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17/05/2022 | FRANCE | N°20/00473

France | France, Cour d'appel de Rennes, 1ère chambre, 17 mai 2022, 20/00473


1ère Chambre





ARRÊT N°192/2022



N° RG 20/00473 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QNHG













M. [D] [I]

Mme [Y] [I]



C/



Mme [R] [M]























Copie exécutoire délivrée



le :



à :











RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 MAI 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre entendue en son rapport

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,





GREFFIER :



Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors ...

1ère Chambre

ARRÊT N°192/2022

N° RG 20/00473 - N° Portalis DBVL-V-B7E-QNHG

M. [D] [I]

Mme [Y] [I]

C/

Mme [R] [M]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Aline DELIÈRE, Présidente de chambre entendue en son rapport

Assesseur : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 01 mars 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 17 mai 2022 par mise à disposition au greffe, après prorogation du délibéré annoncé au 3 mai 2022 à l'issue des débats

****

APPELANTS :

Monsieur [D] [I]

né le 04 Décembre 1963 à [Localité 5] ([Localité 5])

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Valérie POSTIC de la SELARL ATHENA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de QUIMPER

Madame [Y] [B] épouse [I]

née le 29 Août 1963 à [Localité 8] ([Localité 8])

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Valérie POSTIC de la SELARL ATHENA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉE :

Madame [R] [M]

née le 01 Mars 1985 à [Localité 6] ([Localité 6])

[Adresse 4]

[Localité 7]

Représentée par Me Jean-David CHAUDET de la SCP JEAN-DAVID CHAUDET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Gaëlle MEILHAC, Plaidant, avocat au barreau de LYON

FAITS ET PROCÉDURE

M. [D] [I] et les époux [D] [I] et [Y] [B] étaient propriétaires, à [Localité 7] de Palud (69), d'une maison composée de deux parties, séparées par un mur de refend, qu'ils avaient percé au rez-de-chaussée et au premier étage, pour réunir les deux parties.

Après avoir refermé les ouvertures et rétabli la séparation, les époux [I] ont, le 27 novembre 2014, vendu à Mme [R] [M] une des parties du bâtiment, soit une maison d'habitation avec cave, un étage, combles et jardin, à l'adresse du [Adresse 4] à [Localité 7] (69), au prix de 185 000 euros.

M. [I] est resté propriétaire de l'autre partie de la maison, au numéro 80, que les époux [I] ont quittée en juillet 2014. Courant 2015, M. [I] a mis la maison en vente puis à compter du 13 avril 2018 l'a donnée en location. Les locataires ont acquis la maison le 2 juin 2021 au prix de 188 000 euros.

A compter de l'année 2015 Mme [M] s'est plainte auprès des époux [I] d'un défaut d'isolation phonique.

Par courrier recommandé du 12 septembre 2016, elle leur a adressé une mise en demeure de lui payer une indemnité de 60 000 euros au titre des vices cachés liés au défaut d'isolation phonique de la maison.

Saisi le 28 novembre 2016 par Mme [M], le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon, a, par ordonnance du 6 février 2017, désigné M. [F] [K] comme expert. Celui-ci a déposé son rapport le 7 juin 2018.

Le 19 novembre 2018, Mme [M] a assigné les époux [I] devant le tribunal de grande instance de Quimper en garantie des vices cachés.

Par jugement du 17 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Quimper a :

-condamné solidairement les époux [I] à payer à Mme [M] une indemnité de 9000 euros au titre de son action estimatoire outre 2200 euros au titre de son préjudice de jouissance et 100 euros par mois de juillet 2019 jusqu'à la fin des travaux d'isolation acoustique du mur mitoyen,

-condamné solidairement les époux [I] aux dépens comprenant les frais d'expertise judiciaire et à payer à Mme [M] une indemnité de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné l'exécution provisoire.

Les époux [I] ont fait appel le 21 janvier 2020 de l'ensemble des chefs du jugement.

