La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/06/2022 | FRANCE | N°19/00782

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 08 juin 2022, 19/00782


5ème Chambre





ARRÊT N°-193



N° RG 19/00782 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PQKI













SCI DE SAINT MALO



C/



SARL LE TYMI



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FR

ANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 JUIN 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,





GREFFIER :



Madame Cat...

5ème Chambre

ARRÊT N°-193

N° RG 19/00782 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PQKI

SCI DE SAINT MALO

C/

SARL LE TYMI

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Mars 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SCI DE SAINT MALO au capital de 3 048,98, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, en exercice, domicilié ès qualités audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-Maurice CHAUVIN de la SELARL CHAUVIN JEAN-MAURICE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

SARL LE TYMI immatriculée au RCS de [Localité 4] sous le numéro 493 143 986, prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège,

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Benoît BOMMELAER de la SELARL CVS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Cécile ROUQUETTE TEROUANNE de la SELARL CVS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

Par acte en date du 2 janvier 2007, la SCI de Saint Malo agissant en la personne de son gérant, M. [G] [W] a donné à bail à la Sarl Le Tymi des locaux commerciaux situés sur [Adresse 3].

Ce bail était conclu pour une durée de neuf années entières et consécutives commençant à courir le 1er janvier 2007 pour se terminer le 31 décembre 2015, moyennant un loyer annuel de 120 000 euros HT, payable par mois et d'avance.

Le bail a été consenti pour y exercer les activités suivantes : « activité de bowling, bar, salle de jeux, billard, restaurant et séminaires ».

La SCI de Saint-Malo a fait délivrer plusieurs commandements visant la clause résolutoire à la Sarl Le Tymi et notamment 1e 3 septembre 2012 signifié le 19 septembre suivant, invitant le preneur à cesser au plus tard dans le délai d'un mois l'exercice de l'activité de discothèque exploitée dans les lieux loués en violation des clauses et conditions du bail.

Ce commandement a été annulé par arrêt de la cour d'appel rendu le 4 janvier 2017 au motif d'un consentement tacite du bailleur à l'extension des activités permises par le bail au titre de l'activité de discothèque.

La cour a également rejeté la demande de résiliation du bail pour exercice d'une activité non autorisée ainsi que la demande en cessation de cette activité sous astreinte. Elle a en outre condamné la SCI de Saint-Malo à régulariser un avenant au bail commercial intégrant l'activité discothèque à la destination contractuelle.

Par actes des 18 mars et 30 avril 2015 la SCI de Saint-Malo a de nouveau fait délivrer à la Sarl Le Tymi deux commandements de cesser l'exercice de l'activité de discothèque visant la clause résolutoire.

Par acte du 5 juin 2015, la bailleresse lui a fait délivrer un congé sans offre de renouvellement pour le 1er janvier 2016 pour motifs graves et légitimes visant la même infraction.

Par un premier jugement en date du 12 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Vannes, dans l'instance engagée sous le n° de RG 15/718 sur assignation délivrée par la Sarl le Tymi à la SCI de Saint Malo a :

- dit que les commandements délivrés les 18 mars et 30 avril 2015 sont nuls,

- rejeté la demande de résiliation judiciaire du bail,

- rejeté les demandes d'indemnité d'occupation et d'expulsion à l'encontre de la Sarl Le Tymi,

- dit que la demande de régularisation d'un avenant au bail commercial intégrant l'activité de discothèque est sans objet,

- condamné la SCI Saint-Malo à verser la somme de 10 000 euros à la Sarl le Tymi à titre de dommages et intérêts au titre de son attitude abusive,

- condamné la SCI Saint-Malo à verser à la Sarl le Tymi la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI Saint-Malo aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés par la Selarl P&A en application des dispositions de l'article

699 du code de procédure civile.

Le 5 février 2019, la SCI de Saint Malo a interjeté appel de cette décision. L'affaire a été enrôlée à la cour sous le n° de RG 19/783.

Le tribunal de grande instance de Vannes, dans un second jugement du 12 novembre 2018 dans l'instance engagée sous le n° RG 16/132 sur assignation délivrée par la Sarl le Tymi à la SCI de Saint-Malo a :

- dit que le congé sans offre de renouvellement a valablement été signifié par acte extrajudiciaire à la Sarl Le Tymi à l'initiative de la SCI de Saint Malo le 25 juin 2015 à effet au 31 décembre 2015, mais dit celui-ci dépourvu de motifs graves et légitimes,

- condamné la SCI de Saint Malo à s'acquitter d'une indemnité d'éviction au bénéfice de la Sarl Le Tymi, et dit qu'elle sera calculée sur toute l'activité du preneur, en ce compris l'activité de discothèque,

- ordonné l'expulsion de la Sarl Le Tymi et de tous occupants de son chef du local commercial situé à [Adresse 3], au besoin avec l'aide d'un serrurier et l'assistance de la force publique, sans qu'il soit justifié d'ordonner en sus une astreinte, le commandement d'avoir à quitter les lieux ne pouvant intervenir qu'à compter du jour où le paiement de l'indemnité d'éviction aura été satisfait,

- rejeté la demande sur le fondement des dispositions des articles L433-1 et L433-2 du code de procédure civile d'exécution,

- condamné la Sarl Le Tymi à compter du 1er janvier 2016 à verser à la SCI de Saint Malo une indemnité d'occupation mensuelle de 21 267 euros TTC, jusqu'à libération effective des lieux de toute personne et tous biens et remise des clés,

- condamné la SCI de Saint Malo à verser la somme de 10 000 euros à la Sarl Le Tymi à titre de dommages-intérêts au titre de son attitude abusive,

- condamné la SCI de Saint Malo à verser à la Sarl Le Tymi la somme de

7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI de Saint Malo aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés par le Selarl P&A en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Le 5 février 2019, la SCI de Saint Malo a interjeté appel de cette décision.

L'affaire a été enrôlée à la cour sous le n° de RG 19/782.

