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19/05/2022 | FRANCE | N°22/00261

France | France, Cour d'appel de Rennes, Chambre etrangers/hsc, 19 mai 2022, 22/00261


COUR D'APPEL DE RENNES



N° 127/22 - N° RG 22/00261 - N° Portalis DBVL-V-B7G-SXZA



JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT



O R D O N N A N C E





article L 3211-12-4 du code de la santé publique



Nous, Jean-Denis BRUN, Conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Patricia IBARA, greffière,



Statuant sur l'appel formé par courriel reçu le 13 Mai 2022 à 0

9 heures 18 par Me Valérie CASTEL-PAGÈS, avocat au barreau de RENNES pour :



Mme [W] [Y]

née le 20 Avril 1980 à RENNES (35040)



hospitali...

COUR D'APPEL DE RENNES

N° 127/22 - N° RG 22/00261 - N° Portalis DBVL-V-B7G-SXZA

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

O R D O N N A N C E

article L 3211-12-4 du code de la santé publique

Nous, Jean-Denis BRUN, Conseiller à la cour d'appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique, assisté de Patricia IBARA, greffière,

Statuant sur l'appel formé par courriel reçu le 13 Mai 2022 à 09 heures 18 par Me Valérie CASTEL-PAGÈS, avocat au barreau de RENNES pour :

Mme [W] [Y]

née le 20 Avril 1980 à RENNES (35040)

hospitalisée à L'EPSM du Morbihan à Saint-Avé puis transférée au centre hospitalier GUILLAUME REGNIER de Rennes,

ayant pour avocat Me Valérie CASTEL-PAGÈS, avocat au barreau de RENNES

d'une ordonnance rendue le 12 Mai 2022 par le Juge des libertés et de la détention de VANNES qui a maintenu la mesure d'hospitalisation complète ;

En présence de Mme [W] [Y], régulièrement avisée de la date de l'audience, assistée de Me Valérie CASTEL-PAGÈS, avocat

En l'absence de représentant du préfet du MORBIHAN, régulièrement avisé, ayant fait valoir ses observations par courriel,

En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait valoir ses observations par avis écrit,

En l'absence de représentant des établissements de soins, régulièrement avisés,

Après avoir entendu en audience publique le 19 Mai 2022 à 11 H 00 l'appelante et son avocat en leurs observations,

Avons mis l'affaire en délibéré et ce jour, après en avoir délibéré, avons rendu par mise à disposition au greffe la décision suivante :

Madame [W] [Y] a été hospitalisée sur décision du Directeur de l'EPSM du Morbihan du 09 avril 2022 à la demande d'un tiers, Madame [L] [Y], sa mère.

Le 12 avril 2022 le Directeur de l'EPSM a maintenu cette hospitalisation et a saisi le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Vannes le même jour.

Par ordonnance du 20 avril 2022 le juge des libertés et de la détention a dit que la procédure était régulière et sur le fond a maintenu la mesure d'hospitalisation complète.

Cette ordonnance a été notifiée le même jour Madame [Y].

Par déclaration motivée du 24 avril 2022 reçue le 25 avril 2022 Madame [Y] a formé appel de cette ordonnance.

Madame [Y] a notamment contesté les motifs de son hospitalisation en soutenant que les critères de l'hospitalisation à la demande d'un tiers n'étaient pas remplis.

L'audience a été fixée au 02 mai 2022.

Selon avis du 27 avril 2022 le Procureur Général a sollicité la confirmation de l'ordonnance.

Le 27 avril 2022 le Docteur [E] [G] a établi un certificat de situation constatant que l'état mental de Madame [Y] nécessitait le maintien de la mesure d'hospitalisation complète.

Le 02 mai 2022 l'Avocat de Madame [Y] a établi des conclusions.

A l'audience, Madame [Y] est assistée de son Avocat.

Le Conseiller rapporteur soulève d'office l'irrecevabilité des conclusions formées ce jour au-delà du délai de dix jours.