Ils ont payé, en exécution du jugement, la somme de 20 099,24 euros le 25 mai 2020, la somme de 600 euros le 25 septembre 2020, la somme de 200 euros le 28 mai 2021. Mme [M] a réalisé des travaux dans la maison entre octobre et décembre 2020.

Les époux [I] exposent leurs moyens et leurs demandes dans leurs dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 24 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé.

Ils demandent à la cour de :

-débouter Mme [M] de toutes ses demandes en cause d'appel,

-réformer le jugement en tous ses chefs.

Ils demandent à la cour, statuant à nouveau, de :

-écarter le rapport d'expertise de M. [K] des débats,

-dire que l'isolation acoustique entre les deux logements constitue un défaut apparent connu de l'acquéreur.

A titre subsidiaire, ils demandent à la cour de :

-appliquer la clause exonératoire de garantie figurant à l'acte authentique,

-débouter Mme [M] de son action estimatoire.

-limiter l'indemnité allouée à Mme [M] à la somme de 6 823,86 euros.

En toute hypothèse ils demandent à la cour de :

-débouter Mme [M] de sa demande d'expertise,

-la débouter de toutes ses demandes,

-la condamner aux entiers dépens de référé, de première instance et d'appel et la condamner à leur payer la somme de 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [M] expose ses moyens et ses demandes dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées le 31 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé.

Elle demande à la cour de :

-rejeter toutes demandes contraires,

-confirmer le jugement sauf en ce qui concerne le quantum de l'action estimatoire.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de :

-condamner les époux [I] à lui payer la somme de 30 000 euros au titre de l'action estimatoire.

A titre subsidiaire, elle demande à la cour de :

-condamner les époux [I] à lui payer la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice pour défaut d'information et celle de 9000 euros pour le préjudice de jouissance, sauf à parfaire au jour de l'arrêt.

En toute hypothèse, elle demande à la cour de :

-condamner les époux [I] aux entiers dépens,

-les condamner à lui payer la somme de 6500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE L'ARRÊT

1) Sur le rapport d'expertise judiciaire et la preuve des défauts acoustiques

Les époux [I] contestent la portée du rapport d'expertise et demandent à la cour de ne pas en tenir compte. Ils n'en demandent pas la nullité.

Ils critiquent le rapport d'expertise au motif qu'il ne permet pas de prouver l'existence du vice caché sur lequel les demandes de Mme [M] sont fondées.

Ils avancent plusieurs griefs à l'encontre du rapport d'expertise et en déduisent que la cour ne peut en tenir compte.

L'expert n'a pas répondu à sa mission qui était :

«'' Déterminer l'existence des nuisances alléguées dans l'assignation et effectuer notamment toute mesure sonométrique utile pour constater et apprécier les nuisances, sonores ou vibratoires,

' Décrire de façon détaillée et motivée la cause de ces nuisances,

' Dire notamment si le mur séparatif du bâtiment a été érigé conformément aux règles de l'art pour réaliser une isolation phonique réciproque des deux habitations,

' Fournir tout élément permettant de déterminer les responsabilités encourues. »

Il ressort bien cependant du rapport d'expertise que l'expert a, après avoir décrit le bâtiment et son histoire, examiné et décrit les travaux de rebouchage des deux ouvertures, réalisé des mesures acoustiques portant sur les bruits aériens et sur les bruits de choc, analysé ces mesures et relevé des non-conformités, puis donné son avis sur l'origine des désordres en y intégrant l'exécution non conformes aux règles de l'art des travaux de fermeture des ouvertures.

Il lui est reproché de s'être appuyé sur les normes acoustiques qui ne sont pas applicables au bâtiment.

Si l'expert, pour évaluer la qualité acoustique des lieux, a pris comme références les contraintes réglementaires fixées par l'article R111-4 du code de la construction et de l'habitation (complété par l'arrêté ministériel du 30 juin 1999) il a pris le soin de préciser qu'elles ne sont pas applicables en l'espèce, compte-tenu de l'ancienneté du bâtiment.

