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31/05/2022 | FRANCE | N°20/00954

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 31 mai 2022, 20/00954


1ère Chambre





ARRÊT N°210/2022



N° RG 20/00954 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QO5W













SCI ARMOR BRAZ



C/



Mme [M] [E] [A] [G] [L] épouse [O]

Mme [W] [S] [I] [L]















Copie exécutoire délivrée



le :



à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 31 MAI 2022





COMPO

SITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,





GREFFIER :



Madame Juliette VANHERSEL, lors des débats, et Madame Marie-Claude CO...

1ère Chambre

ARRÊT N°210/2022

N° RG 20/00954 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QO5W

SCI ARMOR BRAZ

C/

Mme [M] [E] [A] [G] [L] épouse [O]

Mme [W] [S] [I] [L]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 31 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Juliette VANHERSEL, lors des débats, et Madame Marie-Claude COURQUIN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 21 Mars 2022 devant Madame Véronique VEILLARD, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 31 Mai 2022 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré annoncé au 24 mai 2022 à l'issue des débats

****

APPELANTE :

La SCI ARMOR BRAZ, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 16]

Représentée par Me Alain LESPAGNOL de la SELARL MENOU-LESPAGNOL, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

INTERVENANTES VOLONTAIRES, venant,selon attestation dévolutive de succession du 13 décembre 2021 établie par Me [H] [X], notaire associé de la SELARL NOTAIRES 22560, aux droits de [K] [L] décédé le [Date décès 2] 2021:

Madame [M] [E] [A] [G] [L] épouse [O],

née le [Date naissance 7] 1976 à [Localité 12]

[Adresse 3]

[Localité 11]

Représentée par Me Sandrine GAUTIER de la SCP ELGHOZI-GEANTY-GAUTIER-PENNEC, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

Madame Solenne Armelle France MENGER,

née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 12]

[Adresse 10]

[Localité 11]

Représentée par Me Sandrine GAUTIER de la SCP ELGHOZI-GEANTY-GAUTIER-PENNEC, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

FAITS ET PROCÉDURE

La société civile immobilière Armor Braz est propriétaire à [Localité 16] (22) de deux parcelles cadastrées section AE n [Cadastre 5] et n° [Cadastre 6] édifiées d'une maison d'habitation dans sa partie supérieure et plantées d'arbres dans sa pente.

M. [K] [L] est propriétaire à [Localité 16] d'un terrain situé en contrebas desdites parcelles, cadastré section AE n [Cadastre 8] et n° [Cadastre 9], édifiées d'une maison d'habitation et de deux cabanons, séparées des parcelles de la société Armor Braz par un sentier communal.

Se plaignant de ce que certains des arbres implantés sur le terrain de la société Armor Braz surplombent sa propriété et présentent un danger pour les personnes et les biens, M. [L] a obtenu, sur la base d'un rapport amiable du 6 février 2017, la désignation d'un expert judiciaire par ordonnance du juge des référés du 14 septembre 2017.

L'expert judiciaire a déposé son rapport d'expertise le 24 avril 2019.

Saisi par M. [L] d'une action en suppression des sept arbres litigieux, le tribunal de grande instance de Saint Brieuc (devenu tribunal judiciaire le 1er janvier 2020) a, par jugement du 7 janvier 2020 assorti de l'exécution provisoire, notamment condamné la société Armor Braz d'une part, à procéder à l'abattage et à la coupe au sol des arbres n 1 à 5 implantés sur la parcelle cadastrée section AE n  [Cadastre 6], et ce dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 50 € par jour de retard pendant trois mois et, d'autre part, à lui payer la somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles, outre la charge des dépens.

La société Armor Braz a interjeté appel de cette décision par déclaration du 7 février 2020.

Par ordonnance de référé du 7 juillet 2020, le premier président de chambre délégué a suspendu l'exécution provisoire s'agissant de la coupe des arbres n° 1 à 4.

