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08/06/2022 | FRANCE | N°19/00469

France | France, Cour d'appel de Rennes, 5ème chambre, 08 juin 2022, 19/00469


5ème Chambre





ARRÊT N°-190



N° RG 19/00469 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PPGE













M. [V] [U]

Compagnie d'assurances CRAMA



C/



M. [C] [R]

M. [N] [E]

Mme [K] [J]

Société GAN

Société MMA IARD

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES



















Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours




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Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 JUIN 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présiden...

5ème Chambre

ARRÊT N°-190

N° RG 19/00469 - N° Portalis DBVL-V-B7D-PPGE

M. [V] [U]

Compagnie d'assurances CRAMA

C/

M. [C] [R]

M. [N] [E]

Mme [K] [J]

Société GAN

Société MMA IARD

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 08 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Catherine VILLENEUVE, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 23 Mars 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 08 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [V] [U] pris en sa qualité de représentant légal et de civilement responsable de son fils mineur, [S] [U]

[Adresse 12]

[Localité 10]

Représenté par Me Martine GRUBER de la SELARL ARMEN, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

Représenté par Me Mikaël BONTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

CRAMA CAISSE REGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES LOIRE BRETAGNE, sous l'enseigne GROUPAMA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités au siège

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Martine GRUBER de la SELARL ARMEN, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

Représentée par Me Mikaël BONTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉS :

Monsieur [C] [R]

né le [Date naissance 7] 1947 à [Localité 16]

[Adresse 6]

[Localité 9]

Représenté par Me Sébastien GUERRIER de la SELARL O2A & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

Monsieur [N] [E] en sa qualité de représentant légal de son enfant mineur [Z] [E]

[Adresse 4]

[Localité 10]

Représenté par Me Sophie LABARRE de la SELARL MGA, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

Représenté par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Madame [K] [J] ès-qualités de représentante légale et civilement responsable de son fils mineur [T] [A]

née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 17]

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentée par Me Sylvie SALMON de la SCP CADORET-TOUSSAINT, DENIS & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

Société GAN

Intervenante volontaire par conclusions du 27 mai 2019.

[Adresse 11]

[Adresse 15]

[Localité 14]

Représentée par Me Sophie LABARRE de la SELARL MGA, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Société MMA IARD VENANT AUX DROITS DE LA COMPAGNIE D'ASSURANCES MMA IAS POLE TECHNIQUE

[Adresse 2]

[Localité 13]

Représentée par Me Sébastien GUERRIER de la SELARL O2A & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES VENANT AUX DROITS DE LA SOCIETE MMA AIS POLE TECHNIQUE

[Adresse 2]

[Localité 13]

Représentée par Me Sébastien GUERRIER de la SELARL O2A & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

Le 25 juin 2013, le bateau de M. [C] [R] a été détruit par un incendie criminel alors qu'il se trouvait sur le Chantier Naval Croisicais. Les auteurs, trois mineurs, ont été identifiés et ont fait l'objet d'un rappel à la loi par officier de police judiciaire.

La société Axa, assureur du Chantier Naval, après expertise contradictoire confiée au cabinet Charles, a dénié sa garantie et l'assureur de M. [C] [R], la société MMA, a pris en charge les dégâts occasionnés pour la somme de 74 764,22 euros sous déduction de la franchise contractuelle de 1 500 euros restée à la charge de M. [R].

Par acte d'huissier en date du 28 avril 2014 et du 5 mai 2014, M. [C] [R] et la société MMA AIS Pôle technique ont fait assigner M. [N] [E] en qualité de représentant légal de son fils mineur [Z] et son assureur Gan, Mme [K] [A], en qualité de représentante légale de son fils mineur [T] et M. [V] [U] en qualité de représentant légal de son fils mineur [S].

Par acte d'huissier en date du 30 août 2016, M. [E] et son assureur Gan ont appelé à la cause la Sarl Chantier Naval Croisicais sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil.

Par ordonnance du 17 octobre 2016, le juge de la mise en état a joint les procédures.

La CRAMA, assureur de M. [U], est intervenue volontairement à la procédure.