Il ne peut lui être reproché de s'être appuyé sur les normes actuelles, comme point de départ de sa démonstration. Il faut comprendre de son rapport, non que ces normes sont obligatoires en l'espèce, mais que le niveau actuel des bruits provenant de la maison voisine, dans la maison de Mme [M], est excessif par rapport à cette norme.

Il lui est reproché d'avoir mentionné dans son rapport que, la réglementation acoustique ne s'appliquant pas, la jurisprudence exige cependant que l'acoustique ne soit pas dégradée par des travaux de rénovation et de modification des locaux. D'une part, cette mention de la jurisprudence dans le corps de son rapport n'invalide pas celui-ci, comme le rappelle le tribunal. D'autre part, il ressort de son rapport et il conclut clairement que l'ouverture puis la fermeture, effectuée sans respect des règles de l'art, des passages reliant les deux habitations, ont dégradé leur isolation acoustique, ce qui constitue un avis sur les causes factuelles des désordres et non une appréciation d'ordre juridique.

L'expert estime que la source du bruit excessif est à la fois la structure de l'immeuble, soit des solives communes aux planchers des deux habitations, surtout au niveau du plancher de l'étage en raison de l'ouverture créée et rebouchée sous ce plancher, et le défaut de qualité des travaux de fermeture des deux ouvertures.

Le résultat des mesures est reproduit en annexe 3 du rapport d'expertise. Par rapport à la norme actuelle (53 dB au moins pour les bruits aériens et 58 dB au plus pour les bruits de chocs, avec une marge de tolérance de 3 dB), la norme n'est pas atteinte en ce qui concerne les bruits aériens dans la chambre 1 de la maison située au n°80 et le bureau de l'autre maison (49 dB) et entre la chambre 2 de la maison située au n°80 et la chambre de l'autre maison, soit au dessus de l'ancienne ouverture du rez-de-chaussée, et en ce qui concerne les bruits de chocs entre la chambre 2 de la maison située au n°80 et la chambre de l'autre maison (62 dB).

L'expert précise que le niveau du bruit se situe dans l'intervalle de tolérance entre le bureau de Mme [M] à l'étage et la chambre de l'autre maison et expose que la non-conformité des bruits de choc entre les deux chambres de l'étage, séparées par le mur de refend, est exceptionnelle et indicatrice d'un défaut structural majeur. Il ajoute que les valeurs, si elles sont inférieures à la norme, sont cependant élevées, voire exceptionnellement élevées, en réponse à un dire, à l'étage de la maison située au n°78 en ce qui concerne les bruits de chocs.

S'agissant de la source des bruits, contrairement à ce qui est soutenu, l'expert explique le mode de construction du bâtiment et le mode de rebouchage des deux ouvertures, en précisant les matériaux utilisés et les défaillances de leur mise en oeuvre, ainsi que l'impact de ces défauts sur l'acoustique de la maison.

Son constat, après sondages du 13 novembre 2017, sur les matériaux utilisés et leur mise en oeuvre pour boucher les ouvertures rejoint celui de l'artisan qui a réalisé les travaux de démolition du mur, en date du 30 octobre 2020, soit le constat de l'existence d'une cloison de 7 centimètres en béton cellulaire complété par de la laine de verre, sur une épaisseur totale de 35 centimètres. De plus le 14 mai 2018, l'expert a réalisé de nouveaux sondages à la suite de la réception d'un dire des époux [I]. C'est donc à tort que ceux-ci lui reprochent l'insuffisance de ses investigations.

Enfin l'expert a bien mentionné que Mme [M] avait supprimé la cloison au rez-de-chaussée entre la cuisine et le salon et fait état des revêtements de sol dans les deux maisons. S'il n'a pas dit dans son rapport que cette transformation avait un impact acoustique, c'est qu'il a estimé qu'il n'y avait pas d'impact acoustique.

