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01/06/2022 | FRANCE | N°20/05620

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 01 juin 2022, 20/05620


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 20/05620 - N° Portalis DBVL-V-B7E-RCVG













AUCHAN HYPERMARCHE



C/



[G] [P]

CPAM DE LOIRE ATLANTIQUE

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE

FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 JUIN 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 20/05620 - N° Portalis DBVL-V-B7E-RCVG

AUCHAN HYPERMARCHE

C/

[G] [P]

CPAM DE LOIRE ATLANTIQUE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Mars 2022,

devant Madame Elisabeth SERRIN et Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, magistrats rapporteurs, tenant seules l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui ont rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, a prononcé publiquement le 01 Juin 2022 par mise à disposition au greffe l'arrêt dont la teneur suit : ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 23 Octobre 2020

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal Judiciaire de NANTES - Pôle Social

****

APPELANTE :

La Société AUCHAN HYPERMARCHE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Anthony BRICE de la SELARL EXIGENS, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES :

Madame [G] [X] épouse [P]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Corinne PELVOIZIN, avocat au barreau de SAINT-NAZAIRE

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOIRE ATLANTIQUE

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Mme [L] [T] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 8 avril 2015, la société Auchan Hypermarché (la société) a déclaré un accident du travail concernant Mme [G] [P], salariée en tant qu'hôtesse de caisse, mentionnant les circonstances suivantes :

- date : 7 avril 2015 ; heure : 17 h 50 ;

- lieu de l'accident : zone de caisses, lieu de travail habituel ;

- nature de l'accident : « à ma prise de service à la caisse 21 pour passer des articles, j'étais en debout(sic), j'ai rapproché la chaise et lorsque je me suis assise j'ai été déséquilibrée et j'ai chuté, ma tête et mon oreille a tapé contre un angle d'un caisson métallique de rangement ».

Sur le compte-rendu de passage aux urgences de l'hôpital de [Localité 7] du 7 avril 2015, il est noté que l'examen clinique a mis en évidence une coupure nette de l'ensemble du pavillon de l'oreille, sans atteinte du tragus, l'absence de suture du cartilage et une suture peau à peau pour une plaie transfixiante du pavillon de l'oreille droite.

Par décision du 22 avril 2015, la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique (la caisse) a pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle.

Le 4 mai 2015, Mme [P] a sollicité la mise en oeuvre d'une procédure de conciliation aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et a été destinataire d'un procès-verbal de non-conciliation.

Par jugement du 23 octobre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Nantes a :

- dit que l'accident du travail du 7 avril 2015 déclaré par Mme [P] est imputable à la faute inexcusable de la société ;

- ordonné, avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices personnels, une expertise médicale ;

- désigné, pour y procéder, le docteur [D] [K] dont la mission est détaillée dans le dispositif ;

- dit que l'expertise sera réalisée aux frais avancés par la caisse ;

- dit que la caisse sera tenue de verser à Mme [P] la somme de 2 000 euros au titre de la provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices ;

- condamné la société à rembourser à la caisse l'ensemble des sommes dont elle sera amenée à faire l'avance en exécution de la présente décision ;

- condamné la société à verser à Mme [P] la somme de 1500 euros au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société aux entiers dépens ;

- sursis à statuer sur le surplus des demandes ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration adressée le 13 novembre 2020, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié le 29 octobre 2020.

Par ses conclusions récapitulatives déposées le 16 mars 2022, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, elle demande à la cour, de :

A titre principal :

- infirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Nantes du 23 octobre 2020 en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau, débouter Mme [P] de l'ensemble de ses demandes ;

A titre subsidiaire :

- débouter Mme [P] de ses demandes tendant à infirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Nantes du 23 octobre 2020, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de majoration de rente et en ce qu'il a sursis à statuer sur les demandes de condamnation au titre du non-respect de l'obligation de sécurité et, statuant à nouveau, tendant à juger que la rente servie par la caisse sera majorée au montant maximum, que cette majoration de rente suivra le taux de déficit fonctionnel permanent et que ce montant sera avancé par la caisse à charge de recours pour elle à l'encontre de la société ;

- débouter Mme [P] de sa demande subsidiaire tendant à surseoir à statuer le temps de la décision du pôle social du tribunal judiciaire de Nantes sur le rattachement de l'invalidité à l'accident du travail ;

A titre très subsidiaire :

- débouter Mme [P] de sa demande tendant à la condamnation de la société au versement d'une indemnité de 5 000 euros, au titre du manquement à l'obligation de sécurité.

