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08/06/2022 | FRANCE | N°19/02081

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 08 juin 2022, 19/02081


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 19/02081 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PUVB













CPAM DE L'ORNE



C/



[11]

[B] [W]































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEU

PLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 JUIN 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Madame Adeline TIREL, lors des débats, et Monsieur Ph...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 19/02081 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PUVB

CPAM DE L'ORNE

C/

[11]

[B] [W]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aurélie GUEROULT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Adeline TIREL, lors des débats, et Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 22 Mars 2022

devant Madame Aurélie GUEROULT, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 28 Février 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de NANTES - Pôle Social

****

APPELANTE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ORNE

[Adresse 5]

[Localité 8]

représentée par Mme [K] [Z] en vertu d'un pouvoir spécial

INTIMÉE :

LA SOCIÉTÉ [11], immatriculée au RCS de [Localité 13] sous le n°[N° SIREN/SIRET 10]

[Adresse 2]

[Localité 9]

représentée par Me Franck DREMAUX, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Philippe BODIN, avocat au barreau de RENNES

EN LA CAUSE :

Monsieur [B] [W]

Chez Monsieur [O] [G]

[Adresse 3]

[Localité 7]

comparant en personne

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 24 mai 2012, la société [11] (la société) a déclaré un accident du travail concernant M. [B] [W], salarié en tant qu'agent de production alors qu'il était en mission auprès de la société [14] à [Localité 12], en mentionnant les circonstances suivantes :

Date : 22 mai 2012 Heure : 9h30 ;

Circonstances détaillées de l'accident : en alimentant son poste de travail à l'aide d'une charrette, [B] [W] s'est cogné le genou contre la charrette lorsque celle-ci a heurté un châssis ;

Siège des lésions : membres inférieurs ;

Nature des lésions : inflammation genou gauche ;

Le certificat médical initial, établi le 22 mai 2012, fait état d'un traumatisme du genou gauche - genou bloqué avec prescription d'un arrêt de travail jusqu'au 28 mai 2012.

Le 1er juin 2012, la caisse a pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle.

Par lettre du 20 novembre 2013, la société a saisi la commission de recours amiable de la caisse (CRA), qui par décision du 12 février 2014, a rejeté ses demandes pour cause de forclusion.

Par lettre du 11 avril 2014, la société a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes, contestant la décision explicite de rejet rendue par la CRA.

Par jugement du 28 février 2019, le pôle social du tribunal de grande instance de Nantes a :

- reçu la société dans son recours ;

- ordonné une expertise médicale sur pièces et désigné pour y procéder le docteur [N] dont la mission est décrite dans le dispositif du jugement;

- dit qu'en cas d'empêchement de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du président de ce tribunal ;

- dit que l'expert déposera son rapport dans les quatre mois de sa saisine, au greffe du pôle social du tribunal, soit le 30 juin 2019 ;

- dit que l'expertise aura lieu aux frais avancés par la caisse ;

- dit que l'affaire sera rappelée à la première audience utile après dépôt du rapport ;

- réservé les dépens ;

Par déclaration adressée le 25 mars 2019, la caisse a interjeté appel limité du jugement qui lui avait été notifié le 13 mars 2019, en ce qu'il a déclaré irrégulière la notification de prise en charge de l'accident du 22 mai 2012, adressée à la société par la caisse le 1er juin 2012 et a de ce fait rejeté la forclusion.

Par ses écritures parvenues au greffe le 8 janvier 2021 auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- entériner le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes du 28 février 2019, en ce qu'il a déclaré que la matérialité des faits est établie, et que la caisse a respecté le principe du contradictoire ;

- constater que la notification de prise en charge de l'accident du 22 mai 2012, adressée à la société par la caisse le 1er juin 2012 est régulière ;

- constater que la société a saisi la commission de recours amiable le 20 novembre 2013 ;

En conséquence,

- déclarer que le recours formé par la société, qui a saisi la commission de recours amiable par courrier du 20 novembre 2013, est forclos ;

A l'audience, la société a déposé des conclusions et les a fait viser par le greffe.

Aux termes de celles-ci, la société demande à la cour de :

A titre liminaire,

- dire et juger que la caisse est irrecevable en son appel,

- en conséquence confirmer le jugement en ce qu'il a reçu la société en son recours, ordonné une expertise aux frais avancés de la caisse, puis dans le cadre du pouvoir d'évocation de la cour, fixer la date de consolidation au 29 mai 2012, déclarer inopposables à la société les arrêts de travail postérieurs au 29 mai 2012 ;

A titre principal,

- confirmer le jugement,

- juger qu'en toutes hypothèses la société est recevable à contester les lésions prises en charge postérieurement à la décision de prise en charge de l'accident déclaré par M. [W],

- confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné une expertise médicale, puis dans le cadre du pouvoir d'évocation de la cour, entériner le rapport d'expertise du docteur [N], expert judiciaire désigné par le pôle social du tribunal de grande instance de Nantes,

- fixer la date de consolidation au 29 mai 2012,

- déclarer inopposables à la société les arrêts de travail postérieurs au 29 mai 2012

Subsidiairement,

- renvoyer le dossier devant le pôle social du tribunal de grande instance de Nantes afin que celui-ci statue sur le rapport d'expertise établi par le docteur [N],

Très subsidiairement, ordonner une nouvelle expertise médicale avec la mission décrite à ses conclusions,

En toute hypothèse,

- mettre les frais d'expertise à la charge exclusive et définitive de la caisse,

- débouter la caisse de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

La caisse demande à la cour de rejeter ces conclusions pour violation du principe du contradictoire et expose que le dossier est prêt, que la société a reçu des injonctions, qu'elle n'a pu prendre connaissance des conclusions de la société.

Régulièrement convoqué à l'audience, M. [W] demande à la cour de condamner la partie succombante à lui payer la somme de 150 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur le rejet des conclusions de la société.

Les conclusions de la société ont été déposées à la cour le jour de l'audience et il n'est en outre pas justifié qu'elles auraient été communiquées antérieurement à la caisse dans un délai suffisant pour lui permettre d'y répondre.

Il apparaît qu'une injonction de conclure avant le 8 janvier 2021 pour la caisse et avant le 9 avril 2021 pour la société a été délivrée le 9 juillet 2020. La caisse a conclu le 8 janvier 2021, et une nouvelle injonction de conclure a été délivrée à la société et à M. [W] le 23 juillet 2021, date à laquelle les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 22 mars 2022.

L'article 446-2 du code de procédure civile dispose notamment que Le juge peut écarter des débats, les prétentions, moyens et pièces communiquées sans motif légitime après la date fixée pour les échanges en dont la tardiveté porte atteinte aux droits de la défense.

En l'espèce les conclusions déposées à l'audience par la société contenaient des moyens de fait et de droit. La caisse n'a de fait pas eu le temps de pouvoir en prendre connaissance avec attention et y répondre utilement, ce qui viole le principe du contradictoire, de sorte qu'elles sont rejetées des débats, conformément à la demande de la caisse.

Par ailleurs, en application de l'article 445 du code de procédure civile, il convient également d'écarter la lettre et les pièces adressées le 25 mars 2022 par la société, soit après la cloture des débats dès lors que la cour n'a sollicité aucune pièces ou écritures de celle-ci.

2- sur la forclusion

L'article R 142-1 du code de la sécurité sociale dans sa version en vigueur du 10 septembre 2012 au 1er janvier 2017 applicable en l'espèce dispose que:

Les réclamations relevant de l'article L. 142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme.

Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai.

(...)

Par lettre du 1er juin 2012, la caisse a notifié la décision de prise en charge à la société, de l'accident du travail de M. [W] par télécopie au numéro [XXXXXXXX01]. Ce numéro correspond à celui de la société à [Localité 12], ce qui résulte du site des pages jaunes produit par la caisse.

Figure sur le relevé de transmission la date, soit le 1er juin , l'heure soit 13 heures 30, la durée de transmission , soit 24 secondes, le nombre de pages, soit une, et le résultat de l'envoi, soit la mention OK.

Ainsi quand la transmission est attestée par la mention sur le relevé de transmission du résultat de l'envoi et du nombre de pages numérisées et confirmées, il y a une présomption suffisante pour démonter que l'employeur a bien été informé. (2ème civ., 7 novembre 2013, n°12-25.334).

La caisse rapporte ainsi la preuve de la notification faite à la société de la décision de prise en charge, le 1er juin 2012.

Par lettre du 7 novembre 2011 la société avait informé toutes les caisses primaires d'assurance maladie de France et notamment la caisse de l'Orne de ce que l'intégralité des correspondances relatives à la gestion des accidents du travail ou des maladies professionnelles de l'ensemble des salariés de la société, devait être adressée exclusivement à une adresse unique au [Adresse 6] à compter du 1er janvier 2012.

Par lettre du 4 mars 2013 adressée à la CNAMTS, la société répondant à une lettre datée du 12 février 2012, non produite aux débats et rappelant la lettre antérieure du 7 novembre 2011 et les échanges postérieurs relatifs aux difficultés organisationnelles de la caisse nationale générées par la demande de la société et à des réserves émises par la première par lettre du 17 février 2012, indique :

Nous faisons valoir aujourd'hui :

1- avoir pris acte en février 2012 de la nécessité de permettre à votre réseau de s'organiser et avoir consenti de différer la date d'application de notre légitime droit à une domiciliation unique de notre entreprise à compter de juin 2012.

2- être demeurés sans nouvelles de juillet à novembre 2012 quant à l'évolution de votre organisation et quant à l'opérationnalité de vos processus;

3- avoir pris connaissance du retard pris par votre organisation vis-à-vis des engagements réciproques que vous évoquez, en novembre 2012. C'est seulement à cette date que vous nous avez avisé du caractère opérationnel de la domiciliation sur l'ensemble de votre réseau.

En définitive et placés devant le fait accompli, nous avons consenti à différer de 12 mois l'usage d'un droit et d'une opportunité légale constitués à compter de novembre 2011. Vous voudrez bien noter notre patience.

Au surplus , vous devriez comprendre qu'ayant fait l'effort de suspendre la mise en oeuvre de ce droit, nous ne comprenions pas qu'en février 2013, soit près de 4 mois après la diffusion de votre note d'instruction, nous puissions constater qu'à (cette) date une part encore trop faible de la documentation attendue nous parviennent via notre TSA.

Sur les 101 CPAM métropolitaines, 22 encore d'entre-elles n'ont toujours pas recours à notre adresse unique, 43 d'entre-elles communiquent à cette adresse un document sur deux, et seulement 24 d'entre-elles ont un taux d'envoi à peine satisfaisant, c'est à dire supérieur à 80% de leur documentation (...)

Il résulte de cette lettre que la société a accepté de reporter sa gestion centralisée des dossiers accidents du travail et maladies professionnelles et de ce fait l'utilisation de son adresse unique au [Adresse 6]. Il en résulte que la notification de la prise en charge de l'accident du travail de M. [W] au titre de la législation professionnelle à la société le 1er juin 2012 a été effectuée à une adresse valable. Il y a lieu de préciser en outre que figure d'ailleurs sur la déclaration d'accident du travail, l'établissement d'attache permanent de la victime à [Localité 12], lequel a la qualité d'employeur au sens de l'article R 441-14 du code de la sécurité sociale ( 2e Civ., 4 avril 2019, pourvoi n° 18-15.886).

Cette notification du 1er juin 2012, mentionne le nom de l'assuré, son numéro de sécurité sociale, la date de l'accident du 22 mai 2012, un numéro de dossier et est rédigé de la façon suivante :

Je vous informe que les éléments en ma possession me permettent de reconnaître le caractère professionnel du sinistre survenu à votre salarié(e) cité(e) en référence.

En effet les circonstances du sinistre déclaré permettent d'établir que l'accident est survenu par le fait ou à l'occasion du travail conformément aux conditions posées par l'article L411-1 du CSS.

Cette lettre informe ensuite la société de son droit de saisir la commission de recours amiable, dont l'adresse est spécifiée, soit [Adresse 4] , dans les deux mois suivant la réception de la lettre, conformément à l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale.

La société a saisi la commission de recours amiable par lettre datée du 23 novembre 2013.

En l'absence de recours dans le délai imparti, la décision de prise en charge de la maladie de M. [W] est devenue définitive à l'encontre de la société.

Le recours engagé tardivement par la société sera déclaré forclos et le jugement infirmé en toutes ses dispositions.

3- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il apparaît que le jugement réputé contradictoire de première instance mentionne que M. [W] est en la cause. La caisse a interjeté appel et intimé la société et M. [W]. Celui-ci n'est pas concerné par la présente procédure compte tenu de l'indépendance des rapports.

A l'audience, M. [W] mentionne avoir été convoqué, avoir raté une journée de travail, s'être déplacé à l'audience alors qu'il réside à 200 kilomètres.

Il n'apparaît pas équitable de laisser à la charge de M. [W] ses frais irrépétibles.

La société qui succombe à l'instance sera en conséquence condamnée à lui verser à ce titre la somme de 150 euros.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Rejette les conclusions déposées par la société le 22 mars 2022

Infirme le jugement dans toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

Dit que le recours formé par la société [11], est forclos .

Condamne la société [11] à verser à M. [W] la somme de 150 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société [11] aux dépens de première instance et d'appel, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/02081
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;19.02081 ?
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