Par jugement en date du 13 décembre 2018, le tribunal a :

- déclaré la société MMA recevable en ses demandes,

- condamné in solidum M. [N] [E], Mme [K] [J] et M. [V] [U] ès-qualités de civilement responsable de leurs enfants mineurs à verser à la société MMA la somme de 74 764,22 euros au titre de son action subrogatoire,

- condamné in solidum M. [N] [E], Mme [K] [J] et M. [V] [U] en qualité de civilement responsable de leurs enfants mineurs à verser à M. [R] la somme de :

* 1 520 euros au titre de la franchise contractuelle,

* 4 000 euros pour le préjudice de jouissance,

- dit que dans leurs rapports respectifs, ils seront tenus à parts égales,

- condamné la société Gan à garantir intégralement M. [N] [E], et la CRAMA à garantir intégralement M [U] des condamnations prononcées contre eux,

- débouté M. [C] [R] du surplus de ses demandes,

- débouté M. [C] [R] et la société d'assurances MMA, ainsi que M. [N] [E] et le Gan de leurs demandes formées contre la Sarl Chantier Naval Croisicais,

- condamné in solidum M. [N] [E], Mme [K] [J] et M. [V] [U] en qualité civilement responsable de leurs enfants mineurs à verser à M. [C] [R] et à la MMA la somme 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- dit que dans leurs rapports respectifs ils seront tenus à parts égales,

- condamné le Gan à garantir intégralement M. [N] [E] et la CRAMA à garantir intégralement M [U] de cette condamnation prononcées contre eux,

- condamné M. [N] [E] et son assureur GAN à verser à la Sarl Chantier Naval Croisicais la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné le Gan à garantir intégralement M. [N] [E],

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le 21 janvier 2019, M. [V] [U] et la CRAMA ont interjeté appel de cette décision et aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 24 juillet 2019, ils demandent à la cour de :

- réformer la décision déférée,

- déclarer les demandes de la société MMA à l'encontre de M. [V] [U] et de la CRAMA, irrecevables,

- condamner la société MMA au versement de la somme de 2 000 euros pour procédure abusive et 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

- réformer la décision déférée en ce qu'elle a condamné M. [V] [U] in solidum avec M. [N] [E] et Mme [K] [J] à indemniser la société MMA et M. [C] [R] des préjudices liés à l'incendie du 23.06.2013 et condamné la CRAMA à le garantir des condamnations,

- mettre hors de cause M. [V] [U] et la CRAMA,

- condamner la société MMA à verser à la CRAMA la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles et en tous les dépens,

A titre subsidiaire,

- débouter M. [C] [R] de sa demande tendant à lui voir allouer la somme de 3 555,11 euros au titre des frais de lustrage.

Par dernières conclusions notifiées le 12 juin 2019, Mme [K] [J] demande à la cour de :

- dire et juger Mme [K] [J] recevable et bien fondée en son appel incident à l'encontre du jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Saint-Nazaire le 13 décembre 2018,

En conséquence,

Sur réformation de la décision déférée,

- dire et juger que [T] [A] ne peut être considéré comme responsable ou co responsable de l'incendie survenu au Croisic le 25 juin 2013,

- dire et juger qu'en conséquence la responsabilité de Mme [K] [J] en qualité de représentante légale de son fils mineur ne peut valablement être recherchée,

- dire et juger en conséquence M. [C] [R] et les compagnies d'assurances MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD, venant aux droits de la compagnie MMA AIS Pôle Technique, irrecevables et mal fondés en leurs demandes dirigées à l'encontre de Mme [K] [J],

- les en débouter,

- dire et juger également M. [N] [E] et la compagnie GAN irrecevables et mal fondés en leur demande subsidiaire de confirmation du jugement en ce qu'il a prononcé une condamnation in solidum entre les civilement responsables des mineurs à indemniser de M. [C] [R] et de la compagnie MMA,

- les en débouter,

- mettre hors de cause Mme [K] [J],

- réformer en conséquence le jugement en ce qu'il a condamné Mme [K] [J] en qualité de civilement responsable de son fils mineur [T] [A] in solidum avec M. [N] [E] et M. [V] [U] à indemniser la société MMA et M. [C] [R] des préjudices liés à l'incendie du 23 juin 2013,

- réformer également la décision en ce qu'elle a condamné Mme [K] [J] en qualité de civilement responsable de son fils mineur [T] [A] in solidum avec M. [N] [E] et M. [V] [U] aux entiers dépens et au règlement au profit de M. [C] [R] et de la compagnie MMA d'une somme de 3 000 euros en application de l'article