Par ses conclusions n°4 adressées par le RPVA le 15 mars 2022 auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, Mme [P] demande à la cour, au visa des dispositions des articles L. 454-1 et suivants du code de la sécurité sociale, R. 4515-2 et R. 4515-5, R. 4511-1, R. 4323-6, R. 4323-58 et R. 4323-67 du code du travail, de :

- juger sa demande recevable et bien fondée dans son appel principal et incident ;

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire pôle social de Nantes du 23 octobre 2020 en ce qu'il a :

* jugé que l'accident du travail en date du 7 avril 2015 dont elle a été victime est imputable à la faute inexcusable de la société ;

* condamné la société à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné la société aux dépens de première instance ;

* ordonné, avant dire droit, sur l'indemnisation de ses préjudices personnels, l'organisation d'une expertise médicale selon les modalités retenues ;

* dit que l'expertise sera réalisée aux frais avancés par la caisse ;

* condamné la caisse à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de la provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices ;

* condamné la société à rembourser à la caisse l'ensemble des sommes dont elle sera amenée à faire l'avance en exécution de la présente décision ;

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire pôle social de Nantes du 23 octobre 2020 en ce qu'il a :

* sursis à statuer sur les autres demandes : non-respect de l'obligation de sécurité ;

* l'a déboutée de la majoration de la rente ;

Et, statuant à nouveau :

A titre principal,

- juger que la rente servie par la caisse sera majorée au montant maximum, à défaut surseoir à statuer le temps de la décision du tribunal judiciaire de Nantes sur le rattachement de l'invalidité à l'accident au travail ;

- juger que cette majoration de rente suivra le taux de déficit fonctionnel permanent ;

- juger que ce montant sera avancé par la caisse à charge de recours pour elle à l'encontre de la société ;

A titre subsidiaire :

- ordonner le sursis à statuer dans l'attente de la décision sur le rattachement de la rente invalidité à l'accident du travail ;

- condamner la société à lui verser des dommages et intérêts pour la somme de 5 000 euros au titre du manquement à l'obligation de sécurité ;

Y ajoutant :

- condamner la société à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- condamner la société aux dépens d'appel ;

- débouter la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses écritures reçues le 20 juillet 2021auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, la caisse déclare s'en rapporter quant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et demande à la cour, dans cette hypothèse, de condamner la société à lui rembourser l'intégralité des sommes qu'elle sera amenée à verser à Mme [P] en application des dispositions de l'article L. 452-3-1 du code de la sécurité sociale.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de reconnaissance de la faute inexcusable

Des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, il résulte que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs en veillant à éviter les risques, à évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités et à adapter le travail de l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production.

Le manquement à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé à laquelle l'employeur est tenu envers le travailleur a le caractère d'une faute inexcusable lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était soumis le travailleur et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver (2e Civ., 8 octobre 2020, pourvoi n°18-25.021; Soc., 2 mars 2022, pourvoi n° 20-16.683).

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié. Il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire, même non exclusive ou indirecte, pour que sa responsabilité soit engagée.

La faute inexcusable ne se présume pas et il appartient à la victime ou ses ayants droit, invoquant la faute inexcusable de l'employeur de rapporter « la preuve que celui-ci... n'a pas pris les mesures nécessaires pour la préserver du danger auquel elle était exposée ».

Le juge n'a pas à s'interroger sur la gravité de la négligence de l'employeur et doit seulement contrôler, au regard de la sécurité, la pertinence et l'efficacité de la mesure que l'employeur aurait dû prendre.

La faute de la victime n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable. Il ne peut être opposé au salarié que sa propre faute inexcusable au sens de l'article L. 453-1 du code de la sécurité sociale. Celle-ci, qui s'entend comme une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience, n'a pas d'autre effet que de permettre de réduire la majoration de la rente à laquelle il peut prétendre (2e Civ., 17 janvier 2007, pourvoi n° 05-17.701).

La faute éventuelle d'un tiers, à la supposer établie, n'a pas davantage pour effet d'exonérer l'employeur de sa responsabilité.

Au cas particulier, il convient de retenir des explications des parties et des éléments versés au dossier que l'accident s'est déroulé dans les circonstances suivantes.

Mme [P] qui est hôtesse de caisse et travaille depuis 1992 à l'hypermarché exploité sous l'enseigne « Auchan » à [Localité 8] (44), s'est installée, à sa prise de poste, à 17h30 à la caisse portant le numéro 21 alors qu'elle aurait dû s'installer à la caisse portant le numéro 22, cette caisse étant déjà occupée par une autre hôtesse de caisse.

À son arrivée, attendaient déjà des clients, informés de l'ouverture de la caisse, dont une cliente particulièrement désagréable. Mme [P] a alors commencé, en restant debout, l'enregistrement des achats de cette cliente et ne s'est assise qu'au moment où celle-ci procédait au paiement.

C'est en s'asseyant qu'elle est tombée, sa tête heurtant un présentoir métallique, un des pieds de la chaise étant cassé.

De l'enquête effectuée par l'inspectrice du travail (sa lettre du 18 novembre 2015 à l'employeur et celle du 24 novembre à Mme [P]) il est possible de retenir, s'agissant de la chaise incriminée que :

la vétusté d'un certain nombre de chaises était connue de la direction, quoique la chaise cassée ne fasse pas partie des plus anciennes ;

la chaise était signalée comme cassée depuis la veille au soir auprès de l'hôtesse de zone et n'a pas été retirée ;

la chaise, en début de journée, était sur le tapis de la caisse, pour autant, aucune décision n'a été prise pour la retirer ;

aucune procédure n'est écrite sur la conduite à tenir en cas de casse de matériel.

S'agissant des conditions dans lesquelles s'est déroulée la prise de poste, des lettres précitées, il est également possible de retenir que les hôtesses de caisse n'ont pas toujours le temps de s'installer dans des conditions correctes : pression de la clientèle, envoi de clients avant l'arrivée de l'hôtesse de caisse par l'hôtesse de zone.

Au terme de son enquête, l'inspecteur a rappelé à l'employeur les obligations suivantes : mettre à la disposition des salariés des équipements de travail sûrs et maintenus en conformité de manière à préserver la sécurité des salariés (article L. 4321-1 du code du travail), organiser le travail afin que la prise de poste se fasse dans des conditions sécures (article L. 4121-1 du code du travail).

Ces constatations ne sauraient être déclarées dénuées de toute valeur probante ou inopposables à l'employeur au seul motif qu'il n'a pas été associé à la mesure d'investigation et que l'inspectrice a refusé de lui communiquer le nom des salariés qu'elle a entendus.

Cette correspondance, régulièrement versée aux débats est soumise à la discussion des parties. Il convient donc de rechercher si les faits rapportés sont corroborés par les autres éléments du dossier.

Force est bien de relever que la société qui conteste qu'elle avait, ou aurait dû avoir, conscience du risque qui s'est en l'espèce réalisé, fait valoir que la personne qui a cassé le siège numéro 22, la veille de l'accident, a omis de signaler sa défectuosité, en méconnaissance des obligations résultant pour elle des dispositions du règlement intérieur et des dispositions de l'article L. 4122-1 du code du travail. (page 51 de ses conclusions).

Il s'en déduit qu'elle ne remet pas en cause le fait que l'origine de la chute est à rechercher dans un matériel défectueux mis à la disposition de la salariée, en l'espèce une chaise de caisse dont le pied était cassé.

Elle fait valoir que ce manquement individuel est sans lien avec un quelconque manquement qui pourrait lui être reproché, et souligne que pour sa part, elle n'avait pas manqué de poser des règles dont le strict respect aurait permis d'éviter l'accident.

Toutefois, si la société invoque les procédures qu'elle a mises en place pour le signalement de la défectuosité des matériels, elle n'établit pas, pas plus qu'elle n'allègue, qu'elle a en outre pris les mesures nécessaires pour s'assurer de l'effectivité de ces procédures.

Elle ne saurait, pour s'exonérer de sa responsabilité, être admise à faire valoir que Mme [P] a, pour sa part, méconnu une règle élémentaire de sécurité attachée à sa fonction, laquelle ne saurait, en tout état de cause, être qualifiée de faute inexcusable de la salariée.

S'il est exact que Mme [P] bénéficiait d'une ancienneté certaine et que dans le cadre de la formation dispensée aux caissières il est recommandé à ces dernières "de prendre le temps de bien s'installer" ainsi qu'en atteste notamment Mmes [E] et [S], la recommandation qui leur est faite de "vérifier le bon état de leur matériel" apparaît des plus singulières alors qu'il appartient d'abord à l'employeur, conformément aux dispositions de l'article L. 4321-1 du code du travail rappelé par l'inspectrice du travail, de fournir à ses salariés des équipements de travail sûrs et maintenus en conformité.

Dans sa version en vigueur depuis le 01 mai 2008, cet article énonce que les équipements de travail et les moyens de protection mis en service ou utilisés dans les établissements destinés à recevoir des travailleurs sont équipés, installés, utilisés, réglés et maintenus de manière à préserver la santé et la sécurité des travailleurs, y compris en cas de modification de ces équipements de travail et de ces moyens de protection.

S'il est justifié que la société dispose d'un service technique chargé de procéder aux réparations et qu'il est mis en place une plate-forme d'appels pour le solliciter, il ne s'agit que de dispositions prises a posteriori, une fois la défectuosité du matériel révélée.

De l'attestation de M. [M] (pièce 9 des productions de l'appelante), responsable technique, il doit être retenu que s'il répare les chaises de caisse cassées, ce n'est qu'à la demande de deux membres du CHSCT qu'il a été informé des « soucis rencontrés sur les 50 sièges de la ligne de caisse » et qu'il a demandé à son équipe d'expertiser les sièges listés. Aucune mission de prévention ne lui est ainsi confiée.

S'il confirme avoir procédé à la réparation de trois chaises mais également à la destruction de deux chaises, c'est seulement après avoir été saisi sur l'initiative de deux membres du CHSCT.

Il n'est manifestement pas prévu par la société de procéder ou de faire procéder a priori à des mesures de vérification de ces équipements et elle ne justifie pas de dispositions prises pour leur remplacement régulier. Il n'est ainsi fourni aucune facture pour un achat de chaises qui aurait été réalisé avant l'accident.

La circonstance qu'aucun problème ne lui aurait été signalé n'est pas de nature à l'exonérer de ses obligations et cette affirmation s'avère inexacte.

Il résulte en effet de l'attestation de M. [N] [F], membre du CHSCT et salarié de la société depuis le 21 novembre 19 94, que la vétusté des chaises et l'entretien permanent du parc ont fait l'objet de procès-verbaux du CHSCT en 2012 et en 2015.

Le moyen par lequel la société fait valoir que le signalement opéré en 2012 ne saurait être retenu à titre de preuve de sa connaissance des défauts affectant les chaises de caisse, motif pris de la prescription biennale, est inopérant.

Il résulte des attestations de Mmes [A] et [I] que nombre des chaises fournies aux hôtesses de caisse étaient défectueuses et qu'à leurs demandes de remplacement étaient opposés des motifs tirés de manque de moyens.

Selon Mme [Z] qui a été « formatrice de caisse plus ergonomie » pour la société de septembre 1982 à décembre 2016, elle a signalé à plusieurs reprises que l'état des chaises était désastreux (attestation du 14 mai 2019).

Force est bien de relever que l'audit vanté par la société pour démontrer qu'elle a respecté ses obligations n'a été réalisé que par M. [F] (attestation du 16 mai 2019), sur son temps de délégation, et seulement le 17 février 2015. Force est encore de relever que M. [F] est vendeur en produits financiers, en sorte qu'il n'est même pas le responsable du service technique.

Il indique que sur les 28 chaises qu'il a examinées, il a pu constater que 24 étaient en mauvais état de fonctionnement et que deux caisses étaient dépourvues de chaises.

Les mesures décidées au cours de la réunion ordinaire du CHSCT du 24 février au cours de laquelle il a été décidé (points 4, 5,6) la remise en état du parc de chaises apparaissent tardives et minimales : 'remettre en état le parc de chaises'. Il n'est pas indiqué quels moyens ont été affectés à la mission 'il est convenu de suivre régulièrement l'évolution du parc' ni démontré que cette préconisation a été effective.

Il résulte de l'attestation précitée de M. [F] qu'il a réalisé un second audit le 27 juillet 2016. Si celui-ci est postérieur aux faits de l'espèce, il a encore mis en évidence que sur 35 chaises contrôlées, 16 étaient défectueuses, que la caisse 25 était dépourvue de chaise et que seulement 10 chaises avaient été achetées depuis l'accident ; que la problématique du remplacement des chaises a perduré jusqu'en 2018 et ce alors que le coût d'une chaise étant d'environ 80 euros, le remplacement de 30 chaises s'élève à 2 400 euros.

Il est ainsi établi que l'accident du travail survenu à Mme [P] le 7 avril est dû à un matériel défectueux mis à sa disposition par son employeur, lequel disposait des moyens suffisants pour avoir connaissance des risques et pour prendre les mesures adaptées destinées à préserver la santé de cette salariée, ce qu'il n'a pas fait.

Il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a reconnu sa faute inexcusable dans la survenance de l'accident dont s'agit, sans qu'il y ait lieu d'examiner au surplus les conditions dans lesquelles cette salariée a été amenée à prendre son poste et à ouvrir sa caisse.

2.Sur les conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable

S'agissant des conséquences de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ne sont pas remises en cause devant la cour les dispositions par lesquelles les premiers juges ont ordonné une expertise, alloué à Mme [P] une provision et une indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant de la demande de majoration de rente, c'est à la suite d'une omission qu'il n'est pas indiqué dans le dispositif qu'il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande alors qu'il est précisé dans les motifs que dans les suites de cet accident, le médecin conseil a estimé que Mme [P] était guérie au 26 mai 2015.

Elle ne justifie pas davantage d'un taux d'incapacité permanente, dans les suites de cet accident, et donc de ce qu'elle est susceptible de se voir allouer soit une rente, soit un capital. À ce titre, la rente allouée à la suite d'un accident du travail ne se confond pas avec la pension d'invalidité (pièce 42 de l'intimé, notification d'une pension d'invalidité de catégorie 2 le 1er février 2021).

S'agissant de la demande de dommages et intérêts destinés à réparer, dans les suites du manquement à l'obligation de sécurité, le préjudice moral, laquelle est dirigée contre l'employeur directement, il n'y a pas lieu d'infirmer comme demandé, ce chef de la décision, s'agissant d'un sursis à statuer.

L'article 568 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret 2017-891, limite la faculté d'évocation, lorsque le jugement frappé d'appel a ordonné une mesure d'instruction, à la seule hypothèse de l'infirmation ou annulation de ce jugement.

Il en résulte que la cour qui confirme le jugement reconnaissant la faute inexcusable de l'employeur ne peut, s'agissant de la liquidation du préjudice, faire usage de son pouvoir d'évocation si elle estime que la mesure d'expertise médicale ordonnée était nécessaire.

Tel est le cas en l'espèce. Il s'ensuit que les parties seront renvoyées devant les premiers juges pour qu'il soit statué sur les points non tranchés, les premiers juges ayant ordonné un sursis à statuer 'sur le surplus des demandes'.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

La société qui succombe en son recours sera condamnée à verser à Mme [P] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale étant abrogé depuis le 1er janvier 2019, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement du jugement du 23 octobre 2020 du pôle social du tribunal judiciaire de Nantes ;

Y ajoutant :

Déboute Mme [P] de sa demande de majoration de rente ;

Condamne la société Auchan Hypermarché à verser à Mme [P] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Auchan Hypermarché aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018 ;

Renvoie la cause et les parties devant les premiers juges pour qu'il soit statué sur les points non jugés.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 20/05620
Date de la décision : 01/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-01;20.05620 ?
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