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02/06/2022 | FRANCE | N°19/04043

France | France, Cour d'appel de Rennes, 7ème ch prud'homale, 02 juin 2022, 19/04043


7ème Ch Prud'homale





ARRÊT N°337/2022



N° RG 19/04043 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P3RM













M. [V] [N]



C/



Organisme CPAM D'ILLE-ET-VILAINE.

Organisme MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGAN ISMES DE SECURITE SOCIALE



















Copie exécutoire délivrée

le :



à :





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL

DE RENNES

ARRÊT DU 02 JUIN 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,



GREFFIER :



Madame ...

7ème Ch Prud'homale

ARRÊT N°337/2022

N° RG 19/04043 - N° Portalis DBVL-V-B7D-P3RM

M. [V] [N]

C/

Organisme CPAM D'ILLE-ET-VILAINE.

Organisme MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGAN ISMES DE SECURITE SOCIALE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 02 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Benoît HOLLEAUX, Président de chambre,

Assesseur : Madame Liliane LE MERLUS, Conseillère,

Assesseur : Madame Isabelle CHARPENTIER, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Françoise DELAUNAY, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 29 Mars 2022 devant Madame Isabelle CHARPENTIER, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

En présence de Monsieur [G], médiateur judiciaire

ARRÊT :

Réputé Contradictoire, prononcé publiquement le 02 Juin 2022 par mise à disposition au greffe, date à laquelle a été prorogé le délibéré initialement fixé au 19 Mai 2022

****

APPELANT :

Monsieur [V] [N]

né le 29 Octobre 1964 à RENNES (35000)

1 La Machepas

35140 SAINT MARC SUR COUESNON

Représenté par Me Claire LE QUERE de la SELARL MARLOT, DAUGAN, LE QUERE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES :

Organisme CPAM D'ILLE-ET-VILAINE.

Cours des Alliés BP 40602

35006 RENNES cedex

Représentée par Me Vincent BERTHAULT de la SELARL HORIZONS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Organisme MISSION NATIONALE DE CONTROLE ET D'AUDIT DES ORGANISMES DE SECURITE SOCIALE

4, avenue du Bois LABBE CS 94323

35043 RENNES CEDEX

Non comparant, non Représenté

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [V] [N] a été embauché par la CPAM d'Ille et Vilaine, suivant contrat à effet du 5 juillet 2010 en qualité d'agent administratif, avant d'occuper, au dernier état de la relation contractuelle, le poste de contrôleur de l'agence de Redon, puis contrôleur au pôle contrôle centralisé ; il a été licencié pour faute grave le 9 mai 2017.

Contestant son licenciement et estimant ne pas avoir été rempli de ses droits, Monsieur [N] a saisi le Conseil de prud'hommes de Rennes le 27 septembre 2017, afin de le voir, selon le dernier état de sa demande':

Dire son licenciement pour faute grave'dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

En conséquence,

Condamner la CPAM D'ILLE ET VILALNE à lui payer, avec les intérêts de droit et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, les sommes suivantes :

- Indemnité compensatrice de préavis': 6.884,43 € et congés payés s'y rapportant 688,44 €,

- Indemnité conventionnelle de licenciement': 22.948,10 €,

- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 45.000 €, et subsidiairement'une indemnité pour licenciement irrégulier : 2.294,81 €,

- Dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail': 10.000 €,

- Indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile : 2.000 €';

Débouter la CPAM d'Ille-et-Vilaine de toutes ses demandes'et la condamner aux entiers dépens.

La défenderesse s'opposait aux prétentions du demandeur dont elle sollicitait la condamnation à'lui payer à la somme de 2.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Le demandeur a appelé en la cause la Mission Nationale de Contrôle et d'Audit des Organismes de Sécurité Sociale qui n'a pas comparu.

Par jugement réputé contradictoire rendu le 9 mai 2019, le Conseil des prud'hommes de Rennes statuait ainsi qu'il suit':

« Dit et juge que le licenciement pour faute grave est justifié';

Déboute Monsieur [N] de l'ensemble de ses demandes';

Condamne Monsieur [N] à verser à la CPAM d'Ille et Vilaine la somme de 500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamne Monsieur [N] aux entiers dépens y compris ceux éventuels d'exécution du jugement. »

Suivant déclaration de son avocat en date du 19 juin 2019 au greffe de la Cour d'appel, Monsieur [N] faisait appel de la décision.

