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08/06/2022 | FRANCE | N°19/02622

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 08 juin 2022, 19/02622


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 19/02622 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PWUH













CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SARTHE



C/



[5]

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÃ

‡AISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 JUIN 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Mme Adeline TIREL, lors des...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 19/02622 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PWUH

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SARTHE

C/

[5]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Mme Adeline TIREL, lors des débats, et Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Mars 2022

devant Madame Aurélie GUEROULT, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 28 Mars 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de NANTES - Pôle Social

****

APPELANTE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA SARTHE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Mme [M] [C] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE :

[5] SA, inscrite au RCS LE MANS sous le numéro B [N° SIREN/SIRET 2],

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par Me Guillaume BREDON, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Fanny RENOU, avocat au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 25 juillet 2016, la société [5] (la société) a déclaré un accident du travail concernant Mme [O] [G], salariée en tant qu'ouvrière de fabrication, en mentionnant les circonstances suivantes :

Date : 30 juin 2016Heure : 8h30

Activité de la victime lors de l'accident : elle soulevait une clayette de farce à tomate ;

Nature de l'accident : faux mouvement ;

Siège des lésions : dos ;

Nature des lésions : douleurs ;

Accident : connu le 4 juillet 2016 ;

Le certificat médical initial, établi le 1er juillet 2016, fait état d'une lombosciatique gauche avec prescription d'un arrêt de travail, prolongé jusqu'au 18 juillet 2016. Des soins sans arrêt de travail ont ensuite été prescrits jusqu'à un nouvel arrêt de travail à compter du 6 décembre 2016 jusqu'au 24 décembre 2016 avec reprise d'un travail léger à compter de cette date jusqu'à la consolidation avec séquelles le 30 septembre 2017.

Le 3 octobre 2017, la caisse a fixé le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de l'assurée à 10%.

Par lettre du 5 octobre 2017, la société a saisi le tribunal du contentieux de l'incapacité de Nantes, d'un recours à l'encontre du taux retenu par la caisse.

Par jugement du 28 mars 2019, ce tribunal devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes, devenu compétent, a :

- déclaré recevable en la forme le recours de la société ;

- infirmé la décision de la caisse ;

- dit que les séquelles présentées par Mme [G], à la date du 30 septembre 2017, ont été surévaluées et que le taux d'IPP doit être fixé à 5% à l'égard de la société ;

- condamné la caisse aux dépens de l'instance ;

Par déclaration adressée le 15 avril 2019, la caisse a interjeté appel du jugement qui lui a été notifié le 4 avril 2019.

Par ses écritures parvenues au greffe le 18 mars 2021, auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour de :

A titre principal :

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Nantes du 28 mars 2019 et dire que le taux opposable à la société pour l'indemnisation des séquelles de l'accident du travail de Mme [G] du 30 juin 2016 doit être fixé à 10% ;

- débouter la société de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire :

- ordonner avant dire droit une mesure d'instruction confiée à un expert ou un consultant pour avis sur l'évaluation des séquelles résultant de l'accident du travail du 30 juin 2016 consolidé au 30 septembre 2017.

Par ses écritures parvenues au greffe le 25 mars 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour de:

A titre principal, sur la réduction du taux d'IPP :

- constater l'existence d'un état pathologique antérieur avéré et interférent ;

- juger que le taux de 10% a dès lors été surévalué ;

- ainsi, confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Nantes et juger que les séquelles résultant de l'affection de Mme [G] du 30 juin 2016 justifient l'attribution d'un taux d'IPP de 5% maximum ;

A titre subsidiaire :

- ordonner la mise en oeuvre d'une consultation sur pièces, ou à défaut une expertise médicale judiciaire, aux fins de :

*décrire, à la date de consolidation, les séquelles résultant du sinistre de Mme [G] du 30 juin 2016, en dehors de tout état antérieur ou indépendant et enjoindre à la caisse de communiquer l'entier rapport d'IPP de Mme [G] ;

* déterminer le taux d'IPP qui en découle ;

* préciser qu'afin de respecter le principe du contradictoire, le docteur [X] [P], médecin conseil de la société, devra être convoqué pour participer à ces opérations d'expertise et enjoindre au consultant ou à l'expert de transmettre son rapport audit médecin mandaté par l'employeur ;

- mettre les frais de consultation ou d'expertise à la charge de la caisse ;

