La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2022 | FRANCE | N°19/04984

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 08 juin 2022, 19/04984


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 19/04984 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P7CY













NGE FONDATIONS



C/



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA DORDOGNE

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉP

UBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 JUIN 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Mme Adeline TI...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 19/04984 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P7CY

NGE FONDATIONS

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA DORDOGNE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL, lors des débats, et Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Mars 2022

devant Madame Aurélie GUEROULT, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 07 Juin 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de RENNES - Pôle Social

****

APPELANTE :

LA Société [8] venant aux droits de la société [7], SAS incrite au RCS de LYON sous le numéro [N° SIREN/SIRET 3]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Morgane COURTOIS D'ARCOLLIERES de la SCP MICHEL LEDOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Alexandra NICOLAS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA DORDOGNE

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Mme Angélique DENOIZAY en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 30 septembre 2016, M. [M] [F], salarié en tant qu'ouvrier forage et fondations au sein de la société [7], aux droits de laquelle vient la société [8] (la société), a déclaré une maladie professionnelle pour une tendinopathie coiffe des rotateurs épaule droite et épaule gauche + douleurs musculo-tendineuses.

Le certificat médical initial, établi le jour même, fait état d'une tendinopathie coiffe des rotateurs épaule droite et gauche - à droite : ténosynovite long biceps - enthésopathie du sous scapulaire et supra épineux - à gauche : tendinopathie - enthésopathie supra épineux et subscapulaire (illisible) avec prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 14 octobre 2016.

La date de première constatation médicale de la maladie a été fixée au 8 avril 2016.

Après instruction et conformément à l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP), la caisse a notifié à la société le 19 septembre 2017 sa décision de prise en charge de la maladie déclarée par M. [F] au titre de la législation professionnelle.

Par lettre du 22 novembre 2017, la société a saisi la commission de recours amiable de la caisse (CRA), puis par requête du 22 février 2018 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rennes contre la décision de rejet implicite de la CRA, laquelle a ensuite par décision du 12 mars 2018 rejeté les demandes de la société.

Par jugement du 7 juin 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Rennes a :

- rejeté le recours de la société relatif aux délais d'instruction du dossier et au caractère définitif de la décision initiale de prise en charge de la maladie déclarée par M. [F] le 30 septembre 2016 ;

- ordonné la saisine d'un deuxième CRRMP et en l'espèce le CRRMP de Bretagne sur le lien de causalité direct entre la pathologie déclarée par M. [F] et son activité professionnelle ;

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens, la procédure ayant été introduite avant le 31 décembre 2018 ;

Par déclaration adressée le 12 juillet 2018, la société a interjeté appel du jugement, qui lui a été notifié le 24 juin 2019.

Par ses écritures parvenues au greffe le 25 octobre 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour, de :

- déclarer l'appel formé par la société recevable et bien fondé ;

- infirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

A titre principal :

- déclarer la décision de la caisse de reconnaître le caractère professionnel de l'affection de l'épaule gauche invoquée par M. [F], le 30 septembre 2016, inopposable à la société, la caisse n'ayant pas respecté le principe du contradictoire à son égard ;

A titre subsidiaire :

- recueillir l'avis d'un autre CRRMP, relativement au lien de causalité direct entre le travail habituel de M. [F] et sa pathologie ;

En tout état de cause :

- condamner la caisse aux entiers dépens ;

Par ses écritures parvenues au greffe le 7 juin 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- déclarer opposable à la société la décision de prise en charge au titre des risques professionnels de la maladie tendinopathie chronique de la coiffe des rotateurs de l'épaule gauche déclarée par M. [F] en date du 30 septembre 2016 ;

- à titre subsidiaire, désigner un CRRMP autre que celui de [Localité 6] pour avis sur le caractère professionnel de la maladie déclarée le 30 septembre 2016 par M. [F] ;