M. [L] est décédé le [Date décès 2] 2021 à [Localité 13] (92).

En vertu d'une attestation de dévolution de succession en date du 13 décembre 2021, établie par Maître [X], notaire associé à [Localité 15] (22), Mme [M] [L] et Mme [W] [L], filles de M. [L], ont repris la procédure et sont intervenues volontairement à l'instance.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

La Sci Armor Braz expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 22 février 2022 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Elle demande à la cour d'appel de :

- la recevoir en ses demandes et l'en déclarer bien fondée,

- débouter Mmes [L] de leurs demandes,

- réformer la décision du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc du 7 janvier 2020 qui l'a condamnée à faire procéder à l'abattage des arbres litigieux n° 1 à n° 5 et à la coupe au sol sous astreinte,

- confirmer la décision du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc du 7 janvier 2020 qui a considéré qu'il n'y avait pas lieu de procéder à l'abattage des arbres n° 6 et n° 7,

- réformer la décision en ce qu'elle l'a condamnée au paiement de la somme de 1.000 € au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens, comprenant les frais de l'expertise judiciaire de M. [C],

- réformer la décision ayant rejeté sa demande de condamnation au titre des frais irrépétibles de première instance,

- condamner Mmes [L] au paiement de la somme de 7.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

- sur les frais de procédure d'appel, condamner Mmes [L] au paiement de la somme de 7.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Mmes [L] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions notifiées et remises au greffe le 16 février 2022 auxquelles il est renvoyé en application de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

Elles demandent à la cour d'appel de :

- dire et juger fondée leur intervention volontaire en leur qualité d'héritières de leur père M. [L],

- confirmer en tous points le jugement entrepris,

- condamner la Sci Armor Braz à leur verser une somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux dépens d'appel, en ce compris les frais d'expertise, dont distraction au profit de la Scp Elghozi-Geanty-Gautier-Pennec conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT

A titre liminaire, il convient de rappeler que l'office de la cour d'appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de "constater", "dire" ou "dire et juger" qui ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile mais la reprise des moyens censés les fonder.

De même, il convient de préciser que la demande d'abattage des arbres n° 6 et n° 7 rejetée par le premier juge n'a pas donné lieu à un appel, de sorte qu'il n'y a pas lieu à réexaminer la situation de ces deux arbres, acquise aux débats, et pour lesquels l'expert forestier M. [R] a préconisé une surveillance régulière pour contrôler l'évolution de leur état sanitaire.

1) Sur la demande relative à la coupe des arbres n° 1 à n° 5

La Sci Armor Braz soutient que des deux rapports des 7 juillet 2016 et 16 avril 2018 établis à sa demande par M. [D], expert à l'office national des forêts, il résulte que ces arbres sont en bonne santé, qu'ils sont sous les vents favorables, bien enracinés comme ayant déjà résisté à plusieurs tempêtes, qu'il n'y a donc pas de risque de leur fait, que leur coupe n'est aucunement préconisée, que toutefois, faute d'avoir pu obtenir la suspension de l'exécution provisoire pour l'arbre n° 5, elle a fait procéder à sa coupe, tandis que pour les autres, elle fait procéder à un contrôle et à un entretien réguliers, qu'enfin, ces arbres sont protégés par le plan local d'urbanisme, outre que le sentier communal n'est que très rarement pratiqué par les promeneurs.

Mmes [L] soutiennent que le rapport de M. [R], expert forestier, établi à sa demande le 6 février 2017 ainsi que l'expertise judiciaire de M. [C] du 21 avril 2019, confirment le danger que représentent les arbres de haute tige ' dont la hauteur est supérieure à la distance d'avec la maison [L] ' susceptibles de chuter sur leur maison d'habitation, que la commune de [Localité 16] et la préfecture des Côtes d'Armor sont intervenues pour tenter de solutionner la difficulté, sans succès, que l'enracinement des arbres litigieux est insuffisant pour résister au vent, que la chute de l'un entraînera la chute des autres, que des branches débordent largement, que des racines affleurent, ayant dégradé un muret en pierre formant clôture.

En droit, l'article 1240 du code civil précise que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Au cas particulier, cinq arbres sont implantés à proximité les uns des autres, en contrebas et à l'ouest de la parcelle AE [Cadastre 6] appartenant à la Sci Armor Braz. Cette parcelle longe dans sa partie ouest le chemin communal, de l'autre côté duquel se trouvent les parcelles AE [Cadastre 8] et AE [Cadastre 9] appartenant à Mmes [L].

Quatre rapports ont été établis :

Rapport amiable du 7 juillet 2016 de M. [N] [D], expert Arbre Conseil de l'office national des forêts, sollicité par la Sci Armor Braz (pages dans le désordre et sauf les pages 18/19 et 19/19, non communiquées),

Rapport amiable du 6 février 2017 de M. [B] [R], ingénieur civil des eaux et forêts, expert forestier, sollicité en son temps par M. [L],

Rapport amiable du 16 avril 2018 de M. [N] [D], expert Arbre Conseil de l'office national des forêts, sollicité par la Sci Armor Braz,

Rapport d'expertise judiciaire du 24 avril 2019 de M. [F] [C], expert inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Rennes, désigné par ordonnance de référé du 14 septembre 2017.