L'Avocat de Madame [Y] soutient que cette dernière était représentée par un Avocat dans le cadre d'une procédure avec représentation obligatoire et que la date de notification de l'ordonnance étant inconnue, ses conclusions sont recevables.

Elle soutient, comme dans sa déclaration d'appel, que les conditions de l'hospitalisation à la demande d'un tiers n'étaient pas remplies en ce que le risque grave d'atteinte à son intégrité physique n'était pas caractérisé.

Elle ajoute que les dispositions des articles L3211-3 et L3211-2-2 du Code de la Santé Publique n'ont pas été respectées et sollicite la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète.

Les autres parties n'ont pas comparu.

Par ordonnance du 02 mai 2022 à 14 heures le Conseiller Délégué par le Premier Président de la Cour d'Appel a constaté que le certificat initial du Docteur [V] [F] du 09 avril 2021, partiellement illisible décrivait des troubles mais ne contenait aucune mention ni aucun élément caractérisant un risque grave à l'intégrité de Madame [Y] puisque s'il faisait état d'une mise en danger il ne la décrivait pas et reproduisait la description des troubles décrits par la tierce personne ayant formé la demande d'admission et constatait l'absence d'éléments médicaux décrivant l'état de Madame [Y] à la date de l'audience, ordonnait la mainlevée de la mesure d'hospitalisation et disait n'y avoir pas lieu de différer la mainlevée en vue de la mise en place d'un programme de soins.

Le 02 mai 2022 à 17 h 40 le Docteur [D], médecin généraliste, établissait un certificat décrivant les troubles de la patiente et précisant qu'il existait des risques graves d'atteinte à son intégrité physique.

Sur la base de ce certificat, le Préfet du Morbihan décidait de l'hospitalisation complète de Madame [W] [Y] par arrêté du 02 mai 2022 au visa des dispositions de l'article L 3213-1 du Code de la Santé Publique en considérant que les troubles mentaux de Madame [W] [Y] nécessitaient des soins et compromettaient la sûreté des personnes ou portaient atteinte, de façon grave, à l'ordre public et rendaient son admission en soins nécessaire.

Par décision du 05 mai 2022 le Préfet du Morbihan maintenait la mesure d'hospitalisation complète.

Sur requête du Préfet du Morbihan, le 12 mai 2022 le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Vannes autorisait le maintien de la mesure d'hospitalisation complète.

Par déclaration motivée du 12 mai 2022 reçue le 13 mai 2022 Madame [W] [Y] formait appel de cette ordonnance.

Cette déclaration était complétée par son Avocat selon écritures du 13 mai 2022 et du 17 mai 2022.

Elle soutient en premier lieu que les dispositions des articles L3211-1 alinéa 1er et L3215-1 1° du Code de la Santé Publique n'ont pas été respectées en ce que la mesure d'hospitalisation complète a été levée le 02 mai 2022 par ordonnance du Conseiller Délégué par le Premier Président notifiée au Directeur de l'EPSM du Morbihan le même jour à 14 h 09 mn et en second lieu que les conditions de l'article L3212-1 du Code de la Santé Publique n'étaient pas remplies en ce qu'il n'était pas constaté dans le certificat médical initial que la sûreté des personnes était compromise et qu'il était porté atteinte de façon grave à l'ordre public.

Selon avis du 13 mai 2022 le Procureur Général a sollicité la confirmation de l'ordonnance attaquée en relevant que la nouvelle mesure d'hospitalisation était régulière en ce qu'elle était motivée par des éléments nouveaux postérieurs à la décision du Conseiller délégué.

Le 13 mai 2022 le Greffe a reçu un certificat du Docteur [Z] [A] attestant du transfert de Madame [W] [Y] de l'EPSM du Morbihan vers le Centre Hospitalier Guillaume Régnier le même jour.

Le 17 mai 2022 l'Avocat de Madame [Y] a complété sa déclaration d'appel.