700 du code de procédure civile,

- condamner in solidum la société MMA en la personne de son représentant légal, à verser à Mme [K] [J] la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- condamner in solidum la société MMA, prises en la personne de son représentant légal, au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel,

A titre infiniment subsidiaire,

Si, par impossible, la Cour devait confirmer le jugement en ce qu'il a retenu une responsabilité conjointe des trois mineurs et a prononcé une condamnation in solidum entre leurs civilement responsables,

- débouter néanmoins la société MMA de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de Mme [K] [J], mal fondées,

- constater que M. [C] [R] ne justifie pas des préjudices subis dont il réclame l'indemnisation,

- débouter en conséquence M. [C] [R] de ses demandes au titre de la franchise et des frais de lustrage,

- réduire dans de notables proportions, à défaut de la rejeter en l'absence de justificatifs, l'indemnité réclamée au titre du préjudice de jouissance,

- condamner la société MMA, prises en la personne de son représentant légal, au paiement des entiers dépens de première instance et d'appel,

Par dernières conclusions notifiées le 3 juin 2019, M. [C] [R] et la société MMA demandent à la cour de :

- débouter l'ensemble de leurs prétentions, fins et conclusions dirigées à l'encontre de M. [C] [R] et de son assureur MMA IARD et MMA IARD Assurances Mutuelles,

- confirmer le jugement rendu le 13 décembre 2018 par 1e Tribunal de Grande Instance de Saint Nazaire en ce qu'il a :

* déclaré la Compagnie MMA recevable en ses demandes,

* condamné in solidum M. [N] [E], Mme [K] [J] et M. [V] [U] en qualité de civilement responsables de leurs enfants mineurs à verser à la Compagnie d'assurances MMA la somme de 74 764,22 euros au titre de son action subrogatoire,

* condamné in solidum M. [N] [E], Mme [K] [J] et M. [V] [U] en qualité civilement responsables de leurs enfants mineurs à verser à M. [R] la somme de :

° 1 520 euros au titre de la franchise contractuelle,

° 4 000 euros pour le préjudice de jouissance,

* dit que dans leurs rapports respectifs, ils seront tenus à parts égales,

* condamné la société Gan à garantir intégralement M. [N] [E] et la CRAMA à garantir intégralement M [U] des condamnations prononcées contre eux,

* condamné in solidum M. [N] [E], Mme [K] [J] et M. [V] [U] en qualité de civilement responsables de leurs enfants mineurs à verser à M. [C] [R] et à la société MMA la somme 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

* dit que dans leurs rapports respectifs ils seront tenus à parts égales,

* condamné la société Gan à garantir intégralement M. [N] [E] et la CRAMA à garantir intégralement M [U] de cette condamnation prononcées contre eux,

* condamné M. [N] [E] et son assureur GAN à verser à la société Chantier Naval Croisicais la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* condamné la société Gan à garantir intégralement M. [N] [E].

- condamner in solidum, M. [N] [E] et son assureur GAN, Mme [K] [A], M. [V] [U] et son assureur la CRAMA, a verser à M. [C] [R] la somme de 3 555,11 euros au titre des travaux supplémentaires en lien avec le sinistre,

- condamner in solidum, M. [N] [E] et son assureur GAN, Mme [K] [A], M. [V] [U] et son assureur la CRAMA à verser à M. [C] [R] et à son assureur les MMA la somme de 5 000 euros en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Par dernières conclusions notifiées le 11 septembre 2019,M.[N] [E] et la société GAN Compagnie d'Assurance demandent à la cour de :

- recevoir les concluants en leur appel incident et les y juger bien fondés,

A titre principal,

- réformer la décision déférée en ce qu'elle a déclaré la société MMA recevable en ses demandes,

En conséquence,

- déclarer les demandes des MMA à 1'encontre de M. [N] [E] et du Gan irrecevables,

- condamner la société MMA au versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel,

A titre subsidiaire,

- constater qu'aucune expertise contradictoire n'a été diligentée afin de constater et chiffrer les désordres subis par le bateau de M. [C] [R] suite à l'incendie des coques situées à proximité,

En conséquence, réformer la décision déférée en ce qu'elle a condamné in solidum M. [N] [E], Mme [K] [J] et M. [V] [U] ès qualités de civilement responsables de leurs enfants mineurs à verser à la société MMA la somme de 74 764,22 euros,