Aux termes des écritures de son avocat présentées en cause d'appel, il demande à la Cour de':

Infirmer le jugement déféré';

Dire dépourvu de cause réelle et sérieuse son licenciement pour faute grave';

En conséquence,

Condamner la CPAM D'ILLE ET VILAINE à lui payer les sommes suivantes avec les intérêts de droit :

- Indemnité compensatrice de préavis': 6.884,43 € et congés payés s'y rapportant 688,44 €,

- Indemnité conventionnelle de licenciement': 22.948,10 €,

- Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 45.000 € et subsidiairement'une indemnité pour licenciement irrégulier de 2.294,81 €,

- Dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail': 10.000 €,

- Indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile : 3.000 €';

Débouter la CPAM d'Ille-et-Vilaine de toutes ses demandes'et la condamner aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, il expose qu'après une affection de longue durée, il a été victime d'un accident du travail le 24 octobre 2013 avec une reprise à temps partiel thérapeutique à compter du 6 mai 2014'; il soutient avoir rencontré dans l'exécution de son contrat de travail des difficultés ayant affecté son état de santé, sa responsable ne lui ayant plus donné des missions et qu'il a alors été en arrêt maladie pour un syndrome dépressif réactionnel à compter du 3 octobre 2016 jusqu'en avril 2017'; il fait valoir que le jour même de sa reprise, le 10 avril 2017, il a été convoqué à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement pour faute lourde avec mise à pied conservatoire ; il soutient qu'il s'est présenté à l'entretien préalable le 13 avril 2017, mais que les délégués du personnel ont pris l'initiative de le conduire à l'infirmerie quelques minutes avant l'entretien, puis il a été raccompagné à son domicile compte tenu de son état'; il expose qu'il a alors été placé en arrêt travail et n'a pu déférer à la convocation du conseil régional de discipline qui a établi le 3 mai 2017 un procès-verbal de carence'; il s'est alors vu notifier son licenciement pour faute grave pour fraude aux prestations d'invalidité et de cure thermale et fausses déclarations sur l'honneur ; il estime que les faits qui lui sont reprochés sont prescrits, l'employeur ne démontrant pas la date à laquelle il en aurait eu connaissance'; il estime en outre que la CPAM, dans la mesure où il n'était pas en capacité d'y répondre, aurait dû reporter l'entretien préalable et sa convocation devant le conseil régional de discipline et que son licenciement est encore dépourvu de cause réelle et sérieuse à ce titre ; enfin, il soutient que les fraudes alléguées à l'appui de son licenciement sont étrangères à l'exécution du contrat de travail, outre qu'il s'est engagé à rembourser les sommes indûment perçues ; à titre subsidiaire, il observe que le délai de 5 jours ouvrables entre la convocation à l'entretien préalable et la date de l'entretien n'a pas été respectée et que s'agissant d'une garantie de fond, de ce de ce chef encore son licenciement est dépourvu de cause et sérieuse'et il sollicite qu'il soit fait droit à ses demandes indemnitaires.

* * *

Par conclusions de son avocat présentées en cause d'appel, la CPAM D'ILLE ET VILALNE demande à la Cour de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

Débouté Monsieur [N] de toutes ses demandes.

Condamné Monsieur [N] à lui payer la somme de 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamné Monsieur [N] aux entiers dépens dont ceux éventuels d'exécution du jugement.

Y additant,

Condamner Monsieur [N] à lui payer la somme de 2.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.