En tout état de cause, condamner la caisse aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société soutient que la caisse n'a pas respecté son obligation d'information et le principe du contradictoire ; qu'en effet par lettre du 8 mars 2017 la caisse l'a informée de la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier et de présenter des observations jusqu'au 28 mars 2017 préalablement à la transmission du dossier au CRRMP ; qu'à cette date l'instruction était toujours en cours, l'avis du médecin du travail n'ayant été établi que le 18 avril 2017 ; que la caisse doit impérativement mettre l'employeur en mesure de prendre connaissance du dossier constitué par la caisse et des points susceptibles de lui faire grief avant sa transmission pour qu'il puisse présenter ses observations et attendre l'issue de l'instruction avant d'informer l'employeur de la clôture ; que la caisse prétend que l'avis du médecin du travail ne fait pas partie des pièces composant le dossier soumis à la consultation de l'employeur alors que l'article D 461-29 du code de la sécurité sociale lui impose de recueillir pour la constitution de son dossier l'avis motivé du médecin du travail ainsi que le rapport établi par les services du contrôle médical ; que si ces avis ne peuvent être transmis que par l'intermédiaire d'un praticien désigné par la victime, le texte prévoit aussi que les conclusions administratives auxquelles ces documents ont pu aboutir sont communicables de plein droit à l'employeur et doivent donc figurer au dossier mis à disposition.

La caisse réplique que l'avis du médecin du travail ne fait pas partie des pièces composant le dossier soumis à la consultation de l'employeur, que selon l'article D 461-30 du code de la sécurité sociale, l'avis doit être fourni dans un délai maximal d'un mois mais en l'espèce il a été rendu le 18 avril 2017 et transmis au CRRMP ; que l'avis du médecin du travail n'est communicable que par l'intermédiaire d'un praticien et non par la caisse, qu'il est couvert par le secret médical et exclusivement détenu par le service médical et non par le service administratif ; que l'employeur n'est ni venu consulter les pièces ni n'a formulé de demande de copies de pièces, ni formulé d'observations pendant le délai ; que l'employeur aurait pu se rapprocher du CRRMP pour avoir connaissance de l'avis du médecin du travail.

Sur ce,

Selon l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, lorsqu'une ou plusieurs conditions de prise en charge d'une maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles ne sont pas remplies, la caisse primaire d'assurance maladie reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.

L'article R. 441-13 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable énonce que :

Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre :

1°) la déclaration d'accident et l'attestation de salaire ;

2°) les divers certificats médicaux ;

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ;

6°) éventuellement, le rapport de l'expert technique.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires.

Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire.

Pour transmission au CRRMP, il résulte de l'article D. 461-29 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 10 juin 2016 au 1er décembre 2019 applicable à l'espèce que le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre en outre :

« 1° Une demande motivée de reconnaissance signée par la victime ou ses ayants droit et un questionnaire rempli par un médecin choisi par la victime dont les modèles sont fixés par arrêté ;

2° Un avis motivé du médecin du travail de la ou des entreprises où la victime a été employée portant notamment sur la maladie et la réalité de l'exposition de celle-ci à un risque professionnel présent dans cette ou ces entreprises ;

3° Un rapport circonstancié du ou des employeurs de la victime décrivant notamment chaque poste de travail détenu par celle-ci depuis son entrée dans l'entreprise et permettant d'apprécier les conditions d'exposition de la victime à un risque professionnel;

4° Le cas échéant les conclusions des enquêtes conduites par les caisses compétentes, dans les conditions du présent livre ;

5° Le rapport établi par les services du contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie qui comporte, le cas échéant, le rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente de la victime.

Les pièces demandées par la caisse au deuxième et troisième paragraphes doivent être fournies dans un délai d'un mois.

La communication du dossier s'effectue dans les conditions définies à l'article R. 441-13 en ce qui concerne les pièces mentionnées aux 1°, 3° et 4° du présent article.

L'avis motivé du médecin du travail et le rapport établi par les services du contrôle médical mentionnés aux 2° et 5° du présent article ne sont communicables à la victime, ses ayants droit et son employeur que par l'intermédiaire d'un praticien désigné à cet effet par la victime ou, à défaut, par ses ayants droit. Ce praticien prend connaissance du contenu de ces documents et ne peut en faire état, avec l'accord de la victime ou, à défaut, de ses ayants droit, que dans le respect des règles de déontologie.

Seules les conclusions administratives auxquelles ces documents ont pu aboutir sont communicables de plein droit à la victime, ses ayants droit et son employeur.

