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09/06/2022 | FRANCE | N°18/06767

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 09 juin 2022, 18/06767


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°348/2022



N° RG 18/06767 - N° Portalis DBVL-V-B7C-PHKX













Mme [U] [J]



C/



Société BMD ASSURANCES























Copie exécutoire délivrée

le :09/06/2022

à :Me PAILLONCY,Me GUITTON





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 JUIN 2022




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Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé



DÉBA...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°348/2022

N° RG 18/06767 - N° Portalis DBVL-V-B7C-PHKX

Mme [U] [J]

C/

Société BMD ASSURANCES

Copie exécutoire délivrée

le :09/06/2022

à :Me PAILLONCY,Me GUITTON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 09 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 02 Mai 2022 devant Madame Liliane LE MERLUS et Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrats tenant seuls l'audience en la formation double rapporteur, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [P] [I], médiateur

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 09 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

Madame [U] [J]

née le 08 Avril 1961 à BOULOGNE (92)

2 rue des Sports

29730 LE GUILVINEC

Représentée par Me Agnès PAILLONCY de la SELARL AVOCADYS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉE :

SARL BMD ASSURANCES

5 Rue Amiral Ronarc'h

29000 QUIMPER

Représentée par Me Cécile GUITTON de la SELARL LES CONSEILS D ENTREPRISES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [U] [J] a été engagée par la SARL BM ASSURANCES selon un contrat à durée indéterminée en date du 06 octobre 2008 pour exercer les fonctions de collaboratrice courtage en assurances, classe C de la convention collective des entreprises de courtage en assurances régissant les rapports entre les parties.

Le 1 er novembre 2010, le contrat de travail de la salariée a été transféré, en application de l'article L1224-1 du code du travail, à la société BMD Assurances, lors de la création de celle-ci.

En mai 2015, la SARL BMD ASSURANCES a embauché une nouvelle collaboratrice de courtage, classe D de la convention collective, Mme [K], avec une rémunération supérieure à celle de Mme [J].

Au mois de mars 2016, Mme [J] a sollicité une augmentation de salaire et mis en avant la rémunération plus élevée de sa collaboratrice.

Le cogérant de la société BMD ASSURANCES n'a pas fait droit à cette demande.

Les parties ont envisagé une rupture conventionnelle et le 13 avril 2016, Mme [J] a formalisé le projet de rupture conventionnelle.

Puis par courrier du 14 avril suivant, elle a indiqué que cette demande de rupture conventionnelle était à l'initiative de l'employeur en réponse à sa demande d'augmentation de salaire.

Suite à des échanges de mails, l'employeur a confirmé que Mme [J] resterait à son domicile en conservant sa rémunération jusqu'à la date de la rupture conventionnelle.

Du 18 au 22 avril 2016, la salariée a été placée en arrêt de travail.

Le 04 mai 2016, Mme [J] a été convoquée à un entretien préalable afin d'envisager la mise en oeuvre de la rupture conventionnelle.

À l'issue de cet entretien, la salariée s'est vue accorder un délai de réflexion avec dispense de travail.

Mme [J] a fait l'objet d'un autre arrêt maladie à compter du 20 mai 2016 jusqu'au 25 septembre 2016.

Par courrier du 30 mai 2016, Mme [J] a conditionné la conclusion de la rupture conventionnelle au versement de son indemnité de licenciement et d'une indemnité égale à 24 mois de salaire.

La société BMD ASSURANCES a refusé cette condition.

Le 10 octobre 2016, Mme [J] a sollicité une visite de pré-reprise.

Le 27 octobre 2016, à l'issue de la visite de reprise, le médecin du travail a déclaré Mme [J] 'inapte à tous les postes : l'état de santé de Mme [H] ne permet pas de reclassement dans l'entreprise'.

Par lettre recommandé avec accusé de réception du 02 novembre 2016, l'employeur a informé Mme [J] des recherches de reclassement mises en oeuvre à son égard.

Puis, par courrier du 27 octobre 2016, la société l'a informée de l'impossibilité de la reclasser et a engagé une procédure de licenciement pour inaptitude.