A l'appui de ses prétentions, l'intimée observe que l'appelant ne conteste pas les faits et a effectivement proposé d'indemniser son employeur du préjudice résultant de ses actes frauduleux ; elle rappelle que les derniers faits reprochés datent du 27 décembre 2016 et correspondent à la prise en charge d'une cure thermale, outre que les faits ont été dissimulés par des attestations sur l'honneur mensongères, ce qui a permis à l'appelant de percevoir pendant plusieurs années des prestations indues d'invalidité et de cure thermale, les faits reprochés ayant été découverts à l'occasion d'un contrôle a posteriori;

la CPAM précise qu'au cours de ce contrôle, elle a appris de la société gérant les thermes de Néris Les Bains que Monsieur [N], qui a sollicité le remboursement de cures de 2004 à 2016 qu'il aurait suivies dans cet établissement sur la base d'attestations sur l'honneur, n'avait jamais été reçu dans cet établissement'de cure, les faits n'étant nullement affectés par la prescription' ; compte tenu de ses fonctions, elle estime que c'est légitimement que les premiers juges ont retenu un manquement particulièrement grave à l'obligation de loyauté et de probité, l'appelant étant précisément en charge de contrôles pour détecter d'éventuelles fraudes'; sur la forme, elle rappelle qu'antérieurement à l'intervention de l'ordonnance du 22 septembre 2017, une irrégularité de procédure ne rendait pas le licenciement sans cause réelle et sérieuse mais ouvrait droit au salarié à une indemnité réparant le préjudice subi; elle soutient en outre que la procédure conventionnelle a été parfaitement respectée, l'appelant n'ayant pas demandé le report du conseil de discipline à raison de son état de santé.

La clôture de l'instruction été prononcée par ordonnance du conseiller de la mise en état le 22 février 2022'avec fixation de l'affaire à l'audience du 29 mars 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions adressées au greffe de la Cour, le 18 février 2022 pour Monsieur [V] [N] et le 21 février 2022 pour la CPAM D'ILLE ET VILALNE.

SUR CE, LA COUR

1. Sur la faute grave et le bien-fondé du licenciement

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et impose son départ immédiat. L'employeur qui invoque la faute grave doit en rapporter la preuve et les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables. Il résulte enfin de l'article L.1234-1 et de l'article L.1234-9 du code du travail en sa rédaction alors applicable, que lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 avril 2017, Monsieur [N] était convoqué à un entretien préalable à licenciement pour faute lourde pour le 13 avril 2017, puis était convoqué le 21 avril 2017 devant le conseil de discipline régional et par une lettre recommandée avec accusé de réception du 9 mai 2017, il était licencié pour faute grave ainsi caractérisée':

«'Par courrier remis en main propre le 10 avril 2017, je vous informais de l'engagement d'une procédure disciplinaire à votre égard.

Conformément à l'article 48 de la convention collective, vous avez été convoqué, le 13 avril 2017, pour être entendu en présence des délégués du personnel, puis le 3 mai 2017 devant le Conseil de Discipline Régional.

Vous ne vous êtes pas présenté à ces convocations, et de ce fait, le conseil Régional de Discipline a établi un PV de carence (document joint).

La gravité des faits qui vous sont reprochés (fraude aux prestations d'invalidité et de cures thermales par fausses déclarations sur l'honneur), et que vous avez reconnus dès le 10 avril 2017, empêchent votre maintien dans les effectifs de la GRAM d'Ille et Vilaine.

Aussi, je suis amenée à prononcer, ce jour, votre licenciement pour faute grave''»

Il ressort de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige en l'état du droit applicable aux faits de l'espèce, que l'énonciation des griefs repose une fraude aux prestations d'invalidité et de cure thermale par fausses déclarations sur l'honneur.

Aux fins établis la réalité des faits invoqués, la CPAM produit':