Le rapport [R] du 6 février 2017 a numéroté les arbres de 1 à 5 sur la parcelle AE [Cadastre 6], numérotation reprise au rapport [D] du 16 avril 2018 et au rapport [C] du 24 avril 2019.

De l'ensemble de ces rapports, il résulte pour chacun des arbres les observations suivantes :

Arbre n° 1 : Pin insignis ou pin de Monterey

Evaluation [R] :

80 ans environ,

Diamètre à 1,30 m : 1,115 m,

Hauteur estimée : 26 m,

Houppier un peu clair et décentré vers le nord,

Charpentières : RAS

Penché vers la maison d'habitation,

Grosses racines visibles au collet,

Forte vigueur (circulation de la sève),

Bois mort présent en quantité moyenne,

Etat mécanique : mauvais, défaut significatif et irréversible,

Etat physiologique : arbre présentant un problème, l'arbre "penche fortement vers la maison", les branches latérales assez longues se développement vers le nord-ouest, il est partiellement étêté, arbre qui risque de se coucher en raison de sa fragilité et de son inclinaison, ou qui risque de perdre des charpentières importantes,

Risque fort : 5 / 6 sur une échelle de 6, et 4 / 6 après intervention,

Préconisation a minima : élagage bas ou coupe.

Evaluation [D] :

Hauteur estimée : 21 m,

Distance entre la base et l'habitation de M. [L] : 17,44 m,

Surplomb de la propriété [L] pour partie basse du houppier,

Pas de défoliation, peu de bois mort, présence de lierre à la base,

Gîte phototropique (croissance vers la lumière),

Système racinaire non visible, pas de soulèvement du plateau racinaire d'ancrage,

Bonne santé physiologique et mécanique,

Préconisation : élagage en aplomb de la limite de propriété [L], enlèvement du bois mort au-dessus du sentier communal, enlèvement régulier du lierre à la base.

Evaluation [C] :

Les arbres incriminés sont des sujets âgés d'une hauteur avoisinant les 25 m, gîtant vers la propriété [L],

Certains sujets sont surannés et constituent une menace pour la propriété [L],

Les arbres en question ont un système radiculaire traçant, le sol est très ingrat (peu de terre sur une sous-couche rocailleuse), ce qui les rend fragiles compte tenu de l'exposition plein ouest du site,

Les racines affleurent dans la propriété [L] et le muret en pierres sèches qui borde le sentier s'éboule.

Un arbre s'est déraciné non loin de la propriété [L] et en bordure de sentier communal. L'examen de la souche permet de confirmer que la qualité du sol est ingrate.

Il sera ici précisé que les observations de M. [C] sont valables pour l'ensemble des arbres examinés, l'expert n'ayant pas procédé à l'examen individuel de chacun des arbres litigieux.

Ainsi, il résulte des observations ci-dessus rappelées que dans sa hauteur mesurée au plus bas (M. [D]), cet arbre n° 1 est d'une hauteur supérieure à la distance qui le sépare de l'habitation [L]. Quand bien même son état physiologique et mécanique est qualifié de "bon" par M. [D] et "moyen" par M. [R], il n'est justifié par la Sci Armor Braz, contrairement à ce qu'elle soutient, d'aucun entretien par ses soins le concernant, bien que cet entretien soit préconisé par les deux spécialistes consultés : pas d'élagage au droit de la propriété [L], qu'il surplombe pourtant avec un gîte marqué en direction de l'habitation, pas d'enlèvement des bois morts, pas d'enlèvement du lierre.

En conséquence, la situation ne pouvant aller qu'en s'aggravant avec la croissance et le vieillissement de cet arbre déjà parvenu à l'âge adulte, il convient de confirmer la décision du premier juge, qui a justement apprécié les intérêts en présence et a fait prévaloir la sécurité des personnes et des biens plutôt que le maintien de cet arbre de haut jet, non entretenu par la Sci Armor Braz et gîtant en direction de l'habitation [L] sur laquelle il est fortement susceptible de chuter.