La cour, comme le tribunal, prendra donc en compte le rapport d'expertise pour statuer sur les demandes formées devant elle.

2) Sur le vice caché

Dans leurs conclusions devant la cour, les époux [I] reconnaissent finalement l'existence d'émergences sonores anormales, qu'ils attribuent à l'ancienneté de l'immeuble.

L'article 1641 du code civil sur lequel Mme [M] fonde sa demande dispose : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus'».

La cour, comme le tribunal, estime au vu du rapport d'expertise et des points relevés ci-dessus qu'il est établi que lors de l'acquisition de la maison située au n°78 il existait bien un vice tenant au défaut d'isolation acoustique suffisant de la maison, ce défaut résultant à la fois de la structure du bâtiment, dans lequel les solives des planchers du rez-de-chaussée et de l'étage sont communes, et de la création de deux ouvertures dans le mur de refend et des travaux de rebouchage mal réalisés.

S'agissant des solives, il ressort de l'expertise que les vibrations des planchers sont transmises d'une partie à l'autre du bâtiment par des ondes de flexion qui se propagent le long des solives, notamment au niveau du plancher bas de l'étage, car les solives ne reposent plus sur une base assez raide en raison de l'ouverture créée dans le mur de refend avec pose d'une poutre IPN moins raide que le mur de refend.

S'agissant de la fermeture des ouvertures, il ressort de l'expertise qu'elle n'a pas été réalisée dans les règles de l'art : il n'y a pas suffisamment de laine de verre et les parois ne sont pas assez épaisses, de telle sorte qu'il existe des cavités dans les murs rebouchés. De plus les nouvelles cloisons en carreaux de béton cellulaire et les armatures métalliques des plaques BA13 ont été en partie posées directement sur le plancher commun aux deux parties quand elles étaient réunies.

Doit également être relevé que l'expert a constaté qu'il existait un vide important sous le parquet de l'étage, sur lequel reposait la cloison en carreaux de plâtre, qui avait été utilisé, quand les deux maisons étaient réunies, pour le passage de gaines électriques. Il précise que cette cavité crée une fuite acoustique importante qui explique les valeurs élevées entre le bureau de la maison située au n°78 et la chambre 1 de l'autre maison.

Les défauts acoustiques d'un immeuble ancien peuvent être qualifiés de vices cachées s'ils sont importants et si l'acquéreur, non informé, n'a pu s'en rendre compte avant la vente.

En l'espèce, tant l'expertise que les attestations versées à la procédure établissent que le défaut d'isolation acoustique entre les deux maisons est important et dépasse ce qui peut être toléré pour un immeuble ancien.

Notamment l'agent immobilier chargé de la vente en 2015 de la maison restée la propriété des époux [I] atteste avoir relevé, au cours de ses nombreuses visites, un problème d'isolation phonique, les bruits de pas, meubles déplacés, voix et télévision de la maison mitoyenne étant perceptibles. Des témoins qui se sont rendus chez Mme [M] courant 2015 ont pu constater également ce problème quand la maison des époux [I] était visitée après avoir été mise en vente «'comme si les personnes étaient dans la pièce d'à côté'» où quand les époux [I] étaient présents. Le locataire de leur maison, à compter d'avril 2018, a fait le même constat et expliqué s'être habitué à ces nuisances et devoir faire attention à ne pas faire trop de bruit. Dans une attestation circonstanciée, M. [J], l'ancien compagnon de Mme [M], qui a vécu dans la maison de 2015 à 2017 rapporte également les nuisances sonores à l'origine de la présente procédure.

Le défaut d'isolation acoustique ne se révélant qu'à l'usage, c'est à tort que les époux [I] soutiennent que lors de la visite de la maison, Mme [M] a été en mesure de vérifier la qualité de l'acoustique. En outre elle n'a pu prendre conscience de l'ampleur des nuisances sonores que peu à peu, car la maison voisine n'était occupée que ponctuellement depuis le départ des époux [I].