Par courrier recommandé en date du 29 novembre 2016, Mme [J] s'est vue notifier un licenciement pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

***

Contestant la rupture de son contrat de travail, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Quimper le 27 avril 2017 et a formé à l'audience les demandes suivantes :

- Dire et juger que le licenciement de Madame [H] est nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la SARL BMD Assurances à verser à Madame [H] les sommes suivantes :

- Rappel de salaire (pour mémoire) pour la période du mois de novembre 2013 au mois de novembre 2016, au titre de l'application du principe « à travail égal, salaire égal »

- Les congés payés afférents

- 20 000,00 € nets de dommages et intérêts pour rupture illicite ou, subsidiairement, abusive de la relation de travail

- 3 744,00 € bruts indemnité compensatrice de préavis

- 374,40 € bruts de congés payés sur préavis

- 5 000,00 € nets de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

- 2 000,00 € d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile

- Condamner la SARL BMD Assurances à remettre à Madame [H] un bulletin de salaire récapitulant annuellement le rappel de salaire octroyé, un contrat de travail une attestation POLE EMPLOI rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, dans les quinze jours de la décision à intervenir ;

- Dire et juger que le Conseil se réservera le droit de liquider cette astreinte ;

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir sur le fondement des articles 514 et suivants du Code de procédure civile.

- Condamner la SARL BMD Assurances aux entiers dépens, lesquels comprendront les éventuels frais d'exécution forcée de la décision à intervenir.

- Débouter la SARL BMD Assurances de toutes ses demandes, fins et conclusions.

La SARL BMD ASSURANCES a demandé au conseil de prud'hommes de :

- Débouter Madame [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

- La condamner aux entiers dépens.

Par jugement en date du 12 septembre 2018, le conseil de prud'hommes de Quimper a :

- Dit et jugé que le licenciement prononcé à l'encontre de Madame [H] reposait sur une cause réelle et sérieuse,

- Débouté Madame [H] de l'ensemble de ses demandes,

- Débouté la SARL BMD Assurances de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné Madame [H] aux entiers dépens.

***

Mme [J] a régulièrement interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 18 octobre 2018.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 23 août 2021, Mme [J] demande à la cour de :

- Infirmer le jugement rendu le 12 septembre 2018 par le conseil de prud'hommes de QUIMPER en ce qu'il a :

- Dit et Jugé que le licenciement prononcé reposait sur une cause réelle et sérieuse,

- L'a déboutée de l'ensemble de ses demandes,

- L'a condamnée aux entiers dépens.

Statuant à nouveau,

- Dire et juger que le licenciement de Madame [H] est nul ou à tout le moins sans cause réelle et sérieuse ;

- Condamner la SARL BMD Assurances à verser à Madame [H] les sommes suivantes :

- 37 749.96 € bruts, ou subsidiairement 15 372 € bruts ; ou infiniment subsidiairement 12 940.20 € bruts, à titre de rappel de salaire pour la période du mois de novembre 2013 au mois de novembre 2016, au titre de l'application du principe « à travail égal, salaire égal » ;

- 3 775 € bruts, ou subsidiairement 1537,20 € bruts ; ou infiniment subsidiairement 1294,02 € bruts au titre des congés payés afférents ;

- 20 000 € nets de CSG-CRDS de dommages et intérêts pour licenciement nul, ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse ;

- 5 841.22 € bruts, ou subsidiairement 3 744,00 € bruts, à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 584.12 € bruts, ou subsidiairement 374.40 € bruts à titre de congés payés sur préavis ;

- 15 000 € nets de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

- 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

- Dire et juger que les sommes à caractère salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, et que les sommes à caractère non salarial porteront intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

- Condamner la SARL BMD Assurances à remettre à Madame [H] un bulletin de salaire récapitulant annuellement le rappel de salaire octroyé, un certificat de travail, une attestation POLE EMPLOI rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, dans les quinze jours de la décision à intervenir ;

- Dire et juger que la Cour se réservera le droit de liquider cette astreinte ;

- Condamner la SARL BMD Assurances aux entiers dépens, lesquels comprendront les éventuels frais d'exécution forcée de la décision à intervenir.

En l'état de ses dernières conclusions transmises par son conseil sur le RPVA le 22 juin 2021, la SARL BMD ASSURANCES demande à la cour d'appel de Rennes de :

- Dire et juger l'appel de Madame [H] mal fondée,

Dès lors,

- Débouter Madame [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

En conséquence,

- Confirmer le jugement rendu par le conseil de Prud'hommes de QUIMPER en toutes ses dispositions.

- Condamner Madame [H] à verser à la société BMD ASSURANCES la somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

- La condamner aux entiers dépens.

***

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 02 mai 2022

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rémunération

Mme [H] reproche au premier juge de s'être contenté de considérer qu'elle et Mme [K] ne faisaient pas le même travail, sans répondre à ses arguments sur le remplacement de l'une par l'autre durant leurs absences ou à la différence d'ancienneté et d'expérience en courtage en assurances.

En application du principe "à travail égal, salaire égal", l'employeur est tenu d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés pour autant que ceux-ci sont placés dans une situation identique, c'est à dire effectuent un même travail ou un travail de valeur égale, exigeant des salariés un ensemble comparable : de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physiques ou nerveuse.

En application de l'article 1315 du Code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe "à travail égal, salaire égal" de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs justifiant cette différence.

Mme [H] invoque en premier lieu une inégalité de rémunération par rapport à Mme [K], recrutée comme elle en qualité de 'collaboratrice courtage en assurances', dont il n'est pas contesté que la rémunération était effectivement supérieure à la sienne, comme il apparaît des bulletins de salaire produits aux débats, toutes deux étant chargées du suivi d'une clientèle.

Elle produit ainsi des éléments de fait suceptibles de caractériser une inégalité de rémunération.

L'employeur établit toutefois que :

-Mme [K] avait essentiellement pour tâches la gestion d'un portefeuille de professionnels et entreprises, alors que Mme [H] était chargée exclusivement d'une clientèle de particuliers, ce qui est conforme à leurs fiches de poste respectives et ce que cette dernière confirme implicitement en précisant et affirmant qu'elle 'intervenait également sur le secteur des clients professionnels et des entreprises en l'absence de Mme [K] que ce soit pour congés, formations ou rendez-vous clientèle',

-si Mme [K] assurait également, pour 30 % de son activité, le suivi de la clientèle de particuliers, Mme [H] en revanche n'avait pas en charge du tout la clientèle de professionnels, la répartition des tâches de son temps plein n'incluant en effet pas le secteur de la clientèle professionnelle, qui n'est mentionnée qu'à titre accessoire ; elle pouvait donc seulement éventuellement être amenée à remplacer Mme [K] en cas de congés, et ce pour une intervention ponctuelle d'ordre administratif et non un suivi complet, ou sur instructions précises du gérant et en tout état de cause, Mme [K] ayant été engagée en mai 2015, n'ayant pris que 15 jours de congés en août 2015, durant lesquels M. [O] gérant était joignable, et Mme [H] s'étant trouvée en arrêt de travail dès avril 2016, elle n'a de fait jamais été amenée à remplacer sa collègue sur son poste de travail,

-nonobstant un socle partiel de tâches décrites identiquement, telles que 'établissement des devis', 'interface client/compagnie', plus généralement gestion des contrats, et notamment gestion des contrats des particuliers, la gestion des contrats d'une clientèle de professionnels et d'entreprises, assurée exclusivement par Mme [K], est de nature beaucoup plus technique et complexe que celle concernant les particuliers, ce qui n'est pas sérieusement contestable et a d'ailleurs été acté par l'inspecteur du travail qui a indiqué à la salariée que 'certes Mme [K] a des fonctions supérieures aux vôtres'(pièce 31 de la société) ; le traitement de cette clientèle implique la maîtrise de divers secteurs d'activité comme la responsabilité civile des entreprises, les multirisques commerciaux ou industriels, la gestion de flotte de véhicules d'entreprises, la protection juridique des professionnels, la responsabilité civile des dirigeants, l'établissement des devis de propositions des différents assureurs consultés, le conseil aux entreprises et professionnels sur le choix des contrats à intervenir,

-l'activité des deux secteurs n'est pas non plus comparable, en termes d'enjeu financier des contrats, les taux de commission et donc le montant des primes étant bien supérieurs sur les contrats 'professionnels' que sur les contrats 'particuliers', ni en termes de bénéfice du développement de la clientèle pour l'agence,