Arbre n° 2 : cyprès de Lambert

Evaluation [R] :

-80 ans environ,

-Diamètre à 1,30 m : 0,55 m,

-Hauteur estimée : 28 m,

-Houppier assez clair et étriqué ' Légère descente de cime,

-Charpentières : regroupées en hauteur,

-Tronc : penche vers le sud,

-Collet : grosses racines visibles,

-Vigueur moyenne,

-Bois mort présent en quantité moyenne,

- Etat mécanique : mauvais, significatif et irréversible, qui risque de se coucher en raison de sa fragilité et de son inclinaison, ou qui risque de perdre des charpentières importantes,

-Etat physiologique : moyen, arbre présentant un dysfonctionnement, ainsi qu'une descente de cime (dessèchement en hauteur),

-Risque fort : 5 / 6 sur une échelle de 6, y compris après intervention,

-Préconisation a minima : coupe.

Evaluation [D] :

-Hauteur estimée : 21 m,

-Distance entre la base et l'habitation de M. [L] : 17,71 m,

-Pas de surplomb du sentier communal ni de la propriété [L],

-Peu de bois mort,

-Gîte phototropique (croissance vers la lumière),

-Système racinaire non visible, pas de soulèvement du plateau racinaire d'ancrage,

-Santé mécanique : bonne,

- Etat physiologique : légèrement perturbé,

- Défoliation à 15 % en cime,

-Préconisation : cet arbre présente un début de perturbation d'ordre physiologique, sans perturbation mécanique, enlèvement du bois mort.

Evaluation [C] : identique.

Ainsi, il résulte des observations ci-dessus rappelées que dans sa hauteur mesurée au plus bas (M. [D]), cet arbre est également d'une hauteur supérieure à la distance qui le sépare de l'habitation [L]. Son état physiologique et mécanique est qualifié de "moyen" par M. [R] et par M. [D], qui ajoute qu'il présente un début de perturbation d'ordre physiologique avec un risque de 3 / 6 et de 2 / après intervention.

Il n'est justifié par la Sci Armor Braz, contrairement à ce qu'elle soutient, d'aucun entretien par ses soins concernant cet arbre, bien que celui-ci soit préconisé par les deux spécialistes consultés : pas d'enlèvement des bois morts, pourtant préconisé par M. [D] "si le propriétaire souhaite sécuriser son sentier privatif".

En conséquence, à l'instar de l'arbre n° 1, la situation ne pouvant aller qu'en s'aggravant avec la croissance et le vieillissement de cet arbre déjà parvenu, en état moyen, à l'âge adulte, il convient de confirmer la décision du premier juge, qui a justement apprécié les intérêts en présence et a fait prévaloir la sécurité des personnes et des biens plutôt que le maintien de cet arbre de haut jet, non entretenu par la Sci Armor Braz et gîtant vers le sud, susceptible de chuter et de rouler en direction de l'habitation [L].

De même, les photographies réalisées par Maître [U], huissier de justice à [Localité 14], lors du constat des lieux du 8 avril 2016, montrent plusieurs racines en provenance des arbres notamment n° 1 et n° 2 qui passent sous le muret de pierres sèches et soulèvent celui-ci, plusieurs pierres étant désolidarisées de l'ouvrage. Aucune proposition de réparation n'a été faite par la Sci Armor Braz.

Arbre n° 3 : Pin insignis ou pin de Monterey

Evaluation [R] :

80 ans environ,

Diamètre à 1,30 m : 0,98 m,

Hauteur estimée : 26 m,

Inclinaison de l'arbre : légère, vers la maison,

Houppier assez clair et décentré,

Tronc : penche légèrement vers l'habitation,

Grosses racines visibles au collet,

Vigueur moyenne,

Bois mort présent en quantité moyenne,

Etat mécanique : moyen, significatif,

Etat physiologique : arbre présentant un problème,

Risque : 4 / 6 sur une échelle de 6, et 4 / 6 après intervention,

Préconisation minimale : coupe.

Evaluation [D] :

Hauteur estimée : 19 m,

Distance entre la base et l'habitation de M. [L] : 19,65 m,

Distance entre la base et le cabanon [L] le plus proche 13,28 m,

Pas de défoliation, un peu de bois mort,

Pas de gîte, pas de surplomb du houppier sur la propriété voisine,

Système racinaire non visible, pas de soulèvement du plateau racinaire d'ancrage,

Etat physiologique et mécanique : bon,

Cet arbre est sain, ne présentant aucune perturbation sanitaire ou mécanique majeure,

Il existe un risque lié à la rupture d'axes secondaires ou supérieurs. Or, la cible concernée par ce risque est essentiellement le propriétaire de l'arbre et, dans une moindre mesure, la commune puisqu'un axe surplombe légèrement le sentier communal,

Préconisation : "si le propriétaire en estime la nécessité (elle seule est concernée) : taille d'entretien avec enlèvement du bois mort et des branches cassées suspendues. Taille de réduction en aplomb du sentier communal (si la commune le demande).

Evaluation [C] : identique.

Ainsi, les observations ci-dessus rappelées concluent à une hauteur mesurée au plus bas (M. [D]) de cet arbre qui demeure supérieure à la distance qui le sépare du cabanon [L] et qui est équivalente, en l'état de la hauteur à ce jour mesurée par M. [D], à celle qui le sépare de la maison d'habitation [L]. Il est préconisé une taille d'entretien par ce dernier, en raison des branches cassées suspendues, et une coupe par M. [R]. Pour autant, la Sci Armor Braz ne justifie pas être intervenue pour réaliser cet entretien, alors que le gîte, même s'il est moins important que celui de l'arbre n° 1, demeure en direction de la maison d'habitation [L] et que la chute de l'arbre lui-même ou des branches, notamment cassées, en direction de l'habitation [L] située en contrebas du terrain en déclivité à 28° est susceptible, en se produisant, d'entraîner des conséquences préjudiciables certaines pour Mmes [L].

En conséquence, là encore, la situation ne pouvant aller qu'en s'aggravant avec la croissance et le vieillissement de cet arbre déjà parvenu à l'âge adulte, outre le caractère aléatoire du lieu de chute, il convient de confirmer la décision du premier juge, qui a justement apprécié les intérêts en présence et a fait prévaloir la sécurité des personnes et des biens plutôt que le maintien de cet arbre de haut jet, non entretenu par la Sci Armor Braz et gîtant en direction de l'habitation [L] sur laquelle il est fortement susceptible de chuter.

Arbre n° 4 : cyprès de Lambert

Evaluation [R] :

-80 ans environ,

-Diamètre à 1,30 m : 0,82 m,

-Hauteur estimée : 28 m,

- Inclinaison : vers le nord, "penche également vers la maison",

-Houppier un peu clair,

-Charpentières : en hauteur et plus longues vers l'ouest,

-Tronc : assez droit,

-Collet : bord de chemin,

-Vigueur moyenne,

-Bois mort présent en quantité moyenne,

-Etat mécanique : moyen, significatif,

-Etat physiologique : arbre présentant un dysfonctionnement,

-Risque : 4 / 6 sur une échelle de 6, et 3 / 6 après intervention,

-Préconisation a minima : coupe préconisée.

Evaluation [D] :

-Hauteur estimée : 22 m,

-Distance entre la base et l'habitation de M. [L] : 22,54 m,

-Distance entre la base et le cabanon [L] le plus proche 16,26 m

-Pas de surplomb du sentier communal ni de la propriété [L],

-Bonne densité foliaire, peu de bois mort, tronc élancé,

-Gîte phototropique (croissance vers la lumière) : en direction opposée au voisin,

- Présence d'une branche cassée suspendue dans la partie basse du tronc,

-Système racinaire non visible, pas de soulèvement du plateau racinaire d'ancrage,

- Bonne vigueur, cet arbre est sain, aucune perturbation mécanique ou physiologique,

-Santé physiologique et mécanique : bonne,

- Défoliation à 15 % en cime,

-Préconisation : le risque concerne la rupture de bois mort. La cible concernée est essentiellement le propriétaire de l'arbre s'il circule sous le houppier.

- Préconisations : enlèvement du bois mort et de la branche cassée suspendue au-dessus du sentier.

Evaluation [C] : identique.

Ainsi, il résulte des observations ci-dessus rappelées que dans sa hauteur mesurée au plus bas (M. [D]), cet arbre est d'une hauteur supérieure à la distance qui le sépare du cabanon [L], et d'une hauteur quasi-identique à la distance le séparant de l'habitation [L]. Son état physiologique et mécanique est qualifié de "moyen" par M. [R] et il présente selon M. [D] un risque de rupture de bois mort.

Il n'est là encore justifié par la Sci Armor Braz d'aucun entretien par ses soins concernant cet arbre, bien que celui-ci soit préconisé par les deux spécialistes consultés : pas d'enlèvement des bois morts, pourtant préconisé par M. [D], enlèvement de la branche cassée.