Il soutient au visa des articles L3211-12-1, R3211-7 et R3211-10 du Code de la santé Publique et 112 du Code de Procédure Civile que le signataire de l'arrêté portant hospitalisation du 02 mai 2022 n'avait pas qualité.

Par mémoire du 18 mai 2022 le Préfet du Morbihan a répondu partiellement aux conclusions du 17 mai 2022 et a joint à ce mémoire son arrêté du 16 septembre 2021 portant délégation de signature.

Il soutient que les conditions de l'article L3213-1 du Code de la Santé Publique étaient réunies le 02 mai 2022 en se fondant sur le contenu des certificats des 24 heures et des 72 heures.

Par conclusions du 18 mai 2022 l'Avocat de Madame [W] [Y] a répondu au mémoire du Préfet.

A l'audience Madame [Y] est assistée de son Avocat.

Elle fait développer oralement l'intégralité des moyens de procédure et de fond de ses écritures des 12, 13, 17 et 18 mai 2022, décrit les conditions dans lesquelles elle a été contrainte d'attendre qu'un médecin lui délivre une ordonnance le 02 mai 2022 après-midi après la décision du Conseiller délégué, pour finir par comprendre qu'une nouvelle hospitalisation était en cours. Elle souligne également que le Docteur [D] a établi son certificat à 17 h 40 mn mais le Préfet n'a adressé sa décision à l'EPSM qu'à 21 h 54 minutes le soir et que pendant cette période elle était retenue sans droit ni titre.

Elle souligne que le centre hospitalier n'a pas adressé le certificat prévu à l'article L3211-12-4 du Code de la Santé Publique et conclut à la mainlevée immédiate de la mesure d'hospitalisation.

Elle sollicite le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

MOTIFS

Les articles R3211-18 et R3211-19 du Code de la Santé Publique disposent d'une part que l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son délégué, dans un délai de dix jours à compter de sa notification et d'autre part que le premier président ou son délégué est saisi par une déclaration d'appel motivée transmise par tout moyen au greffe de la cour d'appel.

L'appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.

- Sur l'incompétence du signataire de l'arrêté du 02 mai 2022 et de l'auteur de la saisine du juge des libertés et de la détention,

Il y a lieu de constater que le Préfet produit son arrêté du 16 septembre 2021 portant délégation de signature de Monsieur [M] [I] à Monsieur [O] [N] en son absence visant l'article L3213-1 du Code de la Santé Publique.

Il se déduit des termes de cet article 6 de cet arrêté que Monsieur [M] [I] a une délégation de signature du Préfet pour les décisions relevant du champ d'application de l'article L3213-1 du Code de la Santé Publique, incluant la saisine du juge des libertés et de la détention.

- Sur les conditions de l'hospitalisation,

L'article L3213-1 du Code de la Santé Publique, visé par le Préfet du Morbihan dans sa décision d'admission en hospitalisation complète du 02 mai 2022 est ainsi rédigé':

I.-Le représentant de l'Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d'un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d'un psychiatre exerçant dans l'établissement d'accueil, l'admission en soins psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l'admission en soins nécessaire. Ils désignent l'établissement mentionné à l'article L. 3222-1 qui assure la prise en charge de la personne malade.

Le directeur de l'établissement d'accueil transmet sans délai au représentant de l'Etat dans le département et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l'article L. 3222-5 :

1° Le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 3211-2-2 ;

2° Le certificat médical et, le cas échéant, la proposition mentionnés aux deux derniers alinéas du même article L. 3211-2-2.

II.-Dans un délai de trois jours francs suivant la réception du certificat médical mentionné à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 3211-2-2, le représentant de l'Etat dans le département décide de la forme de prise en charge prévue à l'article L. 3211-2-1, en tenant compte de la proposition établie, le cas échéant, par le psychiatre en application du dernier alinéa de l'article L. 3211-2-2 et des exigences liées à la sûreté des personnes et à l'ordre public. Il joint à sa décision, le cas échéant, le programme de soins établi par le psychiatre.