'le compte rendu qu'elle a établi à destination du conseil régional de discipline duquel il ressort que le dossier de Monsieur [N] avait déjà été identifié en 2015 au motif que les prestations pour une cure qui lui avaient été versées, sur déclaration sur l'honneur, n'avaient pas donné lieu à remboursement d'honoraires de surveillance, mais qu'au vu de la prescription médicale produite, les opérations de vérification ne s'étaient pas poursuivies; toutefois en 2016, il a été observé que Monsieur [N] avait perçu des prestations pour une cure du 4 au 27 septembre 2016 alors qu'il était à son poste de travail la semaine du 5 au 9 septembre ; c'est dans ces conditions que des investigations complémentaires ont été menées et qu'il a été découvert qu'il s'était vu rembourser, sur la base encore de ses déclarations sur l'honneur, des prescriptions de cure thermale depuis au moins 2004 et qu'interrogé, l'établissement thermal avait indiqué ne l'avoir jamais reçu ; il était alors engagé un contrôle plus approfondi des prestations versées à Monsieur [N] qui ont permis de découvrir qu'il avait perçu une pension d'invalidité de catégorie 1, depuis au moins le mois de décembre 2006 jusqu'en décembre 2014, alors que cette prestation est versée sous conditions de ressources et que Monsieur [N] a déclaré des salaires inférieurs à la réalité pour la percevoir ; il est précisé que le préjudice global est de 28.400 € ; il est encore relaté que le vendredi 7 avril, le service ayant effectué les investigations a remis son rapport et que devant la gravité des manquements du salarié à son obligation de probité et à sa responsabilité d'agent de sécurité sociale, une procédure disciplinaire, avec mise à pied conservatoire, a immédiatement été introduite, une procédure étant en outre poursuivie à son encontre en sa qualité d'assuré'; il est rappelé la procédure suivie et notamment que l'employeur a été informé le 13 avril à 9h55, alors que l'entretien préalable devait se tenir à 10 heures, par les délégués du personnel que Monsieur [N] n'était pas apte à participer à cet entretien faisant état de son intention de mettre fin à ses jours l'après-midi même ; il est mentionné qu'à 10h10, l'infirmière a contacté la directrice adjointe pour lui indiquer qu'elle le faisait raccompagner à son domicile, ensuite de quoi l'intimée a reçu un arrêt de travail initial du 10 au 12 avril, suivi d'une prolongation jusqu'au 13 mai avec sorties autorisées sans restriction d'horaires';

'la déclaration pour prise en charge administrative de cure thermale à Néris Les Bains à hauteur de 450 € pour la période du 4 septembre au 27 septembre 2016, signée par l'intéressé le 2 octobre 2016 et son relevé de badgeage pour la semaine du 5 septembre 2016 établissant sa présence à son poste de travail du mardi 6 au vendredi 9 septembre,';

'un relevé des cures déclarées et prises en charge entre 2007 et 2016, avec prescription médicale mais sans honoraires de surveillance associés, outre pour l'année 2016, le constat du badgeage déjà évoqué et la délivrance de médicaments dans une pharmacie en Ille-et-Vilaine pendant la période de cure';

'un courriel émanant des Thermes de Néris Les Bains du 31 mars 2017 indiquant que Monsieur [N] [V] ne figure pas dans leur fichier pour les périodes de 2004 à 2016';

'un dossier d'invalidité duquel il ressort qu'il a été servi à l'appelant une pension d'invalidité de 2007 à 2014 d'un montant annuel de 3.000 € à 3.375 € au cours des années considérées et les déclarations de situation et de ressources signées par l'appelant pour justifier de son droit à prestations, pour exemple pour la période du 1er novembre 2013 au 30 avril 2014, une déclaration de ressources de 889,37 € signée par l'intéressé le 13 mai 2014 alors qu'il est constant qu'il percevait à cette période une rémunération mensuelle de 1.600 € hors primes, les mêmes observations valant pour l'ensemble des déclarations produites';

'les évaluations de Monsieur [N] en sa qualité de contrôleur de prestations desquelles il ressort qu'il s'est bien approprié la réglementation, qu'il a détecté des fraudes, mais des difficultés relationnelles liées à un isolement sont pointées ; il est précisé pour l'année 2016 que son encadrement porte une attention particulière à sa bonne intégration et que lors des réunions la parole lui est donnée pour qu'il puisse faire valoir son point de vue';

'son affectation au pôle contrôle et certification des comptes en 2013';

'la fiche d'examen médical établie par le médecin du travail le 2 mars 2017qui indique que Monsieur [N] ne peut occuper son poste actuellement et que son état de santé nécessite une prise en charge par son médecin traitant, suivie d'une lettre adressée à la directrice adjointe de la CPAM le même jour par laquelle le médecin du travail attire son attention sur la situation de Monsieur [N] en grande souffrance à son travail'; il recommande une mutation à l'agence de Fougères pour lui permettre de s'extraire d'une ambiance de travail difficile et d'éviter des déplacements';

