La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/05/2022 | FRANCE | N°19/01585

France | France, Cour d'appel de Rennes, 2ème chambre, 13 mai 2022, 19/01585


2ème Chambre





ARRÊT N°305



N° RG 19/01585

N° Portalis DBVL-V-B7D-PS7B





(1)







SARL WEST YACHT BROKER



C/



M. [V] [C]

Mme [H] [B]



















Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée















Copie exécutoire délivrée



le :



à :

- Me RENAUDIN

- Me

GAONAC'H









RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 MAI 2022





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Mada...

2ème Chambre

ARRÊT N°305

N° RG 19/01585

N° Portalis DBVL-V-B7D-PS7B

(1)

SARL WEST YACHT BROKER

C/

M. [V] [C]

Mme [H] [B]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me RENAUDIN

- Me GAONAC'H

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 MAI 2022

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Mars 2022

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 13 Mai 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTE :

SARL WEST YACHT BROKER

Holding Charente Océan - [Adresse 1]

Minimes

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Florence BILLARD, plaidant, avocat au barreau de LA ROCHELLE

INTIMÉS :

Monsieur [V] [C]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Madame [H] [B]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentés par Me Arnaud GAONAC'H, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

EXPOSÉ DU LITIGE :

Le 22 juin 2009, la société West Yacht Broker (la société WYB) a vendu à M. [V] [C] et Mme [H] [B] un bateau à moteur d'occasion Ocqueteau Espace 625 Croisière mis en service en 1997, moyennant le prix de 22 000 euros TTC réglé, à hauteur de 18 000 euros, par la reprise par le vendeur de la vedette appartenant aux acquéreurs.

S'étant plaints d'un dysfonctionnement du moteur, M. [C] et Mme [B] ont saisi le juge des référés qui a ordonné une expertise judiciaire, puis, après le dépôt du rapport intervenu le 12 février 2012, ils ont fait assigner la société WYB devant le tribunal de grande instance de Quimper qui, par jugement du 17 décembre 2013, a prononcé la résolution de la vente du navire, ordonné les restitutions du prix de 22 000 euros et du bateau, et condamné la société WYB au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts.

Par arrêt du 3 mars 2017, la cour d'appel de Rennes a confirmé le jugement attaqué sur la résolution de la vente et réformé celui-ci sur certains postes de préjudices.

En exécution de ces décisions, la société WYB a réglé le 11 mai 2017 à M. [C] et Mme [B] une somme totale de 51 626,17 euros, puis a repris le bateau après avoir mandaté un huissier de justice qui, selon procès-verbaux des 29 juin et 7 juillet 2017, a effectué diverses constatations relativement à son état.

Par acte du 16 mars 2018, la société WYB a alors fait assigner M. [C] et Mme [B] devant le tribunal de grande instance de Quimper, à l'effet d'obtenir la réparation du préjudice procédant de la dépréciation de la valeur du bateau restitué du fait des dégradations constatées ainsi que de la disparition de son moteur et d'équipements électroniques de navigation.

Les premiers juges ont, par jugement du 12 février 2019 :

déclaré la demande de dommages-intérêts formée par la société WYB recevable en la forme mais rejetée celle-ci,

rejeté également la demande reconventionnelle de M. [C] et Mme [B] en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive,

condamné la société WYB à payer à M. [C] et Mme [B] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société WYB aux dépens.

La société WYB a relevé appel de cette décision le 7 mars 2019, pour demander à la cour de la réformer et de :

condamner solidairement M. [C] et Mme [B] au paiement de la somme de 11 903 euros,

condamner les mêmes, sous la même solidarité, au paiement d'une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens,

débouter M. [C] et Mme [B] de leur appel incident,

en conséquence, confirmer la décision entreprise sur tous les chefs autres que ceux sur lesquels porte l'appel principal.

M. [C] et Mme [B] demandent quant à eux à la cour de :

à titre principal, dire que les prétentions de la société WYB sont irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée aux décisions précédentes,

en conséquence, débouter la société WYB de ses prétentions,

à titre subsidiaire, confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts formée parla société WYB et condamné celle-ci au paiement d'une indemnité de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

y ajoutant, condamner la société WYB au paiement d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

condamner la société WYB au paiement d'une indemnité de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour la société WYB le 21 novembre 2019, et pour M. [C] et Mme [B] le 26 août 2019, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 13 janvier 2022.

EXPOSÉ DES MOTIFS :

M. [C] et Mme [B] s'opposent à la demande de la société WYB en faisant valoir que les prétentions de l'appelante serait irrecevables comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 17 décembre 2013 et à l'arrêt du 3 mars 2017, ainsi qu'à la jurisprudence établie relative à l'obligation de concentration des moyens à l'occasion de la même instance.

Ce principe ne porte cependant que sur les moyens invoqués par une partie au soutien d'une prétention, mais non sur des demandes nouvelles.

D'autre part, il n'y a pas identité d'objet et de cause au sens de l'article 1355 du code civil entre les demandes formées au cours de la présente procédure et celles sur lesquelles le tribunal de grande instance et la cour ont statué par jugement du 17 décembre 2013 et arrêt du 3 mars 2017.

En effet, la société WYB sollicite à présent la réparation du préjudice résultant, selon elle, de la restitution, consécutivement à la résolution de la vente précédemment prononcée, d'un bateau dégradé et dont le moteur ainsi que des équipements électroniques de navigation étaient manquants.

En outre, si la venderesse avait reconventionnellement demandé à titre subsidiaire, dans la première procédure en résolution de la vente engagée par les acquéreurs à son encontre, que le prix à restituer soit limité à la somme de 4 000 euros, cette prétention n'était nullement causée par l'état du bateau à restituer mais parce qu'elle prétendait que la vente avait été convenue moyennant un prix de 4 000 euros, déduction faite de la valeur de reprise de la vedette de M. [C] et Mme [B], et non de 22 000 euros.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée.

Il résulte de l'article 1352-1 du code civil, dans sa rédaction applicable aux contrats conclus après le 1er octobre 2016, que celui qui restitue la chose répond des dégradations et détériorations qui en ont diminué la valeur, à moins qu'il ne soit de bonne foi et que celles-ci ne soient pas dues à sa faute.

Mais, il était déjà auparavant de jurisprudence établie que si, en cas de résolution d'une vente, le vendeur n'est pas fondé à obtenir une indemnité liée à l'utilisation de la chose vendue ou à l'usure normale résultant de cette utilisation et que l'acquéreur n'est tenu de restituer la chose que dans l'état où elle se trouvait lors de la résolution du contrat, ce dernier doit néanmoins répondre de la dépréciation de la chose lorsqu'il a dégradé ou laissé, par sa négligence, celui-ci se dégrader.

En l'occurrence, la société WYB soutient que le bateau a été restitué dépourvu de l'ensemble du matériel électronique qui l'équipait et sans son moteur, et que son état aurait été fortement dégradé, non par la vétusté ou par son utilisation normale, mais par un manque d'entretien volontaire et un défaut de soins dans ses conditions d'entreposage, ce qui résulterait des procès-verbaux de constat des 29 juin et 7 juillet 2017.

Quand bien même les constatations de l'huissier n'auraient pas été réalisées de façon contradictoire, il demeure que les procès-verbaux de constat ont été dressés par un officier public et contiennent par surcroît divers clichés photographiques corroborant leurs énonciations, de sorte que, contrairement à ce que prétendent M. [C] et Mme [B], ils font donc foi de l'état du bateau jusqu'à preuve contraire.

Toutefois, les acquéreurs ont correctement satisfait à leur obligation de conservation du bateau en le mettant hors d'eau et en le faisant entreposer à sec sur un chantier naval pendant toute la durée de la procédure, rien ne démontrant que les salissures et la rouille recouvrant l'hélice décrites par l'huissier procèdent d'un défaut de soins et non de la simple vétusté ayant affecté un bateau inutilisé entre 2011 et 2017.

D'autre part, la société WYB ne démontre pas que le bateau était, lorsqu'elle l'a vendu à M. [C] et Mme [B], équipé de matériels électroniques de navigation, ce que les intimés contestent en soutenant avoir, au moment de la restitution, repris les équipements qu'il avait eux-mêmes installés.

En revanche, il est constant que le bateau a été restitué sans son moteur, celui-ci ayant été démonté pour les besoins de l'expertise puis conservé en pièces détachées pendant un an dans les locaux du chantier naval où le navire se trouvait entreposé, avant que ce dernier ne s'en débarrasse.

Pour considérer que la restitution du bateau sans son moteur était imputable à la société WYB, et non à M. [C] et Mme [B], les premiers juges ont retenu que le vendeur avait pris un risque dès le début du litige en persistant dans son opposition à reconnaître les défauts malgré un rapport d'expertise qui lui était assez défavorable, puis de nouveau après le jugement rendu en 2013 jusqu'à l'arrêt de la cour d'appel du 3 mars 2017, que les acquéreurs n'étaient ainsi pas responsables de la longueur totale de la procédure, et qu'il ressortait d'un courriel adressé le 13 novembre 2012 à M. [C] et aux conseils des parties par le chantier naval Le Pocher que celui-ci sollicitait des instructions sur le sort du moteur et prévenait que, sans réponse, celui-ci serait 'ferraillé sous 15 jours', de sorte que le vendeur, alerté par l'intermédiaire de son conseil, ne saurait se plaindre de la restitution du bateau sans moteur puisqu'il ne s'est pas opposé à la destruction de celui-ci.