La SARL le Tymi a saisi la cour d'appel de Rennes par requête présentée le 8 février 2019 en vue d'une rectification du jugement du 12 novembre 2018 rendu dans l'instance enregistrée au tribunal de grande instance de Vannes sous le n° de RG 16/132.

La cour d'appel de Rennes, par arrêt du 4 septembre 2019, a :

- rectifié l'erreur matérielle figurant au jugement,

- dit que le montant de l'indemnité d'occupation due par la Sarl Le Tymi à compter du 1er janvier 2016 est de 10 680 euros TTC par mois au lieu de

21 267 euros TTC par mois,

- dit en conséquence que le dispositif de la décision sera rectifié comme suit :

- 'condamne la SARL le Tymi à compter du 1er janvier 2016 à verser à la SCI Saint Malo une indemnité d'occupation mensuelle de 10 680 euros TTC, jusqu'à libération effective des lieux de toute personne et tous biens et remise des clés',

- ordonné qu'il soit fait mention de cette rectification en marge de la minute de la décision en cause et des expéditions qui en seront délivrées,

- dit que les dépens de la présente instance seront à la charge du Trésor Public.

Cet arrêt a été frappé de pourvoi, et par arrêt du 19 novembre 2020, la cour de cassation a rejeté celui-ci.

La cour d'appel par ordonnance du 14 février 2019 a joint les procédures

enregistrées sous les n° de RG 19/782 et 19/783.

La SCI de Saint Malo a exercé son droit de repentir le 4 février 2019.

Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 14 février 2022, la SCI de Saint Malo demande à la cour de :

- la recevoir en son appel des deux jugements du tribunal de grande instance de Vannes en date du 12 novembre 2018 et portant les numéros de RG 15/00718 et 16/00132 et l'y dire bien fondée,

- constater qu'elle a régulièrement notifié l'exercice de son droit de repentir à la Sarl Le Tymi le 4 février 2019,

En conséquence,

-infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Vannes du 12 novembre 2018 (RG n°16/00132) en ce qu'il a :

*condamné la SCI de Saint Malo à s'acquitter d'une indemnité d'éviction au bénéfice de la Sarl Le Tymi,

*ordonné l'expulsion de la Sarl Le Tymi et de tous occupants de son chef du local commercial situé à [Adresse 3], à compter du jour où le paiement de l'indemnité d'éviction aura été satisfait,

*condamné la SCI de Saint Malo à verser la somme de 10 000 euros à la Sarl Le Tymi à titre de dommages et intérêts au titre de son attitude abusive et celle de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement du tribunal de grande Instance de Vannes du 12 novembre 2018 (RG n°15/00718) en ce qu'il l'a condamnée à verser la somme de 10 000 euros à la Sarl Le Tymi à titre de dommages et intérêts au titre de son attitude abusive et celle de 7 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- constater l'exercice du droit de repentir effectué par la SCI De Saint Malo par exploit de Maître [F], Huissier de Justice à Ploërmel, en date du 4 février 2019,

- constater que le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation a été conventionnellement fixé entre les parties à la somme de 28 375,20 euros TTC,

En conséquence,

- constater le renouvellement du bail conclu entre la SCI de Saint Malo et la Sarl Le Tymi à compter du 4 février 2019, date de la notification de l'exercice du droit de repentir et dire que le bail liant les parties est renouvelé pour une durée de 9 ans aux mêmes clauses et conditions que le bail en date du 2 janvier 2007 sous réserve de l'adjonction de l'activité de discothèque à celle initialement prévue au bail et sous réserve des dispositions impératives de la loi du 18 juin 2014 et du décret du 3 novembre suivant,

- dire que la SCI de Saint Malo n'est redevable d'aucune indemnité d'éviction à l'égard de la Sarl Le Tymi,

- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Vannes en date du 12 novembre 2018 (RG n°16/00132) en ce qu'il a condamné la Sarl Le Tymi à compter du 1er janvier 2016 à verser à la SCI de Saint Malo une indemnité mensuelle d'occupation de 21 267 euros TTC, jusqu'à libération effective des lieux,

- réformer pour le surplus les deux jugements déférés du tribunal de Grande instance de Vannes du 12 novembre 2018 (RG n°15/00718 et 16/00132) ;

En conséquence,

- fixer le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation due par la Sarl Le Tymi à la SCI de Saint Malo à la somme de 28 375,20 euros TTC du 1er janvier 2016, date d'expiration du bail au 4 février 2019, date de la notification de l'exercice du droit de repentir,

A titre subsidiaire,

- fixer le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation due par la Sarl Le Tymi à la SCI de Saint Malo à la valeur locative des locaux soit à la somme de 13 570 euros HT du 1er janvier 2016 au 4 février 2019,

A titre infiniment subsidiaire,

- fixer le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation due par la Sarl Le Tymi à la SCI de Saint Malo à la valeur locative des locaux telle qu'évaluée par M. [Y], expert judiciaire, soit à la somme de 12 060 euros HT du 1er janvier 2016 au 4 février 2019 ;

- dire que l'octroi de dommages et intérêts à la Sarl Le Tymi n'est pas justifié en l'espèce et à titre subsidiaire, réduire à de plus justes proportions le montant de la condamnation mise à la charge de la SCI de Saint Malo ;

- dire que l'équité ou la situation économique des parties ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et à titre subsidiaire,

- réduire à de plus justes proportions le montant de l'éventuelle condamnation mise à la charge de la SCI de Saint Malo,

- constater la régularité de la compensation effectuée par la SCI de Saint Malo entre sa créance et celle de la SCI de Saint Malo,

- débouter la SARL Le Tymi de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- dépens comme de droit.