-les caractéristiques propres de leurs postes du fait des éléments ci dessus relevés mettent en jeu des différences de niveaux en matière de connaissances, de responsabilité, de contribution à l'entreprise, critères classants dans le cadre de la convention collective applicable (pièce 21 de la société),justifiant la différence de classement entre Mme [H] classée C (à ce niveau le salarié dispose de connaissances techniques et professionnelles adaptées au poste, est chargé de l'organisation et de la réalisation de travaux divers appartenant au même domaine professionnel) et Mme [K] classée D ( à ce niveau le salarié doit organiser et réaliser des travaux variés ou des missions qui nécessitent des connaissances techniques et professionnelles approfondies adaptées au poste),

-si Mme [H] avait une ancienneté supérieure à celle de Mme [K] dans l'entreprise, elle n'avait pas une expérience professionnelle comparable, puisqu'au vu de son curriculum vitae (sa pièce 20) rapproché de ses différentes attestations d'emploi, il est attesté d'une ancienneté dans le secteur de l'assurance de :

-7 octobre 1982 au 31 août 1991 (employeur Fourrier assurances) soit environ 9 ans,

-2 septembre 1991 au 5 octobre 1992, secrétaire de production (cabinet [G]), soit environ 1 an,

-12 novembre 1992 au 3 mars 1993 (AGF assurances) secrétaire commerciale, soit un peu moins de 4 mois, -6 décembre 1993 au 23 juin 1997 (ORT assurances et courtage), rédactrice sinistres, soit environ 6 mois,

-20 au 30 avril 2004 et 7 juin au 27 octobre 2004 (Cap assurances), rédactrice, soit envrion 5 mois,

-28 octobre 2004 au 28 avril 2006, (Rampillon AGF), collaboratrice généraliste, soit environ 1 an et demi,

-1 er juin au 30 août 2007 (Camus AGF), soit 3 mois,

représentant en total effectif environ 13 ans, sur lesquels, si elle a travaillé dans 2 entreprises faisant du courtage(ORT et, selon elle, Cap Assurances), elle y a été embauchée, 6 mois et 5 mois, en qualité de rédactrice sinistre, et de rédactrice, ce qui n'établit pas qu'elle négociait des contrats, ou qu'elle traitait une clientèle de professionnels,

-alors que Mme [K] a une expérience antérieure, au moment de son embauche en 2015 par BMD Assurances de :

-1998 à 2007, soit 9 ans, en qualité d'assistante service production au cabinet Le Maguer,

-2007 à 2011, soit 4 ans, en qualité de gestionnaire technico commerciale au même cabinet, chargée de la gestion et du suivi d'un portefeuille de clients particuliers et professionnels, de la négociation avec les assureurs, ce qui traduit une activité de courtage,

-depuis 2010, chargée de compte au cabinet Olan associés, plus précisément suivi et gestion d'un portefeuille professionnel et entreprise, recherche de solutions, établissement des projets et négociations avec les assureurs, rédaction des offres commerciales, mise en place et gestion des contrats flottes automobiles jusqu'à 200 moteurs,

-Mme [K] est titulaire d'un Bac économique et social et d'un BTS assurances, formation technique à visée professionnelle directement valorisable dans le cadre des fonctions exercées, tandis que Mme [H] n'est titulaire que d'un BEP sanitaire et social, sans lien avec les métiers de l'assurance, cette différence dans la formation n'étant pas compensé, pour Mme [H], par une pratique professionnelle ou une expérience acquise lui conférant les mêmes compétences que sa collègue Mme [K], puisqu'elle ne justifie d'aucune expérience, au cours de sa carrière, de la gestion de contrats à destination d'une clientèle de professionnels, permettant de lui confier une telle responabilité ; pour ce qui est de la pratique informatique, Mme [H] maîtrise word excell, Mme [K] les logiciels bureautique, ainsi qu'extranet compagnies d'assurances,

