La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2022 | FRANCE | N°22/00339

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 08 juin 2022, 22/00339


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 147/22

N° N° RG 22/00339 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S2DR



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E



article L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique



Ordonnance statuant sur les recours en matière d'isolement et de contention mis en oeuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement



Nous, Hélène CADIET, Conseillère à la cour d'appel de RENNES, délégué(é) par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés

sur les articles L 3222-5-1 du code de la santé publique, assisté de, Morgane LIZEE, greffière,



Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 147/22

N° N° RG 22/00339 - N° Portalis DBVL-V-B7G-S2DR

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique

Ordonnance statuant sur les recours en matière d'isolement et de contention mis en oeuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement

Nous, Hélène CADIET, Conseillère à la cour d'appel de RENNES, délégué(é) par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L 3222-5-1 du code de la santé publique, assisté de, Morgane LIZEE, greffière,

Vu l'ordonnance du Juge des libertés et de la détention de RENNES rendue le 07 Juin 2022, notifiée le même jour à Madame [B] [Y] et au Centre Hospitalier [1] , ordonnant la main levée de la mesure d'isolement de :

Madame [B] [Y]

né le 23 Septembre 1985 à [Localité 2]

de nationalité Française

Actuellement hospitalisé au Centre hospitalier de [1]

Ayant pour conseil Maître Emilie BELLENGER, avocat au barreau de RENNES

Vu la déclaration d'appel formée par le Centre Hospitalier [1] contre cette ordonnance et transmise au greffe de la cour d'appel 07 Juin 2022 à 16H57

Vu les articles L 3222-5-1 et suivants du code de la santé publique,

Vu les observations sollicitées et recueillies sur le recours formé ;

Vu le dossier de la procédure ;

****

Madame [B] [Y] a été hospitalisée le 17 mai 2022 au Centre Hospitalier [1] à la demande d'un tiers son père sous le régime de l'hospitalisation complète.

Elle a fait l'objet d'une mesure d'isolement le 30 mai 2022 à 10 h 59 mn.

Par ordonnance du 3 juin 2022, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes a autorisé le maintien de la mesure d'isolement.

Par requête du 6 juin 2022 le Directeur du Centre Hospitalier [1] a saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes afin qu'il soit statué sur une nouvelle mesure d'isolement.

Par ordonnance du 7 juin 2022, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes a ordonné la mainlevée de la mesure d'isolement en soulevant d'office le moyen tiré du défaut de production de la dernière ordonnance du juge des libertés de maintien de la mesure.

Par déclaration du 7 juin 2022 à 16 heures 57, le Directeur du Centre Hospitalier [1] a relevé appel de cette ordonnance ; il demande d'infirmer l'ordonnance et d'ordonner le maintien de la mesure d'isolement.

Il soutient que la dernière ordonnance du juge des libertés du 3 juin 2022 n'est pas visée dans les dispositions de l'article L3211-3-1 et R 3211-12 du Code de la Santé Publique et qu'elle n'est pas une pièce nécessaire au visa de ces articles car elle ne peut être assimilée aux précédentes décisions d'isolement ou de contention qui sont des décisions médicales visées au texte, ajoutant que l'ordonnance du juge des libertés ne constitue pas un élément de nature à éclairer le juge puisqu'il en est l'auteur.

Madame [Y], le Centre Hospitalier [1] et Monsieur le Procureur Général ont été avisés de l'heure limite pour présenter leurs observations fixée à 13 heures.

Le 8 juin à 9 heures 59, le Procureur Général a sollicité l'infirmation de l'ordonnance au

motif que les "éléments de nature à éclairer le juge" sont par nature propres à chaque procédure, et ne font pas partie des pièces obligatoires. Ils peuvent être fournis d'initiative par l'appelant, voire demandés par le juge dans le cadre d'une décision avant-dire droit, mais le juge ne peut fonder d'office sa décision sur leur absence : il doit statuer uniquement sur les pièces du dossier, en vérifiant la présence des pièces limitativement énumérées par l'article R3211-12 du CSP.'

Madame [Y] a formulé des observations par le biais de son conseil à 12 heures 30 demanadant la confirmation de l'ordonnance faisant valoir que la requête et les pièces versées par le centre hospitalier ne comportaient pas les précédentes décisions d'isolement, que la saisine du juge était tardive faute d'avoir été effectuée au moins 24 heures avant l'expiration du 7eme jour de la période et constater que le juge n'a pas été en mesure de statuer sur la régularité de la mesure d'isolement.

Le Centre Hospitalier [1] n'a formulé aucune observation en sus de son appel.

MOTIFS

L'appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.

L'article L3222-5-1 du Code de la Santé Publique dispose :

« I.-L'isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d'un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en 'uvre doit faire l'objet d'une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l'établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical.

La mesure d'isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l'état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au premier alinéa du présent I, dans la limite d'une durée totale de quarante-huit heures, et fait l'objet de deux évaluations par vingt-quatre heures.

La mesure de contention est prise dans le cadre d'une mesure d'isolement pour une durée maximale de six heures. Si l'état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée, dans les conditions et selon les modalités prévues au même premier alinéa, dans la limite d'une durée totale de vingt-quatre heures, et fait l'objet de deux évaluations par douze heures.

II. - A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues au I, les mesures d'isolement et de contention, dans le respect des conditions prévues au même I. Le directeur de l'établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention du renouvellement de ces mesures. Le juge des libertés et de la détention peut se saisir d'office pour y mettre fin. Le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Le directeur de l'établissement saisit le juge des libertés et de la détention avant l'expiration de la soixante-douzième heure d'isolement ou de la quarante-huitième heure de contention, si l'état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées.

Le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt-quatre heures à compter du terme des durées prévues au deuxième alinéa du présent II.

Si les conditions prévues au I ne sont plus réunies, il ordonne la mainlevée de la mesure. Dans ce cas, aucune nouvelle mesure ne peut être prise avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures à compter de la mainlevée de la mesure, sauf survenance d'éléments nouveaux dans la situation du patient qui rendent impossibles d'autres modalités de prise en charge permettant d'assurer sa sécurité ou celle d'autrui. Le directeur de l'établissement informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d'office pour mettre fin à la nouvelle mesure.

Si les conditions prévues au même I sont toujours réunies, le juge des libertés et de la détention autorise le maintien de la mesure d'isolement ou de contention. Dans ce cas, le médecin peut la renouveler dans les conditions prévues audit I et aux deux premiers alinéas du présent II. Toutefois, si le renouvellement d'une mesure d'isolement est encore nécessaire après deux décisions de maintien prises par le juge des libertés et de la détention, celui-ci est saisi au moins vingt-quatre heures avant l'expiration d'un délai de sept jours à compter de sa précédente décision et le médecin informe du renouvellement de ces mesures au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d'agir dans son intérêt dès lors qu'une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical. Le juge des libertés et de la détention statue avant l'expiration de ce délai de sept jours. Le cas échéant, il est à nouveau saisi au moins vingt-quatre heures avant l'expiration de chaque nouveau délai de sept jours et statue dans les mêmes conditions. Le médecin réitère l'information susmentionnée lors de chaque saisine du juge des libertés et de la détention.

Pour l'application des deux premiers alinéas du présent II, lorsqu'une mesure d'isolement ou de contention est prise moins de quarante-huit heures après qu'une précédente mesure d'isolement ou de contention a pris fin, sa durée s'ajoute à celle des mesures d'isolement ou de contention qui la précèdent.

Les mêmes deux premiers alinéas s'appliquent lorsque le médecin prend plusieurs mesures dont la durée cumulée sur une période de quinze jours atteint les durées prévues auxdits deux premiers alinéas.

Les mesures d'isolement et de contention peuvent également faire l'objet d'un contrôle par le juge des libertés et de la détention en application du IV de l'article L. 3211-12-1.

Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent II.

III.-Un registre est tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l'agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement en application du I de l'article L. 3222-1. Pour chaque mesure d'isolement ou de contention, ce registre mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, un identifiant du patient concerné ainsi que son âge, son mode d'hospitalisation, la date et l'heure de début de la mesure, sa durée et le nom des professionnels de santé l'ayant surveillée. Le registre, établi sous forme numérique, doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires.

L'établissement établit annuellement un rapport rendant compte des pratiques d'admission en chambre d'isolement et de contention, la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et l'évaluation de sa mise en 'uvre. Ce rapport est transmis pour avis à la commission des usagers prévue à l'article L. 1112-3 et au conseil de surveillance prévu à l'article L. 6143-1. »

Par ailleurs, l'article L3211-12 du même Code prévoit que le juge des libertés et de la détention dans le ressort duquel se situe l'établissement d'accueil peut être saisi aux fins de mainlevée d'une mesure d'isolement ou de contention prise en application de l'article L. 3222-5-1.

Sur les pièces nécessaires à la saisine du juge

L'article R3211-33-1 I du CSP prévoit :

« I.- Lorsque le directeur de l'établissement saisit le juge des libertés et de la détention, en application du II de l'article L. 3222-5-1, la requête est présentée dans les conditions prévues à l'article R. 3211-10.

Sont jointes à la requête les pièces mentionnées à l'article R. 3211-12 ainsi que les précédentes décisions d'isolement ou de contention prises à l'égard du patient et tout autre élément de nature à éclairer le juge. »

A la lecture de ce texte, les pièces listées à l'article R3211-12 sont les suivantes :

1° Quand l'admission en soins psychiatriques a été effectuée à la demande d'un tiers ou en cas de péril imminent, une copie de la décision d'admission motivée et, le cas échéant, une copie de la décision la plus récente ayant maintenu la mesure de soins, les nom, prénoms et adresse du tiers qui a demandé l'admission en soins ainsi qu'une copie de sa demande d'admission ;

2° Quand l'admission en soins psychiatriques a été ordonnée par le préfet, une copie de l'arrêté d'admission en soins psychiatriques et, le cas échéant, une copie de l'arrêté le plus récent ayant maintenu la mesure de soins ;

3° Quand l'admission en soins psychiatriques a été ordonnée par une juridiction, une copie de la décision et de l'expertise mentionnées à l'article 706-135 du code de procédure pénale ;

4° Une copie des certificats et avis médicaux prévus aux chapitres II à IV du titre Ier du livre II de la troisième partie de la partie législative du présent code, au vu desquels la mesure de soins a été décidée et de tout autre certificat ou avis médical utile, dont ceux sur lesquels se fonde la décision la plus récente de maintien des soins ;

5° Le cas échéant :

L'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 ;

L'avis d'un psychiatre ne participant pas à la prise en charge de la personne qui fait l'objet de soins, indiquant les motifs médicaux qui feraient obstacle à son audition.'

C'est après une exacte analyse des pièces qui lui étaient soumises et des motifs pertinents adoptés par la cour que le juge des libertés a considéré que la dernière ordonnance du 3 juin 2022 constitue une pièce devant être jointe au moment de la saisine du juge des libertés.

En effet , si la loi ne précise pas le contenu des pièces justificatives, ces pièces doivent comprendre les pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des libertés et de la détention des éléments de fait et de droit permettant d'apprécier la régularité de la procédure servant de fondement à la mesure d'isolement ou de contention.

Le juge doit pouvoir exercer pleinement son contrôle de la mesure à l'aune des précédentes mesures et statuer sur tous les moyens soulevés par les conseils des patients dans le respect du contradictoire.

L'article R3211-33-1 vise à permettre au Juge un contrôle in concreto de la mesure : la production imposée des décisions du juge des libertés permet de contrôler comme prévu par R3222-5-1 du code de la santé publique :

- la durée effective de la mesure d'isolement ou de contention, notamment si des décisions de mainlevée sont intervenues,

- si les renouvellements de la mesure ont été autorisés par le juge des libertés,

- de pouvoir opérer une purge des vices de procédure antérieurs à la dernière décision du juge.

P ar ailleurs si l'ordonnance litigieuse est une pièce de procédure connue du tribunal dans lequel le juge des libertés saisi officie, ce juge n'est pas le seul juge des libertés au sein du tribunal, et il ne lui appartient pas de rechercher ses précédentes décisions ou celles de ses collègues, sous peine de violer le principe du contradictoire.

De surcroît, l'article R 3211-33-1 du Code de la Santé Publique mentionne 'la communication de tout élément de nature à éclairer le juge' et tel est le cas d'une précédente décision autorisant la mesure d'isolement ; enfin, le texte de l'article R 3211-12 dispose que 'le juge peut solliciter la communication de tous éléments utiles' en sorte que la liste de l'article R 3211-12 n'est pas limitative.

En conséquence, les pièces médicales et de procédure, nécessaires au contrôle obligatoire de la mesure de soins contraints, doivent figurer au dossier au moment de la saisine du juge des libertés.

Il convient de confirmer l'ordonnnance querellée.

PAR CES MOTIFS,

DÉCLARONS l'appel recevable,

CONFIRMONS l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes du 7 juin 2022,

LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public.

Fait à Rennes, le 8 juin 2022 à 16 heures 30

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,

Hélène CADIET, Conseillère


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 22/00339
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;22.00339 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award