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La caisse soutient que le taux fixé par la caisse à 10% est dans la moyenne de la fourchette fixée par le barème, que le médecin consultant a considéré que les séquelles étaient dues pour partie à un état antérieur de l'assurée, qualifié d'état précaire et fragile du fait de son obésité, laquelle n'est pas très importante ; que le médecin conseil n'a pas considéré à raison qu'il s'agissait d'un état antérieur justifiant une minoration du taux ; que le médecin consultant a supposé un état antérieur du seul fait d'une consolidation plus d'un an après l'accident alors que l'assurée a repris le travail avec une poursuite de soins, puis a de nouveau été en arrêt de travail à compter du 6 décembre 2016 mais a fait ensuite l'objet de prescriptions de travail à temps partiel à compter du 24 décembre 2016 jusqu'à sa date de consolidation. Elle souligne que l'appréciation du médecin consultant ne repose sur aucun fondement médical avéré tandis que le médecin conseil a exposé les éléments justifiant son évaluation.

La société réplique qu'il existe un état antérieur important et avéré, lequel ne figure pas au rapport médical d'évaluation du taux d'IPP ; que Mme [G] a déclaré un accident du travail le 13 mars 2012 avec un arrêt de travail de 376 jours, le CMI mentionnant des rachialgies diffuses après chute sur le dos et prescrivant des soins sans arrêt de travail ; qu'une expertise a établi l'existence d'une scoliose dorso-lombaire, des lésions arthrosiques du rachis cervical et dorsal et une obésité avait été relevée. Elle ajoute que le médecin conseil a pris en compte dans l'évaluation du taux d'IPP un compte rendu d'IRM présentant exactement la même image que celle mentionnée sur le certificat médical du 25 août 2012 ; que seules les séquelles en lien direct, unique et certain avec l'accident du travail du 30 juin 2016 doivent être prises en compte dans l'évaluation du taux d'IPP mais que le médecin conseil a pris en compte des lésions préexistantes au sinistre du 30 juin 2016; qu'en tout état de cause le taux qu'elle a retenu est surévalué.

Sur ce,

L'article L 434-2 alinéa 1er du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur depuis le 23 décembre 2015 applicable à l'espèce dispose que :

Le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.

(...)

L'appréciation du taux d'incapacité permanente partielle relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.

L'article R.434-32 du code de la sécurité sociale dispose notamment que :

Au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit.

Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au présent livre. Lorsque ce dernier barème ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.

(...)

Le barème indicatif d'invalidité pour les accidents du travail applicable au litige précise au chapitre préliminaire :

I - PRINCIPES GENERAUX.

L'article L. 434-2 du Code de la Sécurité sociale dispose, dans son 1er alinéa, que le taux de l'incapacité permanente est déterminé compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité. Le présent barème répond donc à la volonté du législateur. Il ne peut avoir qu'un caractère indicatif. Les taux d'incapacité proposés sont des taux moyens, et le médecin chargé de l'évaluation garde, lorsqu'il se trouve devant un cas dont le caractère lui paraît particulier, l'entière liberté de s'écarter des chiffres du barème ; il doit alors exposer clairement les raisons qui l'y ont conduit.

Le présent barème indicatif a pour but de fournir les bases d'estimation du préjudice consécutif aux séquelles des accidents du travail et, éventuellement, des maladies professionnelles dans le cadre de l'article L.434-2 applicable aux salariés du régime général et du régime agricole. Il ne saurait se référer en aucune manière aux règles d'évaluation suivies par les tribunaux dans l'appréciation des dommages au titre du droit commun.

L'article précité dispose que l'incapacité permanente est déterminée d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime, ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle.

Les quatre premiers éléments de l'appréciation concernent donc l'état du sujet considéré, du strict point de vue médical.

Le dernier élément concernant les aptitudes et la qualification professionnelle est un élément médico-social ; il appartient au médecin chargé de l'évaluation, lorsque les séquelles de l'accident ou de la maladie professionnelle lui paraissent devoir entraîner une modification dans la situation professionnelle de l'intéressé, ou un changement d'emploi, de bien mettre en relief ce point susceptible d'influer sur l'estimation globale.

Les éléments dont le médecin doit tenir compte, avant de proposer le taux médical d'incapacité permanente, sont donc :

1° La nature de l'infirmité. Cet élément doit être considéré comme la donnée de base d'où l'on partira, en y apportant les correctifs, en plus ou en moins, résultant des autres éléments. Cette première donnée représente l'atteinte physique ou mentale de la victime, la diminution de validité qui résulte de la perte ou de l'altération des organes ou des fonctions du corps humain. Le présent barème doit servir à cette évaluation.

2° L'état général. Il s'agit là d'une notion classique qui fait entrer en jeu un certain nombre de facteurs permettant d'estimer l'état de santé du sujet. Il appartient au médecin chargé de l'évaluation d'adapter en fonction de l'état général, le taux résultant de la nature de l'infirmité. Dans ce cas, il en exprimera clairement les raisons.

L'estimation de l'état général n'inclut pas les infirmités antérieures - qu'elles résultent d'accident ou de maladie - ; il en sera tenu compte lors de la fixation du taux médical.

3° L'âge. Cet élément, qui souvent peut rejoindre le précédent, doit être pris en considération sans se référer exclusivement à l'indication tirée de l'état civil, mais en fonction de l'âge organique de l'intéressé. Il convient ici de distinguer les conséquences de l'involution physiologique, de celles résultant d'un état pathologique individualisé. Ces dernières conséquences relèvent de l'état antérieur et doivent être estimées dans le cadre de celui-ci.

On peut ainsi être amené à majorer le taux théorique affecté à l'infirmité, en raison des obstacles que les conséquences de l'âge apportent à la réadaptation et au reclassement professionnel.

4° Facultés physiques et mentales. Il devra être tenu compte des possibilités de l'individu et de l'incidence que peuvent avoir sur elles les séquelles constatées. Les chiffres proposés l'étant pour un sujet normal, il y a lieu de majorer le taux moyen du barème, si l'état physique ou mental de l'intéressé paraît devoir être affecté plus fortement par les séquelles que celui d'un individu normal.

5° Aptitudes et qualification professionnelles. La notion de qualification professionnelle se rapporte aux possibilités d'exercice d'une profession déterminée. Quant aux aptitudes, il s'agit là des facultés que peut avoir une victime d'accident du travail ou de maladie professionnelle de se reclasser ou de réapprendre un métier compatible avec son état de santé.

Lorsqu'un accident du travail ou une maladie professionnelle paraît avoir des répercussions particulières sur la pratique du métier, et, à plus forte raison, lorsque l'assuré ne paraît pas en mesure de reprendre son activité professionnelle antérieure, le médecin conseil peut demander, en accord avec l'intéressé, des renseignements complémentaires au médecin du travail. La possibilité pour l'assuré de continuer à occuper son poste de travail - au besoin en se réadaptant - ou au contraire, l'obligation d'un changement d'emploi ou de profession et les facultés que peut avoir la victime de se reclasser ou de réapprendre un métier, devront être précisées en particulier du fait de dispositions de la réglementation, comme celles concernant l'aptitude médicale aux divers permis de conduire.

II - MODE DE CALCUL DU TAUX MEDICAL.

Il faut d'abord rappeler que les séquelles d'un accident du travail ne sont pas toujours en rapport avec l'importance de la lésion initiale : des lésions, minimes au départ, peuvent laisser des séquelles considérables, et, à l'inverse, des lésions graves peuvent ne laisser que des séquelles minimes ou même aboutir à la guérison.

" La consolidation " est le moment où, à la suite de l'état transitoire que constitue la période des soins, la lésion se fixe et prend un caractère permanent sinon définitif, tel qu'un traitement n'est plus en principe nécessaire, si ce n'est pour éviter une aggravation, et qu'il est possible d'apprécier un certain degré d'incapacité permanente consécutive à l'accident, sous réserve de rechutes et de révisions possibles.

La consolidation ne coïncide pas nécessairement avec la reprise d'une activité professionnelle. Dans certains cas, les séquelles peuvent être suffisamment importantes pour empêcher celle-ci, et dans d'autres, le travail peut être repris avec poursuite de soins, pendant un temps plus ou moins long, en attendant que la séquelle prenne ce caractère permanent, qui justifie la consolidation, à condition que la valeur du préjudice en résultant soit définitive.

L'article L. 433-1 du Code la Sécurité sociale autorise le maintien de l'indemnité journalière en tout ou partie, en cas de reprise d'un travail "léger" susceptible de favoriser la consolidation (ou la guérison) de la blessure.

La guérison, à l'inverse, ne laisse subsister aucune séquelle fonctionnelle, donc aucune incapacité permanente. Le médecin chargé de l'évaluation ne peut donc pas proposer de taux médical, car il se trouve devant un état de guérison. On peut cependant envisager qu'une maladie d'origine professionnelle oblige à un changement de profession, sans lequel la guérison ne serait pas possible, et qu'alors le préjudice résultant de l'inaptitude entraînée par la maladie en cause, soit réparé.

Dans ce cas, il appartient au médecin chargé de l'évaluation de bien mettre en évidence dans ses conclusions la nécessité d'un changement d'emploi.

1. Séquelles résultant de lésions isolées.

Ces séquelles seront appréciées en partant du taux moyen proposé par le barème, éventuellement modifié par des estimations en plus ou en moins résultant de l'état général, de l'âge, ainsi que des facultés physiques et mentales, comme il a été exposé ci-dessus.

(...)

3. Infirmités antérieures.

L'estimation médicale de l'incapacité doit faire la part de ce qui revient à l'état antérieur, et de ce qui revient à l'accident. Les séquelles rattachables à ce dernier sont seules en principe indemnisables. Mais il peut se produire des actions réciproques qui doivent faire l'objet d'une estimation particulière.

a. Il peut arriver qu'un état pathologique antérieur absolument muet soit révélé à l'occasion de l'accident de travail ou de la maladie professionnelle mais qu'il ne soit pas aggravé par les séquelles. Il n'y a aucune raison d'en tenir compte dans l'estimation du taux d'incapacité.

b. L'accident ou la maladie professionnelle peut révéler un état pathologique antérieur et l'aggraver. Il convient alors d'indemniser totalement l'aggravation résultant du traumatisme.

c. Un état pathologique antérieur connu avant l'accident se trouve aggravé par celui-ci. Etant donné que cet état était connu, il est possible d'en faire l'estimation. L'aggravation indemnisable résultant de l'accident ou de la maladie professionnelle sera évaluée en fonction des séquelles présentées qui peuvent être beaucoup plus importantes que celles survenant chez un sujet sain. Un équilibre physiologique précaire, compatible avec une activité donnée, peut se trouver détruit par l'accident ou la maladie professionnelle.

Dans certains cas où la lésion atteint le membre ou l'organe, homologue au membre ou à l'organe lésé ou détruit antérieurement, l'incapacité est en général supérieure à celle d'un sujet ayant un membre ou un organe opposé sain, sans état antérieur. A l'extrême, il peut y avoir perte totale de la capacité de travail de l'intéressé : c'est le cas, par exemple, du borgne qui perd son deuxième oeil, et du manchot qui sera privé du bras restant.

Afin d'évaluer équitablement l'incapacité permanente dont reste atteinte la victime présentant un état pathologique antérieur, le médecin devra se poser trois questions :

1° L'accident a-t-il été sans influence sur l'état antérieur '

2° Les conséquences de l'accident sont-elles plus graves du fait de l'état antérieur '

3° L'accident a-t-il aggravé l'état antérieur '

Pour le calcul de cette incapacité finale, il n'y a pas lieu, d'une manière générale, de faire application de la formule de Gabrielli. Toutefois, la formule peut être, dans certains cas, un moyen commode de déterminer le taux d'incapacité et l'expert pourra l'utiliser si elle lui paraît constituer le moyen d'appréciation le plus fiable.

Le barème prévoit par ailleurs les dispositions suivantes :

3.2 RACHIS DORSO-LOMBAIRE.

Si le rachis dorsal est un segment pratiquement rigide et participant peu aux mouvements, la pathologie traumatique du rachis lombaire est fréquente.

Aussi, est-il indispensable de tenir compte des données rhumatologiques les plus récentes de la pathologie discale et non discale lombaire.

Pour éviter les interprétations erronées basées sur une fausse conception de l'image radiologique, il faut définir avec soin les données objectives de l'examen clinique et, notamment, différencier les constatations faites selon qu'elles l'ont été au repos ou après un effort.

L'état antérieur (arthroses lombaires ou toute autre anomalie radiologique que l'accident révèle et qui n'ont jamais été traitées antérieurement), ne doit en aucune façon être retenu dans la genèse des troubles découlant de l'accident.

Normalement, la flexion à laquelle participent les vertèbres dorsales et surtout lombaires est d'environ 60°. L'hyperextension est d'environ 30°, et les inclinaisons latérales de 70°. Les rotations atteignent 30° de chaque côté.

C'est l'observation de la flexion qui donne les meilleurs renseignements sur la raideur lombaire. La mesure de la distance doigts-sol ne donne qu'une appréciation relative, les coxo-fémorales intervenant dans les mouvements vers le bas. L'appréciation de la raideur peut se faire par d'autres moyens, le test de Schober-Lasserre peut être utile. Deux points distants de 15 cm (le point inférieur correspondant à l'épineuse de L 5), s'écartent jusqu'à 20 dans la flexion antérieure. Toute réduction de cette différence au-dessous de 5 cm atteste une raideur lombaire réelle.

Persistance de douleurs notamment et gêne fonctionnelle (qu'il y ait ou non séquelles de fracture) :

- Discrètes 5 à 15

- Importantes 15 à 25

- Très importantes séquelles fonctionnelles et anatomiques 25 à 40

A ces taux s'ajouteront éventuellement les taux estimés pour les séquelles nerveuses coexistantes.

Anomalies congénitales ou acquises : lombosciatiques.

Notamment : hernie discale, spondylolisthésis, etc. opérées ou non. L'I.P.P. sera calculée selon les perturbations fonctionnelles constatées.

Le 3 octobre 2017, la caisse a fixé le taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de l'assurée à 10% à la date de consolidation des séquelles au 30 septembre 2017 au vu des conclusions médicales suivantes de son médecin conseil : sciatalgie gauche récurrente sur hernie discale post traumatique non compressive et non limitation douloureuse scapulaire droite épaule dominante comme l'indique à tort la caisse aux termes de ses écritures.

Le médecin de recours de la société, le docteur [P] indique dans une note du 6 février 2019 que :

Il est impératif que l'ensemble des éléments médicaux sur lesquels s'est fondé le médecin-conseil pour fixer le taux d'IP soit transcrit dans le rapport. C'est à cette seule condition qu'il est possible de se déterminer quant à l'imputabilité au fait accidentel visé ou à la pathologie caractérisée telle qu'exigée par le tableau de maladie professionnelle visé, d'un état clinique décrit comme étant séquellaire par le médecin-conseil. C'est ce qui définit le concept d'imputabilité séquellaire.

Au paragraphe «AT ou MP antérieurs »le médecin-conseil indique :

« aucun»

Au paragraphe «état antérieur éventuel interférént», le médecin-conseil indique : «aucun»

Le conseil de l'entreprise nous a transmis des arrêts de travail rédigés sur Cerfa AT relatifs à un accident du travail du 13/03/2012 ayant entraîné des phénomènes douloureux lombaires chez une femme de 47 ans.

L'arrêt de travail du 25/08/2012 mentionne une sciatalgie L5 gauche sur protrusion discale L4 L5 gauche soit la même image dont il est fait état sur le compte rendu de l'I.R.M. du 19/09/2016 transcrit dans le rapport IP concernant l'accident du travail du 30/06/2016.

Dès lors, il n'est pas recevable de retenir le caractère contemporain de la hernie discale à l'AT du 30/06/2016 qui, si elle peut être qualifiée de post-traumatique, existe antérieurement à l'accident du 30/06/2016.

L'examen clinique du médecin-conseil est cohérent avec des lésions dégénératives étagées du rachis lombaire chez une femme en net surpoids. Il convient de rappeler que l'état clinique décrit par le médecin-conseil ne doit pas être confondu avec une symptomatologie séquellaire en relation directe et certaine avec l'événement objet du rapport.

Si l'état clinique de l'assurée évolue, comme l'écrit le médecin-conseil, vers un déconditionnement complet du rachis prenant le rachis cervical et dorsal et lombaire, il est uniquement possible de retenir une gêne fonctionnelle douloureuse séquellaire participant au tableau clinique global et justifiant un taux d'incapacité permanente de 5 %.

Le pôle social du tribunal fait état de l'avis du docteur [H], médecin expert désigné pour consultation, qui a examiné le dossier médical de l'assuré sur pièces, dans les termes suivants :

Mme [G] a fait un faux mouvement le 30 juin 2016 entraînant une prise en charge en accident du travail. Il ressort de l'examen clinique de consolidation qu'elle conserve une persistance de la gêne fonctionnelle chronique. Cette séquelle ne peut être exclusivement liée à l'accident du travail de 2016 du fait que selon le docteur [H], dans 90 % des cas, la gêne se résorbe en quelques semaines ; or Mme [G] a réalisé son examen de consolidation plus d'un an après l'accident. Ainsi l'état antérieur ne peut qu' être considéré comme interférent. Le docteur [H] estime que les séquelles de douleurs lombaires constatées à la consolidation proviennent d'une décompensation sur un état précaire et fragile du fait de l'obésité de Mme [G]. Le docteur [H] conclut en précisant que compte tenu du barème en vigueur et de l'état antérieur de l'assurée un taux d'IPP de 5 % serait plus justifié.

Il est de principe que le taux d'IPP doit être fixé en fonction de l'état séquellaire au jour de la consolidation de l'état de la victime et qu'il n'est possible d'indemniser un état pathologique antérieur au titre d'un accident du travail que si celui-ci l'a aggravé.

Il résulte de la note du médecin de recours qu'il existe un état pathologique antérieur différent de celui évoqué par la caisse qui résulterait simplement d'une obésité de l'assurée, telle qu'évoquée par le médecin consultant dès lors qu'est mentionnée par le premier une sciatalgie L5 gauche sur protrusion discale L4 L5 gauche.

Il y a lieu de relever que devant le tribunal la caisse avait indiqué que lors de la consolidation le 30 septembre 2014 de l'accident du travail de 2012, l'assurée ne présentait aucune séquelle indemnisable.

La société produit un rapport d'expertise judiciaire réalisée le 18 mai 2015 par le docteur [R] qui indique que le certificat médical de consolidation le 5 septembre 2014 mentionne Lombalgies basses. Consolidation avec séquelles en date du 30.09.2014. Reprise du travail le 01.10.2014.

Cet expert mandaté pour dire si les arrêts de travail prescrits du jour de l'accident du 14 mars 2012 au 30 septembre 2014 étaient en relation avec l'accident ou s'il résultaient notamment d'un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte, concluait de la façon suivante : Les arrêts de travail à dater du 11 juillet 2012 prolongés jusqu'au 12 décembre 2012 ne sont en aucun cas imputables de façon exclusive à l'accident du travail du 13.03.2012 autant par l'état antérieur cité précédemment que le terrain de l'obésité et le peu d'intensité de l'accident du travail. Ces arrêts de travail sont en grande partie reliés par une protrusion discale, chose qui n'apparaît qu'exceptionnellement lors de traumatismes, celui-ci devant être d'une grande violence comme le montre la littérature. Les arrêts de travail à plein temps du 11.03.2013 jusqu'au 28.11.2013 ainsi que les reprises à mi-temps du 18.11.2012 au 24.01.2014 ne sont en aucun cas imputables à l'accident du 13.03.2012 pour les mêmes raisons. La date de consolidation de l'accident du 13.03.2012 est fixée au 31.08.2012.

La caisse avait précisé en première instance que le tribunal avait débouté la société de toutes ses demandes lors de l'accident du travail de 2012.

Quoiqu'il en soit il résulte de ces différents avis que l'accident du travail du 30 juin 2016 a aggravé un état antérieur existant, de sorte qu'il doit en être tenu compte dans l'évaluation du taux d'IPP à la date de consolidation ce qui justifie d'écarter l'avis du médecin consultant qui a considéré que l'état antérieur commandait de réduire le taux d'IPP fixé. La caisse a en effet fixé le taux en conformité avec le barème indicatif qui prévoit pour une persistance de douleurs notamment et gêne fonctionnelle (qu'il y ait ou non séquelles de fracture) discrètes un taux d'IPP compris entre 5 à 15 % alors qu'elle précise que le médecin conseil a relevé une marche avec boiterie , un accroupissement partiel, une douleur lombaire outre contracture à la palpation, qu'il a noté une inclinaison limitée de plus de la moitié, des rotations nulles, ce qui n'est pas contesté.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement et de dire que le taux opposable à la société pour l'indemnisation des séquelles de l'accident du travail de Mme [G] du 30 juin 2016 doit être fixé à 10% , sans qu'il y ait lieu de recourir à l'expertise médicale sollicitée par les parties à titre subsidiaire en l'absence de difficulté d'ordre médical portant sur l'identification des séquelles à indemniser.

Sur les dépens

L'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable en la forme le recours de la société,

Statuant de nouveau :

Dit que le taux opposable à la société [5] pour l'indemnisation des séquelles de l'accident du travail de Mme [G] du 30 juin 2016 est de 10% ;

Rejette la demande d'expertise ;

Condamne la société [5] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/02622
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;19.02622 ?
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