-Mme [H] a des tâches propres, qualifiées dans sa fiche de poste de 'gestion comptable'que n'a pas Mme [K]: encaissement des chèques, dépôt des chèques à la banque, envoi de fonds auprès des compagnies, rapprochements bancaires entre le système informatique du cabinet et le relevé des comptes bancaires, mais qui ne constituent pas, à proprement parler, de la comptabilité, la comptabilité de l'agence étant suivie par un cabinet d'expertise comptable qui se charge de la saisie des factures founisseurs, saisie du compte bancaire et établissement du rapprochement bancaire, révision et lettrage des comptes fournisseurs, y compris compagnies d'assurances, réalisation des travaux de clôture des comptes, établissement des documents comptables, fiscaux et sociaux, établissement des bulletins de salaires ; il ne s'agit pas, comme le soutient l'appelante, de la préparation des éléments comptables de l'entreprise, mais seulement de tâches administratives relatives aux fonds transitant dans l'agence, ne présentant pas un niveau de technicité et de compexité équivalent à la gestion de la clientèle de professionnels.

L'employeur démontre ainsi que, bien que les deux salariées aient la même dénomination de fonction, à savoir collaboratrice courtage, la différence de rémunération entre Mme [H] et Mme [K] est justifiée par des éléments objectifs et matériellement vérifiables tenant à la différence de valeur de leur niveau de fonctions, de diplôme, d'expérience.

***

Mme [H] se compare subsidiairement à Mme [B], salariée d'une autre société du groupe, la société BM Assurances, dont elle a été collègue lorsqu'elle a elle-même été embauchée par cette société, avant que son contrat ne soit transféré à BMD Assurances.

Toutefois, Mme [B] avait une ancienneté dans l'entreprise supérieure à la sienne de 5 ans au moment de son embauche, et Mme [H] précise elle-même que cette dernière était chargée d'une clientèle de particuliers, mais aussi de professionnels, ce qui n'était pas son cas, comme le confirme son contrat de travail ; qu'elle était également chargée de mission comptable et de la banque, ce qui ressort du reste du tableau des rémunérations des salariés du groupe, et ne correspond pas non plus aux mêmes fonctions que celles qu'elle-même effectuait.

Mme [H] ne démontre donc pas qu'elle se trouvait dans une situation identique à celle de Mme [B] au regard des fonctions exercées et elle ne soumet pas à la cour des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de traitement.

***

Mme [H] se compare à titre infiniment subsidiaire à Mme [V].

Cette salariée ayant été embauchée par contrat à durée déterminée pour procéder à son remplacement durant son arrêt maladie, Mme [H] établit, par cet élément de fait, qu'elles se trouvaient dans une situation identique au regard des fonctions exercées, susceptible, du fait d'une différence de rémunération, celle de Mme [V] étant supérieure à la sienne, de caractériser une inégalité de traitement.

Cependant, il est constant que la nécessité de pourvoir en urgence un poste peut justifier l'octroi à la salariée remplaçante d'un salaire supérieur à celui de la titulaire du poste.

En l'espèce, il résulte des productions aux débats que Mme [H] a dû être remplacée en urgence en raison d'un arrêt maladie, compte tenu du faible effectif de l'agence ; qu'elle a pu être remplacée grâce à la disponibilité immédiate de Mme [V], salariée expérimentée, qui avait bénéficié antérieurement à son embauche d'un salaire supérieur à 2200 € bruts, de sorte que l'employeur justifie, par ces circonstances d'espèce, de raisons objectives et vérifiables justifiant la différence de rémunération, par rapport à celle de Mme [H], qu'il a dû servir à Mme [V] (13€43 bruts de l'heure, outre une prime mensuelle, au lieu de 12€34 bruts).

Mme [V] a ensuite été embauchée par contrat à durée indéterminée, et l'employeur justifie, par la production du curriculum vitae de cette salariée et de son contrat de travail, que ses fonctions comprennent, à la différence de Mme [H], la prospection et la gestion d'une clientèle de professionnels et entreprises, domaine dans lequel elle a développé une expérience et des compétences de 1998 à 2015.

Il justifie ainsi de raisons objectives et vérifiables, tenant à une différence de valeur de niveau de fonctions, et d'expérience nécessaire acquise antérieurement, justifiant la différence de rémunération entre Mme [H] et Mme [V].

Mme [H] ne peut par conséquent qu'être déboutée de ses demandes de rappel de salaires et congés payés afférents, en confirmation du jugement.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à l'exécution loyale de la relation de travail

Mme [H] fait valoir 'qu'au regard de tout ce qui précède', mais en se référant au rapport de l'inspecteur du travail (lequel a conclu à l'absence d'éléments caractérisant des manquements en matière salariale sur le fondement de l'article L1132-1 du code du travail), il est manifeste que l'employeur n'a pas exécuté loyalement la relation de travail contrairement à l'obligation qui lui en est faite par l'article L1222-1 du code du travail.

Force est toutefois de constater que l'employeur n'a pas violé la règle à travail égal salaire égal, que Mme [H] n'établit l'existence d'aucun 'standard' de rémunération pour les métiers de l'assurance, ne se référant pas davantage aux minimaux conventionnels dont elle ne soutient pas qu'ils n'auraient pas été appliqués, alors même que sa rémunération était un peu plus élevée que celle de Mme [A] qui faisait le même travail qu'elle en matière de gestion de contrats, et que l'employeur a consenti à Mme [H] une augmentation de salaire sur sa demande, motivée par ses tâches particulières de gestion administrative des paiements. Elle ne caractérise pas l'obligation contractuelle à laquelle l'employeur aurait manqué.

Elle doit donc être déboutée de sa demande indemnitaire sur ce fondement, en confirmation du jugement.

Sur le licenciement

Mme [H] fait valoir que le conseil semble avoir confondu discrimination et harcèlement, alors que les différents faits qu'elle détaille laissent à tout le moins présumer l'existence d'un harcèlement moral.

Aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L 1154-1 du même code, en cas de litige, il appartient au salarié de présenter des éléments de faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement.

Il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Au titre des éléments de fait laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, Mme [H] expose que :

-sa reprise du travail après son arrêt maladie a donné lieu à des propos déplacés du gérant, à une mise à l'écart manifeste, à des accusations infondées quant à de prétendus manquements, fautes ou oublis concernant des dossiers , pour la pousser à la faute ; elle produit à l'appui des échanges de mails des 13, 17, 18 et 19 mai 2016, relatifs à des échanges sur un dossier; il ressort toutefois de ces échanges que le rappel d'avoir à faire le nécessaire pour actualiser un dossier d'assuré, après un décès, fait suite à une demande déjà adressée à la salariée en mars 2016, non entièrement satisfaite, et que le ton reste courtois ; que l'autre échange de mails, produit de manière tronquée, concerne des demandes relatives à des dossiers en cours, s'insérant dans le cadre des échanges de travail quotidiens, sur un ton également très mesuré de l'employeur, de sorte que les éléments de faits relatifs à une attitude incorrecte de l'employeur, allégués, ne sont pas établis et doivent être écartés,

-M. [O] gérant, a dit le 4 mai 2016 lors de l'entretien sur la rupture conventionnelle, qu'il ne voulait plus d'elle dans l'agence, réitérant des propos tenus lors de l'entretien du 13 avril 2016 ; cependant la réponse de M. [O] à son courrier du 14 avril 2016, qu'elle produit également, présente de tout autres éléments factuels, celui-ci indiquant que dès le 29 mars 2016 la salariée, de retour de congés, l'informait que c'était de toute façon une augmentation de salaire sinon une rupture conventionnelle, de sorte que l'allégation de Mme [H] sur la teneur de la conversation du 13 avril, qui n'a pas eu de témoin, n'est pas révélatrice d'une situation de harcèlement moral ; il en est de même des propos rapportés par le conseiller du salarié, prêtés au gérant lors de l'entretien sur la rupture conventionnelle, selon lesquels il aurait dit qu'il était têtu et borné et ne voulait plus d'elle dans l'agence, contestés et en tout état de cause isolés de l'ensemble d'une conversation non rapportée en son entier,

-l'employeur l'a sommée de reprendre le travail, cependant ce courrier du 11 juillet 2016 par lequel il l'a informée en même temps de son refus des indemnités de rupture sollicitées n'est que la conséquence de l'échec de la rupture conventionnelle, et ne saurait s'analyser en une pression anormale de l'employeur,

-les éléments médicaux produits par Mme [H] ne permettent pas de les relier aux agissements de harcèlement moral allégués,

-M. [O] lui a refusé une semaine de vacances en août 2016, qu'il a accordée à sa collègue ; elle produit des échanges de mail, du 19 et 20 mai 2016, dans lesquels elle accuse M. [O] d'avoir volontairement refusé sa demande, en réponse au litige concernant la rupture conventionnelle, alors que ce dernier explique que sa collègue a tout simplement posé sa demande un mois avant elle ; ce fait unique est matériellement établi.

Il résulte de ces développements qu'excepté le refus de validation d'une semaine de vacances en août 2016, tous les autres agissements dénoncés par la salariée n'étaient pas établis.

L'unique refus de validation d'une semaine de vacances ne permet pas de caractériser des agissements répétés de harcèlement, d'autant : - que M. [O] fait observer à Mme [H], qui affirme avoir fait une réservation d'une semaine en août depuis novembre 2015, que c'était un peu léger, sans avoir préalablement demandé un accord écrit pour valider ses dates, -que l'année précédente Mme [H] avait présenté sa demande de congés d'été en avril, ce qui correspond à la période à laquelle il est indiqué que l'autre salariée a posé sa demande pour 2016, -que la demande de congés de Mme [H] a été partiellement acceptée, du 14 juillet au 1 er août 2016.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a écarté le harcèlement moral invoqué, et a débouté Mme [H] de ses demandes fondées sur un licenciement nul en raison d'un harcèlement subi.

***

Mme [H] invoque les mêmes éléments au titre du manquement à l'obligation de sécurité, mais ces faits, non établis, ou le rejet, ponctuel, d'une demande relative à une date de congés, ne sauraient caractériser le manquement allégué.

Elle invoque également une surcharge de travail, qui a conduit selon elle à un arrêt maladie en avril 2016, cependant il ressort de sa propre correspondance, du14 avril 2016 précitée, que cet arrêt était dû à une laringo-tracheo-bronchite et conjonctivite ; elle n'avait jamais alerté antérieurement sur une surcharge de travail, alors que son temps de travail est quantifié dans sa fiche de poste, et elle n'a plus repris le travail après cet arrêt, sa présence dans l'entreprise se résumant à la période du 10 au 20 mai 2016.

Aucun élément factuel susceptible d'engager la responsabilité de l'employeur du fait de l'une de ses obligations en matière de sécurité et l'obligeant à justifier qu'il n'a commis aucun manquement n'est donc établi, encore moins que l'inaptitude de Mme [H] serait imputable à un tel manquement, de sorte que ce moyen, invoqué au soutien de la contestation du licenciement, doit être rejeté.

***

Enfin, elle soutient que c'est à tort que le conseil a retenu que l'employeur n'avait pas failli à son obligation de reclassement, et elle fait valoir qu'il n'a pas interrogé toutes les sociétés du groupe.

Cependant, aucun reclassement en interne n'était compatible avec l'avis du médecin du travail, compte tenu de la structure de l'entreprise qui ne comptait que deux salariées ; le groupe de reclassement n'est constitué que de trois autres sociétés, dont les registres d'entrée et de sortie sont produits par l'employeur, et révèlent qu'il n'y avait pas de poste disponible, confirmant ainsi les attestations de MM. [F] et [D], dirigeants de ces sociétés, qui précisent avoir été consultés sur une recherche de reclassement, qui a été vaine du fait de l'absence de poste disponible. Il n'est donc pas caractérisé de manquement de l'employeur à une recherche sérieuse et loyale de reclassement.

Le conseil doit par conséquent être confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [H] était fondé sur une cause réelle et sérieuse, et en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes subséquentes à la contestation de la rupture.

La situation respective des parties ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile, que ce soit en cause d'appel ou pour la procédure de première instance.

Mme [H], qui succombe, doit être condamnée aux dépens d'appel, comme à ceux de première instance.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris,

Y AJOUTANT,

DEBOUTE Mme [U] [J] de l'ensemble de ses demandes, comprenant la demande au titre des frais irrépétibles d'appel,

DEBOUTE la SARL BMD Assurances de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [U] [J] aux dépens d'appel.

Le Greffier Le Conseiller

Pour le Président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 18/06767
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;18.06767 ?
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