1ère Chambre
ARRÊT N°223/2022
N° RG 20/01544 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QREB
COMMUNE DE [Localité 20]
C/
Mme [H] [I] épouse [B]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 07 JUIN 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère entendue en son rapport,
GREFFIER :
Madame Isabelle GESLIN OMNES, lors des débats, et Madame Marie-Claude COURQUIN, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 Mars 2022, tenue en double rapporteur avec l'accord des parties, par Mmes Aline DELIÈRE et Véronique VEILLARD, présidentes de chambre,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 07 Juin 2022 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé au 17 mai 2022 à l'issue des débats
****
APPELANTE :
La commune de [Localité 20], établissement public représenté par son maire en exercice
Mairie
[Adresse 19]
[Localité 20]
Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Anne-Charlotte METAIS, Plaidant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC
INTIMÉE :
Madame [H] [I] épouse [B]
née le 16 Septembre 1933 à [Localité 20] (22)
[Adresse 15]
[Localité 17]
Représentée par Me Sébastien COLLET de la SCP VIA AVOCATS, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
La commune de [Localité 20] est propriétaire de plusieurs parcelles acquises dans le cadre d'une expropriation, qui sont contiguës à celles appartenant à Mme [B].
Faisant valoir que Mme [B] n'avait pas régularisé le plan de bornage amiable établi par la société de géomètre-expert A&T Ouest, la commune de [Localité 20] a, par acte du 20 février 2019, fait assigner Mme [H] [B] née [I] devant le tribunal d'instance de Guingamp afin de solliciter un bornage judiciaire de leurs propriétés contiguës.
Par jugement avant dire droit du 26 septembre 2019, le tribunal d'instance de Guingamp a :
-Ordonné l'expertise en bornage sollicitée par la commune et commis pour y procéder la SELARL EGUIMOS, [Adresse 2], expert inscrit sur la liste établie par la Cour d'Appel de Rennes, avec pour mission de :
* procéder en présence des parties ou celle-ci dûment convoquées, à la délimitation des parcelles situées à [Localité 20]), appartenant d'une part, à la commune de [Localité 20] (section A n°s[Cadastre 7], [Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 16], [Cadastre 3]) et, d'autre part, à Mme [H] [B] (section A n°s [Cadastre 8],[Cadastre 10], [Cadastre 12], [Cadastre 5], [Cadastre 13]) soit d'après la possession actuelle des parties en cas d'accord entre elles sur ce point, soit en tenant compte des indices relevés sur le terrain, des bornes anciennes éventuelles, des titres de propriété, des documents d'expropriation, des plans de bornages amiables antérieurs ou des plans cadastraux successifs,
* mesurer les parcelles et dire leur superficie réelle en mentionnant le cas échéant l'excédent ou le déficit existant entre la superficie réelle et la superficie sur titre pour chacune des parcelles et donner son avis sur l'origine de l'excédent ou du déficit,
-Dit que l'expert établira un pré-rapport de ses opérations et laissera aux parties un délai de 30 jours pour faire valoir leurs observations et y répondre,
-Dit que l'expert dressera un rapport définitif de ses opérations ainsi que le plan des immeubles sur lequel seront indiqués les différents repères naturels ou artificiels, la situation des anciennes bornes éventuelles et l'emplacement des nouvelles bornes qu'il envisage d'implanter ainsi que la localisation des ouvrages dont l'implantation est contestée,
-Dit que les parties devront consigner au plus tard dans le mois du prononcé du présent jugement, et en un chèque libellé à l'ordre du régisseur d'avances et de recette du tribunal d'instance de Guingamp, une provision de 700€ chacune, qui sera à valoir sur les honoraires du géomètre,
-Dit que l'expert devra procéder à a sa mission et déposer son rapport dans un délai de trois mois à compter du versement de la provision ce dont il sera avisé par le greffe, et qu'il délivrera lui-même une copie du rapport à chacune des parties à la cause,
-Dit qu'en l'absence de consignation dans le délai imparti, l'affaire fera l'objet d'une radiation pour défaut de diligences des parties, à moins que la partie la plus intéressée au bornage n'accepte de prendre provisoirement en charge l'intégralité de la provision,
-Dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de la mission, il sera pourvu au remplacement de l'expert par voie de simple ordonnance,
-Déclaré qu'en cas de difficultés dans l'accomplissement de la mission l'expert devra en référer au juge,
-Renvoyé l'affaire à l'audience du jeudi 21 novembre 2019 à 9 heures pour vérification de la consignation,
-Rejeté pour le surplus,
-Réservé les dépens.