L'attestation du fils des époux [I], qui n'était âgé que de 14 ans en 2014, qui expose que Mme [M] a testé l'acoustique entre les deux maisons, est notamment contredite par celle de M. [J], qui explique que Mme [M] n'a pas pu se rendre compte des nuisances, parce que les bruits de voix et de pas n'ont été émis que depuis le rez-de-chaussée, et non depuis l'étage, et que Mme [M] se trouvait de l'autre côté du mur avec M. [I], qui parlait fort, ce qui ne lui a pas permis de tester effectivement l'acoustique.

Les attestations des personnes qui ont habité la maison située au n°80 ponctuellement pendant des vacances ne sont pas pertinentes, ces personnes ayant occupé le sous-sol, qui jouxte la cave de l'autre maison, de telle sorte que les occupants des deux maisons ne pouvaient se gêner mutuellement.

En outre, Mme [M] ne pouvait se rendre compte, lors des visites de la maison, que les solives étaient communes aux deux maisons et que les deux ouvertures n'avaient pas été rebouchées correctement, pour rétablir l'isolation qui existait avant leur création, ces deux points étant la cause de l'insuffisance d'isolation acoustique entre les deux maisons.

C'est donc à tort que les époux [I] soutiennent que le vice était apparent au moment de la vente et le jugement doit être confirmé pour avoir retenu l'existence d'un vice caché.

3) Sur la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés

L'acte de vente du 27 novembre 2014 stipule en pages 14 et 15 : «'L'acquéreur prend le bien dans l'état où il se trouve au jour de l'entrée en jouissance, sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit, notamment en raison :

-des vices apparents,

-des vices cachés et ce par dérogation à l'article 1643 du code civil.

S'agissant des vices cachés, il est précisé que cette exonération de garantie ne s'applique pas :

-si le vendeur a la qualité de professionnel de l'immobilier ou de la construction, ou s'il est réputé ou s'est comporté comme tel,

-s'il est prouvé par l'acquéreur, dans les délais légaux, que les vices cachés étaient en réalité connus du vendeur.'»

Le tribunal a retenu que les époux [I] connaissaient le défaut d'isolation acoustique de la maison, dans ses deux parties.

Ils ont en effet vécu dans la maison située au n°78 avant d'acquérir la maison voisine et les réunir, et ne pouvaient pas ne pas se rendre compte des nuisances sonores liées au caractère commun des solives du plancher de l'étage. Par ailleurs, ils ont réalisé les travaux d'ouverture au rez-de-chaussée et à l'étage et quelques années plus tard les travaux de fermeture, alors que de tels travaux étaient de nature à dégrader davantage le défaut d'isolation phonique du bâtiment, qu'ils ont réalisé ces travaux sans respect des règles de l'art et qu'ils n'ont pas vérifié l'efficacité de l'isolation acoustique.

Il ressort enfin de l'attestation du 23 avril 2019 de M. [J], qui rapporte les échanges avec les époux [I] à compter du printemps 2015 quand Mme [M] s'est plaint auprès d'eux, qu'ils n'ignoraient pas les défauts d'isolation acoustique entre les deux parties du bâtiment.

Pour autant ils n'ont pas informé Mme [M] de ces défauts avant la vente.

C'est donc à juste titre que le tribunal a refusé d'appliquer la clause d'exclusion de la garantie des vices cachés.

4)Sur la demande au titre de la réduction du prix de vente

Le tribunal a alloué à Mme [M], avant que celle-ci ne réalise les travaux de réparation, sur le fondement de l'article 1644 du code civil, une indemnité de 9000 euros au titre de la réduction du prix de vente, indemnité que Mme [M] demande à la cour de porter à la somme de 30 000 euros.

