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01/06/2022 | FRANCE | N°19/07554

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 01 juin 2022, 19/07554


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 19/07554 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QIQE













[6]



C/



CPAM DE LOIRE ATLANTIQUE

































Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU P

EUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 JUIN 2022



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lor...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 19/07554 - N° Portalis DBVL-V-B7D-QIQE

[6]

C/

CPAM DE LOIRE ATLANTIQUE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 01 JUIN 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Elisabeth SERRIN, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère,

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 16 Mars 2022

devant Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 01 Juin 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats ;

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 11 Octobre 2019

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de NANTES - Pôle Social

****

APPELANTE :

La société [6], immatriculée au RCS de NANTES sous le numéro [N° SIREN/SIRET 2] (venant aux droits de l'établissement sis [Adresse 8])

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Renaud GUIDEC de la SELARL DENIGOT - SAMSON - GUIDEC, avocat au barreau de NANTES substitué par Me Isabelle FOUCHARD, avocat au barreau de NANTES,

INTIMÉE :

LA CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LOIRE-ATLANTIQUE

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Mme [M] [Y] en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSE DU LITIGE :

Le 20 juin 2016, la société [6] (la société) a établi une déclaration pour un accident du travail qui serait survenu à M. [J] [W], travailleur temporaire, le 16 juin 2016, dans les circonstances suivantes :

date de l'accident : 16 juin 2016 heure : 15h10

activité de la victime lors de l'accident : il marchait dans le garage.

Nature de l'accident : il serait tombé de sa hauteur mais ne connaissons pas l'origine de la chute.

Objet dont le contact a blessé la victime : sol

siège des lésions : nez et épaule droite

nature des lésions : nez cassé et luxation de l'épaule droite

horaires de travail de la victime le jour de l'accident : 8h00 à 12h00 et de 13h30 à 17h30

accident connu et constaté par l'employeur à 16 juin 2016 à 15h30

1ère personne avisée : M. [O] [C].

Il n'est pas mentionné de témoin.

Le certificat médical établi le 16 juin 2016 mentionne « malaise +/- épilepsie (bilan en cours) sur son lieu de travail avec perte de connaissance + morsure de la langue. Contusion épaule droite ».

Le même jour, la société a émis des réserves dans les termes suivants :

« Madame, Monsieur,

Vous trouverez ci-joint la déclaration d'accident de travail de M. [W] [J] travailleur temporaire, détaché en mission auprès de l'entreprise utilisatrice [C] [O] pour un accident de travail qui serait survenu, selon les dires du salarié intérimaire, en date du 16 juin 2016.

Nous émettons des réserves quant au caractère professionnel de l'accident, en effet nous considérons qu'il n'est pas démontré l'existence d'un fait accidentel sur le lieu de travail et pendant le temps de travail dès lors que :

- M. [W] nous a déclaré qu'il aurait eu son accident de travail le 16 juin 2016 à 15h10. M. [W] travaillait chez un particulier. Il se situait dans le garage et aurait chuté. En tombant il se serait cassé le nez et luxé l'épaule droite.

- Il n'y a aucun témoin direct de l'accident et la déclaration repose sur les seuls dires de M. [W]. Ses collègues l'ont simplement vu sortir du garage en sang et sont incapables d'expliquer les raisons de l'accident.

- M. [W] en chutant s'est cassé le nez et s'est luxé l'épaule droite. Or M. [W] ne faisait que marcher dans le garage, il n'a réalisé aucun faux mouvement. Nous ne connaissons pas l'origine de sa chute. Par conséquent nous émettons de sérieux doutes quant à l'origine de sa chute. Nous supposons que Monsieur [W] aurait fait un malaise résultant d'un état pathologique antérieur et indépendant du travail.

En conséquence, pour toutes ces raisons, nous contestons la matérialité même de l'accident. Il n'est pas démontré l'existence de liens de cause à effet entre le fait accidentel et la nature des blessures ».

Après instruction, la caisse a pris en charge le 9 août 2016 l'accident de M. [W] au titre de la législation professionnelle.

Le 28 septembre 2016, la société a saisi la commission de recours amiable d'une contestation de la décision de prise en charge.

Par suite, se prévalant d'un rejet implicite de son recours par ladite commission, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes.

Par jugement du 11 octobre 2019, ce tribunal devenu pôle social du tribunal de grande instance de Nantes a :

- débouté la société de l'ensemble de ses demandes ;

- déclaré opposable à la société la décision en date du 9 août 2016 de prise en charge par la caisse au titre de la législation professionnelle de l'accident du travail dont a été victime M. [W] le 16 juin 2016 ;

- condamné la société aux dépens.