Cependant, rien ne démontre que la société WYB ait fautivement abusé de son droit de discuter en justice la demande de résolution de la vente exercée à son encontre et d'exercer les voies de recours que la loi lui ouvrait, alors, au surplus, que l'expert judiciaire concluait que la casse finale du moteur était partiellement imputable à la négligence de M. [C].

Par ailleurs, il n'appartenait qu'aux seuls acquéreurs, qui étaient alors toujours les propriétaires du bateau, de donner au chantier les instructions nécessaires afin d'assurer la conservation des pièces du moteur en vue de leur permettre de s'acquitter de leur obligation de restitution dans le cas où l'action résolutoire qu'ils avaient fait le choix d'exercer aboutirait.

Il ne peut donc être reproché à la société WYB de s'être abstenue de donner au chantier naval des instructions qu'elle n'avait pas qualité à formuler.

D'autre part, M. [C] et Mme [B] soutiennent à tort que le moteur n'avait plus aucune valeur marchande.

En effet, selon l'expert judiciaire, le moteur pouvait être réparé pour un coût de 13 600,49 euros TTC, soit 11 371,65 euros HT, et ce choix de la réparation était moins onéreuse que l'échange standard du moteur dans la mesure où celui-ci n'était plus commercialisé et que la pose d'un moteur de remplacement de caractérisques différentes aurait impliqué, pour conserver les mêmes performances de vitesse, de remplacer aussi le réducteur et l'hélice pour un coût total de 22 943,44 euros TTC.

Il en résulte que, n'étant plus en mesure de restituer le bateau avec son moteur, les acquéreurs doivent réparer la dépréciation en résultant.

À cet égard, la société WYB fait valoir que, si le bateau avait été restitué dans un état normal d'entretien, équipé de son moteur endommagé et de l'ensemble de ses instruments électroniques, elle aurait pu en tirer un prix de revente de 19 000 euros après avoir effectué les réparations sur le moteur d'un montant de 11 371 euros HT, mais que, étant un professionnel disposant de son propre personnel pour réaliser les travaux, elle aurait fait l'économie du coût de main d'oeuvre de 2 500 euros et pu obtenir une remise de 20 % sur le coût des pièces détachées qui aurait ainsi été réduit à 7 097 euros, si bien que, le bateau étant selon elle devenu économiquement irréparable du fait de son état, son préjudice ressort à la perte de sa valeur diminuée du coût de réparation du moteur, soit 11 903 euros (19 000 - 7 097).

Toutefois, il a été précédemment relevé que seul le défaut de restitution du moteur pouvait être reproché à M. [C] et Mme [B], et la société WYB expose elle-même que, selon le devis communiqué à l'expert judiciaire, le coût de remplacement du moteur manquant avec changement du réducteur et de l'hélice aurait été, déduction faite du coût de main d'oeuvre et de la remise de 20 % sur les fournitures de pièces dont bénéficie les professionnels, de 13 546 euros, de sorte que le remplacement du moteur disparu sur un bateau dont le prix de revente est estimé à 19 000 euros demeure une opération économiquement réalisable.

Il s'en évince que le préjudice de dépréciation du bateau restitué trouve sa mesure dans la différence entre le coût de remplacement du moteur manquant et le coût de la réparation de celui-ci s'il avait été restitué, soit 6 449 euros (13 546 - 7 097).

M. [C] et Mme [B] seront par conséquent condamnés in solidum, après réformation du jugement attaqué, au paiement de la somme de 6 449 euros.

6

Succombants devant la cour, M. [C] et Mme [B] ne sauraient légitiment soutenir que la société WYB aurait abusé de son droit d'agir en justice, de sorte que les premiers juges ont à juste titre rejeté leur demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts.

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de la société WIB l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de la procédure et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Infirme le jugement rendu le 12 février 2019 par le tribunal de grande instance de Quimper en ce qu'il a rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts de la société West Yacht Broker et condamné celle-ci au paiement d'une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;

Condamne in solidum M. [C] et Mme [B] à payer à la société West Yacht Broker la somme de 6 449 euros au titre de la dépréciation du bateau restitué ;

Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions ;

Condamne in solidum M. [C] et Mme [B] à payer à la société West Yacht Broker la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [C] et Mme [B] aux dépens de première instance et d'appel ;

Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19/01585
Date de la décision : 13/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-13;19.01585 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award