Suivant déclaration du 5 mars 20020, la commune de [Localité 20] a relevé appel du jugement en ce qu'il a exclu des opérations de bornage les parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 14] et n°[Cadastre 1], en retenant que :
-s'agissant de la parcelle n°[Cadastre 1], la commune ne communiquait aucun élément permettant de rattacher celle-ci à son domaine privé, après avoir rappelé que la délimitation du domaine public relèvait de la procédure d'alignement et échappait à la compétence du juge judiciaire,
-s'agissant de la parcelle n°[Cadastre 14], la commune ne justifiait pas en être propriétaire.
Par ordonnance du 15 juin 2020, la présidente de la 1ère chambre de la Cour d'appel de Rennes a déclaré l'appel de la commune de [Localité 20] irrecevable comme n'ayant pas été autorisé par le premier président, et a condamné cette dernière aux dépens.
Par requête du 30 juin 2020, la commune de [Localité 20] a déféré cette ordonnance à la Cour, qui par arrêt du 16 octobre 2020, a :
-annulé l'ordonnance de la présidente de la 1ère chambre rendue le 15 juin 2020,
-déclaré l'appel de la commune de [Localité 20] contre le jugement du tribunal d'instance de Guingamp du 26 septembre 2019 recevable.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 12 avril 2021 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, la commune de [Localité 20] demande à la cour de :
-Infirmer le jugement du tribunal d'instance de Guingamp en ce qu'il a débouté la commune de [Localité 20] de sa demande de bornage concernant les parcelles n°[Cadastre 14] et n°[Cadastre 1],
-Déclarer recevable l'action en bornage au titre des parcelles cadastrées section A n°[Cadastre 14] et n°[Cadastre 1],
En conséquence,
-Désigner tel expert qu'il plaira à la cour, dans la mesure du possible la SELARL EGUIMOS qui a été désignée pour procéder au bornage des autres parcelles dans le cadre du jugement du 26 septembre 2019, avec pour mission de fournir toutes indications de nature à permettre de fixer les limites des parcelles appartenant à la commune de [Localité 20] et à Mme [B] d'après l'application des titres des parties, à savoir les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 14] et n° [Cadastre 1],
-Condamner Mme [B] à payer à la commune de [Localité 20] une somme de 3.000,00 €,
-Réserver les dépens.
Au soutien de son appel, la commune fait valoir en substance que :
-S'agissant de la parcelle n°[Cadastre 1], il n'appartient pas au juge judiciaire de décider si une parcelle appartient ou non au domaine public de la commune. En l'occurrence, la parcelle en cause est en friche, de sorte qu'elle ne répond pas à la définition du domaine public telle que posée par l'article L. 211-1 du code général de la propriété des personnes publiques selon lequel le domaine public : « est constitué des biens qui sont soit directement affectés à l'usage du public soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. »
La commune expose que cette parcelle enherbée n'a rien à voir avec la voie d'accès goudronnée créée lors de l'aménagement de la ZAC et que Mme [B] entend vainement entretenir la confusion.
-S'agissant de la parcelle n°[Cadastre 14], la commune expose que cette parcelle est issue avec la parcelle n°[Cadastre 13] appartenant à Mme [B], de la division de l'ancienne parcelle n°[Cadastre 6] qui appartenait à Mme [B] et qui est devenue la propriété de la commune par suite de l'ordonnance du juge de l'expropriation du 03 mars 2010.