Toujours à titre subsidiaire,

- débouter M. [V] [U] et son assureur la CRAMA ainsi que Mme [K] [P] de leurs demandes visant à voir juger que leurs enfants mineurs [T] [A] et [S] [U] ne peuvent être considérés comme responsables ou co-responsables de l'incendie survenu au Croisic le 25 juin 2013, et qu'en conséquence leurs responsabilités ne pourraient être valablement recherchées,

- en conséquence, confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné in solidum M. [N] [E], Mme [K] [J] et M. [V] [U] en qualité de civilement responsables de leurs enfants mineurs à indemniser la société MMA et M. [C] [R] des préjudices liés à l'incendie du 23 juin 2013 et condamné la société GAN à garantir intégralement M. [N] [E] et la CRAMA à garantir intégralement M. [V] [U] des condamnations prononcées contre eux,

- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a débouté M. [C] [R] du surplus de ses demandes, et notamment de sa demande au titre des travaux supplémentaires de lustrage de la structure pour 3 555,11 euros,

- condamner la société MMA au versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de la procédure de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 février 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la recevabilité des demandes de la société MMA

M. [U] et la CRAMA Bretagne Pays de la Loire soutiennent au visa des dispositions de l'article 1448 du code de procédure civile que les demandes présentées par la société MMA étaient irrecevables au motif que celle-ci n'avait pas eu recours à la procédure élaborée par la convention d'arbitrage GEMA/FFSA du 16 décembre 2005 alors qu'elle était adhérente à la Fédération Française des Sociétés d'Assurances (FFSA). Ils ajoutent qu'aux termes de l'article 4 de la convention, les sociétés d'assurances signataires comme la société MMA doivent respecter la procédure dite d'escalade qui consiste à épuiser toutes les voies de recours amiables avant le recours à l'arbitrage alors que la société MMA n'a eu recours ni à la procédure d'escalade ni à la saisine de la commission arbitrale avant d'assigner la société GAN et la CRAMA. Ils précisent que le bateau de M. [R] n'étant pas en mer mais se trouvant confié au chantier naval pour travaux, le litige entre dans le champs d'application de la convention d'arbitrage.

M. [E] et la société GAN soulèvent également l'irrecevabilité des demandes de la société MMA pour le même motif et ajoutent que la convention GEMA/FFSA s'applique aux sociétés d'assurances signataires, peu importe que des tiers, en l'espèce les assurés respectifs des assureurs, soient mis en cause et que cette convention régit les rapports des assureurs entre eux dès lors qu'ils sont actionnés au titre de la responsabilité civile générale au terme de l'article 2 de la convention.

M. [R] et la société MMA rétorquent que la convention est inopposable à M. [U], M. [E] et Mme [A] née [J] en raison de l'effet relatif des contrats. Ils indiquent également que la convention n'a pas vocation à s'appliquer en l'espèce puisqu'aux termes de l'article R.321-1 du code des assurances les véhicules maritimes sont exclus de la présente convention. Ils ajoutent que la convention ne prévoit aucune sanction en l'absence de mise en oeuvre de la procédure d'arbitrage et qu'en l'espèce, il est de bonne justice que l'entier litige soit soumis à la même juridiction en présence de l'ensemble des parties.

Mme [J] n'a pas conclu sur ce point.

Aux termes de l'article 1134 ancien du code civil (articles 1103, 1104 et 1193 nouveaux) applicable en l'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ontfaites.

La convention d'arbitrage dont se prévalent M. [U] et la CRAMA ainsi que M. [E] et la société GAN pour soutenir l'irrecevabilité des demandes de M. [R] et de la société MMA stipule en page 2, au paragraphe1 'objet et principes fondamentaux'que 'la présente convention a pour but de favoriser le règlement amiable des litiges entre assureurs en évitant les procédures judiciaires. A cette fin, elle institue une procédure dite d'escalade et d'arbitrage entre assureurs. Ses dispositions s'imposent aux assureurs adhérents mais sont inopposables aux victimes, aux assurés et aux tiers'

Le présent litige opposant tant des sociétés d'assurances que des assurés, la CRAMA et la société GAN ne peuvent se prévaloir de cette convention pour soutenir l'irrecevabilité des demandes formées par M. [R] et son assureur la société MMA à l'encontre des assurés comme M. [U] garanti par la CRAMA, M. [E] garanti par la société GAN et des tiers comme Mme [J].