' la confirmation, le 6 avril 2017, par la directrice adjointe à Monsieur [N] de son affectation à l'agence de Fougères à compter du 10 avril 2017';

'la lettre de convocation, remise en main propre contre décharge le 10 avril 2017, à un entretien préalable le 13 avril 2017en vue d'un éventuel licenciement pour faute lourde, suite à de fausses déclarations sur l'honneur pouvant caractériser des fraudes internes, avec notification d'une mise à pied conservatoire';

'la saisine du conseil régional de discipline le 19 avril 2017 par la CAPM qui envisage pour cet agent un licenciement pour faute grave suivi de la convocation devant le conseil de discipline pour le mercredi 3 mai 2017 à 14 heures'et le procès-verbal de carence signé par les membres du conseil de discipline régional.

Pour sa part, l'appelant produit diverses pièces contractuelles, ses bulletins de paye, arrêts de travail et prescriptions médicales, outre une attestation de son médecin traitant certifiant qu'il a été en arrêt de travail pour syndrome dépressif réactionnel du 3 octobre 2016 au 7 avril 2017, ainsi enfin que des contrats de travail en qualité de télé conseiller intérimaire à compter du mois de juillet 2018.

Il ressort de ces éléments que la CPAM rapporte la preuve de ce que l'appelant s'est rendu coupable de fausses déclarations sur l'honneur, d'une part en minorant ses salaires pour percevoir une pension d'invalidité et d'autre part en déclarant de façon mensongère le suivi de cures thermales pour se faire rembourser des frais prétendument engagés à ce titre.

Ces agissements caractérisent de la part de l'appelant un manquement à son obligation de loyauté et de probité à l'égard de son employeur, d'autant plus grave qu'il ressortait de ses fonctions de contrôleur de vérifier les déclarations des assurés et de repérer les fraudes, manquement justifiant son licenciement pour faute grave.

Il est encore suffisamment établi les circonstances dans lesquelles l'employeur a eu connaissance des faits fautifs et notamment le courriel adressé à l'employeur par l'établissement des Thermes de Néris-Les-Bains le 31 mars 2017 par lequel il indiquait que Monsieur [N] [V] n'avait pas suivi de cure dans son établissement pour la période de 2004 à 2016'; il s'ensuit que l'employeur n'a eu une exacte connaissance de la réalité des faits fautifs reprochés au salarié, de leur nature et de leur étendue qu'à l'issue de l'enquête interne à la fin du mois de mars 2017 et il y a lieu d'écarter l'exception de prescription soulevée par l'appelant.

S'agissant de l'irrégularité de procédure alléguée, soit le défaut du respect du délai de 5 jours ouvrables fixé par les dispositions de l'article L.1232-2 du code du travail, voire même le défaut d'entretien préalable, ces irrégularités ne sont pas de nature à priver la cause du licenciement de son caractère de gravité ou de son caractère réel et sérieux.

Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a dit justifié le licenciement pour faute grave de l'appelant et l'a débouté de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

2. Sur l'indemnité pour procédure de licenciement irrégulière

A titre subsidiaire, l'appelant sollicite la condamnation de son employeur à lui payer une indemnité de 2.294,80 € en réparation de son préjudice subi du fait de l'irrégularité de la procédure, l'employeur n'ayant pas respecté le délai de 5 jours ouvrables prévu par l'article L.1232-2 du code du travail, outre qu'il fait grief à l'intimée d'avoir refusé de reporter la date de l'entretien préalable alors qu'il ne pouvait y assister.

A cet égard il est constant que Monsieur [N] a bien été convoqué à un entretien préalable à licenciement pour le 13 avril 2017 par une lettre remise en main propre le 10 avril 2017 qui n'a pu se tenir à raison de son état de santé, étant relevé qu'un entretien a eu lieu le 13 avril entre la direction et les délégués du personnel, sans que ces derniers ne sollicitent le report de l'entretien préalable, pas plus que l'intéressé lui-même'; par contre, il est constant que le délai de 5 jours ouvrables n'a pas été respecté.