En conséquence, la situation ne pouvant aller qu'en s'aggravant avec la croissance et le vieillissement de cet arbre déjà parvenu à l'âge adulte, en état moyen, il convient de confirmer la décision du premier juge, qui a justement apprécié les intérêts en présence et a fait prévaloir la sécurité des personnes et des biens plutôt que le maintien de cet arbre de haut jet, non entretenu par la Sci Armor Braz et gîtant vers l'habitation [L], susceptible de chuter et de rouler en direction de ladite habitation.

Arbre n° 5 : cyprès de Lambert

Evaluation [R] :

-80 ans environ,

-Diamètre à 1,30 m : 111,5 m,

-Hauteur estimée : 27 m,

-Houppier sec,

-Charpentières : regroupées en hauteur,

-Tronc : sec,

-Vigueur nulle,

-Bois mort présent en grande quantité,

- Etat mécanique : mauvais significatif et irréversible,

-Etat physiologique : mauvais, arbre présentant un dysfonctionnement marqué, sec et très fragile, son assise racinaire est en phase de dégradation, arbre qui risque de se coucher en raison de sa fragilité et de son inclinaison, ou qui risque de perdre des charpentières importantes,

-Risque : 5 / 6 sur une échelle de 6, y compris après intervention,

-Préconisation a minima : coupe urgente.

Evaluation [D] :

-Hauteur estimée : 26 m,

-Distance entre la base et l'habitation de M. [L] : 26,73 m,

-Pas de surplomb du sentier communal ni de la propriété [L],

-Arbre mort,

-Système racinaire non visible, pas de soulèvement du plateau racinaire d'ancrage,

-Santé mécanique : mauvaise,

- Etat physiologique : mauvais,

-Préconisation : abattage.

Evaluation [C] : identique.

En exécution du jugement du 7 janvier 2020, assorti de l'exécution provisoire, dont la suspension a été rejetée par ordonnance du 7 juillet 2020 compte tenu de l'urgence relevée, la Sci Armor Braz a fait procéder à son abattage courant août 2020 par la Sarl M.S.V. Multi-services verts, ainsi que cela résulte de la facture produite en date du 5 août 2020 pour un montant de 1.320 € TTC.

Il résulte néanmoins des observations ci-dessus rappelées que dans sa hauteur mesurée au plus bas (M. [D]), cet arbre était d'une hauteur supérieure à la distance qui le séparait du cabanon [L] et à une distance quasi équivalente de l'habitation [L]. Son état physiologique et mécanique était qualifié de "mauvais" par M. [R] et par M. [D], qui préconisaient l'un et l'autre l'abattage, sous la réserve pour M. [D] du maintien d'une partie de la grume sur pied pour favoriser la biodiversité locale. En cas de chute, dont le risque était particulièrement élevé eu égard à l'état de cet arbre, le cabanon [L], voire l'habitation, étaient susceptibles d'être touchés indépendamment de l'absence de surplomb et en raison des faibles écarts des distances relevées aggravés par la forte déclivité du terrain.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné l'abattage de cet arbre n° 5.

Au total, pour l'ensemble de ces 5 arbres, le défaut d'entretien manifeste caractérisé par l'absence d'élagage, l'absence d'enlèvement des bois morts, des branches longues et surplombantes, des branches cassées, des racines étendues au-delà des limites de propriété est imputable à leur propriétaire la Sci Armor Braz et est constitutif d'une faute impliquant la coupe de ces arbres présentant un état de dangerosité avéré.

Il n'est justifié d'aucune protection particulière par le Plan Local d'Urbanisme, telle qu'elle est alléguée par la Sci Armor Braz, laquelle, en tout état de cause, ne permettrait pas à la Sci Armor Braz d'être dispensée de mettre fin à la situation de danger du fait des arbres dont elle a la responsabilité.

2) Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, la Sci Armor Braz supportera la charge des dépens d'appel. Le jugement sera confirmé s'agissant des dépens de première instance.

Enfin, il n'est pas inéquitable de condamner la Sci Armor Braz à payer à Mmes [L] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles exposés par elles dans la présente instance d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens. Le jugement sera confirmé s'agissant des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc du 7 janvier 2020 en toutes ses dispositions,

Condamne la Sci Armor Braz aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la Scp Elghozi-Geanty-Gautier-Pennec en application de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la Sci Armor Braz à payer à Mmes [M] [L] épouse [O] et [W] [L] la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles d'appel.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/00954
Date de la décision : 31/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-31;20.00954 ?
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