Dans l'attente de la décision du représentant de l'Etat, la personne malade est prise en charge sous la forme d'une hospitalisation complète.

III.-Lorsque la proposition établie par le psychiatre en application de l'article L. 3211-2-2 recommande une prise en charge sous une autre forme que l'hospitalisation complète, le représentant de l'Etat ne peut modifier la forme de prise en charge des personnes mentionnées au II de l'article L. 3211-12 qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9.

IV.-Les mesures provisoires, les décisions, les avis et les certificats médicaux mentionnés au présent chapitre figurent sur le registre mentionné à l'article L. 3212-11.'»

En l'espèce, le Docteur [X] [D] a fait les constatations suivantes dans son certificat du 02 mai 2022 à 17 h 40 mn':

«'patiente 40 ans présentant une décompensation maniaque avec non adhésion aux soins et prise thérapeutique aléatoire': persistance d'une logorhée avec des coqs à l'âne, altération du jugement sans conscience des conséquences notamment professionnelles sur déni des troubles': il existe des risques graves d'atteinte à son intégrité.'»

Il y a lieu de constater que les termes de l'article L3213-1 du Code de la Santé Publique':

«'sûreté des personnes» ou «atteinte, de façon grave, à l'ordre public» sont absents de ce certificat.

Les mentions de ce certificat ne permettent pas non plus, à défaut d'emploi de ces termes, de les déduire des constatations. En effet il n'existe aucune description d'un lien de causalité entre les troubles décrits et la sûreté des personnes et l'ordre public, d'autant que Madame [W] [Y] était toujours dans les locaux de l'EPSM au moment de la rédaction de ce certificat.

Il y a lieu de constater d'ailleurs que dans son mémoire du 17 mai 2022 le Préfet soutient le bien fondé de la mesure d'hospitalisation en se référant à des éléments médicaux postérieurs à sa décision et qui, effectivement caractérisent à posteriori les conditions de l'article L3213-1 du Code de la Santé Publique.

Il convenait, si les troubles constatés 24 heures après la décision d'admission, existaient le 02 mai 2022, de les constater, étant rappelé que lors de l'audience du 02 mai 2022 il avait été pris acte que l'hôpital n'avait transmis aucun élément médical récent.

A la date de la décision d'hospitalisation les conditions de l'article L3213-1 du Code de la Santé Publique n'étaient pas réunies.

La procédure est irrégulière et l'ordonnance du juge des libertés et de la détention doit être infirmée.

Il convient de constater que ni le Directeur du Centre Hospitalier ni le Préfet du Morbihan ne communiquent au Greffe de la Cour d'appel le certificat médical relatif à l'état de santé de Madame [W] [Y] prévu par l'article L3211-12-4 du Code de la Santé Publique.

Il est observé que le dernier avis de situation ou certificat médical constatant l'état de santé de Madame [W] [Y] est daté du 13 mai 2022 et est en réalité un certificat de transfert.

La mainlevée de la mesure d'hospitalisation prendra effet immédiatement en l'absence d'élément médical constatant la nécessité de soins.

PAR CES MOTIFS,

Déclarons l'appel recevable,

Accordons à Madame [W] [Y] le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire,

Infirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Vannes du 12 mai 2022 et statuant à nouveau disons que la procédure et irrégulière et ordonnons la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète sans délai,

Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.

Ainsi jugé le 19 mai 2022 à 15 heures.

LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION,

Jean-Denis BRUN, Conseiller

Notification de la présente ordonnnance a été faite ce jour à Mme [W] [Y] , à son avocat, au CH et ARS/tiers demandeur/curateur-tuteur

Le greffier,

Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.

Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général, PR et JLD

Le greffier


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : Chambre etrangers/hsc
Numéro d'arrêt : 22/00261
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;22.00261 ?
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