Par déclaration adressée le 20 novembre 2019, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 25 octobre 2019.

Par ses écritures parvenues par le RPVA le 15 février 2022, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour, au visa des articles 2224 et 2234 et suivants du code civil, de :

- déclarer recevable son appel à l'encontre du jugement déféré ;

- voir réformer ce jugement ;

- conséquemment, déclarer la décision de la caisse de prise en charge de l'accident de travail du 16 juin 2016 de M. [W], inopposable à son égard ;

- à titre subsidiaire et avant dire droit, ordonner une mesure d'expertise judiciaire sur pièces avec pour mission pour l'expert judiciaire d'émettre un avis sur l'existence d'une cause étrangère au travail à l'origine de l'accident du 16 juin 2016 de M. [W] ;

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe le 26 avril 2021, auxquelles s'est référé et qu'a développées son représentant à l'audience, la caisse demande à la cour de :

- lui décerner acte de ce qu'elle a fait une exacte application des textes en vigueur ;

- confirmer purement et simplement le jugement déféré ;

- débouter toutes conclusions, fins et prétentions plus amples ou contraires de la société ;

- condamner la partie adverse aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il résulte de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale que :

« Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

Constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d'apparition de celle ci. (Soc., 2 avril 2003, n° 00-21.768 ; 2e Civ 9 juillet 2020, n° 19-13.852)

En l'espèce, il est constant que M. [W] a été victime d'un accident survenu aux temps et lieu du travail, peu important les circonstances de celui-ci à ce stade, de sorte que la présomption d'imputabilité s'applique.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de l'existence d'une cause totalement étrangère au travail ou d'une pathologie préexistante évoluant pour son propre compte sans lien avec l'activité professionnelle, à l'origine de la lésion.

La société fait valoir que les lésions subies par M. [W] ont une cause totalement étrangère au travail, celles-ci étant en relation avec un malaise et une crise d'épilepsie ; que la version du salarié selon laquelle la chute serait due au fait qu'il se serait pris les pieds dans une bâche est à prendre avec recul car le salarié reconnaît lui-même qu'il a perdu connaissance ; que des doutes peuvent légitiment être émis sur le fait qu'il se souvienne clairement des circonstances de sa chute ; que le soir de l'accident, l'épouse de M. [W] a indiqué à l'employeur que celui-ci était dû à un malaise ou une crise ; que son médecin de recours, le docteur [L], a eu accès à certaines pièces médicales et notamment au rapport de séquelles lequel indique que M. [W] a été suivi par le service d'addictologie de [Localité 10] ainsi que par le service de neurologie du CHR de [Localité 12] pour une crise d'épilepsie et un accident vasculaire cérébral ; qu'il est ainsi démontré que la chute du salarié est imputable à une crise d'épilepsie sans rapport avec le travail.

La caisse réplique que M. [W] a décrit précisément les circonstances du sinistre : « Je me suis pris les pieds dans des bâches, mains prises avec deux fûts de peinture. Déséquilibré, je suis tombé tête la première, ce qui a entraîné une perte momentanée de connaissance » ; que les seules allégations de l'employeur ne sauraient confirmer l'existence d'une crise d'épilepsie ; que la mention du certificat médical initial concernant les origines du malaise correspond à une hypothèse émise par le médecin urgentiste ; que la société ne rapporte pas la preuve d'une cause totalement étrangère au travail à l'origine de la chute de M. [W].

Il est constant que le certificat médical établi le 16 juin 2016 mentionne « malaise +/- épilepsie (bilan en cours) sur son lieu de travail avec perte de connaissance + morsure de la langue. Contusion épaule droite ».

Dans le questionnaire adressé à M. [W] par la caisse lors de l'instruction du dossier, ce dernier, à la question « pouvez-vous préciser les circonstances et le lieu de survenue du malaise ' » a répondu « Je me suis pris les pieds dans des bâches. Mains prises avec deux fûts de peinture. Déséquilibré, je suis tombé tête la première, ce qui a entraîné une perte momentanée de connaissance ».

Dans le questionnaire adressé à l'employeur, ce dernier, à la question « pouvez-vous préciser les circonstances et le lieu de survenue du malaise '(En complément des renseignements portés sur la DAT)» a répondu « Selon les dires de l'intérimaire, il serait tombé dans le garage. Sans témoin direct. Le soir de l'accident sa femme nous a fait part d'une crise et d'un malaise ».