La victime, ses ayants droit et son employeur peuvent déposer des observations qui sont annexées au dossier.

Dans les dossiers devant être soumis au CRRMP, le droit à l'information de l'employeur s'exerce avant la saisine dudit comité.

Par lettre recommandée du 8 mars 2017, reçue par la société le 10 mars 2017, la caisse a informé la société de la transmission du dossier au CRRMP dès lors que la condition relative à la liste limitative des travaux fixée par tableau n'était pas remplie, et de la possibilité avant toute transmission au CRRMP, de venir consulter les pièces du dossier et de formuler des observations jusqu'au 28 mars 2017. Cette notification précisait : Cependant, l'avis motivé du médecin du travail et le rapport établi par le service médical ne vous seront communicables que par l'intermédiaire d'un praticien désigné à cet effet par la victime (ou ses ayants droit). Ce praticien ne peut faire état du contenu de ces documents, avec l'accord de votre salarié ou de ses ayants droit, que dans le respect des règles de déontologie.

Le CRRMP a rendu son avis le 7 septembre 2017 sur la base du dossier qu'il a reçu le 30 mars 2017.

- la demande motivée de reconnaissance présentée par la victime ou les ayants droit,

- le certificat établi par le médecin traitant,

- l'avis motivé du ou des médecins du travail,

- le rapport circonstancié du ou des employeurs,

- le rapport du contrôle médical de l'organisme gestionnaire.

Le dossier est donc conforme aux prévisions des dispositions de l'article D.461-29 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable aux faits de la cause.

L'absence de l'avis du médecin du travail dans le dossier constitué par la caisse préalablement à sa transmission au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, ne justifie pas à elle seule l'inopposabilité de la décision de prise en charge subséquente.

En revanche, l'absence de cet élément peut justifier l'inopposabilité de la décision de la prise en charge à l'égard de la société dès lors qu'il n'est pas justifié d'une impossibilité de recueillir cet avis qui est un élément qui fait grief à l'employeur avant la clôture de l'instruction et l'invitation de la société à venir prendre connaissance du dossier tel que prévu par le texte précité.

( 2e Civ., 16 novembre 2004, pourvoi n° 03-30.391 et 2e Civ., 24 septembre 2020, pourvoi n° 19-17.553).

Au cas d'espèce, il est constant que l'avis motivé du médecin du travail n'a été transmis au comité que le 18 avril 2017.

La caisse ne rapporte par la preuve d'avoir interrogé le médecin du travail aux fins d'obtenir son avis avant la transmission du dossier au CRRMP, lequel par application de l'article D 461-30 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable à l'espèce doit être fourni dans le délai d'un mois.

Néanmoins, il est constant que la caisse a adressé à la société la lettre de clôture de l'instruction mentionnant la saisine prochaine d'un comité et la possibilité préalable de venir prendre connaissance des pièces du dossier par lettre du 8 mars 2017. A cette date le dossier n'était pas complet et l'ensemble des pièces prévues par le texte ne pouvait pas être mis à la disposition de l'employeur avant la saisine du comité.

Dès lors, la caisse qui était tenue de constituer le dossier dans les conditions de l'article D. 461-29 susvisé et en conséquence de vérifier le caractère complet du contenu de celui-ci, ne justifie pas de l'impossibilité matérielle d'obtenir l'avis du médecin du travail avant la clôture de son instruction. Il importe peu que la société n'ait pas exercé son droit de consultation, n'ait formulé aucune demande de copies de pièces du dossier ou encore formulé une observation pendant le délai de consultation ou après auprès du CRRMP.

Dans ces conditions, la caisse a violé ses obligations, de sorte que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle du salarié doit, par voie d'infirmation du jugement et sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens, être déclarée inopposable à la société sans qu'il soit nécessaire de saisir un second CRRMP.

Sur les dépens

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la caisse qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement dans toutes ses dispositions,

Statuant de nouveau :

DIT la décision de prise en charge de la maladie professionnelle déclarée par M.[F] le 30 septembre 2016, inopposable à la société [8] ;

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de Dordogne aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/04984
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;19.04984 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award