En réponse à l'appel incident de Mme [B], la commune fait valoir que le bornage implique nécessairement de procéder aux mesures des parcelles concernées et qu'il n'est pas expliqué en quoi la réalisation de ces mesures remettrait en cause l'autorité de la chose jugée de l'ordonnance du 03 mars 2010. S'agissant des frais partagés de bornage, la commune rappelle que Mme [B] a refusé le bornage amiable et qu'elle ne peut invoquer l'existence d'une expropriation antérieure pour s'exonérer des frais de bornage.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 29 octobre 2021 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé détaillé des moyens et prétentions, Mme [H] [I] épouse [B] demande à la cour de :
Vu l'article L.2111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques,
Vu l'article R.132-2 - anciennement R.11-28 alinéa 2 du Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique,
-Recevoir Mme [I], épouse [B], dans son appel incident formé à l'encontre du jugement rendu, le 26 septembre 2019, par le tribunal d'instance de Guingamp,
-Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a confié à la SELARL Eguimos la mission de :
* Procéder en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées, à la délimitation des parcelles situées à [Localité 20]), appartenant d'une part, à la commune de [Localité 20] (section A n°[Cadastre 7], [Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 16], [Cadastre 3]) et, d'autre part, à Mme [H] [B] (section A n°[Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 12], [Cadastre 5], [Cadastre 13]) soit d'après la possession actuelle des parties en cas d'accord entre elles sur ce point, soit en tenant compte des indices relevés sur le terrain, des bornes anciennes éventuelles, des titres de propriété, des documents d'expropriation, des plans de bornages amiables antérieurs ou des plans cadastraux successifs,
* Mesurer les parcelles et dire leur superficie réelle en mentionnant le cas échéant l'excédent ou le déficit existant entre la superficie réelle et la superficie sur titre pour chacune des parcelles et donner son avis sur l'origine de l'excédent ou du déficit,
* Dit que les parties devront consigner au plus tard dans le mois du prononcé du présent jugement, et en un chèque libellé à l'ordre du régisseur d'avances et de recettes du tribunal d'instance de Guingamp, une provision de 700 € chacune, qui sera à valoir sur les honoraires du géomètre,
-Confirmer le jugement rendu, le 26 septembre 2019, par le tribunal d'instance de Guingamp pour le surplus,
En conséquence :
-Limiter la mission confiée à l'expert judiciaire au chef suivant : 'Procéder en présence des parties ou celles-ci dûment convoquées, à la délimitation des parcelles situées à [Localité 20]), appartenant d'une part, à la commune de [Localité 20] (section A n°[Cadastre 7], [Cadastre 9], [Cadastre 11], [Cadastre 16], [Cadastre 3]) et, d'autre part, à Mme [H] [B] (section A n°[Cadastre 8], [Cadastre 10], [Cadastre 12], [Cadastre 5], [Cadastre 13]) d'après les limites telles que fixées par l'ordonnance d'expropriation',
-Dire qu'en l'absence de production par la commune de [Localité 20], des documents sollicités par l'expert judiciaire, la surface de la parcelle n°[Cadastre 16] ne peut pas être déterminée,
-Ordonner que les frais de géomètre soient mis à la seule charge de la commune de [Localité 20],
-Débouter la commune de [Localité 20] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-Condamner la commune de [Localité 20] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP VIA AVOCATS -représentée par Maître Sébastien Collet conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Mme [B] considère que les pièces et explications de la commune ne permettent toujours pas d'établir la propriété de la parcelle cadastrée A n°[Cadastre 14] d'une part, d'autre part, elle considère que la parcelle n°[Cadastre 1] correspond à une voie goudronnée déservant la ZAC, de sorte que la volonté de la commune d'affecter cette parcelle à l'usage direct du public est caractérisée. Répondant aux critères de la domanialité, cette parcelle ne peut donc, selon elle, être incluse dans le périmètre du bornage.