Pour justifier de son préjudice, Monsieur [N] fait valoir que son état de santé ne lui a pas permis d'assister personnellement à l'entretien et qu'il n'a pu s'expliquer sur les faits, élément qui caractérise suffisamment son préjudice selon lui'; pour autant, il n'est pas inutile d'observer qu'il a encore été convoqué à deux reprises devant le conseil de discipline régional pour s'expliquer sur les faits qui lui étaient reprochés par l'employeur conformément aux dispositions conventionnelles et qu'il ne s'est pas plus présenté, alors que son arrêt de travail ne mentionnait aucune restriction de sortie.

Dès lors l'appelant ne justifiant pas du préjudice qui serait résulté du défaut de respect du délai de convocation prescrit par les dispositions légales précitées, il y a lieu de confirmer tout autant le jugement déféré qui l'a débouté de sa demande indemnitaire à ce titre.

3. Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et d'exécution loyale du contrat de travail

L'appelant soutient que suite à la révélation de son homosexualité à sa supérieure hiérarchique il a constaté une dégradation de ses conditions de travail caractérisée par sa mise au placard'; à cet égard, il se réfère à son entretien d'évaluation pour l'année 2016 produit par l'employeur, duquel il ressort qu'il a fait état de son sentiment d'être parfois isolé et que lors des échanges il n'était pas écouté ;

il produit par ailleurs un avis d'arrêt de travail du 3 octobre 2016 prolongé jusqu'au 28 février 2017 et le certificat de son médecin traitant du 16 juin 2017 indiquant qu'il a été en arrêt de travail au cours de cette période pour syndrome dépressif réactionnel'; enfin il produit l'avis d'inaptitude établi par le médecin du travail lors de sa visite de reprise le 2 mars 2017 déjà évoqué.

Outre qu'il ne ressort pas des pièces ainsi produites la réalité des faits allégués, il résulte de l'entretien d'évaluation pour l'année 2015 produit par l'employeur qu'en comparaison de l'entretien de l'année précédente, l'attitude de Monsieur [N] sur le plateau a changé positivement et qu'il semble moins isolé et mieux intégré au sein de l'équipe et de l'entretien d'évaluation réalisé le 9 septembre 2016 que l'encadrement porte une attention particulière à sa bonne intégration dans l'équipe et que lors des réunions, il veille à ce que la parole lui soit donnée afin qu'il puisse faire part de son point de vue

Il est ainsi établi que l'appelant rencontrait des difficultés relationnelles depuis plusieurs années auxquelles l'employeur était attentif et qu'il a immédiatement répondu positivement aux recommandations du médecin du travail suite à la visite de reprise du 2 mars 2017, en confirmant à l'appelant dès le 6 avril 2017, son affectation à l'agence de Fougères.

Il ne peut pas plus être fait grief à l'employeur d'une exécution déloyale du contrat travail au motif qu'il aurait mis en 'uvre une procédure de licenciement le jour même de la reprise par l'appelant de son poste à Fougères compte tenu de ce qui précède.

Il s'ensuit que dans la mesure où il n'est établi aucun manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, ni aucune déloyauté dans l'exécution du contrat de travail, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris qui a débouté l'appelant de sa demande de dommages-intérêts à ce titre.

4. Sur les dépens et l'application de l'article 700 du Code de procédure civile

Il apparaîtrait inéquitable de laisser à la charge de la CPAM d'Ille et Vilaine les frais irrépétibles non compris dans les dépens et Monsieur [V] [N] sera condamné à lui payer la somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, le jugement devant être confirmé en ce qu'il l'a condamné à payer à la CPAM d'Ille et Vilaine une indemnité de 500 € à ce titre en première instance.

L'appelant qui succombe sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

CONFIRME le jugement du Conseil des prud'hommes de Rennes en toutes ses dispositions';

Y AJOUTANT,

Condamne Monsieur [V] [N] à payer à la CPAM d'Ille et Vilaine, la somme de 1.000€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Monsieur [V] [N] de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE Monsieur [V] [N] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 7ème ch prud'homale
Numéro d'arrêt : 19/04043
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;19.04043 ?
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