Par dernières conclusions notifiées le 24 février 2022, la Sarl Le Tymi demande à la cour de :

- débouter la SCI de Saint Malo de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

A titre principal :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Vannes du 12 novembre 2018 portant sur la contestation du congé du 25 juin 2015 (RG

n°16/00132), rectifié par l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 4 septembre 2019, sauf en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 10 680 euros TTC,

- fixer le montant de l'indemnité d'occupation due par la Sarl Le Tymi à la somme de 9 066 euros TTC, correspondant à la valeur locative annuelle déduite d'un abattement de précarité de 25 %, pour la période comprise entre le 1er janvier 2016 et le 4 février 2019,

A titre subsidiaire :

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Vannes du 12 novembre 2018 portant sur la contestation du congé du 25 juin 2015 (RG

n°16/00132), rectifié par l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes du 4 septembre 2019, en toutes ses dispositions,

En toute hypothèse,

- dire et juger que la SCI Saint de Saint Malo ne peut compenser la somme qu'elle a trop-perçu de la Sarl Le Tymi au titre de l'indemnité d'occupation due entre le 1er janvier 2016 et le 4 février 2019, ainsi que les condamnations prononcées en première instance à titre de dommages et intérêts et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, avec sa créance de loyers faisant l'objet d'un plan de redressement du 10 avril 2013, en cours d'exécution,

- condamner la SCI Saint de Saint Malo à verser la somme de 20 000 euros à la Sarl Le Tymi à titre de dommages et intérêts pour l'attitude parfaitement déloyale ayant animé le bailleur dans la délivrance du congé du 25 juin 2015,

- confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Vannes du 12 novembre 2018 portant sur la contestation des commandements des 18 mars et 30 avril 2015 (RG n°15/00718) en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner la SCI Saint de Saint Malo à verser la somme de 20 000 euros à la Sarl Le Tymi à titre de dommages et intérêts pour l'attitude parfaitement déloyale ayant animé le bailleur dans la délivrance des commandements des 18 mars et 30 avril 2015,

En toute hypothèse,

- condamner la SCI de Saint Malo à verser la somme de 86 736,38 euros HT à la Sarl Le Tymi au titre du remboursement de ses frais de procédure, du fait de l'exercice de son droit de repentir par la SCI de Saint Malo, par acte du 4 février 2019, arrêtée au 19 septembre 2019, sauf à parfaire,

- condamner la SCI de Saint Malo à verser la somme de 18 000 euros à la SARL Le Tymi sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner la SCI de Saint Malo à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés par la Selarl CVS (Maître Benoît Bommelaer), dans les termes de l'article 699 du Code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

S'agissant du jugement statuant sur les commandements délivrés les 18 mars et 30 avril 2015 et les demandes subséquentes des parties, les parties ne discutent devant la cour que les termes de la décision condamnant la SCI de Saint Malo à payer à la Sarl Le Tymi une somme à titre de dommages et intérêts et une somme au titre des frais irrépétibles.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il déclare nuls les commandements délivrés les 18 mars 2015 et 30 avril 2015 et rejette les demandes de résiliation judiciaire du bail, d'expulsion et de condamnation à indemnité d'occupation de ce chef. Il en est de même des dispositions du jugement déclarant sans objet la demande de régularisation d'un avenant au bail commercial intégrant l'activité de discothèque.

S'agissant du jugement statuant sur le congé sans offre de renouvellement délivré le 5 juin 2015, la cour constate que les parties n'en critiquent pas les termes en ce qu'il déclare le congé régulier mais dépourvu de motifs graves et légitimes ; ne sont pas discutées non plus les dispositions du jugement rejetant la demande fondée sur les dispositions des articles L 433-1 et L 433-2 du code des procédures civiles d'exécution s'agissant des meubles trouvés sur place.

Le jugement sera donc confirmé sur ces points.

Le débat devant la cour porte sur les dispositions du jugement relatives à une indemnité d'éviction, à l'indemnité d'occupation et aux dommages et intérêts et frais irrépétibles. La Sarl Tymi sollicite en outre la condamnation de sa bailleresse à de nouveaux dommages et intérêts, aux frais de procédure en application de l'article L 145-48 du code de commerce, et à de nouveaux frais irrépétibles.

Sur le renouvellement du bail et l'indemnité d'éviction

La SCI de Saint Malo a exercé le 4 février 2019 son droit de repentir ; dès lors le bail dont elle avait refusé le renouvellement à compter du 1er janvier 2016 en délivrant un congé le 25 juin 2015 s'est poursuivi à compter du 4 février 2019.

La bailleresse est donc bien fondée à solliciter l'infirmation d'une part de la mesure d'expulsion ordonnée à l'égard de la Sarl le Tymi, qui n'a plus lieu d'être en l'état du renouvellement du bail, et d'autre part de la condamnation de celle-ci au paiement d'une indemnité d'occupation courant jusqu'à la libération des lieux et de la condamnation de la SCI de Saint Malo au paiement d'une indemnité d'éviction, qui n'est plus due en l'espèce.

La cour relève que la question du loyer du bail renouvelé a été portée devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Vannes. Un rapport d'expertise judiciaire dressé par M. [Y] lui a été soumis, et le juge a fixé le montant du loyer du bail renouvelé par jugement du 14 octobre 2021. Cette décision a été frappée d'appel et fait l'objet d'une procédure distincte pendante devant la cour d'appel de Rennes.

La cour constatera le renouvellement du bail conclu entre la SCI de Saint Malo et la Sarl Le Tymi à compter du 4 février 2019, date de la notification de l'exercice du droit de repentir, pour une durée de 9 ans aux mêmes clauses et conditions que le bail en date du 2 janvier 2007 sous réserve de l'adjonction de l'activité de discothèque à celle initialement prévue au bail, sous réserve des dispositions impératives de la loi du 18 juin 2014 et du décret du 3 novembre suivant et sous réserve du montant du loyer du bail renouvelé faisant l'objet d'une procédure judiciaire.

Sur l'indemnité d'occupation

Le congé avec refus de renouvellement délivré le 25 juin 2015 mettant fin au bail, le preneur n'est plus redevable d'un loyer.

En cette hypothèse, il convient de faire application des dispositions suivantes de l'article L 145-28 alinéa 1 du code de commerce :

Aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d'éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l'avoir reçue. Jusqu'au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l'indemnité d'occupation est déterminée conformément aux dispositions des sections 6 et 7, compte tenu de tous éléments d'appréciation.