S'agissant de son appel incident, Mme [B] craint une remise en cause, à l'occasion des opérations de bornage, des contenances qui avaient été arrêtées dans l'ordonnance d'expropriation dont elle met en avant l'autorité de chose jugée. Elle critique par ailleurs le partage des frais de bornage en faisant valoir que dans le cadre de la procédure d'expropriation partielle, la commune aurait dû faire établir un document d'arpentage dont elle était tenue d'assumer seule le coût, en tant qu'expropriant.
MOTIFS DE L'ARRÊT
1°/ Sur l'appel principal de la commune
Selon l'article 646 du code civil, tout propriétaire peut obliger son voisin au bornage de leurs propriétés contiguës. Le bornage se fait à frais commun.
a. Sur l'inclusion de la parcelle cadastrée A n°[Cadastre 1] dans le périmètre du bornage et la possibilité de borner la parcelle A n°[Cadastre 16]
Il ressort de l'acte reçu le 1er décembre 2008 au rapport de Me [O], notaire à [Localité 18], que les époux [K] ont vendu à la commune de [Localité 20], notamment, la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 1] d'une contenance de 5 a 32 ca. La propriété de la commune n'est d'ailleurs pas contestée.
Il est constant qu'une action en bornage dirigée contre une commune ne peut viser que le domaine privé de celle-ci.
La détermination du domaine public et du domaine privé d'une personne publique relève en principe de la compétence de la juridiction administrative, sauf si cette appartenance ne se heurte pas à des moyens sérieux.
En l'espèce, la commune est demanderesse au bornage et revendique l'appartenance de la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 1] à son domaine privé en exposant qu'il s'agit d'une friche ne répondant pas aux critères de la domanialité tels qu'ils sont énoncés à l'article L. 211-1 du code général de la propriété des personnes publiques.
Mme [B] qui n'a pas qualité pour défendre le domaine public, affirme sans aucune preuve que la parcelle litigieuse est goudronnée et ouverte à la circulation, et qu'elle correspondrait à la rue « Francis Maurice ».
Elle affirme d'ailleurs que cette rue serait la voie centrale de la ZAC, ce qui ne ressort pas du plan produit par la commune en pièce n°20, où la rue est située en net décalage de la parcelle litigieuse. Contrairement à ce que soutient Mme [B], la cour n'a aucune raison de douter de la sincérité de ce plan, à défaut de preuve contraire.
L'appartenance de la parcelle cadastrée A n°[Cadastre 1] au domaine privé de la commune ne se heurtant à aucun moyen sérieux, il sera fait droit à la demande d'inclusion de celle-ci dans le bornage ordonné.
Mme [B] sera donc déboutée de sa demande tendant à voir constater qu'il ne peut être procédé au bornage de la parcelle A n°[Cadastre 16] lui appartenant, les deux parcelles étant contiguës.
b. Sur l'inclusion de la parcelle cadastrée A n° [Cadastre 14] dans le périmètre du bornage
Il est constant que l'action en bornage doit être rejetée lorsque le juge estime que les pièces produites par le demandeur n'établissent pas sa qualité de propriétaire de la parcelle à borner ainsi que la contiguïté exigée par la délimitation des héritages.