L'article 2 de la convention intitulé 'champ d'application' stipule que la 'convention s'applique aux litiges entre sociétés adhérentes relevant des branches définies par l'article R.321-1 du code des assurances :

3. 'Corps de véhicules terrestres (autres que ferroviaires)'

8. ' Incendie et éléments naturels'

9. 'Autres dommages aux biens'

10. 'Responsabilité civile véhicules terrestres automoteurs'

13. 'Responsabilité civile générale'

16. 'Pertes pécuniaires diverses'

Or l'article 2 de ladite convention ne vise pas spécifiquement la branche 6 'corps de véhicules maritimes, lacustres et fluviaux' de l'article R.321-1 du code des assurances. De plus, si l'article 2 vise la branche 8 relative aux incendies et la branche 9 relative aux autres dommages causés aux biens, l'article R.321-1 du code des assurances exclut dans ces cas les dommages subis par la branche 6 'corps de véhicules maritimes, lacustres et fluviaux'. La convention arbitrale n'a donc pas vocation à s'appliquer au sinistre survenu sur le bateau de M. [R].

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré la société MMA recevable en ses demandes.

- Sur la responsabilité des civilement responsables

M. [U] et la CRAMA font valoir qu'aucune condamnation conjointe et solidaire des trois mineurs ne peut intervenir dans la mesure où la part de responsabilité de chacun des mineurs peut être spécifiquement établie. Ils indiquent que seul [Z] [E] a mis le feu aux livres qu'il a placés dans la coque d'un bateau qui a elle même brûlé et a entraîné des dégradations sur le bateau de M. [R]. Ils soutiennent que la seule présence sur place du fils de M. [U] et le fait qu'il a tenté d'éteindre l'incendie ne permet pas d'établir qu'il a commis un acte qui a directement contribué au dommage subi par la victime. Ils en déduisent qu'aucune responsabilité ne peut être imputée au fils de M. [U] et le rappel à la loi dont il a fait l'objet est sans incidence sur la discussion relative au droit à indemnisation de M. [R].

Mme [J] fait également valoir que seul [Z] [E] a eu un rôle actif et a été à l'origine de l'incendie de la coque qui a provoqué des dommages au bateau de M. [R]. Elle considère que le fait que [Z] [E] s'étant muni d'un briquet et l'ayant utilisé doit voir sa responsabilité engagée en application des dispositions de l'article 1384 ancien du code civil devenu l'article 1242 en tant que gardien de la chose. Elle ajoute que la co-action ne peut être retenue en l'espèce.

M. [E] et la société GAN rétorquent que si le fils de M. [E] a allumé le feu, la responsabilité du fils de M. [U] et de Mme [J] doit également être retenue en ce qu'ils ont accompagné leur camarade en toute connaissance de cause, ne l'ont pas empêché de brûler les livres et qu'ils lui ont même fourni assistance en remettant leur livre et en tentant ensemble d'éteindre l'incendie en urinant, ce qui a conduit au dommage. Pour eux, leurs agissements respectifs ont concouru à la réalisation du dommage sans qu'il soit possible d'exclure la responsabilité de l'un d'entre eux.

M. [R] et les MMA sollicitent la confirmation du jugement qui a retenu que les mineurs avaient agi de concert, en faisant preuve d'une réelle imprudence laquelle a directement conduit à la survenance du dommage.

Aux termes des dispositions de l'article 1384 alinéa 1 et 4 ancien du code civil applicable au litige (devenu l'article 1242 du code civil), on est responsable non seulement du dommage que l'on cause de son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde. Le père et la mère, en tant qu'ils exercent l'autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.

Il n'est pas contesté que M. [U], M. [E] et Mme [J] exerçaient l'autorité parentale sur leur enfant mineur.

L'enquête préliminaire diligentée par les gendarmes permet d'établir que les trois mineurs ont décidé de se rendre sur le chantier naval et sont tous montés dans la coque d'un bateau où [Z] [E] voulait brûler des livres avec le briquet qu'il avait en sa possession, que [S] [U] lui a donné un de ses livres que [Z] [E] a brûlé, que [S] [U] et [T] [A] le regardaient faire sans intervenir, qu'ils ont essayé en vain d'éteindre le feu notamment en urinant, qu'ils n'y sont pas parvenus et ont pris ensemble la fuite. Les trois mineurs ont fait l'objet d'un rappel à la loi pour destruction involontaire du bien d'autrui par incendie.

Si [Z] [E] est celui qui a mis le feu, les autres mineurs l'ont suivi et ont assisté lors de l'incendie des livres dans une coque de bateau sans l'en empêcher, [S] [U] lui ayant même procuré l'un des livres qu'il a brûlé, qu'ils ont ensuite pris la fuite après avoir essayé d'éteindre le feu. S'agissant d'une infraction involontaire, ils ont ainsi crée ensemble une situation d'imprudence, dont ils avaient parfaitement conscience ce dont ils ont convenu lors de leur audition devant les gendarmes, qui a contribué directement à la réalisation du dommage, le feu s'étant propagé et ayant dégradé le bateau de M. [R].

La responsabilité de M. [U], M. [E] et de Mme [J] est ainsi engagée en qualité de civilement responsables de leur enfant mineur. Le jugement qui a retenu leur responsabilité sera confirmé.

- Sur l'indemnisation des dommages

* Sur le rapport d'expertise

M. [U] et la CRAMA sollicitent le rejet des demandes indemnitaires en raison du caractère non contradictoire des rapports d'expertises produits. Ils indiquent que le premier rapport daté du 29 août 2013 fait suite à une réunion à laquelle n'était pas convoqué M. [U] et que le second rapport daté du 19 décembre 2013, particulièrement succinct, n'a consisté qu'à exposer aux parties le coût des travaux de reprise sans que les parties n'aient pu constater la matérialité des dégâts, le bateau ayant été réparé.

M. [E] et la société GAN considèrent également que le rapport d'expertise ne peut être qualifié de contradictoire dans la mesure où ils n'ont pas pu participer aux opérations d'expertise ni discuter la nature des dommages et leur évaluation.

Mme [J] conteste également le caractère contradictoire du rapport d'expertise pour les mêmes motifs.

M. [R] et la société MMA rétorquent qu'avant que les auteurs de l'incendie ne soient identifiés, une première expertise, qui avait chiffré les travaux de réparation à 76 284,22 euros, avait eu lieu entre la société MMA et l'assureur du chantier naval mais les discussions n'avaient pas abouti. Une nouvelle réunion d'expertise contradictoire avait été réalisée le 19 décembre 2013 en présence des parents civilement responsables, de leurs assureurs et des experts qui avait confirmé le coût des travaux de reprise, lesquels étaient corroborés par les devis et factures produits. M. [R] et la société MMA font valoir qu'en participant aux opérations d'expertise et en acceptant la discussion, les parents civilement responsables et leur assureur ont été en mesure de faire valoir leurs droits et que l'expertise est contradictoire et opposable aux parties.

Il est constant qu'une expertise extra-judiciaire, même unilatérale possède une valeur probante, dès lors que le rapport, quoique n'ayant pas la valeur d'expertise, a été soumis à la discussion et à la contradiction des parties.

En l'espèce, il est établi que les parents civilement responsables et leur assureur ont été convoqués à la réunion d'expertise du 19 décembre 2013, seule Mme [J] ne s'est pas présentée et n'a pas été représentée mais elle avait été convoquée. A l'occasion de cette réunion, l'expert M. [F] a exposé les circonstances et les conséquences du sinistre du 25 juin 2013 ainsi que l'estimation des dommages pour 76 284,22 euros sur la base des devis et factures mentionnés dans le rapport. Suite à cette réunion, l'expert a rédigé un 'rapport de réunion d'expertise amiable contradictoire du 19 décembre 2013". Les parties ont ainsi eu la possibilité de faire valoir leurs observations de manière contradictoire et de défendre leurs intérêts. Le fait que le bateau ait été réparé avant est sans incidence puisque M. [R] et son assureur ont produit les factures et devis des réparations. Les parties n'ont d'ailleurs pas entendu contester le montant des dommages retenus par l'expert.

Par conséquent, il n'y a pas lieu d'écarter ce rapport de réunion d'expertise et ce d'autant qu'il est corroboré par les devis et factures produites par M. [R]. Les parties seront déboutées de leur demande et le jugement sera confirmé.

* Sur l'action de la société MMA

Aux termes de l'article L121-12 du code des assurances, l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

Les parties et notamment Mme [J] ne conteste plus le règlement de la somme de 74 764,22 euros par la société MMA et ni sa subrogation dans les droits de son assuré.

Aux termes des dispositions de l'article L.121-12 du code des assurances, l'assureur qui a indemnisé la victime est subrogée dans ses droits et à son recours contre les tiers responsables du dommage.

En l'espèce, la société MMA justifie par la production de deux quittances subrogatoires des 27 novembre 2013 et 17 janvier 2014 signées par M. [R] être subrogée dans les droits de ce dernier à hauteur de 74 764,22 euros. Le jugement qui a condamné in solidum M. [U], M. [E] et Mme [J] en qualité de civilement responsable de leurs enfants mineurs à verser aux MMA la somme de 74 764,22 euros sera confirmé.

* Sur le préjudice de M. [R]

M. [U] et la CRAMA n'ont pas conclu sur la demande de condamnation à hauteur de 1 520 euros au titre de la franchise supportée par M. [R] ni sur le préjudice de jouissance. Ils ont sollicité la confirmation du jugement qui a débouté ce dernier de cette demande d'indemnisation des frais de lustrage pour 3 555,11 euros, cette somme n'ayant pas été prise en compte par les experts au titre des dommages.

M. [E] et la société GAN sollicitent également le rejet de la demande d'indemnisation des frais de lustrage présentée par M. [R] en arguant qu'il ne justifie pas que la nécessité de ces travaux soit en lien direct avec le dommage subi.

Mme [J] n'a pas conclu sur ce point.

M. [R] sollicite la confirmation du jugement sur la condamnation des civilement responsables à lui payer la franchise de 1 500 euros ainsi que sur le préjudice de jouissance mais sa réformation sur le débouté de ses frais de lustrage qu'il précise avoir déboursés afin que son bateau présente un aspect général uniforme.

S'agissant de la franchise, M. [R] justifie que son contrat d'assurance met à sa charge une franchise de 1 520 euros qui a été déduite du montant de l'indemnisation effectuée par la société MMA. Cette dépense est en lien direct et certain avec l'incendie de son bateau. Le jugement qui a condamné in solidum M. [U], M. [E] et Mme [J] en qualité de civilement responsable de leurs enfants mineurs à verser à M. [R] la somme de 1 520 euros sera confirmé.

De même, s'agissant du préjudice de jouissance, il est établi que M. [R] a été privé de l'utilisation de son bateau entre le 25 juin 2013, date du sinistre et novembre 2013, date des réparations. C'est à bon droit que le jugement a condamné in solidum M. [U], M. [E] et Mme [J] en qualité de civilement responsable de leurs enfants mineurs à lui verser 4 000 euros en réparation de son préjudice de jouissance, le jugement sera confirmé.

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté M. [R] de sa demande d'indemnisation des frais de lustrage. En effet, celui-ci produit uniquement une facture du 29 novembre 2013 mais sans élément de nature à établir un lien de causalité avec le dommage subi par le bateau, les experts n'ont d'ailleurs pas retenu cette dépense.

- Sur la demande d'indemnisation présentée pour procédure abusive

M. [U] sollicite aux termes du dispositif de ses dernières écritures la condamnation de la société MMA à lui verser une somme de 2 000 euros pour procédure abusive mais il convient de rappeler que l'exercice d'une action en justice constitue, en principe, un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages-intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. M. [U] n'apportant aucune précision à l'appui de sa demande, il convient de l'en débouter.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Succombant, M. [U], M. [E] et Mme [J] ès-qualités de civilement responsables de leurs enfants mineurs seront condamnés in solidum à verser à M. [R] et son assureur, la société MMA la somme de 3 000 au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens d'appel, étant précisé que les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [V] [U], M. [N] [E] et Mme [K] [J], ès-qualités de civilement responsables de leurs enfants mineurs, à verser à M. [C] [R] et son assureur, la société MMA IARD Assurances Mutuelles et MMA IARD venant aux droits de la société MMA AIS Pôle Technique la somme de 3 000 au titre des frais irrépétibles en cause d'appel ;

Condamne in solidum M. [V] [U], M. [N] [E] et Mme [K] [J] ès- qualités de civilement responsables de leurs enfants mineurs aux dépens en cause d'appel ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/00469
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;19.00469 ?
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