Les parties admettent qu'une indemnité d'occupation est due en l'espèce pour la période de cessation du bail à son renouvellement, à savoir du 1er janvier 2016 au 4 février 2019. Elles sont en désaccord sur le calcul de celle-ci et donc son montant.

La SCI de Saint Malo demande à la cour de fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la somme de 23 631 euros HT soit 28 357,20 euros TTC, conformément aux clauses du bail. Elle invoque l'article 20 du bail et la volonté des parties de fixer cette indemnité en toute hypothèse à cette somme.

A titre subsidiaire, elle demande de retenir les conclusions de l'expert judiciaire M. [Y] sur les points suivants :

- l'expert retient que la surface plancher est de 2 132,80 m2, sans pondération ; elle approuve cette analyse, dans la mesure où la charte de l'expertise précise que les locaux situés en périphérie des villes dans les parcs d'activité commerciale doivent être évalués sans pondération mais en m2 développés selon la méthode dite GLA (groos leasing area ou Gross lease area), ce qui s'impose d'autant plus en l'espèce, que le local a été loué brut de gros oeuvre, que le bail prévoit que le bailleur ne deviendra propriétaire des aménagements réalisés par le locataire qu'en fin de jouissance et non, comme il est d'usage en fin de bail, et que les surfaces des locaux de références ont été également retenues 'brut de béton' et non pondérées,

- il ne tient pas compte de l'impôt foncier, les baux de référence supportant les mêmes charges,

- l'expert retient une valeur locative avant abattements de 180 866 euros HT concluant aux valeurs unitaires suivantes : 87,50 euros/m2 pour les locaux en rez-de-chaussée et 35 euros/m2 pour les locaux en mezzanine (40% de la valeur de base).

La SCI de Saint Malo conteste en revanche les abattements opérés par l'expert au titre des travaux de mise en conformité et du droit de préférence et fait valoir :

- s'agissant de l'abattement de 5% proposé pour le transfert au locataire des travaux de mise en conformité, que le bail désormais renouvelé au 4 février 2019 est soumis aux dispositions de la loi dite Pinel du 18 juin 2014 et de son décret d'application du 3 novembre 2014, que l'article R 145-35 interdit au bailleur de mettre à la charge du locataire les travaux de mise en conformité dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations au sens de l'article 606 du code civil, de sorte que la Sarl Le Tymi ne supporte donc plus que les dépenses d'entretien relatives à cette mise en conformité. Un abattement de 5% n'est par conséquent, selon elle, pas justifié, étant observé que les locaux récents, de plain-pied et parfaitement fonctionnels, ne sont pas susceptibles en eux-mêmes de faire l'objet de gros travaux de mises aux normes,

- s'agissant de l'abattement de 5% proposé pour le droit de préférence du bailleur, que celui-ci est injustifié, dans la mesure où les baux de référence sont soumis aux mêmes stipulations.

Ainsi la SCI de Saint Malo demande à la cour de retenir un abattement de 10 % et non de 20 %, ramenant la valeur locative à 13 570 euros HT (162 800 euros HT : 12) et à titre subsidiaire, si l'abattement de 20% était retenu, de fixer la valeur locative à 12 060 euros HT (144 700 euros HT : 12).

En toute hypothèse, elle s'oppose à la fixation de l'indemnité d'occupation au montant du dernier loyer contractuel hors taxes affecté d'un abattement de 25% de précarité, observant que le chiffre d'affaires du locataire a été en constante progression, qu'un tel abattement est parfaitement contraire à la volonté des parties, que le preneur ne justifie d'aucune gêne dans le cadre de son activité quotidienne pendant la période du 1er janvier 2016 au 4 février 2019 et ne justifie d'aucun préjudice économique.

La Sarl Le Tymi demande de retenir la valeur locative telle que fixée par le juge des loyers commerciaux dans la procédure aux fins de fixation du bail renouvelé, soit 120 882,89 euros HT ou 145 060 euros TTC et d'appliquer un abattement pour précarité de 25%, soit une indemnité d'occupation de

108 795 euros TTC par an ou 9 066 euros TTC par mois.

S'appuyant sur un rapport de MM. [I] et [X], elle demande à la cour tout d'abord de prendre pour base la surface pondérée des locaux et non la surface plancher telle que retenue par M. [Y] soit 1 577 m2 pour la partie bowling et 217 m2 pour la partie discothèque soit 1 795 m2, considérant que la surface GLA n'est utilisée que pour des locaux se trouvant au sein d'une surface commerciale et livrés bruts de béton et fluide en attente et qu'en l'espèce, le bowling de sa société ne dépend pas de la clientèle du centre commercial [T] et est parfaitement indépendant.

S'agissant de la valeur locative, elle demande de retenir des valeurs unitaires distinctes entre discothèque d'une part et bowling, restaurant et salle de réunion d'autre part ; elle conteste la valeur retenue par l'expert M. [Y], lequel calcule une valeur pour les surfaces en rez-de-chaussée et une valeur correspondant à 40 % de la première pour les surfaces en mezzanine, observant que celle qu'il fixe pour les locaux en rez-de-chaussée de 87,50 euros/m2 est plus importante que la moyenne des surfaces supérieures à

1 000 m2 qu'il indique, alors que ses locaux se situent en retrait de la principale zone commerciale, cachés derrières les ensembles immobiliers de la zone commerciale, qu'ils ne bénéficient pas du même dynamisme que les locaux de référence. Elle estime justifiée la prise en compte d'un abattement de 5% pour le droit de préférence du bailleur.

Elle demande de retenir les valeurs locatives unitaires suivantes : pour le bowling : 72 euros/m2 et pour la discothèque : 85 euros/m2.

Elle considère que doit être déduite de la valeur locative la somme de 8 157 euros, représentant la taxe foncière et demande enfin d'appliquer un abattement de 25 % de précarité, au regard de sa situation d'incertitude du 3 septembre 2012 au 4 février 2019, soit pendant six ans et demi, rappelant que la délivrance de trois commandements et d'un congé par la bailleresse avait pour objectif de lui dénier son droit à indemnité d'éviction.

L'indemnité d'occupation due en l'espèce est statutaire, elle est distincte de l'indemnité d'occupation due en cas d'occupation sans droit ni titre.

La SCI de Saint Malo ne peut donc prétendre à une fixation conformément aux clauses du bail en invoquant les dispositions contractuelles suivantes, inapplicables en l'espèce :

article 20 :

Si à l'expiration de la location, le preneur ne libère pas les lieux pour quelque cause que ce soit, il devra verser au bailleur par jour de retard égale à deux fois, le montant du loyer quotidien et ce, jusqu'à complet déménagement et restitution des clés. et doit être fixée à la valeur locative. La SCI de Saint Malo.

L'indemnité d'occupation due par la Sarl le Tymi doit donc être fixée à la valeur locative et non à la valeur du loyer actuel, minoré en raison d'un coefficient de précarité, tel que fixé par le premier juge, rectifié par la cour d'appel en application de l'article 462 du code de procédure civile.

L'article L 145-3 du code de commerce dispose que cette valeur locative est déterminée d'après :

1° Les caractéristiques du local considéré ;

2° La destination des lieux ;

3° Les obligations respectives des parties ;

4° Les facteurs locaux de commercialité ;

5° Les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

M. [Y] décrit les locaux comme suit : Il s'agit de locaux situés à [Localité 1], ville d'environ 10 000 habitants et principale agglomération entre [Localité 4] et [Localité 2], au sein de la zone commerciale du Lac, zone commerciale relativement importante, polarisée autour d'une enseigne de grande distribution (magasin [T] et sa galerie marchande). Il note toutefois que les locaux loués sont implantés en fond de zone, non accessibles depuis les entrées principales et non visibles depuis le coeur de la zone, le parking principal et les voies de circulation. S'agissant des activités exercées (bowling et discothèque), il relève que les établissements potentiellement concurrents sont très éloignés (discothèque la plus proche à environ 20 km et bowlings les plus proches à environ 50 km).

Aux termes de son rapport en date du 26 février 2021, il conclut à une valeur locative de renouvellement au 4 février 2019 de 144 700 Euros HT et HC par an.

Pour obtenir ce résultat, l'expert a pris pour base les surfaces planchers du local, distinguant le rez-de-chaussée et la mezzanine, et a pratiqué un abattement de 20% représentant :

- 5% pour tenir compte du droit de préférence du bailleur,

- 5 % pour tenir des travaux de mise aux normes à la charge du preneur,

- 5% en raison de la taille des locaux,

- 5 % en raison de l'implantation des locaux en fond de zone,

Il a précisé avoir retenu également un abattement de 5% en raison du fait que les activités 'de loisirs' dépendaient davantage d'une clientèle d'habitués que des flux de chalands potentiels, mais prévu une majoration de 5%, qui la compense, eu égard à la clause d'accession en fin de jouissance et la clause de nivellement.

Enfin, il exclut la déduction de la taxe foncière car tous les baux de références situés dans la même zone mettent celle-ci à la charge du locataire, qu'il s'agit d'un usage courant dans les zones commerciales.

Il est relevé par la cour, qu'en l'espèce, si M. [Y] a entendu appliqué un abattement pour tenir compte des travaux de mise aux normes, la Sarl le Tymi ne sollicite pas cet abattement spécifique en l'espèce.

Les critiques sur ce rapport portent sur la surface des locaux devant être prise en considération, la valeur locative unitaire, la prise en compte du droit de préférence du bailleur et de la charge de la taxe foncière.

- sur la surface

L'article R 145-3 du code de commerce prévoient :

Les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :

1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;

2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;

3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;

4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;

5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.

L'expert M. [Y] a retenu une surface de 2 132,80 m² GLA sur la base du plan réalisé en mai 2019 par le cabinet [S], géomètre-expert, constituée par les surfaces plancher suivantes :

- rez-de-chaussée : 2 023,20 m2

- mezzanine : 109,20m2

Il indique page 24 de son rapport, en réponse aux dires de parties, qu'il maintient n'y avoir lieu à pondération en fonction des aménagements réalisés, compte tenu de la clause d'accession en fin de jouissance, de la nature initiale des locaux (brut de béton), et des références retenues également ' brut de béton'.

Si, en matière de retail park (centre commercial à ciel ouvert doté d'un parking commun), la Charte de l'expertise en Evaluation Immobilière préconise de retenir la surface GLA, il est cependant constaté que les locaux loués, selon la description faite par l'expert lui-même, sont situés en retrait de la zone commerciale, et la clientèle de la Sarl Le Tymi ne dépend pas du centre commercial.

Par ailleurs, s'il est constant que les locaux ont été loués brut de béton, le locataire y a réalisé d'importants travaux afin de les conformer à la destination contractuelle, puisque la Sarl Le Tymi a crée dans l'espace loué, des surfaces nécessaires à son exploitation. Il est rappelé ainsi que la destination des lieux loués était : une activité de bowling, de bar, de salles de jeux, de billard, de restaurant et séminaires (cf bail 2 janvier 2007), et qu'à cette activité s'est ajoutée celle de discothèque, un arrêt de la cour d'appel de Rennes du 3 septembre 2012 ayant jugé que la SCI de Saint Malo l'avait implicitement acceptée.

Il est rappelé qu'en matière de fixation de l'indemnité d'occupation, l'indemnité doit être fixée à la valeur locative des locaux dans leur état actuel sans prendre en compte les éléments d'appréciation qui sont spécifiques à la fixation du loyer renouvelé.

La Sarl Tymi verse aux débats un rapport de MM. [I] et [X]. Ce rapport procède à une répartition non discutée des surfaces affectées aux différentes activités, et ce, à partir des surfaces utiles brutes définies dans le plan [S], puis y applique des coefficients de pondération. La cour ne trouve pas matière à critique sur cette méthode laquelle prend en compte l'état actuel des locaux qui doit être pris en compte dans la détermination de la valeur locative du local.

La cour retiendra, au vu de ces éléments, la surface pondérée du local telle que conclue dans le rapport produit par le preneur.

- sur la valeur locative unitaire

L'article R 145-7 du code de commerce dispose :

Les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6.

A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.

Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.

En l'espèce, l'expert M. [Y] a analysé 9 références situées dans la zone commerciale du Lac, desquelles il établit :

- une valeur de 81,60 euros /m2 plancher pour des locaux d'une surface supérieure à 1 000 m2,

- une valeur de 114,90 euros /m2 plancher pour des locaux d'une surface inférieure à 350 m2.

Il propose une valeur unitaire de 87,50 euros /m2 pour la surface du rez-de-chaussée et celle de 35 euros/m2 pour la surface de la mezzanine (qu'il évalue à 40% de la première).

Il est exactement relevé par l'intimée que les références de M. [Y] concernent des baux ayant des activités de vente au détail ou de services, ce qui est distinct de son activité. Il est observé aussi que sur ces 9 éléments de comparaison, 3 ont des surfaces de plus de 1 000 m2 et 6 disposent de surfaces inférieures à 350 m2, alors que ces dernières ont en général un prix plus élevé, et enfin que l'expert précise que 7 locaux étudiés bénéficient d'une meilleure visibilité et exposition que les locaux étudiés. Enfin, il est constant que la valeur locative unitaire des éléments de comparaison a été déterminée sur la base de leur surface plancher. Cette analyse, au regard de ces observations, est donc discutable.

La cour considère, au vu des pièces qui lui sont soumises et en particulier le rapport d'expertise proposé par le preneur, que la détermination d'une valeur locative distincte pour le bowling, restaurant et la salle de réunion d'une part et la discothèque d'autre part, apparaît davantage pertinente que celle opérant une distinction entre le rez-de-chaussée et la mezzanine, suggérée par l'expert M. [Y] ; la cour constate que l'expert de la SCI de Saint Malo, M. [D], avait d'ailleurs procédé de même en relevant que ces deux activités étaient séparées, avaient des accès propres ; elles ont en outre des surfaces bien déterminées (217,10 m2 pondérés pour le bowling et

1 577,6 m2 pondérés pour la discothèque).

MM. [I] et [X] relèvent que la Côte Annuelle des Valeurs Vénales immobilières et Foncières (41ème édition), établit que le marché locatif des boutiques sur [Localité 1] est compris entre 55 euros/m2 et 204 euros/m2, le loyer pour les boutiques intermédiaires étant de 107 euros/m2, ils notent que le marché locatif est d'environ 43 euros/m2 pour les locaux industriels.

La cour approuve les observations de MM. [I] et [X] qui indiquent que la valeur locative des locaux de la Sarl le Tymi doit tenir compte des éléments suivants :

- caractéristiques intrinsèques du bâtiment, plus proche d'un bâtiment industriel que d'un local à usage commercial,

- grande surface commerciale, justifiant une valeur locative unitaire moindre,

- emplacement du local, en retrait, caché derrière les ensembles immobiliers de la zone commerciale,

- mauvaise visibilité, depuis la zone commerciale et depuis la [Adresse 3],

- adjonction de l'activité de discothèque aux ratios professionnels plus élévés que l'activité de bowling,

- accessibilité et stationnement,

- valeur unitaire appliquée à la discothèque légèrement supérieure à l'activité de bowling en ce la commercialité et la visibilité sont d'importance moindre pour une activité de discothèque, mais qu'à l'inverse une accessibilité et le stationnement sont des caractéristiques essentielles.

Les valeurs de 85 euros pour la partie discothèque et de 72 euros pour la partie bowling, restaurant et salle de réunion, proposées par la Sarl Tymi, cohérentes au regard de ces éléments, seront approuvées à défaut de toute autre démonstration emportant conviction.

Ainsi, la valeur locative, avant abattement, sera fixée à :

- bowling, restaurant, salle de réunion : 1 577,6 x 72 = 113 587,20

- discothèque : 217,10 x 85 = 18 453,50

soit 132 040,70 euros HT et HC.

- sur le droit de préférence du bailleur et la taxe foncière

Le bail liant les parties prévoit un droit de préférence du bailleur permettant à ce dernier d'être préféré en cas de projet de cession envisagée. Ces stipulations au profit du bailleur doivent être regardées comme une clause exorbitante, justifiant un abattement. Il sera fixé par la cour à 2%

L'article 14 du bail met à la charge du preneur la taxe foncière. L'expert n'a pas déduit celle-ci, observant que les locaux de référence situés dans la zone du Lac étaient soumis à la même charge.

Ce motif ne sera pas retenu par la cour, en l'absence de pertinence de ces seules références.

Au regard du transfert de charges sur le preneur, la cour opérera déduction de celle-ci à hauteur de 8 517 euros, ainsi qu'il en a été justifié.

La valeur locative sera donc ramenée à :

132 040,70 - (2% de 132 040,70) - 8 517 = 120 882,89 euros HT et HC.

L'incertitude économique dans laquelle s'est trouvée la société Le Tymi du fait du congé avec refus de renouvellement pendant la période entre la date d'expiration du bail du fait du congé et l'exercice du droit de repentir par la bailleresse, soit du 1er janvier 2016 au 4 février 2019 et donc un peu plus de trois ans (et non six ans et demi, comme prétendu), justifie de fait un abattement de précarité, contrairement à ce que soutient la SCI de Saint Malo, et ce, sans qu'il soit nécessaire pour le preneur d'établir l'existence d'un préjudice.

La cour fixera un abattement de 10 % dans la moyenne de ceux habituellement pratiqués, pour tenir compte de la précarité inhérente à la délivrance d'un congé privant le locataire de pouvoir investir et/ou céder son fonds.

L'indemnité d'occupation sera donc fixée à :

120 882,89 - (10% de 120 882,89) = 119 674,07 euros TH et HC ou

143 608,88 euros TTC arrondie à 143 609 euros TTC.

La cour par infirmation du jugement sur ce point, condamne en conséquence la Sarl Le Tymi au paiement d'une indemnité annuelle d'occupation de

143 609 euros TTC pour la période du 1er janvier 2016 au 4 février 2019.

Sur les frais taxables

Il résulte des dispositions de l'article L 145-58 du code de commerce que l'exercice du droit de repentir entraîne l'obligation pour le bailleur de supporter les frais de l'instance, c'est-à-dire l'ensemble des frais, qu'ils soient constitués de frais taxables ou d'honoraires d'avocat, exposés par le locataire jusqu'au terme de l'instance pendant laquelle le repentir est exercé.

Les frais dont le preneur peut demander le remboursement sont ceux liés à l'instance.

La Sarl Le Tymi sollicite paiement par sa bailleresse de la somme de

86 736,38 HT, qu'elle entend justifier par deux décomptes.

Il est constaté que partie de ces frais sont antérieurs à la délivrance du congé. La cour ramènera les frais dus en application de ces dispositions à la somme de 55 409,61 euros HT et condamnera la SCI de Saint Malo à payer cette somme à la Sarl Le Tymi.

Sur les demandes de dommages et intérêts

La SCI de Saint Malo considère excessives les sommes allouées par le tribunal à ce titre dans les deux jugements et critique la motivation du premier juge qu'il considère être identique pour prononcer deux fois une condamnation indemnitaire de 10 000 euros.

Elle rappelle avoir le droit de délivrer un congé et que le refus de renouvellement ne peut justifier une telle condamnation. Elle estime qu'on ne peut lui reprocher d'avoir cru, à tort certes, que l'adjonction de l'activité de discothèque à celle initialement prévue au bail constituait un motif suffisamment grave et légitime pour être dispensée d'avoir à payer une indemnité d'éviction.

Elle ajoute que la société Le Tymi ne justifie d'aucun préjudice, moral ou financier résultant de la notification de ce congé sans offre de renouvellement.

L'intimée qui entend voir confirmer ces condamnations fait valoir que la SCI de Saint Malo a eu un comportement déloyal et abusif vis-à-vis de son locataire et observe que les deux condamnations prononcées ne visent pas les mêmes faits, l'une visant la délivrance abusive d'un congé sans offre de renouvellement et l'autre la délivrance de deux commandements visant la clause résolutoire. Elle estime que doit être sanctionnée, l'invocation à quatre reprises de motifs fallacieux par la bailleresse, traduisant l'acharnement et la mauvaise foi de celle-ci.

Elle sollicite en outre de nouveaux dommages et intérêts en cause d'appel, considérant que la SCI de Saint Malo poursuit son acharnement en interjetant appel du jugement portant sur la contestation du congé.

La SCI de Saint Malo ne conteste pas les jugements qui ont déclaré nuls les deux commandements visant la clause résolutoire qu'elle a délivrés les 18 mars 2015 et 30 avril 2015 (premier jugement), et le congé sans offre de renouvellement délivré le 25 juin 2015 (deuxième jugement).

Aux termes du commandement du 18 mars 2015, la bailleresse mettait en demeure le locataire d'avoir à exploiter le fonds de commerce conformément aux termes du bail et de cesser l'exercice de discothèque.

Aux termes du commandement du 30 avril 2015, elle mettait en demeure le locataire d'avoir à cesser l'exercice de l'activité de discothèque exploitée dans les lieux loués en violation des clauses et conditions du bail commercial.

Le congé a été délivré le 25 juin 2015 sans offre de renouvellement pour motifs graves et légitimes suivants :

Aux termes de l'article 'Destination des lieux loués', du bail commercial en date du 2 janvier 2007, il est stipulé que ' sans préjudice des dispositions légales, les locaux présentement loués devront être exclusivement consacrés par le preneur à l'exercice de son activité de bowling, bar, salle de jeux, billard, restaurant et séminaires.

Au mépris de cette clause ' destination des lieux loués' du bail commercial en date du 2 janvier 2007 et de ses obligations, la société Sarl Le Tymi exerce, dans les lieux loués, une activité de discothèque.

La société SCI de Saint Malo rappelle à la société Sarl LeTymi que suivant exploit du 3 septembre 2012, il lui a été fait sommation de mettre fin à l'infraction commise à ses obligations contractuelles et qu'elle a néanmoins persisté dans cette infraction, que par jugement du tribunal de grande instance de Vannes en date du 24 juillet 2014, le tribunal a jugé la Sarl Le Tymi mal fondée à contester la validité du commandement.

La société SCI de Saint Malo rappelle à la société Sarl Le Tymi que suivant itératif commandement du 30 avril 2015, il lui a été fait sommation de mettre fin à l'infraction commise à ses obligations contractuelles et qu'elle a néanmoins persisté dans cette infraction.

La cour d'appel de Rennes par arrêt du 4 janvier 2017, statuant sur l'appel interjeté contre le jugement précité du 24 juillet 2014, par infirmation, a dit que la SCI de Saint Malo avait accepté tacitement l'activité de discothèque exercée par la Sarl Le Tymi dans les lieux loués et dit que le commandement visant la clause résolutoire du 3 septembre 2012 était nul et de nul effet.

Il est observé que la cour a considéré que ce consentement tacite était démontré par plusieurs comportements positifs du bailleur, établissant qu'il connaissait le changement de destination des lieux et qu'il l'avait accepté. La cour a ainsi relevé :

- l'accord verbal de M. [W], gérant de la SCI de Saint Malo, par ailleurs ami proche de M. [E], gérant de la Sarl Le Tymi, en vue de la création d'une porte d'entrée de la discothèque, dont l'autorisation avait été demandée en 2009 par le locataire et l'enthousiasme de M. [W] pour le projet de discothèque,

- la présence de M. [W] le 2 juillet 2010 à l'inauguration de la discothèque,

- la fréquentation de la discothèque par M. [W] à plusieurs reprises (une finale de pocker après l'été 2010, une fête d'anniversaire au cours de cette même année).

Au vu de ces éléments, l'attitude déloyale de la bailleresse est effectivement établie, comme retenu par le premier juge. La cour constate en effet, si l'arrêt infirmatif n'est intervenu qu'en 2017, que la bailleresse ne pouvait ignorer, en délivrant les commandements de 2015 puis le congé, que le motif invoqué par elle, tenant au non respect de la destination des lieux, était fallacieux, ce changement de destination ayant été accepté par elle depuis plusieurs années. Elle ne pouvait donc sans mauvaise foi évidente se prévaloir d'un prétendu irrespect des obligations contractuelles.

La volonté de la SCI de Saint Malo de mettre fin au bail, par voie de résiliation ou de congé privant le locataire d'une indemnité d'éviction, a de toute évidence causé un préjudice moral à ce dernier contraint d'engager des procédures pour faire valoir ses droits et le plaçant dans une situation d'incertitude quant à son devenir.

Prononcées d'une part en raison de commandements abusifs et d'autre part en raison d'un congé également délivré de mauvaise foi, les condamnations indemnitaires seront confirmées par la cour.

S'agissant de la demande indemnitaire formulée en cause d'appel, la cour constate que la Sarl Le Tymi a également formé appel incident pour voir ramener notamment l'indemnité d'occupation à moindre somme et obtenir paiement de sommes nouvelles, notamment s'agissant des frais taxables. Elle n'est donc pas fondée à réclamer une indemnisation en raison de l'appel interjeté par sa bailleresse. Elle en sera déboutée.

Sur les frais irrépétibles et dépens

La cour confirme les dispositions des deux jugements relativement aux frais irrépétibles et aux dépens. L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de la Sarl Le Tymi ; la SCI de Saint Malo, qui supportera les entiers dépens, sera condamnée à lui payer de ce chef une somme de 5 000 euros.

Sur la compensation

Evoquant les loyers dus par la Sarl Le Tymi, le trop payé par cette dernière au titre de l'indemnité d'occupation, la SCI de Saint Malo demande à la cour de constater la compensation entre les créances.

La Sarl Le Tymi s'y oppose au motif qu'elle fait l'objet d'un plan de redressement, et que les conditions légales de la compensation ne sont pas remplies en ce qu'il ne peut être considéré que les créances sont connexes.

L'intimée justifie avoir fait l'objet d'un placement en redressement judiciaire le 4 avril 2012, puis qu'un plan de redressement a été adopté le 10 avril 2013 par le tribunal de commerce de Vannes, prévoyant un apurement des dettes sur une durée de dix ans, avec parmi les dettes, un arriéré locatif payable par mensualités de 15 868,09 euros et donc non encore échu à ce jour.

L'article L 622-7 du code de commerce dispose que le jugement ouvrant la procédure de redressement judiciaire emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à l'exception du paiement par compensation de créances connexes.

L'exigence de connexité implique que les créances résultent d'obligations réciproques dérivant d'un même contrat. Or, il est très justement relevé par l'intimée, que la créance de loyer antérieure au jugement d'ouverture de la procédure est certes une créance résultant du bail commercial, mais que tel n'est pas le cas de la créance d'indemnité d'occupation, dont le caractère est statutaire et non contractuel.

La cour ne pourra donc juger que doit s'opérer la compensation sollicitée par la SCI de Saint Malo.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement du 12 novembre 2018 statuant sur les commandements délivrés les 18 mars 2015 et 30 avril 2015 en toutes ses dispositions ;

Confirme le jugement du 12 novembre 2018, rectifié par arrêt de la cour d'appel de Rennes du 4 septembre 2019, statuant sur le congé délivré le 25 juin 2015 sauf en ce qu'il :

- condamne la SCI de Saint Malo à s'acquitter d'une indemnité d'éviction au bénéfice de la Sarl Le Tymi, et dit qu'elle sera calculée sur toute l'activité du preneur, en ce compris l'activité de discothèque,

- ordonne l'expulsion de la Sarl Le Tymi et de tous occupants de son chef du local commercial situé à [Adresse 3], au besoin avec l'aide d'un serrurier et l'assistance de la force publique, sans qu'il soit justifié d'ordonner en sus une astreinte, le commandement d'avoir à quitter les lieux ne pouvant intervenir qu'à compter du jour où le paiement de l'indemnité d'éviction aura été satisfait,

- condamne la Sarl Le Tymi à compter du 1er janvier 2016 à verser à la SCI de Saint Malo une indemnité d'occupation mensuelle de 10 680 euros TTC, jusqu'à libération effective des lieux de toute personne et tous biens et remise des clés ;

Statuant à nouveau sur les chefs de jugement infirmés,

Constate que la SCI de Saint Malo a exercé le 4 février 2019 son droit de repentir ;

Constate le renouvellement du bail conclu entre la SCI de Saint Malo et la Sarl Le Tymi à compter du 4 février 2019 pour une durée de 9 ans aux mêmes clauses et conditions que le bail en date du 2 janvier 2007 sous réserve de l'adjonction de l'activité de discothèque à celle initialement prévue au bail, sous réserve des dispositions impératives de la loi du 18 juin 2014 et du décret du 3 novembre suivant et sous réserve du montant du loyer du bail renouvelé faisant l'objet d'une procédure judiciaire ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation de la SCI de Saint Malo au paiement d'une indemnité d'éviction ;

Dit n'y avoir lieu à expulsion de la Sarl Le Tymi ;

Condamne la Sarl Le Tymi à payer à la SCI de Saint Malo une indemnité d'occupation annuelle de 143 609 euros TTC pour la période du 1er janvier 2016 au 4 février 2019 ;

Y ajoutant,

Condamne la SCI de Saint Malo à payer à la Sarl Le Tymi une somme de

55 409,61 euros HT au titre de ses frais taxables ;

Condamne la SCI de Saint Malo à payer à la Sarl Le Tymi une somme de

5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute autre demande des parties ;

Condamne la SCI de Saint Malo aux dépens d'appel, recouvrés par la Selarl CVS (Me Benoît Bommelaer), conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/00782
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;19.00782 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award