En cause d'appel, la commune de [Localité 20] verse aux débats les documents suivants :
- la modification du parcellaire cadastral effectuée le 29 octobre 2009 dont il ressort que les parcelles A n°[Cadastre 13] d'une contenance de 11 a 98 ca et A n°[Cadastre 14] d'une contenance de 7 a 47 ca sont issues de la division de l'ancienne parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 6] qui appartenait à Mme [B] (pièce n°15),
- l'arrêté du 16 octobre 2009 portant expropriation et en annexe, un état parcellaire des terrains déclarés cessibles en vue de l'expropriation pour cause d'utilité publique, sur lequel figure la parcelle A n°[Cadastre 6], étant précisé que l'expropriation ne porte que sur la « partie correspondant à l'ancienne parcelle n°[Cadastre 4], intégrée depuis l'enquête parcellaire dans la nouvelle parcelle A [Cadastre 6] », pour une emprise expropriée de 7 a 47 ca ( pièce n°3),
- l'ordonnance rendue par le juge de l'expropriation de [Localité 21] le 3 mars 2010 dont il ressort que la commune a exproprié Mme [B] de la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 6] pour une contenance de 7a 47 ca ( pièce n°9),
- un historique des divisions parcellaires retraçant «la filiation de la parcelle A n°[Cadastre 14] », émanant de la Direction Générale des Finances publiques des Côtes d'Armor ( pièces n°s 21,22 et 23), dont il ressort que l'actuelle parcelle A n°[Cadastre 14] correspond à l'ancienne parcelle A n°[Cadastre 4], qui s'est ensuite trouvée intégrée en février 2007 à la parcelle A n°[Cadastre 6] pour devenir ensuite la parcelle A n°[Cadastre 14] lors de la division, en octobre 2009, de la parcelle A n°[Cadastre 6].
Il est observé que l'ordonnance d'expropriation du 03 mars 2010 vise de manière erronée la parcelle n°[Cadastre 6] en ce que, depuis octobre 2009, une modification du parcellaire était intervenue à la demande de Mme [B], la parcelle n°[Cadastre 6] ayant été divisée en deux parcelles (A n°[Cadastre 13] et A n° [Cadastre 14]). Il n'en reste pas moins que l'arrêté d'expropriation du 16 octobre 2009 mentionne précisément que l'expropriation ne porte que sur une partie de la parcelle n°[Cadastre 6], soit celle correspondant à l'ancienne parcelle A n°[Cadastre 4] pour une emprise de 7a 47 ca. Cette superficie coïncide exactement avec la contenance de l'actuelle parcelle A n° [Cadastre 14]. Par ailleurs, l'ordonnance du 3 mars 2010 vise bien une assiette d'expropriation sur la parcelle n°[Cadastre 6] de 7a 47 ca.
Il ne fait donc aucun doute que la commune est bien devenue propriétaire de la parcelle A n°[Cadastre 14] en vertu de l'ordonnance d'expropriation du 03 mars 2010.
Il est par ailleurs établi par le relevé de propriété produit par la commune que Mme [B] est, quant à elle, restée propriétaire de la parcelle A n°[Cadastre 13] (pièce n°7).
Ces deux parcelles n'ont pas fait l'objet d'un précédent bornage. La commune justifie suffisamment de l'échec d'une tentative de bornage amiable par la production d'un procès-verbal de carence en date du 17 mars 2013 ( pièce n°4). Les parcelles A n°[Cadastre 13] et A n°[Cadastre 14] sont par ailleurs contiguës. La demande en bornage de ces deux parcelles est donc justifiée.
Après infirmation du jugement, la parcelle cadastrée section A n°[Cadastre 14] sera incluse dans le périmètre du bornage ordonné par le premier juge.
2°/ Sur l'appel incident de Mme [B]
a. Sur la mission de l'expert
Cette demande est totalement infondée dans la mesure où Mme [B] n'explique pas en quoi l'opération de bornage aurait pour effet de modifier l'emprise de l'expropriation telle que fixée par l'arrêté de cessibilité et l'ordonnance d'expropriation.