La société produit une note technique de son médecin de recours, le docteur [L], (pièce n°9 de la société) qui indique ceci :

« Au vu des pièces communiquées par la caisse à savoir le rapport d'évaluation du médecin conseil, il s'agit d'un malaise en lien avec une crise comitiale avec chute suivie d'un traumatisme de l'épaule droite. Le certificat médical initial décrit une crise d'épilepsie avec perte de connaissance et morsure de la langue, ce n'est que secondairement que l'on évoque l'atteinte de l'épaule droite.

Le 27 janvier 2017, un chirurgien mentionne une algodystrophie après arthroscopie de l'épaule droite. Il est signalé la notion d'un accident vasculaire cérébral noté comme non imputable à l'accident du travail. Cette lésion n'est pas la conséquence d'un accident du travail mais celle d'une pathologie indépendante du travail.

Il s'agit d'une pathologie survenue sur le lieu du travail avec malaise et crise comitiale avec une prise en charge secondaire dans un service d'addictologie à [Localité 10] et dans le service de neurologie du CH de [Localité 12] avec notion d'un accident vasculaire cérébral, toutes lésions qui n'ont aucun lien avec l'accident et ont provoqué l'accident qui n'a aucun lien avec le travail.(sic)

La chute est la conséquence d'une pathologie complètement indépendante du travail. La désignation d'un médecin expert pour un avis sur pièces pourrait confirmer ceci ».

Le rapport médical d'évaluation du taux d'incapacité permanente (pièce n° 10 de la société) reprend les termes de la déclaration d'accident du travail du 20 juin 2016 ainsi que ceux du certificat médical initial du même jour. Il fait également état d'une nouvelle lésion dans les termes suivants :

« certificat médical mentionnant une lésion nouvelle du docteur [P] le 7 juin 2016 : suite conséquence chute (PC : épilepsie), impotence épaule droite ».

Les propos de l'épouse de M. [W], certes rapportés par l'employeur, mais également le certificat médical initial et le rapport médical d'évaluation de l'incapacité qui font tous deux état d'une crise d'épilepsie justifient qu'il soit fait droit à la demande de l'employeur de voir ordonner une expertise judiciaire sur pièces afin de vérifier l'éventualité d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte ou d'une cause totalement étrangère au travail.

Il sera sursis à statuer sur l'ensemble des demandes.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

AVANT DIRE DROIT,

ORDONNE une expertise sur pièces et désigne le docteur [F] [H] [D], [Courriel 7], unité de médecine hyperbare CHRU [11] [Adresse 9], pour y procéder avec mission de :

- Se faire communiquer tous documents, notamment médicaux en la possession de la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique ou du service du contrôle médical concernant M. [J] [W],

- Dire si l'accident survenu le 16 juin 2016 à ce dernier a exclusivement pour origine un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte ou une cause totalement étrangère, sans aucune relation avec le travail ;

- Soumettre aux parties un pré-rapport en leur impartissant un délai raisonnable pour formuler leurs observations écrites auxquelles il devra être répondu dans le rapport définitif, le tout dans les conditions prévues par l'article 276 du code de procédure civile qui dispose :

« L'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent.

Toutefois, lorsque l'expert a fixé aux parties un délai pour formuler leurs observations ou réclamations, il n'est pas tenu de prendre en compte celles qui auraient été faites après l'expiration de ce délai, à moins qu'il n'existe une cause grave et dûment justifiée, auquel cas il en fait rapport au juge.

Lorsqu'elles sont écrites, les dernières observations ou réclamations des parties doivent rappeler sommairement le contenu de celles qu'elles ont présentées antérieurement. A défaut, elles sont réputées abandonnées par les parties.

L'expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu'il aura donnée aux observations ou réclamations présentées.»

DIT que l'expert devra déposer son rapport au greffe en double exemplaire dans les six mois de sa saisine et le notifier directement aux parties ;

DIT que la caisse primaire d'assurance maladie de Loire-Atlantique devra communiquer au médecin désigné par l'employeur l'ensemble des éléments médicaux en sa possession parallèlement transmis à l'expert ;

DÉSIGNE le président de chambre ou tout autre magistrat de la chambre sociale chargé de l'instruction des affaires pour surveiller les opérations d'expertise ;

DIT qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert, il sera procédé à son remplacement par ordonnance du magistrat susvisé ;

DIT que la société [6] devra consigner la somme de 1 200 euros auprès du régisseur de la cour d'appel, dans le mois de la présente décision ;

SURSOIT à statuer sur l'ensemble des demandes jusqu'au dépôt du rapport d'expertise ;

ORDONNE la radiation du dossier des affaires en cours et dit que les débats seront repris à la demande de la partie la plus diligente, sous réserve du dépôt de ses conclusions et de la justification de leur notification préalable à la partie adverse.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 19/07554
Date de la décision : 01/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-01;19.07554 ?
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