L'expert estime, son rapport datant de juin 2018, que le coût des travaux de reprise, selon les règles de l'art, de la fermeture des deux ouvertures s'élève à 6823,86 euros TTC, selon un devis du 1er février 2018.

Mme [M] justifie avoir fait réaliser les travaux à la fin de l'année 2020, pour un coût total de 7967,57 euros TTC, se décomposant ainsi :

-4235 euros TTC pour le rebouchage des deux ouvertures,

-2649,35 euros TTC pour la pose du doublage et la mise en peinture,

-588,22 euros TTC pour la dépose et la reprise de l'installation électrique,

-495 euros TTC pour les frais du bureau d'étude ICS.

Les travaux réalisés sont conformes à ceux préconisés par l'expert, qui n'avait pas tenu compte du coût de la maîtrise d'oeuvre et de la reprise de l'installation électrique, et leur coût tient compte de l'augmentation du coût des travaux de construction.

Par ailleurs, un agent immobilier de la société Extramuros atteste le 7 juillet 2020 que la maison située au n°78 valait en 2014, en tenant compte du défaut d'isolation acoustique causé par le solivage commun, entre 160 000 et 165 000 euros.

Enfin, il y a lieu de relever que la maison mitoyenne située au n°80, qui est son pendant, a été vendue au prix de 188 000 euros en juin 2021 aux occupants des lieux. Cette maison dispose d'un terrain (382 m²) moins grand que celui de la maison située au n°78 (933 m²), et est exposée au Nord, soit une situation moins favorable. Ceci étant, comme le rappelle Mme [M], les prix des biens immobiliers ont beaucoup progressé entre 2014 et 2021.

Mme [M] a acquis sa maison au prix de 185 000 euros en novembre 2014.

Les travaux qu'elle a fait réaliser ne portent pas sur la désolidarisation des planchers, travaux que l'expert avait préconisé en phase 2 pour l'obtention d'une bonne qualité acoustique. La qualité acoustique de la maison est donc désormais la même qu'avant la création des ouvertures.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour estime que l'indemnité allouée à Mme [M], correspondant à la différence entre le prix payé et celui qu'elle aurait pu payer si elle avait connu le défaut d'isolation acoustique causé à la fois par le caractère commun du plancher et la mauvaise qualité des travaux de rebouchage des ouvertures, est insuffisante et doit être portée, après infirmation du jugement, à la somme de 20 000 euros.

5) Sur la demande au titre du préjudice de jouissance

Les époux [I] contestent le montant de l'indemnité mensuelle de 100 euros allouée à Mme [M] au titre de son préjudice de jouissance à compter de juillet 2019 et jusqu'à la réalisation des travaux.

Compte-tenu de la valeur locative de la maison située au n°78, soit entre 720 et 750 euros selon les attestations de deux agences immobilières des 31 août et 2 septembre 2021, l'indemnité allouée à Mme [M] par le tribunal a été justement fixée.

Le jugement sera donc confirmé du chef de l'indemnité allouée en réparation du préjudice de jouissance.

6) Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement sera confirmé sur ces deux points.

Parties perdantes en appel, les époux [I] seront condamnés aux dépens et leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

Il n'est pas équitable de laisser à la charge de Mme [M] les frais qu'elle a exposé qui ne sont pas compris dans les dépens et il sera fait droit à sa demande au titre de au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 6000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité allouée à Mme [R] [M] au titre de l'action estimatoire à la somme de 9000 euros,

Statuant à nouveau,

Condamne in solidum M. [D] [I] et Mme [Y] [B] époux [I] à payer à Mme [R] [M] la somme de 20 000 euros au titre de la restitution d'une partie du prix de vente de l'immeuble situé [Adresse 4], à [Localité 7] (69), acquis le 27 novembre 2014,

Les déboute de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Les condamne aux dépens d'appel et à payer à Mme [R] [M] la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20/00473
Date de la décision : 17/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-17;20.00473 ?
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