D'évidence le géomètre-expert se référera aux documents de la procédure d'expropriation et notamment aux documents d'arpentage qui ont été réalisés en vue de l'expropriation. C'est d'ailleurs le sens des explications données à Mme [B] par le cabinet de géomètre- expert A &T que la commune avait mandaté pour réaliser le bornage amiable. Ainsi, dans un courrier daté du 3 juillet 2012 , M. [F] [C], écrit-il : ' concernant les documents d'arpentage réalisés alors que vous étiez encore propriétaire, ils ont été fait en respect de la procédure d'expropriation. Nous avons appliqué le plan qui était joint au dossier d'expropriation (')'
La demande formée par Mme [B] tendant à voir modifier la mission confiée à l'expert sera donc rejetée.
b. Sur les frais partagés de bornage
Il est observé que la procédure d'expropriation n'a pas été remise en cause, il s'en déduit que la procédure a été respectée. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient sans preuve Mme [B], des plans d'arpentage ont bien été réalisés par la commune. Les échanges susvisés entre le cabinet A&T et Mme [B] dans le cadre du bornage amiable le démontrent.
L' argumentation développée par Mme [B] pour contester le partage des frais de bornage n'est donc pas opérante.
Au surplus, un plan d'arpentage n'équivaut pas à un bornage, lequel n'existe que si les limites divisoires sont matérialisées par des bornes. Tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque la proposition de bornage et de reconnaissance de limite du cabinet A&T mentionne l'existence de bornes à implanter (pièce n°5 et 6 de la commune)
Il est établi que la commune de [Localité 20] entendait prendre à sa charge le bornage amiable (lettre du cabinet A &T à Mme [B] du 13 novembre 2012, pièce n° 4) et que celui-ci n'a pas été accepté par Mme [B].
Aucun motif ne justifie donc de déroger aux dispositions de l'article 646 du code civil et d'exonérer Mme [B] du paiement de la moitié des frais de bornage, celle-ci ayant également intérêt à voir matérialiser les limites divisoires entre les parcelles.
3°/ Sur les demandes accessoires
Le jugement ayant réservé les dépens sera infirmé.
Les dépens de première instance, incluant les frais d'expertise judiciaire et de bornage, seront partagés par moitié entre Mme [H] [B] d'une part, et la commune de [Localité 20] d'autre part.
Succombant en appel, Mme [H] [B] sera condamnée aux dépens d'appel et à payer la somme de 3.000 euros à la commune de [Localité 20] au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Infirme le jugement rendu le 26 septembre 2019 par le tribunal d'instance de Guingamp en ce qu'il a :
- déclaré irrecevable la demande de bornage des parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 1] et A n° [Cadastre 14] sur la commune de [Localité 20] ;
- débouté la commune de sa demande de désignation d'un expert avec pour mission de fournir toute indication de nature à permettre de fixer les limites des dites parcelles ;
- réservé les dépens.
En conséquence,
Déclare recevable l'action en bornage concernant les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 1] et A n° [Cadastre 14] sur la commune de [Localité 20] ;
Commet pour y procéder la SELARL EGUIMOS, [Adresse 2], expert inscrit sur la liste établie par la Cour d'Appel de Rennes avec pour mission d'intégrer les parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 14] et n° [Cadastre 1] dans les opérations de bornage déjà ordonnées et de fournir toutes indications de nature à permettre de fixer les limites des parcelles cadastrées section A n° [Cadastre 1] et A n° [Cadastre 14] appartenant à la commune de [Localité 20] ;
Renvoie aux dispositions du jugement déféré pour l'exposé détaillé de la mission de l'expert ;
Dit que les parties devront consigner au plus tard dans le mois du prononcé du présent arrêt, et en un chèque libellé à l'ordre du régisseur d'avances et de recettes du tribunal judiciaire de Guingamp, une provision complémentaire de 300 € chacune, qui sera à valoir sur les honoraires de l'expert ;
Confirme le jugement pour le surplus des dispositions déférées à la cour ;
Condamne Mme [H] [B] à payer la somme de 3.000 euros à la commune de [Localité 20] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les dépens de première instance, en ce compris tous les frais d'expertise judiciaire et de bornage seront partagés par moitié entre Mme [H] [B] d'une part, et la commune de [Localité 20] d'autre part.
Condamne Mme [H] [B] aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE