUT de l'ensemble de ses demandes,

' Condamné la SAS GARAGE LE GLEUT aux dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 22 mars 2021, suivant lesquelles la SAS GARAGE LE GLEUT demande à la cour de :

' Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Annulé l'avertissement et la mise à pied disciplinaire,

- Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [I],

- Condamné la SAS GARAGE LE GLEUT au paiement de diverses sommes à M. [I], outre le remboursement des indemnités de chômage à Pôle Emploi,

Le réformant,

' Dire l'avertissement notifié à M. [I] le 17 mars 2016 régulier et fondé,

' Dire la mise à pied à titre disciplinaire notifiée le 21 septembre 2016 régulière et fondée,

' Dire le licenciement notifié le 09 décembre 2016 à M. [I] fondé sur une faute grave,

' Débouter M. [I] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [I] de ses autres demandes, et notamment de sa demande de dommages et intérêts pour non-respect des pauses,

' Condamner M. [I] au paiement d'une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 13 février 2022, suivant lesquelles M. [I] demande à la cour de :

' Débouter la SAS GARAGE LE GUEUT de son appel,

A titre principal,

' Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Annulé l'avertissement et la mise à pied disciplinaire,

- Dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [I],

- Condamné la SAS GARAGE LE GLEUT à lui verser les sommes suivantes :

- 1.892,98 € net à titre d'indemnité de licenciement,

- 4.560,42 € brut au titre de l'indemnité de préavis,

- 456,04 € brut au titre des congés payés afférents,

- 1.052,38 € brut à titre de rappels de salaire pour mise à pied conservatoire injustifiée,

- 105,24 € brut au titre des congés payés afférents,

- 15.621,42 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' Infirmer le jugement entrepris seulement en ce qu'il a :

- Limité les demandes à caractère indemnitaires suivantes et condamné la SAS GARAGE LE GLEUT à verser à M. [I] les sommes suivantes :

- 500 € net à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié,

- 500 € net à titre de dommages-intérêts pour la mise à pied disciplinaire injustifiée,

- 2.000 € net à titre de dommages-intérêts pour le manquement à l'obligation de prévention et de sécurité,

- Débouté M. [I] de sa demande en paiement de la somme de 2.000 € net à titre de dommages-intérêts pour non-respect des dispositions en matière de pause,

Et statuant à nouveau sur les chefs de demande infirmés :

' Condamner la SAS GARAGE LE GLEUT à verser à M. [I] les sommes suivantes:

- 2.000 € net à titre de dommages-intérêts pour l'avertissement injustifié,

- 2.000 € net à titre de dommages-intérêts pour la mise à pied disciplinaire injustifiée,

- 6.000 € net à titre de dommages-intérêts pour le manquement à l'obligation de prévention et de sécurité,

- 2.000 € net à titre de dommages-intérêts pour non-respect de l'employeur des dispositions en matière de pause,

' Confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

Subsidiairement,

' Confirmer le jugement entrepris,

' Débouter la SAS GARAGE LE GLEUT de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En tout état de cause,

' Débouter la SAS GARAGE LE GLEUT de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

' Condamner la SAS GARAGE LE GLEUT à verser à M. [I] la somme de 2.800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel lesquels comprendront les frais d'exécution forcée, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.

Vu les écritures notifiées par voie électronique le 14 juin 2019, suivant lesquelles Pôle Emploi demande à la cour de :

' Condamner la SAS GARAGE LE GLEUT à :

- Rembourser auprès de Pôle Emploi les indemnités versées à M. [I], soit 1.943,61 €,

- Verser à Pôle Emploi la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 24 février 2022

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions notifiées via le RPVA.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 954 du Code de procédure civile dispose que : "Les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.

La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.

La partie qui conclut à l'infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu'elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.

La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs."

Sur l'exécution du contrat de travail :

* quant aux sanctions disciplinaires :

Pour infirmation et débouté du salarié au titre de ses demandes d'annulation et indemnitaires, l'employeur soutient que les sanctions prononcées à l'encontre de M. [X] [I] étaient régulières, proportionnées et bien fondées.

M. [I] rétorque que l'avertissement et la mise à pied disciplinaire dont il a fait l'objet sont injustifiées et disproportionnées et doivent en conséquences être annulées.

En application des dispositions de l'article L.1333-1 du code du travail, en cas de litige relatif à une sanction, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

- concernant l'avertissement du 7 mars 2016 :

Au terme de ses écritures, telles qu'elles résultent du corps de la discussion de ses conclusions, l'employeur soutient le bien fondé de l'avertissement de la manière suivante : " il a été reproché principalement à Monsieur [I], outre des fautes professionnelles et notamment les faits qui se sont déroulés le 11 janvier 2016 et le 08 janvier 2016, d'avoir un comportement outrancier et provocateur, l'employeur précisant « bon nombre de vos collègues se sont plaints à de nombreuses reprises de votre manque d'esprit d'équipe et de votre capacité à relever sans cesse les petites maladresses de chacun. Et inversement, vous protestez de manière colérique lorsque votre responsable pointe vos erreurs, contestant ses remarques et mettant en avant, selon votre point de vue, votre irréprochabilité. » Ces faits là encore qui constitueront le motif du licenciement du fait de leur réitération sont démontrés par les nombreuses attestations versées aux débats qui toutes en effet attestent, s'agissant de ses collègues de travail, des conflits dont il était à l'origine et de son attitude irrespectueuse à leur égard.

Tout en se plaignant du fait que les premiers juges n'aient pas pris en compte ces éléments, en considérant qu'ils étaient anciens de pratiquement deux mois avant la notification de l'avertissement, ils n'ont pas tiré les conséquences sur le fait qu'ils n'étaient pas prescrits et en considérant qu'ils ne pouvaient lui imputés car il exerçait dans des conditions de travail inadaptées sans aucun élément de preuve mais sur ses seules accusations, l'employeur ne développe au stade de la discussion, aucun argument à l'appui des griefs concernant les faits des 8 et 11 janvier 2016 et le comportement outrancier et provocateur allégué non daté et ne vise spécifiquement aucune pièce.

Ce faisant, l'employeur ne fait valoir en cause d'appel aucun élément de fait ou de droit de nature à remettre en cause la décision rendue par les premiers juges au terme d'une analyse approfondie des faits et d'une exacte application du droit par des motifs pertinents adoptés par la cour qui n'a pas à se substituer à la partie appelante dans l'articulation de son raisonnement s'affranchissant des dispositions de l'alinéa 1 de l'article 954 du Code de procédure civile.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé l'avertissement précité, de le réformer en ce qu'il a limité à 500 € les dommages alloués à ce titre et d'évaluer à 1.500 € le préjudice moral qui en est résulté pour M. [X] [I] qui justifie de son incompréhension de l'attitude de son employeur à son égard et des conséquences induites par cette sanction sur sa santé aboutissant à son placement en arrêt de travail.

- concernant la mise à pied disciplinaire :

Sans viser d'autre pièce que la lettre recommandée non retirée (pièce 13 employeur) et la réponse de M. [X] [I] du 27 septembre 2016 (pièce 15 employeur), la SAS GARAGE LE GLEUT soutient que la procédure a été respectée et qu'il était justement reproché au salarié son humeur instable et son comportement, ayant conduit un autre salarié à se retenir d'en venir aux mains, ce que corroboraient les termes ironiques de sa réponse.

Alors que la lettre de notification de la mise à pied de cinq jours prononcée à l'encontre de M. [X] [I] (pièce 14 employeur) énonce sur deux pages différents griefs tenant à la fois à son comportement néfaste mais également à sa productivité sur une période antérieure à juillet 2016 et sans démontrer qu'elle résulterait d'une mauvaise volonté délibérée du salarié, les développements de l'employeur qui procède par affirmations ne permettent en l'absence de renvoi précis aux nombreuses pièces produites, à la cour d'apprécier ni le bien fondé des griefs articulés de la lettre de notification de la mise à pied ni le caractère proportionné de la sanction prononcée, à tout le moins sévère.

Faute de justification complémentaire utile et en l'absence d'élément nouveau par rapport à ceux dont les premiers juges ont connu, il existe un doute sérieux quant à la réalité des manquements et carences imputées au salarié et à la proportionnalité de la sanction prononcée.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé la mise à pied disciplinaire infligée à M. [X] [I], a condamné l'employeur à un rappel de salaire et de congés payés afférents correspondant à la période de mise à pied.

En revanche, compte tenu de l'incidence de cette mise à pied injustifiée, particulièrement sévère intervenant après un avertissement tout aussi injustifié, le préjudice moral qui en est résulté doit être évalué à la somme de 1.500 €, le jugement entrepris étant réformé dans cette limite.

* quant aux griefs imputés à l'employeur :

- au titre du manquement à l'obligation de prévention et de sécurité :

En application de l'article L.4121-1 du code du travail, l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des

circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

L'article L.4121-3 du même code précise que l'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe.

A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l'ensemble des activités de l'établissement et à tous les niveaux de l'encadrement.

Lorsque les documents prévus par les dispositions réglementaires prises pour l'application du présent article doivent faire l'objet d'une mise à jour, celle-ci peut être moins fréquente dans les entreprises de moins de onze salariés, sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat après avis des organisations professionnelles concernées.

Aux fins d'infirmation du jugement entrepris, la SAS GARAGE LE GLEUT fait essentiellement valoir que M. [X] [I] est l'instigateur de ses mauvaises conditions de travail, que son dossier médical n'atteste de rien sauf des propos rapportés par le salarié, que le médecin du travail a considéré que le salarié n'était victime d'aucun manquement à ce titre.

Ce faisant, alors que le dossier médical du salarié démontre la réalité d'une dégradation des relations hiérarchiques à partir du moment où l'intéressé a refusé de souscrire à la proposition de rupture conventionnelle au point qu'il ait pu envisager de l'accepter, qu'il produit des photos de l'atelier (pièce 30) et des attestations (pièce 26 et 27 démontrant la réalité de conditions de travail dégradées auxquels était soumis M. [X] [I], les moyens soutenus par l'appelant ne font que réitérer sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels, se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause, et à une juste application des règles de droit s'y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation;

Il y a lieu par conséquent de confirmer le jugement entrepris de ce chef.

- au titre du non-respect des dispositions en matière de pause :

Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte des propres écrits de M. [X] [I] qu'il travaillait de sa propre initiative pendant la pause méridienne sans y être contraint, de sorte qu'il n'est pas fondé à se prévaloir d'un quelconque préjudice à ce titre, la décision entreprise étant confirmée de ce chef.

Sur la rupture du contrat de travail :

* Quant à la faute grave :

Il résulte des articles'L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle fait obstacle au maintien du salarié dans l'entreprise y compris pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

En application des dispositions de l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La lettre de licenciement du 9 décembre 2016 qui circonscrit les limites du litige et qui lie le juge, est ainsi rédigée :

En dépit des différentes mises en garde et des courriers que vous avez reçus, la situation au sein de l'atelier a continué à se dégrader au point que les autres salaries se sont présentés à nous en faisant état de votre comportement consistant en des brimades , des mesquineries et parfois du harcèlement. Plusieurs salaries nous ont indique qu'il leur était impossible de travailler avec la sérénité nécessaire et ont mis en balance leur démission si votre comportement ne changeait pas, malheureusement, nos remarques n'ont en rien modifié votre attitude et votre entendement.

Vous passez votre temps à contrôler le travail de vos collègues. Dès qu'un véhicule sort de la cabine vous contrôlez le résultat dès qu'un compagnon a fini un mastic, un ponçage, une soudure...vous contrôlez leur travail. Ce n'est pas votre rôle et cela agace fortement les équipes. Du temps de votre ancien responsable nous avions déjà eu à vous recadrer sur votre comportement et votre fonction, vous demandant d'accepter les directives de votre supérieur et d'être plus tolérant envers vos collègues. Déjà vous manifestiez des difficultés à travailler en équipe ; Vous choisissiez des chantiers qui vous intéressaient, vous aviez décrété ne pas vouloir travailler sur des véhicules d'occasion, vous refusiez de peindre et même de participer au nettoyage des postes.

Les derniers cas de brimades et mesquineries qui nous amènent à devoir prendre notre décision sont :

Le 18 novembre, [U] lustrait un élément sur un véhicule. A un moment, ce dernier a posé son chiffon, vous le lui avez pris, l'avez caché dans votre poche et l'avez jeté plus loin dans l'atelier. Les autres salaries s'en sont offusqués.

Le 23 novembre, vous avez pose la lustreuse sur la caisse à outils d'un de vos collègues, qui l'a naturellement reposée sur la votre; puis, vous l'avez remise volontairement sur la sienne pour le provoquer.

Concernant la rallonge électrique, il vous ait (sic) arrivé de la brancher à l'opposé de votre poste de travail alors que vous avez une prise à votre portée. Ceci dans le but unique de gêner les autres dans leur déplacement ou même condamner l'utilisation d'un poste de travail.

Cas du stationnement d'un véhicule utilitaire au ras du pont de levage, empêchant les autres d'y accéder pour travailler, et les obligeant ainsi à travailler avec le cric.

Concernant la Mégane endommagée par vous-même le 23 novembre en la rentrant dans l'atelier: Votre responsable a été dans l'obligation de vous demander de refaire la porte et I'aile ARD car vous comptiez restituer le véhicule en l'état au client.

- Vous avez été également surpris en train de fouiller dans les vestiaires et les affaires personnelles de vos collègues.

- Et concernant la clé à café réservée à la clientèle, vous la prenez régulièrement pour vous servir à l'heure du midi alors que vous en possédez une !

J'ajoute que vous laissez entendre à certains salariés que vous souhaitiez "m'emmerder".

Cette attitude de nuisance n'est pas acceptable.

Nous vous rappelons que nous avons été contraints de vous notifier un avertissement en date du 7 mars 2016 ainsi qu'une mise a pied disciplinaire le 9 septembre dernier. Votre conduite met en cause la bonne marche du service. Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 6 décembre 2016 n'ayant pas permis de modifier notre appréciation des faits, nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.

L'employeur produit de nombreuses attestations de salariés (pièces 21 à 26) mais hormis l'attestation de M. [N] (pièce 22 ) rapportant l'incident relatif au dépôt de la lustreuse le 23 novembre 2016 et celui de la pince à rivets le 13 septembre 2016 mais antérieur de plus de deux mois de l'engagement des poursuites disciplinaires, les autres attestations comportent des jugements de valeur, sont imprécises ou générales et rapportent des faits non situés dans le temps, la seule référence à une période de vacances pendant laquelle M. [X] [I] était absent étant insuffisante à dater les éléments auxquels il peut être fait référence. (Attestations de M. [R] : pièce 21, M. [E] : pièce 23, Mme [V] : pièce 24, Mme [D] : pièce 25 , M. [Z] : pièce 26), y compris en ce qui concerne la fouille alléguée dans le vestiaire d'un collègue.

En outre, l'incident concernant la lustreuse tel que rapporté par M. [N] qui ne dissimule pas l'agressivité dont l'intéressé pouvait lui-même être porteur, ne permet pas d'imputer à M. [X] [I] les proportions qu'il a pu prendre et ne peut en toute hypothèse fonder à lui seul dans le contexte rapporté, une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Compte tenu de l'imprécision des griefs imputés au salarié et à l'absence de caractère sérieux du grief relatif l'incident de la lustreuse, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement de M. [X] [I] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

* Quant aux conséquences de la rupture :

En application de l'article L.1235-3 du code du travail, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, de la perte d'une ancienneté de 3 ans et 11 mois pour un salarié âgé de 49 ans ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, il lui sera alloué, en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 une somme de 15.621,42 € net à titre de dommages-intérêts ;

Aux termes de l'article L.1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit à un préavis dont la durée est calculée en fonction de l'ancienneté de services continus dont il justifie chez le même employeur.

Selon l'article L.1234-5 du code du travail, lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, ou si l'inexécution résulte du commun accord des parties, à une indemnité compensatrice.

Aucune faute grave n'étant retenue à l'encontre du salarié, l'employeur, qui l'a licencié à tort sans préavis, se trouve débiteur envers lui d'une indemnité compensatrice de préavis dont il est tenu de lui verser le montant intégral pour toute la période où il aurait dû l'exécuter, nonobstant la suspension du contrat de travail pour maladie au cours de cette période, l'inexécution du préavis n'ayant pas pour cause cette suspension du contrat de travail, mais la décision de l'employeur de le priver du délai-congé sous le prétexte d'une faute grave inexistante.

Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut donc prétendre aux indemnités de licenciement, compensatrice de préavis et de congés afférents pour les sommes non autrement contestées de :

- 1.892,98 € net à titre d'indemnité de licenciement,

- 4.560,42 € brut au titre de l'indemnité de préavis,

- 456,04 € brut au titre des congés payés afférents,

-1.052,38 € brut à titre de rappels de salaire pour mise à pied conservatoire,

- 105,24 € brut au titre des congés payés afférents,

le jugement entrepris étant confirmé de ces chefs.

Sur la remise des documents sociaux

La demande de remise de documents sociaux conformes est fondée ; le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

Sur le remboursement ASSEDIC

En application de l'article L.1235-4 du Code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées

Les conditions d'application de l'article L 1235-4 du Code du travail étant réunies en l'espèce, le remboursement des indemnités de chômage par l'employeur fautif, est de droit ; ce remboursement sera ordonné tel qu'il est dit au dispositif dans les limites de la créance de 1.943,61 € visée aux écritures de Pôle Emploi ;

Sur l'article 700 du Code de procédure civile

Les éléments de la cause et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ; la société appelante qui succombe en appel, doit être déboutée de la demande formulée à ce titre et condamnée à indemniser le salarié et Pôle Emploi des frais irrépétibles qu'ils ont du exposer pour assurer sa défense en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Statuant en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a limité à 500 € net les dommages et intérêts alloués à M. [X] [I] en réparation du préjudice résultant du caractère injustifié de l'avertissement et à 500 € net les dommages et intérêts alloués à M. [X] [I] en réparation du préjudice résultant du caractère injustifié de la mise à pied disciplinaire, fixé à six mois la limite des indemnités chômage remboursées à Pôle Emploi

et statuant à nouveau de ces seuls chefs,

CONDAMNE la SAS GARAGE LE GLEUT à payer à M. [X] [I] :

- 1.500 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du caractère injustifié de l'avertissement,

-1.500 € net les dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du caractère injustifié de la mise à pied disciplinaire,

CONDAMNE la SAS GARAGE LE GLEUT à rembourser à Pôle Emploi la somme de 1.943,61 €,

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus,

et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS GARAGE LE GLEUT à payer à M. [X] [I] 2.800 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS GARAGE LE GLEUT à payer à Pôle Emploi la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE la SAS GARAGE LE GLEUT aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 8ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/01003
Date de la décision : 10/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-10;19.01003 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award